Origine de Froidmont

Origine de l'abbaye

Au début du XIIe siècle la France connut une espèce d’enthousiasme pour la vie monastique dont l’impulsion avait été donnée par un jeune-homme, Bernard, qui fut plus tard l’oracle et le thaumaturge de son époque. Bernard, quittant le monde et à la tête de trente jeunes seigneurs des plus illustres familles de Bourgogne, qu’il avait entrainés par sa parole de feu, vint frapper à la porte de la sévère abbaye de Cîteaux. Il demanda d’échanger son manteau de fourrures et son haubert d’acier contre l’humble "coule" de Saint Benoit. Cet exemple fit sensation et dès ce moment les novices affluèrent dans le pauvre monastère que Dom Robert, Abbé de Molesme, avait fondé dans la forêt de Beaune, afin de remédier au relâchement et aux abus que la richesse et l’esprit du siècle avaient introduits dans la plupart des abbayes bénédictines.

Bientôt le nouveau monastère ne suffit plus à contenir ses nombreux habitants. Chaque année un essaim partait pour aller sous d’autres cieux chercher un abri et donner l’exemple du travail et de l’austérité. Partout on s’empressait de les recevoir, et les grands seigneurs se faisaient un honneur de les avoir sur leurs terres et de subvenir à leurs besoins. Souvent même ces fiers hommes d’armes sollicitaient comme une faveur la fondation de l’une de ces maisons dans le voisinage de leur domaine pour qu’elle fût mise en valeur. Ils se compensaient de cet abandon en retenant quelques cens. Le serf, courbé sur la glèbe, voyait ces religieux de bon œil parce qu’ils partageaient avec lui les rudes travaux des champs, et le noble les estimait parce qu’ils priaient pour lui et cultivaient ses terres.

Les abbayes de La Ferté (1113), Pontigny (1114), Clairvaux (1115), Morimond (1115), furent les premières filles de Cîteaux ; mais ces filles, sous la puissante influence de Saint Bernard, en fondèrent encore un plus grand nombre. C’est ainsi que Clairvaux donna naissance à Ourscamps en Noyonnais (1129), et de là vinrent les religieux qui s’établirent à Froidmont en 1134.

Alors que l’évêque "Odon II" occupait à cette époque le siège de Beauvais, c’est Alix de Dammartin, dame de Bulles, fille du comte Hugues de Dammartin et de Roharde de Bulles, qui introduisit la première abbaye cistercienne en ce diocèse. Après la mort de son mari, elle consacra une partie de sa vie à la fondation de maisons religieuses et après avoir déjà établi l’ordre de Fontevrault sur ses terres de Warville elle voulut en faire autant pour l’ordre de Cîteaux dont elle entendait dire beaucoup de bien.

Comme elle possédait de vastes propriétés sur le Mont Hermes, dans la forêt de Hez et dans les marais qui bordent la petite rivière de Trye, elle pensa que ces lieux solitaires pourraient convenir aux disciples de Saint Bernard, et résolut de les leur offrir. Elle se chargea au préalable de faire affranchir ces terres de toutes les charges de dimes perçues par la collégiale de Saint-Michel de Beauvais et le prieuré de Villers-Saint-Sépulcre ainsi que de droits seigneuriaux que leur grevait le chapitre de la cathédrale.

Il convenait aussi de donner aux religieux un logement convenable, en attendant qu’ils puisent en construire un, selon toutes les prescriptions de la règle cistercienne. Or il y avait, non loin de là, un ermitage où vivaient plusieurs saints hommes dans la retraite et la prière. Ils occupaient leurs loisirs à la culture d’un petit champ d’où ils tiraient leur nourriture. L’emplacement, situé sur le versant septentrional du Mont-César, avec ses cellules, semblait fort à propos, mais avant d’en disposer, il fallait décider les ermites à l’abandonner et obtenir du Seigneur de Bailleul dans la mouvance duquel était la terre.

Dame Alix, s’adressant à l’évêque de Beauvais, lui fait part de ses intentions et lui demande son concours pour aplanir les difficultés.

Odon, religieux lui-même, se montre empressé et déploie le zèle le plus actif pour hâter l’accomplissement de ce pieux dessein. Par son entremise, le chapitre de la cathédrale renonce à ses droits, celui de Saint-Michel transige moyennant quelques redevances et l’Abbé de Saint-Germer, pour son prieuré de Villers-Saint-Sépulcre, abandonne les siens. Les ermites, heureux de concourir à cette grande fondation, cèdent leurs cellules et vont s’établir à Parfondeval, près de la chapelle de Saint-Arnoult. Pierre de Bailleul consent à tout, et donne les terres qui avoisinent l’ermitage en échange d’autres propriétés situées sur la même montagne, mais plus près de son manoir, que lui offre la dame de Bulles.

Dès lors on se hâte de faire aux cellules de l’ermitage les appropriations particulières demandées par la règle de Cîteaux. Un oratoire, un cloître, une salle de chapitre, un réfectoire, un dortoir, une porterie, un logement pour recevoir les hôtes, sont aussitôt préparés. Il convenait que tout fût mis en œuvre afin que l’office divin, la lecture, la méditation, le travail, le jeûne et les veilles n’eussent à souffrir aucune interruption.

Lorsque tout fut prêt, l’évêque Odon se mit en rapport avec l’Abbé d’Ourscamps pour que celui-ci lui fournisse des religieux. Le monastère n’avait que cinq années d’existence, mais il contenait déjà un nombreux personnel. Galeran de Baudemont, qui le gouvernait, acquiesça et se rendit à Bresles pour visiter les lieux. Il trouva les bâtiments convenablement disposés et en état de recevoir la petite communauté, jusqu’au moment où on pourrait en construire d’autres dans un lieu plus conforme à l’esprit de l’Ordre et sur le modèle des monastères cisterciens. L’emplacement que lui désignèrent l’évêque et le dame de Bulles, sur les bords de la Trye, au pied du mont de Hermes et à l’entrée de la forêt de Hez lui plût beaucoup pour l’établissement définitif du monastère. Ce lieu s’accordait parfaitement avec les recommandations pressantes des premiers chapitres généraux, qui voulaient que l’on choisisse pour leurs maisons des vallées désertes, des lieux bas et marécageux, voisins des grands bois, afin que personne ne puisse venir troubler dans leur paisible retraite, tout en ayant sous la main toutes les choses nécessaires à leur existence.

Après en avoir vu les origines nous allons maintenant nous pencher sur toute son histoire et tout d'abord à travers

ses Abbés Réguliers depuis son origine (1131) jusquau changement de régime (1553)