Cahier de Chansons

(19ème siècle)

appartenant à

Madeleine Prat

Table

Noël

Raphaël

Ce que c’est qu’aimer

Il reviendra demain matin

Oh là ! là

Le doute

Pensées d’amour

Premier amour

La promenade d’amour

Je vais sécher tes pleurs

Il y a quelque chose là-dessous

Ma pâquerette

Une voix de Nouméa

Les trois numéros

Rose ne parle pas

Le temps des Cerises

Le bravo de Venise

Les quatre rubans

Le portrait de ma tante

La saison des cerisiers

On ne meurt pas d’amour

L’Italienne

Le paradis perdu

Un aveu

Sylvie

Le lilas blanc

Parais à ta fenêtre

L’île d’amour

Elle est au Ciel

Réveillez-vous

Une branche de lilas blanc

Le dernier rendez-vous

Les frais lilas vont fleurir

Les fleurs

La chanson des blés d’or

Bonsoir

Duo de baisers

Romance du bouquet

Napoline

La fille de Roland

Les petits souliers

Impromptu

Romance

Le marchand de sable a passé

Le fuseau de ma grand’mère

La paimpolaise

Noël

(1894 – composé par Mademoiselle Lombard

Pour qu’Emmanuel récite à Papa)

Mon cher petit, m’a dit ma mère,
L’enfant Jésus vient aujourd’hui,
Rendre bien heureux sur la terre
Les enfants sages comme lui

Et si gentil, je vais paraître,
Qu’on pourra dire en me voyant,
Qu’un ange, en mon cœur, vient de naître
Pour mieux aimer Jésus Enfant

Pour mes parents, pour ceux que j’aime,
J’ai demandé joie et santé ;
Et ne m’oubliez pas moi-même,
Petit Noël ai-je ajouté.

Raphaël

Quand le jeune Tobic au foyer paternel
Reprit sa place un soir, après sa longue absence
Le vieillard fit deux parts de sa fortune immense
Tous ces biens sont à vous dit-il à Raphaël.

Ce front pur a gardé le baiser maternel
Et vous avez greffé la foi sur l’innocence
Notre fils vous doit tout, honneur, vertu, vaillance
Il est parti Jacob, il revient Israël.

Votre œuvre fut amour, sacrifice et prière,
Dans ce cœur de vingt ans vous donnez à la terre
Le trésor le plus riche et le plus précieux.

Le guide souriant, dans la main de la mère
Mit la main de l’enfant et répondit au père
Je suis l’ange gardien, ma couronne est aux cieux.

Ce que c'est qu'aimer

Aimer – Connais-tu cette tendre pensée ?
De mon cœur à tes lèvres dis-moi l’as-tu bien pesée
Aimer… c’est vivre de la vie d’une autre
Voilà comment j’aime moi
Et toi comment aimes-tu ?

Je pense à toi quand le soleil se lève
J’y pense encor au déclin de son cours
Et si parfois la nuit je rêve
C’est au bonheur de t’aimer toujours

Mon cœur est renfermé dans un bouton de rose
Vous seul en connaissez la clef
O mon bien-aimé

Il reviendra demain matin

Au pied d’une croix solitaire
Où le vent fait gémir le buis
Pauvre Lise éloignée de ta mère
Pourquoi braver le froid des nuits
Il m’a dit de venir l’attendre
Là sous la croix du grand chemin
Ce soir il aurait du s’y rendre
Il reviendra demain matin      )bis

Cette bague dans mon doigt passée
Où tu dois voir briller l’or
C’est un anneau de fiancée
Je l’étais et le suis encor
Viens mon Justin, viens à l’église
L’autel est prêt pour notre hymen
Ce n’est pas lui, ma pauvre Lise
Il reviendra demain matin      )bis

N’est-ce pas que dans notre vallée
Mon bien-aimé tu reviendras
Je tressailli sous la feuillée
Serait-ce le bruit de tes pas
On m’a dit que tu sépulture
Est levée au pays lointain
Ce n’est pas lui, ma pauvre Lise
Il reviendra demain matin      )bis

Ainsi parlait l’infortunée
On la vit pendant plus d’un mois
A la fin de chaque journée
Assise au pied d’une grande croix
Et levée une fois l’aurore
Lis mourut en attendant Justin
Mais sa voix répétait encor
Il reviendra demain matin      )bis

Oh là ! là

Jeannette fillette avisée
Allait aux champs un beau matin
Et pour éviter la rosée
Dans la luzerne ou dans le thym
Elle retroussait sa jaquette
De ci, de là, comm’ci, comm’ça
A quoi penses-tu donc Jeannette
Oh là ! là ! que montres-tu là
Oh là ! là ! que montres-tu là

2ème Couplet

Juste à point, ça tombe à merveille
Passe Lucas le beau vainqueur
Nez au vent, bonnet sur l’oreille
Les bras en rond la bouche en cœur
Où donc qu’tu vas comm’ça Jeannette
Viens donc par là je te conterai ça…
Ah ! Lucas, je suis une fille honnête
Oh là ! là !  qué que tu me dis donc là !

3ème Couplet

Mais Jeannette était il faut croire
Curieuse – Qui ne l’est pas
Et voulant connaître l’histoire
Sous la feuillée suivit Lucas
Et tout en faisant la causette
L’on va… l’on va… jusqu’à… jusqu’à…
Et ! Lucas tu me chiffonnes c’est bête
Ah ! Lucas qué que tu me fais donc là
Oh là ! Oh là ! Oh là là qué que tu me fais donc là

4ème Couplet

Au sortir du bois, à nuit close
Lucas sifflait d’un air malin
Quant à Jeannette elle était rose
Comme les pommes du jardin
Piteusement baissant la tête
Pleurant par ci, s’cachant par là
Oh Lucas soupirait Jeannette
Oh là ! là ! qué que Maman dira
Oh là ! Oh là ! Oh là là, qué que Maman dira

Le doute

Trois fois on a daigné m’écrire
De ces mots qui donnent l’espoir
Et l’on me dit par un sourire
Qu’on a du plaisir à me voir
Dans mon bonheur, dans ma souffrance
Son cœur est toujours de moitié
Ce n’est pas de l’indifférence
Mais si c’était de l’amitié

Il est présent à ma mémoire
Le jour de ce doux entretien
Où d’un air à le laisser croire
Elle a dit : je vous aime bien
Sans le vouloir une fois même
Je crois qu’elle m’a tutoyé
Tout cela dit bien que l’on m’aime
Mais si c’était de l’amitié

Cette main que vers moi j’attire
Parfois dans la mienne a frémi
Hélas cela ne veut rien dire
On serre la main d’un ami
Mais ce regard dont le langage
Exprime une tendre pitié

Et ce baiser ! … Eh ! quel dommage

Si c’était de l’amitié !

Pensées d'Amour

Quand la brise du soir comme une bonne fée
Passera sur ton front, m’apportant ta pensée,
Quand l’étoile au ciel pur se voilera pour toi,

Pense à moi !

Quand tu verras passer la rapide hirondelle
Revenant tous les ans à son doux nid fidèle
Quand les fleurs du printemps parfumeront le bois

Pense à moi !

Quand pour toi sonnera l’heure à jamais bénie
Où, la main dans la main, on échange sa vie
Quand battra ton cher cœur d’un enivrant émoi

Pense à moi !

Quand tu verras languir d’une trop longue absence
Un triste cœur brisé par trop vive souffrance
Quand de la froide mort il subira la loi

Pense à moi !

Quand, semblable au vaisseau battu par la tempête
Tu chercheras abri pour reposer ta tête,
Quand le livre du ciel se fermera pour toi

Pense à moi !

Premier Amour

Lise, à quinze ans vous êtes demoiselle
Votre regard devient plus langoureux
Bientôt chacun va déployer son zèle
Pour vous glisser des propos amoureux
Or sur ce point plus le trouble s’augmente
Plus d’un flatteur le langage est fleuri
Toute voix plaît qui vous trouve charmante
Vous comprenez, Lise, vous avez ri !

Quand vous saviez bien que douce et gentille
Ces simples goûts qu’à votre âge on défend
Malgré l’ardeur qui, dans vos yeux pétille,
Pour nous alors vous n’étiez qu’une enfant
Mais de vos jours quand l’horizon se dore
Quand vos attraits sont ceux d’une Péri
Quelqu’un est là tout près qui vous adore
Vous comprenez, Lise, vous avez ri !

Toujours ainsi d’une aimable innocente
L’âme perçoit un certain mouvement
Aux frais dehors de sa candeur naissante
Vint se mêler un secret sentiment
L’illusion, fantasque girandole,
Lui laisse voir les ombres d’un mari
Dans chaque humain elle rêve une idole
Vous comprenez, Lise, vous avez ri !

Or aujourd’hui que ce trait de lumière
Pénètre en vous par son noble côté
Lorsqu’au bonheur souriant la première
Votre espoir s’ouvre à la félicité !
Pourquoi dès lors ne pas suivre à la lettre
Ce conseil pur que mon cœur a nourri ?
Faire un heureux… C’est vouloir aussi l’être
Vous comprenez, Lise, vous avez ri !

La Promenade d'Amour

Dis-moi te souvient-il mignonne,
De la promenade d’amour
Que l’an dernier aux jours d’Automne
Nous fîmes au déclin du jour

Ta tête blonde si charmante
Sur mon épaule frissonnante
Vint se poser
Ta paupière était demi close
Moi, je pris sur ta lèvre rose
Un long baiser

L’air de volupté rempli
Je disais tout bas de ma vie
Sois le bonheur
Et toi tu me disais : je t’aime
Ton baiser me brûle, je t’aime
A toi mon coeur

Puis tout à coup sur la verdure,
Au ciel à travers la ramure
Les yeux fixés
Silencieux nous nous assîmes
Là des rênes dorés nous fîmes
Entrelacés

Tout à coup ta voix adorée
De cet extase tant rêvée
Me fit sortir
Rentrons ami murmurait-elle
Je répondis : Pourquoi cruelle
Si tôt partir ?

Je vais sécher ters pleurs

Toi dont le cœur connaît le prix des larmes
Ange tombé sur le bord du chemin
Aux jours d’erreurs où tu vantais tes charmes
Ont succédé les pleurs du lendemain
Depuis ce jour le monde t’abandonne
Seule en ce lieu, poignardée de douleurs
Au nom de Dieu qui juge et qui pardonne
Ange déchu je vais sécher tes pleurs !

Fille du peuple au sein de ta misère
Lorsque tu luttais contre elle chaque jour
Un homme vint et tu le crus sincère
La pauvreté te fit croire en l’amour
Ah par pitié ne jetez pas le blâme
Sur ces enfants dont on fane les fleurs
C’est pour aimer que Dieu créa la femme
Ange déchu je vais sécher tes pleurs !

Quand ce jour-là tu souffrais, pauvre mère
Sachant à peine où reposer ton front
Pour ton enfant, ton seul bien sur la terre
Des préjugés du dévores l’affront
Tous ceux jadis qui rêvaient ta conquête
Te poursuivaient de leurs propos menteurs
Sur ton chemin ils détournent la tête
Ange déchu, je vais sécher tes pleurs !

Ange déchu qui rêvait la famille
But ici bas l’amour maternel
Viens au grand jour, sous le soleil qui brille
Oh ! viens je vais te conduire à l’autel
Pour te relever quand le monde t’abaisse
Heureux d’unir ma vie à tes malheurs
Oh ! viens toi que l’on délaisse
Ange déchu, je vais sécher tes pleurs !

Il y a quelque chose là-dessous

Il y a quelque chose là-dessous

(tir du cor de chasse)

Autrefois ma petite fille
Vous étiez aimable et gentille
Vous aviez le caractère doux
Vous souvenez-vous ?
Maintenant c’est tout le contraire
Vous n’écoutez plus votre mère
Vous riez quand elle est en courroux            )
Il y a quelque chose là-dessous                      ) bis

2ème Couplet

L’an passé aux vacances dernières
Gustave le fils du notaire
S’avisa de vous faire les yeux doux
Vous en souvenez-vous ?
Son départ vous fit de la peine
Vous en pleuriez comme une madeleine
Et vous n’en mangiez pas du tout                 )
Il y a quelque chose là-dessous                      ) bis

3ème Couplet

Le soir après votre prière
Vous dormiez la nuit tout entière
Sans vous interrompre du tout
Vous en souvenez-vous ?
Maintenant l’amour vous appelle
Il vous dit tout vas à l’oreille
Allons ma belle, réveillez-vous                      )
Il y a quelque chose là-dessous                      ) bis

4ème Couplet

Calmez votre courroux ma mère
A notre âge n’aimiez-vous pas à plaire
N’étiez-vous pas tout comme nous
Vous en souvenez-vous ?
Quand vous vous en alliez seulette
Batifoler sous la coudrette
On aurait bien pu dire de vous                      )
Il y a quelque chose là-dessous                      ) bis

Ma Pâquerette

Pâquerette au charmant visage
Au pied si fin, à l’œil si doux
Pourquoi ton cœur est-il volage
Moi je t’aime et je suis jaloux
Tu ne parles que de toilettes
Tu portes perles et velours
Ah ! tu n’es plus ma pâquerette         )
Et je ne suis plus tes amours              ) bis

La pâquerette, fleur timide
Qui fait la parure des champs
N’est ni trompeuse, ni perfide
Elle nous revient au printemps
Mais toi trop belle et trop coquette
Tu ne sais pas aimer toujours
Oh tu n’es plus ma pâquerette           )
Et je ne suis plus tes amours              ) bis

Je crois te voir partout dans l’ombre
Tu ne réponds plus à ma voix
Ton regard est moqueur ou sombre
Quand je t’aperçois dans les bois
Je crois si j’entends la fauvette
Gazouiller à la fin du jour
Que tu m’appelles, Pâquerette           )
Mais tu ne chantes plus l’amour        ) bis

Adieu donc, trop douce chimère
Adieu doux projets d’avenir
Hélas tes serments éphémères
Ne seront plus qu’un souvenir
De ma vie, ingrate fillette
Les regrets vont ternir le cours
Car tu n’es plus ma Pâquerette          )
Et je ne suis plus tes amours              ) bis

Une voix de Nouméa

Quel est ce bruit qui traversant l’espace
Vient de franchir l’immensité des flots
Qui se mêlant à l’ouragan qui passe
A rempli l’air de lugubres sanglots
C’est une voix qui d’un autre hémisphère
Vient dire au nom d’un peuple infortuné
« Rappelez-vous qu’au sommet du Calvaire »          )
« A ses bourreaux le Christ a pardonné »                  ) bis

Amis, songez à l’atroce souffrance
Qui nous torture en cet affreux désert
Ah ! laissez nous revoir la belle France
Pitié mon Dieu, nous avons tant souffert
Loin de vous tous sur cette triste terre
Chacun de nous est-il abandonné ?
« Rappelez-vous qu’au sommet du Calvaire »          )
« A ses bourreaux le Christ a pardonné »                  ) bis

N’oubliez pas que loin de la Patrie
Comme un refuge on appelle la mort
Pour l’exilé la jeunesse est flétrie
Par le cancer qu’on nomme le remord
Loin de tous ceux qu’il chérit et révère
« Rappelez-vous qu’au sommet du Calvaire »          )
«  A ses bourreaux le Christ a pardonné »                ) bis

Si quelquefois dans un radieux songe
L’un de nous voit son beau ciel étoilé
Quel désespoir vient suivre ce mensonge
Et quel réveil pour le pauvre exilé
De l’éternel craignez la loi sévère
Car le pardon par lui fut ordonné
« Rappelez-vous qu’au sommet du Calvaire »          )
« A ses bourreaux le Christ a pardonné »                 ) bis

Elle passa cette plainte navrante
Elle passa suivant le tourbillon
J’entends encor cette voix déchirante
Qui répétait de sillon en sillon
Ah ! laissez nous revoir un père, un frère
Que le bonheur enfin nous soit donné
« Rappelez-vous qu’au sommet du Calvaire »          )
« A ses bourreaux le Christ a pardonné »                 ) bis

Les trois numéros

Pendu au cou de mon amant
En charmante pose
Je le suppliais tendrement
J’avais encor ma rose
Les coups d’œil qu’il me lançait
Sa moustache qu’il retroussait
Voulaient dire bien des choses
Par l’amour entraînés
Nous nous penchions vers les blés
Et voilà du tableau
Le premier numéro

Lorsque nous sortîmes des blés
J’étais chiffonnée
J’avais laissé sur le gazon
Ma rose fanée
Plus heureuse qu’auparavant
Mon fichu s’en allait au vent
Mais l’heure était sonnée
De mes yeux langoureux
Je regardais mon amoureux
Et voilà du tableau
Le deuxième numéro

Pendue au cou de mon amant
Les yeux pleins de larmes
Je le suppliais tendrement
De me nommer sa femme
Non, dit-il j’ai fait serment
A mon roi, mon gouvernement
L’amour est dans les armes
De mes bras il s’échappa
Courant vers son régiment
Et voilà du tableau
Le troisième numéro.

Rose ne parle pas

Ne parle pas Rose je t’en supplie
Car me trahir serait un grand péché
Nul ne connaît le secret d’une amie
Et le secret en mon âme caché
Lorsque l’hiver brisant le nid fragile
Chasse l’oiseau du lointain climat
Si ton cœur pense au malheur qui s’exile
Ne parle pas, Rose, ne parle pas

Dieu nous a dit « Dans ton humble demeure
Garde une place au pauvre à l’orphelin
Donne au vieillard, à la veuve qui pleure
Avec amour la moitié de ton pain »
Si tu l’as fait et quand la cloche tinte
A l’angélus ta voix répond tout bas
Et si tu crois à la parole sainte
Ne parle pas, Rose, ne parle pas

Pardonne moi Rose, je t’en supplie
Si j’ai causé l’éclat de ta douleur
Nul ne connaît le devoir que me lie
Et mon amour à dû ton cher ton cœur
Dieu a voulu nous donner sa clémence
Et du pardon il nous fit une loi
J’ai dans le cœur un rayon d’espérance
Pardonne moi, Rose, pardonne moi.

Le temps des Cerises

Quand vous en serez au temps des cerises
Les gais rossignols et merles moqueurs
Seront tous en fête
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au cœur
Quand vous en serez au temps des cerises
Sifflera bien mieux le merle moqueur

Mais il est bien court le temps des cerises
Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d’oreilles
Cerises d’amour, aux robes pareilles
Tombant sous la feuille en gouttes de sang
Mais il est bien court le temps des cerises
Pendants de corail qu’on cueille en rêvant

Quand vous en serez au temps des cerises
Si vous avez peur des chagrins d’amour
Evitez les belles
Moi, qui ne crains pas les peines cruelles
Je ne vivrai point sans souffrir un jour
Quand vous en serez au temps des cerises
Vous aurez aussi des chagrins d’amour !

J'aimerai toujours le temps des cerises
C'est de ce temps-là que je garde au cœur
Une plaie ouverte
Et Dame Fortune, en m'étant offerte
Ne saura jamais calmer ma douleur
J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au cœur.

Le Bravo de Venise

Devant Saint Marc un homme est en prière
Seul dans la nuit qui couvre ses desseins
C’est le bravo dont la voix mâle et fière
Se mêle au bruit du tonnerre lointain

Refrain

O Sainte Patrie !
Maintenant flétrie
Mon âme attendrie
Te bénit toujours
Que Dieu favorise ma noble entreprise           )
Je veux à Venise rendre les beaux jours                ) bis

2ème Couplet

Ces oppresseurs attirés par la fraude
Ont dit de moi : Voyez c’est un bandit
Et si parfois dans quelque endroit je rôde
Le pauvre peuple en fuyant me maudit

Refrain

3ème Couplet

C’est trop gémir sous des lois étrangères
De mon pays j’ai rêvé le bonheur
Et pour terminer ma longue carrière
J’ai sans regret perdu jusqu’à l’honneur

Refrain

Les Quatre Rubans

Derrière l’église du village
Dans un sentier mystérieux
Existait jadis sous l’ombrage
Un asile délicieux
Une charmante bergerette
Avait fixé là son séjour
Car le cœur de la pauvrette
N’avait jamais connu l’amour
Riche de joie et d’espérance
Comme à cet âge on est heureux
Elle portait son innocence
Un ruban blanc dans ses cheveux

Le lendemain en traversant la plaine
Pour se rendre chez le pasteur
Elle vit près de la fontaine
Le beau page du bon Seigneur
Tout doucement s’approcha d’elle
Elle voulut fuir mais c’est en vain
Restez, restez, mademoiselle,
Dit-il en lui serrant la main
Le lendemain, ah quel mystère
Il lui tressait ses bruns cheveux
Et c’était donc pour lui plaire
Qu’elle mettait un ruban bleu

Enfin pour combattre la France
Le beau page partit un jour
Et lui mit, signe d’espérance
Un ruban vert tout à tour
Matin et soir sur le rivage
La pauvre enfant guidait ses pas
Croyant toujours revoir son page
Mais son page ne revint pas
Seule maintenant triste et rêveuse
On la revoyait chaque soir
Au bord de la mer orageuse
Elle portait un ruban noir.

Le portrait de ma tante

Notre vieille tante Lucile
Nous avait légué son portrait
Trois pieds de haut il mesurait
Il était ma foi peint à l’huile
Au mur Oscar mon tendre époux
Avait pendu notre parente
Nous l’adorions à deux genoux
Le portrait de ma tante

2ème Couplet

Quand vint l’hiver aux sombres voiles
Ce tableau l’ôtant de son clou
A sa place Oscar fit un trou
Pour passer un tuyau de poêle
Ce cadre dis-je où le nicher
Mon cher époux s’impatiente…
Où diable allons-nous accrocher
Le portrait de ta tante

3ème Couplet

Oscar pour chercher une place
A ce tableau récalcitrant
Le jette par terre en jurant
Voyant ça je fais la grimace
Il court après moi le grossier
Me poursuit la prunelle ardente
Mais son pied glisse et son soulier
Crève un œil à ma tante

4ème Couplet

C’est inutile qu’on s’échauffe
Dis-je, tout l’été ce tableau
Cachera le trou du tuyau
Du poêle qui l’hiver nous chauffe
Par la cheminée où souvent
En janvier le vent siffle et chante
L’hiver faisons un paravent
Du portrait de ma tante

5ème Couplet

Mais mon moutard, ô destinée
Vint me dire un jour tout à coup
Maman, maman, j’ai fait un trou
Dans le devant de cheminée
Je regarde, le maladroit
Sans nul respect pour sa parente
Hélas avait fourré son doigt
Dans le nez de sa tante

6ème Couplet

Je fouettai mon fils d’importance
Son papa qui vient l’embrasser
Me dit : Tu ne vas pas laisser
Ici cette croûte je pense
Je veux qu’on l’enlève à l’instant
Qu’on mette ça dans la soupente
Il finit par être embêtant
Le portrait de ta tante

7ème Couplet

J’appelle un marchand de ferraille
Avec un filtre, un vieux chapeau
Deux poêlons je vends ce tableau
Pour faire cesser la chamaille
Le bric à brac d’un air vexé
Prit le tout pour deux francs cinquante
Enfin j’étais débarrassée
Du portrait de ma tante

8ème Couplet

Hier passant par la boutique
De ce brocanteur quel regret
Par terre je vois ce portrait
Dehors attendant la pratique
Jugez, Messieurs, de mon dépit
Un chier que la peinture tente
Lève la patte et rafraîchit
Le portrait de ma tante.

La saison des cerisiers

Voici la saison des cerises
Qui renaît pour les amoureux
Et mon cœur sur l’aile des brises
S’envole vers les pays bleus
Du cerisier de ma jeunesse
Je crois revoir les fruits mûrir
Et Rose, ma folle maîtresse
Avec moi venir les cueillir

Refrain

Du printemps en fleur les premières brises
Soufflent dans la plaine et sur les coteaux
Il faut aller voir mûrir les cerises
Pour les amoureux et pour les oiseaux

2ème Couplet

J’avais deux ans de plus que Rose
Peu d’esprit, Rose l’avait tout
Je ne savais bien qu’une chose
Et c’était de l’aimer beaucoup
La voir, l’adorer, le lui dire
Etait un besoin pour mon cœur
Dans son baiser, dans son sourire
Je voyais briller mon bonheur

Refrain

3ème Couplet

Puis apercevant une échelle
Je grimpais sur le cerisier
D’où je souriais à ma belle
Qui me tendait son tablier
Puis de ces fruits perles vermeilles
Je lui faisais pour l’amuser
Des colliers, des boucles d’oreilles
Qui ne lui coûtaient qu’un baiser

Refrain

4ème Couplet

Sur le passé que rien n’efface
J’aime surtout à revenir
Malgré le temps, malgré l’espace
Tout renaît dans mon souvenir
A l’âge où la vie est si rose
Tout me rappelle mes beaux jours
Je me souviens toujours de Rose
Et de l’arbre de nos amours.

Refrain

On ne meurt pas d'amour

Quand le soleil mourant sur les feuilles jaunies
Descendit ce soir-là, nous nous disions adieu
Quelques oiseaux moqueurs aux notes infinies
Roulaient des mots d’amour qui remontaient vers Dieu
Elle était devant moi belle et presque joyeuse
Sa main entre ma main c’était le dernier jour
D’un siècle de bonheur né d’une année heureuse
On ne meurt pas d’amour      ) bis

Je l’avais rencontré au bal parmi ces folles
Qui vendent le plaisir et vivent de mépris
Ses cheveux ondulés, le son de sa parole
Tout m’attira vers elle et j’en fus vite épris
Je créais de doux mots pour mieux pouvoir lui dire
Qu’oubliant le passé j’essayais chaque jour
De faire de sa vie un éternel sourire
On ne meurt pas d’amour      ) bis

Je croyais que l’amour, l’estime et la fortune
Lui feraient oublier ses turbulentes nuits
Espoir bientôt perdu car deux cents fois pour une
Ses grands yeux noirs aux miens
Ne montraient que l’ennui
A des serments d’hier sa pensée infidèle
Torturait sans pitié mes rêves chaque jour
Il fallait l’oublier, partir s’éloigner d’elle
On ne meurt pas d’amour      ) bis

Je me souviens du jour où je perdis ma mère
Je me souviens encor quelle fut ma douleur
Au moment solennel de la rendre à la terre
Quand les clous du cercueil s’enfonçaient dans mon cœur
Eh bien ! j’ai moins souffert qu’au jour où cette femme
Me laissa triste et seul sans espoir de retour
Et cependant la vie anime encor mon âme
On ne meurt pas d’amour      ) bis

L'Italienne

Puisque tu m’as dit, fière jeune fille
L’âge et le pays de ton fiancé
Puisque j’ai quitté pour toi ma famille
Et le toit rustique où je fus bercé
Puisque je n’ai plus en toi l’espérance
D’unir ma vie à la tienne un jour
Adieu c’en est fait je retourne en France
Savoir où l’on peut oublier l’amour

Refrain

Adieu, mets ta main dans la mienne
Et pour consoler mon erreur
Souviens-toi, belle Italienne      )
De ton ami le voyageur                 ) bis

2ème Couplet

Tu n’as pas dit non, cependant coquette
Quand je t’achetais de beaux anneaux d’or
Toute fille est folle au mot de toilette
Rien qu’en y pensant tu souris encor
Tu disais en toi, je serai plus belle
Il m’aimera mieux quand il reviendra
Adieu c’en est fait car c’est trop, cruelle
Et l’on peut mourir de ce bonheur là

Refrain

3ème Couplet

Mais c’est quand mon bras le soir à la danse
Enlaçait ta taille, il m’avait semblé
Que tes grands yeux noirs dans leur nonchalance
Jetaient un regard par l’amour troublé
Alors ta pensée était en voyage
Et quand mon espoir riait au bonheur
D’un autre que moi tu voyais l’image
Tu croyais sentir ton cœur sur son cœur

Refrain

4ème Couplet

Ton dédain me rend tout à ma patrie
Allant la revoir c’est encor des pleurs
Ainsi que ton cœur mon âme est meurtrie
Ici les regrets, là-bas les douleurs
Laisse moi pleurer les heures sont brèves
Mais tu garderas, c’est mon seul désir
Le tableau naïf de nos plus doux rêves
Dans le médaillon de mon souvenir

Refrain

Le Paradis perdu

C’était dans une fête un soir tiède d’avril
Pour animer le bal vous vous êtes montrée
Et sous le fin tissu dont vous étiez parée
On revoyait Ninon au gracieux profil
Tandis qu’en vos salons tous vous faisaient cortège
Vous suivant à l’écart d’émotion tremblant
Je ramassai tombés en odorante neige
De vos cheveux de jais des grains de lilas blanc

Refrain

Quand vous voyez les lilas refleurir
Vous ignorez ô fière demoiselle
Que l’inconnu qui vous trouva si belle
Tressaille encor (bis) à votre souvenir

2ème Couplet

Alors que tournoyaient au signal de l’archet
Les couples enlacés de la valse enivrante
Déjà tout consumé de passions ardentes
C’était plus que mes yeux mon cœur qui vous cherchait
Dans les moites vapeurs d’une atmosphère ombrée
Ma tête s’embrasant de vos regards de feu
Vous m’aviez tout à coup ainsi reine adorée
De mon aveugle amour fait regretter l’aveu

Refrain

3ème Couplet

Votre triomphe auprès de mille adorateurs
D’un orgueil insensé vous eût vite grisée
Mais tout amour pour vous n’était qu’une risée
Vous aviez mésapris vos charmes enchanteurs
Ah ! pardonnez Marie à mon silence étrange
Car si je demeurais devant vous confondu
C’est qu’en voyant tomber votre beau masque d’ange
Mon cœur prenait le deuil du Paradis perdu

Refrain

Les Rubans d'une Alsacienne

A dix huit ans je sortais de l’église
De mon hymen c’était le premier jour
Un gai soleil, une suave brise
Jetait partout la lumière et l’amour
Tout au bonheur la paupière mouillée
Près d’un époux au cœur loyal et franc
J’étais alors nouvelle mariée
Dans mes cheveux flottait le ruban blanc

Lune de miel, printemps de mariage
Chers souvenirs des beaux jours disparus
En feux follets dans notre cher ménage
Tu resplendis maintenant tu n’es plus
Il m’en souvient de ce temps éphémère
Où chaque soir en dansant l’œil en feu
Dans les salons quand j’étais jeune mère
Dans mes cheveux flottait le ruban bleu

Mais quand du Nord un gros nuage sombre
Sur mon pays semble s’appesantir
L’envahisseur sortant de sa pénombre
Osa rêver de nous anéantir
Bravant la voix des canons en furie
J’armais mon fils pour venger notre affront
Quand l’ennemi mutilait la patrie
Le ruban rouge a flotté sur mon front

J’ai tout perdu fils, époux, pauvre veuve
Je n’ai plus rien à la place du cœur
A mes vieux jours de malheurs Dieu m’abreuve
Je dois ramper sous l’épée du vainqueur
Alsace hélas quand viendra la vengeance
A mon pays, Seigneur, rendez l’espoir
La mort des miens, les malheurs de la France
Ont sur mon front cloué le ruban noir.

Un aveu

Viens mignonne, viens petite
Ma chérie
Approche ton frais minois
Que sur ton front pur et rose
Je dépose
Un baiser… en tapinois

Ta gaieté ta gentillesse
Ta caresse
Remplissent mon coeur d’amour
Dans ta robe de dentelle
O ma belle
Tu brilles plus que le jour

Dans ton œil pur, ma brunette
Se reflète
Ton âme brillant saphir
Sur ta lèvre glisse et passe
Avec grâce
Ton souffle comme un zéphyr

Quand le sourire illumine
O cousine
Ton front clair je dis tout bas
Et c’est mon bonheur suprême
Ah ! je t’aime
Mais tu ne me comprends pas.