J’ai révélé mon cœur au Dieu de l’innocence ;
Il a vu mes pleurs pénitents,
Il guérit mes remords, il m’arme de constance ;
Les malheureux sont ses enfants.

Mes ennemis riant ont dit dans leur colère :
Qu’il meure et sa gloire avec lui
Mais à mon cœur calmé, le Seigneur dit en père :
Leur haine sera ton appui.

A tes plus chers amis, ils ont prêté leur rage,
Tout trompe la simplicité ;
Celui que tu nourris court vendre ton image
Noire de sa méchanceté.

Mais Dieu t’entend gémir, Dieu vers qui te ramène
Un vrai remord né des douleurs ;
Dieu qui pardonne enfin à la nature elle-même

D’être faible dans les malheurs.

J’éveillerai pour toi la pitié, la justice
De l’incorruptible avenir ;
Eux-mêmes épureront par leur long artifice
Ton honneur qu’ils pensent ternir.

Soyez béni, mon Dieu ! vous qui daignez me rendre
L’innocence et son humble orgueil ;
Vous qui pour protéger le repos de ma cendre
Veillerez près de mon cercueil !

Au banquet de la vie, infortuné convive
J’apprends un jour et je meurs ;
Je meurs et sur la tombe, où lentement j’arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs !

Salut ! champs que j’aimais et vous, douce verdure,

Et vous, riant exil des bois
Ciel, pavillon de l’homme, admirable nature,
Salut pour la dernière fois !

Ah ! puissent voir longtemps votre beauté sacrée
Tant d’amis sourds à mes adieux !
Qu’ils meurent pleins de jours, que leur mort soit pleurée
Qu’un ami leur ferme les yeux !

Gilbert