Pauvre enfant qui voulez combattre la nature
Qui doutez de l’amour et repoussez sa loi
Qu’avez-vous donc souffert, et par quelle blessure
Ce cœur de dix huit ans a dû perdre la foi

La fleur d’Avril est-elle à tout jamais fanée
Pour avoir tressailli sous un souffle du Nord
La coupe de vos jours est-elle empoisonnée
Par un pleur de vos yeux qui coule sur le bord.

Moi, qui suis déjà vieux dans les choses humaines
Dont le cœur a saigné plus souvent qu’à son tour
Je ne regrette pas le sang pur dont mes veines
Ont rongé les buissons où je cherchais l’amour.

Car ce que m’ont appris les ronces et les épines
C’est qu’il n’est rien de bon au monde que d’aimer
Que même les douleurs de l’amour sont divines

Et qu’il vaut mieux briser son cœur que le fermer.

Emile Augier