Journal de Guerre

1914 - 1918

commencé au Lude

le dimanche 2 Août 1914, par

Henri Le Marois

« écrit au jour le jour et reflétant par la suite

les fluctuations de nos impressions de chaque jour

suivant les nouvelles reçues »

Je dois vous dire aujourd’hui toute ma profonde émotion de partir à la recherche de ce grand-père, que je n’ai pas connu, au travers de ce récit et de ces mémoires écrites par lui tout au long de cette terrible guerre qui brisa tant d’êtres humains. Sa mort prématurée m’a empêché de pouvoir lui témoigner tout mon amour et mon affection. Je le fais ici à travers ce témoignage que j’ai voulu lui rendre en consacrant quelques petites heures de mon humble existence à redonner vie à sa mémoire pour que son nom ne s’efface jamais de nos cœurs ni de ceux de notre descendance.

Je demande à chacun d’entre vous de ne pas juger les propos quelquefois scabreux de mon grand-père, propos qui, par moment, pourraient peut-être vous choquer.. Ils sont écrits en un autre temps, celui de la guerre où l’on disait, avec d’autres mots que ceux que nous employons aujourd’hui sans doute, la vérité au jour le jour.

N’oubliez jamais, en les lisant, qu’ils sont écrits tout au long des années :

1914 – 1915 – 1916 – 1917

années ô combien tragiques où tant de destinées ont basculé, où tant de familles ont été brisées, où tant d’atrocités ont été commises. Nos « vieux », eux, s’en souviennent encore et nos morts encore plus !!!

N’oubliez pas non plus que cet homme, ce grand-père, était militaire de carrière, officier de marine, et que sa façon de penser et de voir les choses est emprunte de la formation et de l’éducation qu’il a reçues. A l’époque il était encore jeune, plein de fougue certainement et rempli du sens du devoir et du sens de sa patrie, la nôtre...

Aussi ces propos, je n’ai pas voulu les changer…

je ne me suis pas senti le droit de les changer…

tant la grandeur de sa force morale, devinée simplement à travers une grande partie de ses choix de documentation comme de ses réflexions toute personnelle, me semble sans faille et sans reproche.

Je veux aussi, par la retranscription de ses récits, témoigner à ma chère maman, disparue il n’y a que quelques mois encore, tout mon Amour à travers toute cette souffrance qu’elle avait conservée au plus profond de son être sans jamais me la faire paraître, cette souffrance qu’elle a ressentie lorsque, le 2 janvier 1927, alors qu’elle n’avait que 15 ans, elle a perdu en pleine force de l’âge ce père que, je suis certain, elle a tant aimé et dont ensuite, je ne sais pourquoi, elle ne m’a malheureusement que trop peu parlé.

Philippe Morize ce, 8 juillet 2002

Le travail réalisé ici est loin d’être achevé. Il le sera au fil du temps au fur et à mesure que ce temps me sera donné pour y travailler.

De mon humble avis, l’ensemble de ce document est un véritable

MONUMENT HISTORIQUE

que je ne voudrais pas laisser ici inachevé un jour.

Il contient, réparties sur quatre cahiers, 610 pages manuscrites dans lesquelles ont été soit collés sur les feuillets après découpage,

soit directement insérer entre les pages moult coupures de journaux ou lettres reçues principalement de ses frères Paul et Jean, eux bien souvent au front dans la mitraille.

J’ai essayé autant que je l’ai pu de respecter les écrits de mon grand-père mais, pour des raisons pratiques et techniques, j’ai été amené à subdiviser chacun de ses cahiers en deux parties bien distinctes. Ainsi, pourrez-vous trouver, pour chacun de ses cahiers :

. un premier document dans lequel j’ai retranscrit ses récits et réflexions établis tout au long de la guerre. J’ai tenu à insérer, à l’intérieur de ce premier document, tous les articles ou coupures de journaux auxquels, dans ses réflexions, il faisait allusion. Afin de dissocier cette documentation de ses propres pensées, je lui ai volontairement donné une couleur bleutée tout en la décalant par rapport au texte sur les marges de gauche et de droite.

. un deuxième document dans lequel j’ai inséré la totalité restante de la documentation importante, et de mon humble avis très intéressante,qu’il avait amassée à l’intérieur de ses cahiers sans y faire toutefois référence. Chacune de ces coupures est capitale pour mieux comprendre l’état d’esprit dans lequel vivait la population française durant ces tragiques évènements ainsi que la pensée de mon grand-père.

Je n’ai toutefois, par faute d’absence de renseignements plus précis dans le document à partir duquel j’ai été amené à travailler et qui n’était qu’une photocopie de l’original, pu référencer comme je l’aurais souhaité les différents titres des journaux concernés.

Qu’il me soit enfin pardonné les innombrables fautes d’orthographe que j’ai très certainement commises dans la retranscription principalement de noms propres sur des villes et des lieux que je n’ai pas réussi à retrouver dans ma propre documentation.

« Heureux on peut le dire aujourd’hui, heureux ceux dont les cœurs et les bras auraient le privilège de combattre, de s’exposer et de frapper!

« Leur sort est particulièrement enviable pour ceux qui entrevoient, plus émouvant qu’aucune parole possible, le cortège des filles, des femmes et des mères qui, étreintes d’angoisse, donneront, peut-être avant peu de jours, les embrasements du départ !

« Et c’est à elles, à celles qui se voient déjà affligées et meurtries par l’événement, que je ne saurais m’empêcher de demander quelque chose de leur pitié pour les autres, pour ceux, bons Français, qui ne partent pas, bien qu’ils fussent nés aussi pour partir.

« Je pense aux vieux soldats. Je pense plus amèrement encore à ceux qu’une cause physique ou morale retient loin des champs de bataille et qui, demeurés conscients de tout ce qu’ils doivent à l’air et à la terre de leur patrie, se demanderont comment faire pour payer une équivalence de sang que leurs amis et leurs frères vont verser.