Je sais sous une roche une source profonde
Qu’un rideau protecteur cache même aux oiseaux
Jamais le vent du soir traversant les roseaux
N’y peut, en l’effleurant mettre une ride à l’onde.

Là, mêlant leur azur qu’un demi-jour confond
L’iris et le lotus baignent leur pied fragile
Pur cristal ! Mais le temps s’une impalpable argile
Atome par atome en a garni le fond.

Toi qu’a séduit l’iris ou qu’attira ta course
O pale voyageur, laisse cette eau dormir
Au plus discret éveil l’argile va frémir
Ton souffle en s’approchant pourrait troubler la source.

Laisse sans y toucher l’iris fleurir en paix
Un frison de la fleur qu’à peine l’âme devine
Soulevant à ses pieds l’argile molle et fine
Sur le miroir terni va mettre un voile épais

Je suis le voyageur, la source est ton âme
 « Prends-nous », disent les fleurs et l’onde dit : « Bois-moi »
Mais Dieu sait corrompant le flot au moindre émoi
Quel poison subtil dort au fond d’un cœur de femme.

Qu’un frisson sur sa tige est émue la pudeur
Ou qu’un souffle est couru sur l’eau calme du rêve
Et soudain les remords, nuage qu’on soulève,
Vont du cœur obscurci voiler la profondeur.

Et l’homme douloureux que son désir dévore,
N’osant profaner l’onde ou violer les fleurs,
Se suspend sur la source en retenant ses pleurs
Ses pleurs en y tombant la troubleraient encore.

Rémy Saint Maurice