Ebauches

(Ces derniers poèmes, sans titre, sont des ébauches textuelles écrits par notre grand’mère, dont j’ai aussi tenu en main les originaux, et qu’elle n’a jamais du, par la suite, remettre au propre dans ses calepins)

Première ébauche

Il est gai ce matin le vent

Car il se promène en chantant.

Il distribue aux fleurs décloses

Ses essaims de papillons roses

Et les baisers des doux rayons

Il sonne sur l’eau des fontaines

La folle course des frissons

Il apporte aux rives lointaines

Il distribue aux fleurs décloses

Ses essaims de papillons roses

Et les baisers des rayons chauds

Il apporte aux rives lointaines

La fidélité des échos.

Il enseigne aux petits oiseaux,

Les nids cachés au creux des …

Ou dans les herbages des plaines.

De cœurs rongés par les chimères

Des cœurs brisés des amoureux.

Il dit une romance tendre

A tous ceux qui veulent l’entendre

Il me chine pour un baiser.

Il dit une romance tendre

A tout passant qui veut l’entendre

Et s’arrête au bord d’un chemin

Et la forêt lui sert de lyre

Ou la forêt qui sert de lyre.

Il sait de très lugubres choses

Ce vent qui effleure les roses

Et renverse les nids heureux

Il les raconte en mélopées.

Il enseigne aux petits oiseaux

Où sont les fruits les plus beaux

Et les grains murs dans les plantes.

Il promet d’accomplir les rêves

Sans tarder, dès le lendemain.

Il dit que les peines sont brèves.

Il est triste ce soir le vent

Il se traîne comme en pleurant.

Il passait dans le cimetière

A l’heure où montait de la terre

La plainte des morts oubliés.

Il a possédé tous les tombeaux esseulés.

Il a pris dans les peupliers

La voix plaintive des colombes

Pleurant le départ des ramiers.

Il part très loin vers d’autres tombes

Il part ……………………………

L’adieu de tous les matelots

Et l’…….. des rayons …………..

Il dit une romance tendre

Aux rêveurs qui savent comprendre

Tous les mystères de sa voix;

C’est la forêt qui sert de lyre.

Les grands arbres soumis à ses lois

Frémissent tous à la fois,

Pas une herbe qui ne soupire

Et ne danse un joyeux délire.

Ami,

Vas-t-en et loin de moi

Vis ta vie.

Epuise tout mauvais émoi

Jusqu’à la lie.

Mais à l’heure de la mort

Accorde une pensée

Et viens si tu peux

   rejoindre dans la tombe

Il sème sur l’eau des fontaines

Sa course folle des frissons

Il rit à travers les buissons.

Il apporte aux rives lointaines

L’écho fidèle des chansons

Et sème d’amoureux frissons

Sur l’eau claire des fontaines.

Deuxième ébauche

Puisqu’il faut vivre encor, accordez-moi Seigneur

De me reprendre un peu à la beauté des choses

Pour me sortir enfin de mes pensées moroses

Et porter vaillamment le poids de ma douleur.

J’ai désiré la Mort quand s’est brisé mon cœur

Mais ne veut point sombrer dans d’absurdes névroses

Votre Amour inventa le Soleil et les roses

Pour dissiper le noir et voiler la laideur.

Hélas ! mes pauvres yeux ont versés tant de larmes

Qu’ils se trouvent blessés par l’éclat de leurs charmes

Qui leur rappellent trop le grand bonheur détruit

Trop pareils aux rayons du

Mais de baumes plus doux vous parez ma blessure

La voix d’un rossignol s’élève ardente et pure

Et le tilleul répand ses parfums dans la nuit

Mais des baumes plus doux coulent sur ma blessure.

Troisième ébauche

Au milieu des lis purs dormait mon cœur d’enfant

Mon doux cœur ignorant la Vie et dont le rêve

Avait le frais éclat d’une aube qui se lève

Et sème dans la nuit son rose enchantement.

Mais bientôt le matin céda la place au jour

Le grand soleil monta ; sa caresse brutale

Eût vite desséché jusqu’au dernier pétale

Et mon cœur fut brûlé par les feux de l’amour.

XXX

Les roses de satin prirent alors mon coeur

L’entourant d’un manteau de pourpre parfumé

Et le berçant au sein d’une extase pâmée

Faite de volupté comme de vrai bonheur.

Un ouragan survint. Les sombres tourbillons

Après avoir brisé les tiges et les roses

Dispersèrent au loin les corolles décloses

Et traînèrent mon cœur de sillons en sillons.

XXX

Un large souci d’or a recueilli mon coeur

Mon pauvre cœur meurtri. Le sang de sa blessure

A débordé bientôt la fleur ardente et mure

Qui se trouve changée en coupe de douleur.

Et le calice amer étant alors rempli

Les premiers souffles froids tarissent toute la sève.

Un crépuscule doux sur le jour qui s’achève

Tend son voile léger de repos et d’oubli…

XXX

Seul un très pâle aster ombrage encore mon cœur

Mon vieux cœur dégoûté, très las et sans envie

Qui ne veut pourtant pas trop maudire la Vie

Dont au matin superbe il a cueilli la fleur.