(Les poèmes qui suivent ne sont ni datés - même si on arrive à les situer après 1917 - ni signés … mais je peux attester que les originaux, que j’ai eu en ma possession, sont bien écrits de la main même de notre grand’mère)
Dans l’infini profond des cieux,
Loin de nos humaines atteintes,
Que d’étoiles se sont éteintes
Qui brillent encore à nos yeux.
Et dans la sphère silencieuse,
Vers nous n’ont pas glissé leurs plaintes;
Sans se trahir, leurs clartés peintes
Ont la douceur des autres feux.
Vous paraissez toujours vivantes
Et du noir Destin, triomphantes
Mais je devine votre effort,
Ames qui souffrez sans rien dire
Et dont bien souvent le sourire
Est le rayon d’un astre mort.
Oh ! mon âme, tais-toi. N’envahis plus les choses
Cesse de t’incarner dans tous ces objets vains ;
Laisse-les reposer dans leurs calmes dédains
Sans les rendre, à ton gré, vibrants ou bien moroses.
Ne souhaite jamais les voiles des nuits closes,
Et ne vas plus t’unir aux rayons incertains,
Qui tombent des soirs d’or, montent des bleus matins,
Font l’orgueil des lis blancs, la volupté des rosés.
Ne donne plus de sens aux chansons de la brise,
Et cesse d’écouter – indiscrète surprise ! –
Ce que les papillons se racontent tout bas.
Et surtout laisse en paix l’âme sœur de ton âme
Sans vouloir en saisir la plus intime flamme
Son mystère est à elle et ne t’appartient pas.
Loin de nos humaines atteintes,
Ornement,
Compagne du berceau, qui nous suit au cercueil
Croix dont il plaît à Dieu de charger la faiblesse
Je t’accepte avec foi. Mais du moins qu’on me laisse
Le choix de ma douleur. Je veux un noble deuil.
Quelque chose de grand qu’on porte avec orgueil
Je veux une auréole autour de ma tristesse
Je veux que soit en fleur l’épine qui me blesse
Et que ma barque brise au bord d’un bel écueil.
Sur le mont du Calvaire où tes pas rédempteur
Indiquent le chemin, je voudrais que mes pleurs
Soient de purs diamants, non des gouttes de lie.
Mais il faut adorer le secret de vos lois
Et vous bénir, Seigneur, pour cette lourde Croix
Plus semblable à la vôtre en bois d’ignominie.
Penche-toi, penche-toi très bas,
Mets ton oreille sur ma lèvre
C’est fini ! Je n’attendrai pas
Un autre soir d’ardente fièvre.
Dan la paix rose du matin
Je vais m’endormir tout à l’heure
Il se peut que mon cœur trop plein
Se brise avant que je ne meure.
Aide un peu mon suprême effort
Pour me délivrer de la vie
Car je crains bien plus que la mort
Une inconsciente agonie.
Dérobe à tous mon dernier pleur
Voile aussi mon dernier sourire
Ce qui dirait un grand bonheur
Ou trahirait un long martyr.
Prends pour toi seul mon dernier mot
Qu’il soit douceur ou bien rancune
Beau souvenir, amer sanglot,
Simple parole inopportune.
Un cri d’amour, un soupir las
Qui sait ? – Une plainte peut-être…
Penche-toi, penche-toi très bas
Mets ton oreille sur ma lèvre.
Long cri d’amour, soupir très las
Ou bien, qui sait ? – plainte mièvre.