de Mayence à la Lorelei

Jeudi 27 Octobre, ce n’est pas notre jour de chance ! Nous allons entrer dans la plus belle partie de notre voyage, cette partie du Rhin dont on nous a tant parler et dont nous nous réjouissions jusqu’à hier soir de pénétrer. Mais ce matin…

BROUILLARD

épais, solide, tenace.

Je suis navré, tout comme Dominique… A 9 heures, nous devions commencer notre navigation… dès 8 heures, notre Commandant nous annonce qu’il retarde notre départ avec le fol espoir de voir le soleil enfin paraître et tout ce brouillard se disperser.

Sœur Anne ne vois-tu rien venir ?

Alors tant pis, et c’est la mort dans l’âme que j’entends le Commandant nous annoncer vers les 9 heures 45, que nous allons commencer à faire route. Je suis vraiment désolé car on n’y voit rien… pas plus à tribord qu’à bâbord où les rives ne sont que fantômes émergeants de nulle part… pas plus à bâbord où nous distinguons à peine une péniche qui nous croise, qu’à tribord où nous nous apercevons tout juste qu’un pont nous enjambe ! 9 heures 59, nous naviguons dans le brouillard ne sachant même plus si nous sommes au beau milieu du fleuve ou au plein milieu des océans… c’est navrant…

le salon seul pourra nous accueillir et nous allons tenter d’oublier en jouant aux échecs ou à d’ailleurs je ne me souviens même plus, sinon que nous noyons notre déception dans un succulent cocktail sans… alcool !!!

11 heures 49, soudain l’horizon de notre hublot s’éclaircit et une masse féodale s’élève face à nous sur un piton rocheux bien escarpé… le brouillard serait-il enfin en train de s’estomper ? Vite nous rangeons nos affaires et grimpons sur le pont.

OUI

le soleil est enfin en train d’apparaître,

et en moins de quinze minutes il a dissipé toutes nos brumes… découvrant à nos yeux la beauté du spectacle dont désormais nous allons enfin pouvoir jouir au maximum.

Se succèdent sous nos yeux : petites églises, châteaux forts, collines, villages, rives de vignobles aux mille couleurs…

« C’est ainsi que sur le Rhin naguère, j’ai vu des barges chargées de foin, portant les nouveaux mariés et leur cortège, sur le miroir des eaux resplendissantes, comme autant de chars enfonçant sous les dépouilles de l’armée, partir l’un après l’autre. Et l’on entendait la clarinette et le son du violon, et les rires et les chants comme en rêve des hommes et des jeunes filles qui s’appelaient de l’une à l’autre de ces meules flottantes. »

Paul Claudel (Cantique des chars errants)

Ce fleuve que l’on dit romantique ne manque pas d’inspirer de nombreux écrivains et poètes. Les villes que ses eaux arrosent ont vu naître des écrivains, d’autres sont venus l’admirer et tous ont senti le besoin d’écrire à son propos. La liste est longue de ceux qui l’ont immortalisé parmi lesquels Heinrich Böll, Goethe, Heinrich Heine, Alfred de Musset, Alexandre Dumas, Guillaume Apollinaire.

Heinrich Heine publiera une série d’articles racontant ses conversations avec le fleuve. Apollinaire aussi se laissera fasciné, ainsi dans Alcools défilent les légendes du Rhin peuplées de chevaliers, de sorcières, de brigands, de paysages intimes ou sauvages, de ruines couvertes de lierre.

Tous ont contribué à l’image romantique de ce fleuve et de nos jours il continue à fasciner tous ceux qui le découvrent et qui le fréquentent.

Tout en déjeunant, nous continuons notre navigation… partis avec une heure de retard ce matin nous devons désormais rattraper le temps perdu… mais le repas sera vite pris et notre retour sur le pont rapide afin de ne rien perdre du spectacle.

C’est aux environs de 14 heures que nous parvenons à St Goarshausen. Le débarquement sera rapide et bien vite, à bord de bons autocars, nous gagnerons le sommet de la Lorelei.