6 Juillet 1917

- en France -

Les Allemands ont attaqué violemment sur le Chemin des Dames et sur la rive gauche de la Meuse. Ils ont gagné ça et là quelques éléments de tranchée. Aucun résultat important.

- en Russie -

Les Russes, à la surprise générale ont attaqué en Galicie, sur un front très vaste. Ils ont fait 18 000 prisonniers.

Il paraît qu’un grand nombre de soldats russes se sont formés en bataillons dits « de la mort » et marchent derrière le drapeau rouge. C’est fort bien, mais le mépris de la mort n’est qu’un élément de succès dans la grande guerre actuelle. Il faut bien d’autres conditions qu’on ne trouve guère dans une armée anarchique appuyée sur un pays anarchique.

- en Italie -

Il se confirme que l’offensive italienne a été un échec.

- en Grèce -

Les puissances dites protectrices de la Grèce ont abdiqué Constantin et l’ont remplacé par son second fils Alexandre qui n’est guère qu’un roi de comédie. Venizélos est rentré à Athènes, la Grèce a déclaré la guerre à l’Allemagne. De ce fait, nos communications avec Salonique vont être grandement améliorées. Quant au concours de l’armée grecque ? attendons.

Amérique

La presse fait grand bruit sur le concours des Etats-Unis. Pour le rendre plus tangible et relever notre moral un peu déprimé, des troupes américaines viennent de débarquer en France. Il est évident qu’il s’agit d’effectifs peu importants ; mais enfin le drapeau étoilé sera représenté sur le front. Son apparition est riche d’espérance ! Mais n’oublions pas qu’en Amérique, bien plus encore qu’en Angleterre, tout est à créer dans le domaine militaire.

Dans d’autres domaines, le concours des Etats Unis est immédiat et inestimable.

Les progrès de la défensive sont tels que la voie de l’air est la seule possible pour aller chez l’adversaire.

Les Etats-Unis peuvent nous assurer pour le printemps prochain une écrasante supériorité aérienne.

Le gouffre

Ah ! guerre affreuse. L’effrayant cataclysme s’amplifie chaque jour. La course au gouffre s’accélère. Les meilleurs hommes meurent par milliers. Les milliards s’en vont en fumée. Pendant plus d’un siècle l’humanité devra peiner et souffrir pour payer cette démence.

Où allons-nous. Après la Russie, la révolution gronde en Espagne ; on peut dire qu’elle gronde partout dans le monde. Que sortira-t-il du grand bouleversement ? Mystère. Nous percevons seulement les premiers craquements. Tels sont les résultats précis et tangibles des doctrines socialistes internationalistes. En recherchant soi-disant le bonheur des individus, ils ont par leur erreur funeste amené le massacre et la ruine.

Optimisme - Pessimisme

On continue (ah ! les imbéciles ) à vouloir classer tout le monde dans l’une ou l’autre de ces catégories. On appelle maintenant les optimistes des bourreurs de crâne et les pessimistes des videurs de crâne.

Et nombre de gens ont vite fait de vous traiter de pessimiste. Les ignorants, les imbéciles incapables de réfléchir et de regarder agitent leur grelot et répètent  « tout va bien » préparant ainsi la désillusion et les pires découragements.

Dans une guerre courte, quand il n’y a qu’un coup à frapper, on peut essayer de mentir pour masquer toutes les difficultés et augmenter ainsi tous les courages. Mais dans une guerre aussi longue, l’illusion, au lieu d’être une force, amène les pires dépressions. Il faut avoir confiance, mais une confiance raisonnable et raisonnée ; il faut voir l’obstacle et le danger si on veut pouvoir se préparer à le vaincre et à l’affronter.

L’offensive du 15 Avril

Le ministre de la guerre vient de reconnaître à la Chambre que de grosses erreurs militaires avaient été commises le 15 Avril. On s’en doutait.

Certes « la victoire est le prix du sang » mais elle doit aussi être préparée par des dispositions bien prises et des ordres clairs et surtout exécutables. On ne franchit pas des fils de fer balayés par des mitrailleuses - c’est devenu un axiome militaire.

Cette guerre demande aux officiers et soldats un effort physique et moral absolument inouï, hors de toute comparaison avec celui qui a été fourni par un soldat à aucune autre époque de l’histoire. Dans ces conditions, gaspiller l’effort est un véritable crime.

Les généraux coupables d’impéritie méritent d’être jugés. Mais je dis jugement donc justice et défense de l’accusé.

La tâche des généraux est souvent écrasante et ils ne sont pas toujours libres d’agir à leur guise.

15 Juillet

- en France -

Les Anglais ont essuyé un sérieux échec local au nord de Nieuport.

- en Russie -

Mais le grand événement de la semaine est la continuation de la victorieuse offensive russe en Galicie à l’ouest de Stanislau. Je n’ose encore fonder sur elle un trop grand espoir vu l’état d’anarchie encore si récent de l’armée russe. Il semble qu’elle a été galvanisée par l’étonnante influence d’un homme : Kerenski. Mais l’offensive russe a été facilitée par un intense effet de surprise ; les austro-boches ne s’y attendaient pas.

Il faut s’attendre à une riposte.

Quel malheur que nous ne puissions jamais réaliser l’offensive générale simultanée et prolongée ; la seule qui pourrait donner un résultat militaire sérieux.

Peut-on espérer un réveil complet de la Russie. Nous sommes si mal renseignés sur les évènements russes que je n’ose émettre une opinion.

Ce qui est certain, c’est qu’un effort militaire puissant de la Russie rendrait certaine la défaite militaire de l’Allemagne au plus tard dans une dizaine de mois. Et peut-être même bien avant car je ne crois pas que l’Allemagne continue la lutte quand elle verra la partie perdue et la défaite certaine. A ce moment là, s’appuyant sur sa force militaire restante, elle tâchera d’obtenir une paix suffisante que nous aurons peut-être la bêtise de lui accorder.

Une fois de plus j’écrirai : Par un effort total de tous les Alliés nous pourrons battre militairement l’Allemagne et, à mon avis, il est indispensable que nous ayons une victoire militaire complète sur les Boches.

Mais une victoire de ce genre est subordonnée à une union complète dans l’effort total. C’est la condition suffisante et nécessaire.

23 Juillet

- en Russie -

Comme il fallait s’y attendre les Allemands ont contre attaqué sur le front russe et comme il fallait aussi s’y attendre, le front russe a été enfoncé, des régiments ont pris la fuite. Je ne m’en étonne aucunement, il est plus qu’évident que la Russie ne peut être sauvée que par une dictature, une main de fer mille fois plus dure et plus impitoyable que celle du tsar. Celui-ci en effet avait son prestige millénaire autant religieux que militaire, tandis que le dictateur n’aura que le prestige de la force.

Avoir le cou coupé ou obéir, voilà la seule loi qui puisse rétablir l’ordre en Russie.

Démocratie

Comme c’est beau la démocratie… !

Le peuple est fait pour être gouverné et non pour gouverner. Toute société qui méconnaît cette vérité y est ramenée par la force des choses mais après bien des ruines et des souffrances.

Les Allemands ont attaqué nos positions au nord-ouest de Craonne, c’est une véritable bataille qui se livre avec de gros effectifs des deux côtés.

Société des Nations

Nos démocrates et socialistes, éternels rêveurs, s’en vont répétant « Guerre à la guerre » ; ils croient que la guerre est la dernière des guerres, ils rêvent d’organiser la société des nations…

Mais la guerre civile est souhaitée par (texte illisible du fait de la mauvaise qualité de la photocopie)  guerre étrangère.

De plus ils défendent l’unité allemande qui précisément constitue et constituera la principale menace de guerre en Europe.

Anglais

Depuis trois semaines des milliers de canons anglais couvrent d’explosifs les lignes allemandes d’Arras à la mer. C’est un feu continu infernal qui souvent s’accentue de jour ou de nuit, devenant le feu roulant qui précède en général l’attaque d’infanterie. Celle-ci aura lieu sans doute prochainement.

Lloyd Georges vient de déclarer qu’il y avait sous les armes :

                                                       5 500 000 Anglais

                                                       1 000 000 Anglais des dominions

                                                          650 000 marins

De plus, 10 millions d’anglais travaillent pour la guerre. C’est l’aboutissement de ce formidable travail qui transforme en volcan le front Boche de la mer à Arras. La puissante Angleterre est enfin en plein travail. Espérons et attendons.

Si l’offensive qui s’annonce ne donne encore pratiquement aucun résultat, ce sera fort décourageant.

France

Le ministre de la marine a été contraint de donner sa démission. Dans cette lettre on aurait pu voir pour quels motifs édifiants il a du quitter le pouvoir. Bien entendu cette lettre a été supprimée par la censure.

Quelle loque que ce malheureux vieux Ribot. De compromissions en compromissions, il continue à être entraîné par le courant démocratique et socialiste. Le voudrait-il, pourrait-il même résister.

Où allons-nous.

Bourget citait l’autre jour cette phrase ancienne : « Volontem aucunt, nolentem trahunt » Suivez-les,  elles vous guident, résistez leur, elles vous traînent. Il s’agit des grands principes d’ordre et de bon sens constamment violés hélas par nos utopiques socialistes.

Mais bon gré, mal gré, il faudra bien reconnaître leur vérité si nous voulons être capables de vaincre. La guerre force les esprits sensés et de bonne foi à voir la vérité, à la dégager du fatras démocratique, socialiste, pacifiste prétendu humanitaire. Voilà quel pourrait être le grand bienfait de la guerre. Il faudrait que chacun réfléchisse, à la lueur de la mondiale catastrophe.

Pour le moment, pour que nous puissions vaincre, il faudrait que les Français comprennent qu’il faut une autorité compétente et agissante. Les Anglais se sont donnés Lloyd Georges, les Américains ont Wilson. Les malheureux Russes viennent de se donner Kerenski qui proclame « qu’une autorité de fer » est indispensable. En France, nous n’avons que le lamentable Ribot, triste émanation du chaos parlementaire. Il nous faut une autorité qui commence par fermer les Folies Bourbon, sinon la France ne saurait vaincre.

5 Août

Le 31 Juillet les Anglais ont attaqué sur un front de 20 kilomètres de part et d’autre d’Ypres. Ils ont gagné le terrain bouleversé par la préparation d’artillerie. L’avance atteint deux kilomètres en profondeur – 5000 prisonniers. Une pluie torrentielle et continue a gêné les opérations. En liaison avec les Anglais, les Français ont attaqué au nord sur un front de 4 kilomètres et ont pris Bixshoote.

Hélas, cette grande attaque préparée depuis si longtemps et avec tant de soin n’a pas encore donné des résultats bien importants.

Nous avons remporté quelques succès au Chemin des Dames.

- en Russie -

Le gâchis continue et se développe en Russie. On est fort inquiet de la situation de l’armée roumaine. Elle pourrait se trouver enveloppée si les efforts de Machensen pour pénétrer en Moldavie ne peuvent être arrêtés.

Budget familial

Dépenses de maison en Juin 1917
(comparaison avec 1913)
famille composée de : 2 maîtres, 2 domestiques, 4 enfants
(6ans 1/2 - 5ans 1/2 - 3ans - 1an)
  Quantités dépensées Prix de l'unité Prix Total
    1917 1913 1917 1913
Viande
38 lvs
2,00 la livre
1,10 la livre
78,00
41,40
Oeufs 33 dz. 2,05 la douz. 1,25 la douz. 67,90 41,25
Beurre 12 lvs 3,10 la livre 1,40 la livre 37,15 16,80
Légumes       30,00 23,00
Pommes de terre   0,20 la livre 0,06 la livre 6,00 2,00
Lait 113 l 0,25 le litre 0,20 le litre 28,25 22,60
Pain 120 lvs 1,05 les 5 livres 1,05 les 5 livres 25,25 25,25
Epicerie       48,00 22,50
Chauffage       37,50 12,20
Eclairage       5,00 3,00
Blanchissage       50,00 33,00
Divers       15,00 12,00
Total général 428.05
255,40

Augmentation globale de 68 %
  1917 1913   1917 1913
Fagots 1,00F/pièce 0,50F/pièce Nouilles 4,00F/kg 1,60F/kg
Briquettes 150F/tonne 40F/tonne Vin 0,90/lv 0,45F/l
Cardiff 250F/tonne 50F/tonne Savon 1,5 F 0,50F
Charbon de bois 52F/quintal 16F/quintal Essence 1,00 /l 0,50F/l
Haricots secs 1,30F/litre 0,70F/litre Alcool 4,50F/l 0,60F/l
Sucre 1,75F/kilo 0,80F/kilo Pétrole 4,00/l 2,30F/l
Saindoux 2,40F/livre 1,20F/livre Huile blanche 4,00F:l 2,00F/l
Riz 1,25F/livre 0,60F/livre Huile d'olive 4,50F/l -
Lentilles 1,00F/livre 0,50F/livre      

25 Août

L’offensive méthodique anglo-française se poursuit dans la région d’Ypres ; Langemarck a été pris ainsi que quelques îlots de terrain. Les combats sont violents et acharnés. De quel côté l’usure est-elle la plus forte, voilà ce qui seul serait important à connaître. Les Anglais ont aussi par de fortes attaques gagné quelque terrain au nord de Lens.

Victoire de Verdun

Le 20 Août nos troupes ont attaqué sur les deux rives de la Meuse et par une série d’attaques heureuses ont reconquis en sept jours la presque totalité du terrain que les Allemands nous avaient conquis en 1915 au prix de tant de sang. La côte 304 – Le Mort Homme – La côte de Talou – La côte 344 sont entre nos mains avec 8000 prisonniers.

Voilà un beau coup de boutoir remarquablement asséné par le général Pétain.

La répétition fréquente de tels coups ferait sans doute fléchir le moral Boche.

- en Russie -

L’anarchie continue à se développer en Russie. Kerenski, malgré son énergie ne parviendra pas à construire quelque chose de solide car c’est en somme un socialiste pourri de chimères absurdes comme par exemple celle qui consiste à croire que le peuple russe est capable de se conduire lui-même et de comprendre ses intérêts ! et ceux de la Russie !

Ce serait grotesque en d’autres temps ; mais en ce moment dramatique de l’histoire du monde, c’est bien grave car si ce n’est pas la victoire de l’Allemagne, c’est au moins la prolongation illimitée de la guerre et la ruine de l’Europe.

- en Roumanie -

L’armée roumaine tient tête avec énergie aux puissantes attaques de Mackensen.

NOTE DU VATCAN AUX BELLEGERANTS

Londres, 16 Août

Voici le texte de la Note pontificale, qui est précédée d’une lettre adressée au roi d’Angleterre :

«  Aux chefs des peuples belligérants,

Dès le début de notre pontificat, au milieu des horreurs de la terrible guerre déchaînée sur l’Europe, nous nous sommes proposé trois choses entre toutes : Garder une parfaite impartialité à l’égard de tous les belligérants, comme il convient à celui qui est le père commun et qui aime tous ses enfants d’une égale affection ; nous efforcer continuellement de faire à tous le plus de bien possible, et cela sans exception de personnes, sans distinction de nationalité ou de religion, ainsi que le dicte aussi bien la loi universelle de charité que la suprême charge spirituelle à nous confiée par le Christ ; enfin, comme le requiert également notre mission pacificatrice, ne rien omettre autant qu’il était en notre pouvoir de ce qui pourrait contribuer à hâter la fin de cette calamité, en essayant d’amener les peuples et les chefs à des résolutions plus modérées aux délibérations sereines de la paix, paix juste et durable.

Ce fût notre œuvre pendant les trois douloureuses années qui viennent de s’écouler. On a pu facilement reconnaître que, si nous sommes toujours restés fidèles à une résolution absolue d’impartialité et à notre action de bienfaisance, nous n’avons pas cessé non plus d’exhorter les peuples et les gouvernements belligérants à redevenir frères, bien que la publicité n’ait pas été donnée à tout ce que nous avons fait pour atteindre ce très noble but.

L’appel à la paix

Vers la fin de la première année de guerre, nous adressions aux nations en lutte les plus vives exhortations. De plus, nous indiquions la voie à suivre pour arriver à une paix stable et honorable pour tous.

Malheureusement, notre appel ne fût pas entendu, et la guerre fût poursuivie acharnée pendant deux années encore avec toutes ses horreurs. Elle devînt même plus cruelle et s’étendît sur la terre, sur la mer et jusque dans les airs, et l’on vit s’abattre sur des cités sans défense, sur des villages tranquilles, sur des populations innocentes, la désolation et la mort. Et maintenant personne ne peut imaginer combien se multiplieraient, s’aggraveraient les souffrances de tous, si d’autres mois ou pis encore d’autres années, venaient s’ajouter au sanglant triennat.

Le monde civilisé devra-t-il donc n’être plus qu’un champ de mort ? Et l’Europe si glorieuse et si florissante va-t-elle donc, comme entraînée par une folie universelle, courir à l’abîme et prêter la main à son propre suicide ?

Dans cette situation si angoissante, en présence d’une menace aussi grave, nous qui n’avons aucune visée politique particulière, qui n’écoutons les suggestions ou les intérêts d’aucune des parties belligérantes, mais uniquement poussé par le sentiment du devoir suprême de père commun des fidèles, par les sollicitations de nos enfants qui implorent notre intervention et notre parole pacificatrice par la voix même de l’humanité et de la raison, nous jetons un nouveau cri de paix et renouvelons notre pressant appel à ceux qui tiennent entre leurs mains les destinées des nations.

Mais, pour ne plus nous renfermer dan les termes généraux, comme les circonstances nous l’avaient conseillé par le passé, nous voulons maintenant descendre à des propositions plus concrètes et pratiques, et inviter les gouvernements et les peuples belligérants à se mettre d’accord sur les points suivants, qui semblent devoir être les bases d’une paix juste et durable, en leur laissant le soin de les préciser et de les compléter.

La suprématie du droit

Tout d’abord, le point fondamental doit être qu’à la force matérielle des armes soit substituée la force morale du droit d’où résulte un juste accord de tous pour la diminution simultanée et réciproque des armements, selon des règles et des garanties à établir dans la mesure nécessaire et suffisante pour le maintien de l’ordre public en chaque Etat, et pour la substitution aux armées d’une institution d’arbitrage, avec une haute fonction pacificatrice, selon des règles à concerter et des sanctions à déterminer contre l’Etat qui refuserait, soit à se soumettre les questions internationales à un arbitrage, soit à en accepter les décisions.

Une fois la suprématie du droit ainsi établie, on enlève tout obstacle aux voies de communications des peuples en assurant par des règles à fixer également, la vraie liberté et la communauté des mers, ce qui, d’une part, éliminerait les multiples causes d’un conflit et, d’autre part, ouvrirait à tous de nouvelles sources de prospérité et de progrès.

Quant aux dommages à réparer et aux frais de la guerre, nous ne voyons d’autre moyen de résoudre la question qu’en posant, comme principe général, une contribution entière et réciproque, justifiée, du reste, par les bienfaits immenses à retirer du désarmement, d’autant plus qu’on ne comprendrait pas la continuation d’un pareil carnage, uniquement pour des raisons d’ordre économique.

Les conditions d’un accord

Si, pour certains cas, il existe, à l’encontre, des raisons particulières, qu’on les pèse avec justice et équité.

Mais ces accords pacifiques, avec les immenses avantages qui en découlent, ne sont pas possibles sans la restitution réciproque des territoires actuellement occupés ; par conséquent, du côté de l’Allemagne, l’évacuation totale de la Belgique, avec garantie de sa pleine indépendance politique, militaire et économique vis-à-vis de n’importe quelle puissance ; l’évacuation également des territoires français ; du côté des autres parties belligérantes, semblable restitution des colonies allemandes.

Pour ce qui regarde les questions territoriales, comme, par exemple, celles qui sont débattues entre l’Italie et l’Autriche, entre l’Allemagne et la France, il y a lieu d’espérer qu’en considération des avantages immenses d’une paix durable avec désarmement, les parties en conflit voudront les examiner avec des dispositions conciliantes, tenant compte dans une mesure juste et possible, ainsi que nous l’avons dit autrefois, des aspirations des peuples, et, à l’occasion, en faisant coordonner les intérêts particuliers avec le bien général de la grande société humaine.

Le même esprit d’équité et de justice devra diriger l’examen des autres questions territoriales et politiques, notamment celles relatives à l’Arménie, aux Etats balkaniques, aux territoires faisant partie de l’ancien royaume de Pologne auquel en particulier ses nobles traditions historiques, les souffrances endurées spécialement pendant la guerre actuelle, doivent justement concilier les sympathies des nations.

La réorganisation des peuples

Telles sont les principales bases sur lesquelles nous croyons que doive s’appuyer la future réorganisation des peuples.

Elles sont de nature à rendre impossible le retour de semblables conflits, et à préparer la solution de la question économique si importante pour l’avenir et le bien-être matériel de tous les Etats belligérants. Aussi, en vous le présentant, à vous qui dirigez à cette heure tragique les destinées des nations belligérantes, nous sommes animés d’une douce espérance, celle de les voir acceptées et de voir ainsi terminer le plus tôt possible la lutte terrible qui apparaît de plus en plus comme un massacre inutile.

Tout le monde reconnaît, d’autre part, que, d’un côté, comme de l’autre, l’honneur des armes est sauf. Prêtez donc l’oreille à notre prière ; accueillez l’invitation paternelle que nous vous adressons au nom du divin rédempteur, prince de la paix ; réfléchissez à votre très grave responsabilité devant Dieu et les hommes. De vos résolutions dépendent le repos et la joie d’innombrables familles, la vie de milliers de jeunes gens, la félicité, en un mot, des peuples auxquels vous avez le devoir absolu d’en procurer le bienfait. Que le Seigneur vous inspire des décisions conformes à sa très sainte volonté ; fasse le ciel qu’en méritant les applaudissements de vos contemporains, vous assuriez aussi auprès des générations futures le beau nom de pacificateur »

Du Vatican, 1er août 1917

BENOIT XV

La note du Vatican

Il est indéniable que les intentions du Pape sont excellentes et que ses mobiles sont les plus élevés. De plus il est évident que le Saint Père se posant en conciliateur et médiateur ne veut blesser aucun des belligérants, ce serait vouer à un échec certain sa tentative.

Mais il est clair que nous, Français, nous ne pouvons prendre en considération ses propositions. Une paix conclue en ce moment serait néfaste pour nous et glorieuse pour l’Allemagne qui pourrait s’enorgueillir à jamais de son invincibilité et éviterait tout châtiment pour ses forfaits. Ce serait une paix injuste.

Et c’est pour ce motif que la plus grande partie de la presse de l’Entente est très dure pour la note pontificale. Un reproche au St Père, détenteur de la plus haute autorité morale de ne faire aucune distinction entre le bien et le mal, entre l’agresseur et sa victime. On estime qu’une paix qui ne châtierait pas l’Allemagne serait immorale.

Il est certain que si, précédemment à sa note actuelle le Saint Père avait en temps et lieu condamné solennellement la violation de la Belgique, les atrocités belges, les déportations, sa note aurait bien plus d’autorité et de poids. En se taisant alors, il a diminué l’autorité du trône pontifical.

Mais le Pape peut avoir des lumières divines que nous n’avons pas. Sans doute, pour avoir écrit cette note, est-il convaincu qu’une victoire décisive est également impossible dans les deux camps et qu’une prolongation de la guerre est incapable de modifier la situation respective des belligérants.

Alors il cherche à arrêter la ruine et le massacre. Ce n’est donc que plus tard avec le recul du temps qu’on pourra bien juger de la sagesse de cette note.

1er Septembre

- en France -

Des combats locaux se poursuivent ça et là sur le front.

- en Italie -

Les Italiens ont commencé la 12ème bataille de l’Isonzo avec des forces et des moyens toujours accrus. Des deux côtés on combat avec fureur et des effectifs considérables sont engagés.

Les opérations semblent dirigées avec habileté par le général Cadorna. 30000 Autrichiens sont pris et une position importante, le Monte Santo, a été occupée. Mais derrière le Santo il y a encore d’autres positions. La lutte se poursuit pour le Mt San Gabriele. La route de Trieste n’est pas encore ouverte.

- en Russie -

Le calme se rétablit sur le front. A l’intérieur, la situation demeure grave, il y a simultanément plusieurs gouvernements dont le meilleur ne vaut rien.

2 Septembre

- en Russie -

Les Allemands ont occupé Riga. Plusieurs régiments russes ont lâché pied. L’armée russe se replie. Les Boches vont-ils marcher sur St Petersbourg, mystère. La distance est de 400 kilomètres, la saison est avancée. Ont-ils les effectifs suffisants pour une aussi vaste opération.

L’avenir est sombre du côté russe. Les socialistes sont au pouvoir, autrement dit la pourriture est dans l’organisme russe. Ce qui se passe est logique, conforme à la raison. On en verra bien d’autres si quelque Tsar à la main de fer ne surgit pas. Et il est grand temps !

A notre point de vue il est clair que les désastres russes sont nos désastres.

Situation

Nous sommes devant l’inconnu. Il est difficile d’apprécier le degré d’usure allemande ; mais les Boches semblent encore bien forts. Avec le concours américain la victoire demeure probable, au plus tôt à la fin de 1918, à la condition que les destructions sous-marines soient restreintes.

Mais d’ici là, il est certain que l’Allemagne essaiera par tous les moyens d’obtenir la paix. Bien entendu, notre défaite est impossible. Les Allemands sont impuissants sur le front occidental.

Il semble que la question de la guerre sous-marine prime toutes les autres. Les Américains constituent un réservoir de forces absolument illimité qui nous permet de continuer la guerre indéfiniment. Mais encore faut-il que ces ressources puissent nous parvenir. Avec la mauvaise saison et les nuits longues, les torpillages vont sûrement diminuer.

12 Septembre

Les nouvelles de Russie sont confuses. Le généralissime Kornilov marche sur Petrograd. Quel gâchis. J’incline à souhaiter le succès de Kornilov. De tristes évènements sont à craindre du côté russe.

16 Septembre

Une fois de plus nous avons changé l’équipe ministérielle. On ne peut regretter le pauvre Ribot protecteur de Malvy. Painlevé lui succède. Comme ministre de la guerre, il s’est montré homme d’action, énergique ; c’est lui qui a nommé Pétain. Il semble être Français avant d’être homme de parti : chose si rare.

Puisse-t-il être bon pilote !

Voici le passage de la déclaration ministérielle sur les buts de guerre de la France.

Les Buts de guerre de la France

« Si la France poursuit cette guerre, ce n’est ni pour conquérir ni pour se venger : c’est pour défendre sa liberté et son indépendance, en même temps que la liberté et l’indépendance du monde. Ses revendications sont celles du droit même ; elles sont indépendantes du sort des batailles.

Elle les proclamait solennellement en 1871, alors qu’elle était vaincue ; elle les proclame aujourd’hui qu’elle a fait sentir à ses agresseurs le poids de ses armes.

Désannexion de l’Alsace-Lorraine, réparation des préjudices et des ruines causés par l’ennemi, conclusion d’une paix qui ne soit pas une paix de contrainte et de violence, renfermant en elle-même le germe de guerres prochaines, mais une paix juste, où aucun peuple, puissant ou faible, ne soit opprimé, une paix où des garanties efficaces protègent la société des nations contre toute agression d’une d’entre elles ; tels sont les nobles buts de guerre quand il s’agit d’une nation qui, pendant quarante-quatre ans, malgré ses blessures ouvertes, a tout fait pour éviter à l’humanité les horreurs de la guerre.

Tant que ces buts ne seront pas atteints, la France continuera de combattre. Certes, prolonger la guerre un jour de trop, ce serait commettre le plus grand crime de l’Histoire. Mais l’interrompre un jour trop tôt, serait livrer la France au plus dégradant des servages, à une misère matérielle et morale dont rien ne la délivrerait plus.

Voilà ce que sait chaque soldat dans nos tranchées, chaque ouvrier, chaque paysan dans son atelier ou sur son sillon. C’est là ce qui fait l’union indissoluble du pays à travers toutes les épreuves : c’est le secret de cette discipline dans la liberté qui s’oppose victorieusement à la féroce brutalité du militarisme allemand. Cette discipline faite de raison et de confiance mutuelle, les gouvernements antérieurs l’ont maintenue durant trois années. Le gouvernement actuel n’en conçoit pas d’autre »

(coupure de journal)

Combien ce langage est différent de celui de la note de Briand du 10 Janvier. Il ne s’agit plus d’aller en Allemagne châtier la bête de proie et briser le militarisme prussien.

La Belgique n’est pas nommée, ni la Serbie. Tout cela est compris dans des phrases pompeuses sur le droit.

Qu’est-ce à dire que la désannexion de l’Alsace-Lorraine, admettrions-nous comme suffisante une soi-disant autonomie de l’Alsace-Lorraine ?

Hélas, ce n’est pas que je critique ces buts de guerre, car il est clair que le Droit sonne creux s’il n’est pas appuyé par la Force et on ne peut revendiquer que ce qu’il est possible d’imposer.

La défaillance russe nous permet difficilement d’espérer une victoire militaire complète. De son côté l’Allemagne ne peut espérer nous battre mais elle occupe des territoires considérables.

La situation se résume ainsi :

1)      Des deux côtés peu d’espoir de victoire militaire décisive.

2)      L’Allemagne a des gages territoriaux.

3)      L’Allemagne souffre beaucoup plus que nous de la guerre, ses réserves sont limitées. Elle désire la paix beaucoup plus ardemment que nous.

4)      Nos réserves sont illimitées. Nous pouvons tenir indéfiniment à condition de tenir la mer suffisamment libre.

Je conclus en disant que l’Allemagne ne peut nous vaincre que sur mer. Il faut donc s’attendre à une guerre sous-marine acharnée et désespérée. Si nous dominons cette menace, l’Allemagne cèdera, c’est certain.

Mais quand viendra l’heure de la paix il sera nécessaire (pour autant que ce sera possible) de traiter l’Allemagne comme elle pensait traiter la France. N’oublions pas que d’après les chiffres des naissances en 1913 :

-          L’Allemagne lèvera en 1933 une classe de 560 000 hommes,

-          La France ---------------------------------------------  234 000 hommes.

Il faudra enlever à l’Allemagne sa force sinon le péril restera certain.

Espérons que nos socialistes déjà si néfastes à notre malheureux pays ne se feront pas une fois de plus les ardents défenseurs de leurs chers frères boches.