Captif au rivage du Maure,
Un guerrier courbé sous les fers
Disait : Je vous revois encore,
Oiseaux ennemis des hivers.
Hirondelles que l’espérance
Suit jusqu’en ces brûlant climats
Sans doute vous quittez la France
De mon pays, ne me parlez-vous pas ?

Depuis trois ans, je vous conjure
De m’apporter un souvenir
Du vallon où ma vie obscure
Se berçait d’un doux avenir.
Au détour d’une eau qui chemine
A flots purs, sous de frais lilas,
Vous avez vu notre chaumine
De ce vallon, ne me parlez-vous pas ?

L’une de vous peut-être est née
Au toit où je reçus le jour ;
Là, d’une mère infortunée
Vous avez du plaindre l’amour.
Mourante, elle croit à toute heure
Entendre le bruit de mes pas.
Elle écoute et puis elle pleure….

De son amour, ne me parlez-vous pas ?

Ma sœur est-elle mariée ?

Avez-vous vu de nos garçons
La foule aux noces conviée
La célébrer dans leurs chansons ?
Et ces compagnons du jeune âge
Qui m’ont suivi dans les combats
Ont-ils revu tous le village ?....
De tant d’amis, ne me parlez-vous pas ?

Sur leur corps, l’étranger peut-être
Du vallon reprend le chemin,
Sous mon chaume il commande en maître,
De ma sœur il trouble l’hymen.
Pour moi plus de mère qui prie,
Et partout des fers ici bas
Hirondelles de ma patrie,
de ses malheurs, ne me parlez-vous pas ?

Béranger