La pourvoirie de Lounan

Jeudi 22 Février 2001

Notre dernière journée dans le Grand Nord sera une journée dilettante que nous allons passer à la pourvoirie du Lounan où nous en profiterons aussi pour rendre l’ensemble de notre « harnachement ». Nous y ferons aussi notre dernière pose en compagnie de Marcel.

Après notre soirée et notre retour quelque peu tardif d’hier soir, nous avons le droit ce matin à une petite légère matinée. Marcel quant à lui étant au Lounan pour la nuit nous accueillera dès notre arrivée au beau milieu de la matinée. Nous ferons rapidement le tour de cette pourvoirie, plus grand et plus touristique que celle des Cent Lacs, agréable certes mais sans ce petit charme spécifique de celle des « Cent Lacs », plus intime, plus familiale.

Au cours de la matinée, Marcel nous fera découvrir mais sans nous le faire essayer tout de même, son « autobus des neiges ». C’est une espèce en effet de petit autobus qu’il a transformé un peu comme les motoneige, c'est-à-dire qu’il l’a monté sur chenillettes et y a installé à l’avant une bonne paire de skis commandé par le volant du véhicule comme s’il s’agissait de roues. Cet engin lui sert principalement pour emmener des chasseurs en début d’hiver et à se déplacer ainsi en groupe sur la neige pour des expéditions un peu plus spécifiques et exigeant du matériel.

Nous avons aussi avant le déjeuner visiter le chenil de la pourvoirie. En réalité, il n’y a pas de chiens ici en permanence mais tout est prévu pour pouvoir en accueillir lorsque le besoin se fait sentir. Peut-être qu’un jour y reviendrons-nous alors !

La pêche au blanc

Pour l’après-midi, Marcel va nous entraîner sur un lac des environs afin de nous initier à la « pêche au blanc ». Je dois vous avouer que, pour moi, la fatigue commence à se faire grandement sentir... je n’ai que dix ans et j’ai vécu comme un adulte même si je fus la mascotte de notre groupe tout au long de ce voyage et que cette position m’a valu parfois d’être un être privilégié mais... aujourd’hui je suis très fatigué et cette longue marche en raquette m’épuise totalement.

Heureusement, sur le lac où nous allons pêcher, il y a une petite cabane avec tout ce qu’il faut à l’intérieur pour me permettre de rester à l’abri pour me reposer. La plupart du temps en effet les pêcheurs transportent leur cabane sur les lacs où ils les laissent tout le temps de la saison. Ils les traînent jusque là avec leur ski-doo, parfois avec un « 4 X 4 » car la glace est tellement épaisse que l’on peut y circuler librement à pied bien sûr mais aussi en raquette, en ski-doo, en chine de traîneau, en « 4 X 4 ». Dans ces cabanes il y a tout ce qu’il faut : l’attirail de pêche y compris la « perceuse à moteur » pour transpercer la couche de glace... mais aussi le poêle à bois, la réserve de bûches de bois morts, une grosse table, des bancs, des fauteuils e jardin (en plastique comme au camping) et même, comble de nos temps modernes en ces coins retirés du monde, des chaises longues pour faire la bronzette au soleil sur la glace. Souvent à l’intérieur même de ces cabanes, on trouve des trappes dans le plancher ainsi on peut pêcher tout en restant bien au chaud.

A peine arrivé, totalement frigorifié, Marcel et Robert vont m’installer bien confortablement à demi allongé dans une très grosse couverture à l’intérieur de la cabane à l’intérieur de laquelle le gros poêle va rapidement se mettre à ronronner et tandis que je me laisse aller à cette douce chaleur, les autres vont préparer les trous de pêche. Pour cela marcel se sert d’un gros foret à moteur car la glace est dure et la couche atteint très certainement un bon mètre cinquante en cet endroit du lac.

Comme je me sens mieux et une âme de pêcheur, je vais les rejoindre et Marcel m’installe confortablement au bord d’un trou sur un bon fauteuil de jardin.

Papa, Martial, Suzanne et Robert sont installés pas très loin de moi tandis que Marcel se dorant au soleil semble faire une bonne sieste auprès de la cabane.

Notre pêche ne sera pas très fructueuse et j’aurai la chance d’être le seul à sortir une truite. La sortie est assez curieuse car à peine sortie du trou la truite n’eut qu’un ou deux soubresaut puis se figea comme si elle était au congélateur...

il faut dire que ce matin au lever le thermomètre extérieur indiquait tout juste – 40°.

Au sujet des cabanes Robert nous a raconté quelque chose d’assez drôle. Il arrivait en effet parfois que des pêcheurs oubliaient leurs cabanes... aussi à la fin de la saison, lorsque les températures se réchauffaient suffisamment pour commencer à faire fondre les glaces sur le fleuve du Saint Laurent, il arrivait fréquemment que l’on aperçoive sur le fleuve de grands pans de glace dériver à la surface du fleuve avec dessus une... cabane...

Dîner et soirée d’adieu ensuite à notre « pourvoirie » où tout personnel s’était réuni pour nous saluer et nous offrir quelques petits menus cadeaux dont un tee-shirt au couleur de la pourvoirie, tee-shirt qui fut tiré au sort et le sort tomba tout à fait naturellement sur moi... Ces adieux furent tout ce qu’il y a de plus émouvants car c’était comme si malgré un grand désir de nous revoir nous n’allions sans doute plus jamais nous rencontrer mais c’est ainsi : la vie n’est faite que de rencontres mais de celles-ci ne restent que des amitiés... ici laisserons-nous tout du moins notre amitié et emporterons-nous avec nous un millier de très agréables souvenirs.

Vendredi 23 Février 2001

Malheureusement les vacances ne sont pas éternelles et nous avons du reprendre la route du retour.

L'érablière Quellette

Au village de Saint Michel, nous nous arrêterons tout de même pour visiter une érablière. Là aussi nous serons fort bien accueilli par les propriétaires de cette érablière tenue par la famille Quellette n’ayant cependant rien à voir avec notre guide Marcel que nous avons dû laisser là-bas loin derrière nous.

Nous faisons le tour de l’exploitation très attentif aux explications savamment données par notre hôte. Autrefois la sève des arbres était récoltée dans de petits récipients qui étaient attachés à l’arbre comme on le voit encore dans les Landes pour la récolte de la sève de pin. Aujourd’hui ce procédé a été abandonné, la sève est directement aspirée dans le tronc de l’érable dont l’écorce a été transpercée par une aguille et est acheminée directement par de longs tuyau en plastique jusqu’aux récipients se trouvant à l’intérieur de la « cabane à sucre », autrement dit la petite usine de transformation.

Monsieur Quellette cependant nous fait remarquer que ce procédé a cependant un énorme inconvénient. En effet la sève qui s’écoule dans ces tuyaux attire les écureuils qui en sont friands et qui pour se la procurer rongent et  brisent ainsi ces fameux tuyaux en plastique faisant perdre une partie de la récolte et exigeant une surveillance de presque tous les instants.

Cette sève, surnommée « l’eau d’érable » est transformée par évaporation en un épais liquide sucré et aromatisé. Si l’hiver a été froid et fort neigeux, si au printemps se succèdent journées ensoleillées et gels nocturnes on est sûr que les arbres fourniront une sève abondante.

On fait mille chose avec le sirop ainsi obtenu : on y jette après l’avoir ébouillanté des œufs crus, on le verse sur des grillades de lard, sur du jambon, sur des crêpes, on peut le faire couler en filet sur la neige où il se cristallise en arabesques poisseuses. On en fabrique aussi du sucre, du beurre, des bonbons, des liqueurs, de la tire (une sorte de sirop très épais, presque solide).

Ce sont les Amérindiens qui sont à l’origine de cette récolte. Tout au long du déjeuner qui nous sera servi dans cette « cabane à sucre » nous pourrons déguster la plupart de ces mets puis avant de reprendre la route pour de bon cette fois-ci nous nous approvisionnerons boites de sirop afin de pouvoir ramener avec nous un tout petit brin de cette saveur québécoise et aussi pour pouvoir tenir mes engagements par rapport au gage que mes compagnons de classe m’avaient infligé avant le départ puisque je m’étais autorisé à me mettre en vacances quelques heures avant eux tous.

Définitivement, du moins pour cet hiver 2001, nous quittons la forêt et ce pays du bout du monde où le blanc est la couleur essentielle en cette saison mais où la neige est si belle.

 

Alors qu’à nouveau nous roulons vers Montréal d’où dans quelques heures nous décollerons vers la France avec un seul désir : REVENIR, je tiens ici tout particulièrement à remercier

mon papa (il le faut bien si je veux qu’il m’y reconduise un jour sans trop tarder !) pour ce beau voyage au Canada. Je remercie aussi nos trois guides :

ü      Robert qui nous a accompagnés et conduits avec dextérité tout au long de notre parcours,

ü      Sébastien qui nous a menés avec ses chiens de traîneaux,

ü      Marcel qui nous a ouvert la piste en ski-doo, initiés à la pêche au blanc et aux traditions des trappeurs,

et qui, tous les trois, par leur gentillesse et leur patience avec nous, nous ont fait découvrir toutes ces choses merveilleuses dont je ne pense pas pouvoir me lasser. Je les embrasse très fort et je leur dis « au revoir » car nous retournerons certainement bientôt dans ce grand nord québécois, leur si joli pays