Semaine Sainte

Le dimanche des Rameaux

Le dimanche des Rameaux est une fête chrétienne célébrée le dimanche précédant Pâques. C’est une fête mobile qui introduit la semaine sainte.

Ce jour dit « Dimanche des Rameaux et de la Passion » marque le début de la semaine sainte, semaine qui va commémorer deux évènements qui semblent bien contrastés : tout d’abord, l'entrée solennelle de Jésus à Jérusalem puis tout à la suite sa passion et sa mort sur la croix.  Nous entrons ainsi dans la grande semaine qui est tendu vers la résurrection du Seigneur.

A proximité de la fête de la Pâques juive, Jésus décide de faire une entrée solennelle à Jérusalem et il va y faire une manifestation spectaculaire de sa mission en chassant les vendeurs du temple. Pour cela, Jésus envoie deux de ses disciples chercher un âne afin de pouvoir entrer dans Jérusalem sur une monture et se manifester ainsi publiquement comme le  Messie que les Juifs attendaient. Il s’agit en effet, à travers l’âne, d’une monture modeste comme l'avait annoncé le prophète pour montrer le caractère humble et pacifique de son règne.

Une foule nombreuse venue à Jérusalem pour les fêtes de la Pâques juive l'accueille alors en déposant des vêtements sur son chemin et en agitant des branches coupées aux arbres. Elle l'acclame en criant "Hosanna au fils de David" et Jésus se laisse acclamer comme le Messie.  St Mathieu nous raconte que les disciples coupaient des branches, probablement d’oliviers, et en jonchaient la route. St Jean, quant à lui, nous parle de rameaux de palmier. Ce qui est certain c’est qu’il s’agit là d’une ancienne coutume des pays d’Orient d’agiter des palmes pour acclamer un héros.

Dès le 4ème siècle, on trouve déjà à Jérusalem la commémoration de cette entrée de Jésus dans la ville : en 383 l’Eglise de ce lieu invitait les pèlerins à participer à une procession "mimant" l'entrée triomphale du Christ à Jérusalem. Cette manifestation venait sans doute de Constantinople bien que cet évènement n'ait pas donné lieu  à l’une des douze grandes fêtes liturgiques orientales.

A Rome, au moins depuis le 6ème siècle, le dimanche précédant Pâques était celui de la Passion. La fête des Rameaux s'est répandue en Occident au cours du Moyen Age durant le 9e siècle. On trouve des représentations de l'entrée de Jésus à Jérusalem au 10e et au 11e siècle.

La liturgie d'aujourd'hui associe la célébration romaine de la Passion et la célébration des Rameaux

De nombreux chrétiens peu ou pas pratiquants  viennent à la célébration des Rameaux principalement pour recevoir du buis béni qui chassera les mauvaises influences de leur demeure. Ce n'est bien sur pas le sens de cette fête, mais c'est pour ces participants-là l'occasion d'entendre le récit émouvant de la passion de Jésus, et d'avoir ainsi la possibilité d'établir une relation personnelle avec le Christ et un contact avec une communauté chrétienne nombreuse et vivante. Ces rameaux verdoyants, signes de vitalité, sont aussi déposés sur les tombes et exposés dans les intérieurs des maisons. La beauté du rite provoque l'émotion.

Dans la liturgie orthodoxe, le dimanche des Palmes est associé à la célébration de la veille : le samedi de Lazare. Jésus, avant de monter à Jérusalem, avait fait revenir d'entre les morts son ami Lazare qui, depuis quatre jours, était enseveli. Ces deux fêtes ont un thème commun : le triomphe et la victoire.

Dans le Rite oriental,  le célébrant assistait jadis à la procession des rameaux juché sur un âne.
Dans la plupart des départements français, elles ont été remplacées par le buis, dans quelques-uns par le laurier et en Provence par l’olivier.

En Corse, on utilise encore des palmes tressées aux feuilles de couleur jaune très clair, car pendant plusieurs mois avant la fête des Rameaux on attache en faisceau le cœur des branches sommitales du palmier, de façon que ces branches, protégées du soleil, ne deviennent pas vertes en synthétisant de la chlorophylle. Cette couleur très claire est le symbole de la pureté, car, à l'entrée de Jésus à Jérusalem, le sol jonché de palmes ne devait pas être impur sous les sabots de l'âne qui portait le Christ. A propos de l'âne, il porte souvent sur son échine une croix sombre formée par sa petite crinière et une ligne de poils courts perpendiculaires à cette crinière. On dit en Corse que l'âne a cette croix depuis qu'il a été sanctifié en servant de monture au futur crucifié. En plus des rameaux de palmes, on porte aussi des rameaux d'olivier, signe de paix et d'abondance.

En Italie comme en Espagne, on utilise des branches d'olivier...  Cependant, dans certaines régions d’Italie et dans les provinces méridionales de l’Espagne et du Portugal ce sont des palmes qui sont utilisées tout comme dans le sud de L’Europe et au Québec. En Allemagne on mélange ensemble du buis et du Katzenpfötchen, une plante formant une tige de bois ornée de petites sphères duveteuses. En Angleterre, on bénit le saule marceau; en Hollande, le houx ; en Pologne des branchettes de saule symbolisant en même temps la renaissance et la résurrection. Dans d'autres pays, on utilise des branches d'if ou de sapin.

Prière
"Seigneur, aujourd’hui commence la Semaine Sainte. Je ne veux pas que cette semaine ressemble à n’importe quelle autre semaine de l’année. Je ne veux pas demeurer indifférent aux mystères de ta passion et de ta mort. Ainsi je viens à toi dans la prière pour méditer et réfléchir sur ce qui s’est passé les derniers jours de ta vie sur terre. Chaque jour de cette semaine je veux prendre le temps pour contempler ces mystères. Aujourd’hui, dimanche des rameaux, tu entres triomphalement à Jérusalem, accompagné des acclamations de la foule. Aide-moi en ces quelques minutes de prière à pénétrer plus profondément dans la signification de cette célébration."


Après l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, la vie reprend son cours, mais de bouche à oreille, dans les ruelles et les marchés, chacun commente la situation. Pour certains, surtout du côté des autorités, l'attitude de Jésus n’est guère appréciée et l'on envisage même de l'éliminer d'une manière ou d'une autre. Pour d’autres qui sont ses admirateurs inconditionnels ils ne cherchent qu’à le rencontrer. Alors que les disciples s'inquiètent après avoir été heureux de ce triomphe, Jésus garde son calme.

Au début de cette semaine qui va être décisive pour le salut des hommes, le récit des évangiles nous présente Jésus en homme libre qui s'expose par sa parole et ses actes. Au dire de saint Luc, il ne subit pas le cours des événements mais il marche résolument vers sa Pâques. Au seuil de son dernier itinéraire terrestre, il reste toute tendresse, toute paix, toute compréhension autant face aux gestes de Madeleine qu’au futur reniement de Pierre, à qui il dira au soir du Jeudi-Saint en évoquant le chant du coq : "Que votre cœur ne se trouble pas."

Depuis déjà bien des semaines, sur son chemin, il a rencontré des oppositions, qui se révéleront finalement mortelles pour lui. Il avait médité les prophètes et il pouvait pressentir les risques qu'il encourait, comme en témoigne cette apostrophe : "Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés." (23,37 ; 21,35)

Avant son arrestation, il ne prend aucune disposition fébrile, il ne tente aucune démarche auprès de gens importants alors que Jean pourrait l'aider, lui qui a ses entrées chez Caïphe ainsi que Joseph d'Arimathie ou Nicodème qui pourraient eux aussi sans nul doute intervenir en sa faveur.
Non, Jésus vient tranquillement déjeuner avec des amis. Il accepte l’invitation à ce repas que Marthe, Marie et Lazare font en son honneur. Il ne fait aucun reproche devant la dépense exagérée de Marie... au contraire, il accueille le don de cette femme qui, grâce à lui, peut revivre dans la fierté retrouvée. Mais il voit plus loin : il sait déjà la démarche qu'elle fera au tombeau au lendemain de sa mort.

Il connaît les limites de chacun et ne leur en fait aucun reproche. Il pourrait dénoncer le traitre aux autres apôtres et même le supplier, lui qui l'avait appelé, lui qui lui avait accordé la même confiance qu'aux autres et dont il avait senti la fragilité, les hésitations et les réticences alors qu’au moment même il offre à Judas la "bouchée de pain", selon le rite de la Pâque juive, les autres s'inquiètent d'eux-mêmes, de leur fragilité, de leurs hésitations :"Serait-ce moi, Seigneur ?"

Il l'avait désiré ce dernier repas en leur compagnie : "J'ai désiré d'un grand désir manger cette Pâque avec vous." - "C'est pour cette heure que je suis venu." (Jean 12. 27) Aussi, la mort ne le surprend pas, sa mort qui approche, cette mort qu'il accepte et qui n’est que la conséquence assumée de sa parole "Je me dois à mon Père" (Luc 2. 49). L'affirmation "Il fallait que le Fils de l'Homme fût livré" (Mt 16,21 ; 17,22 ; 20,18) est le nœud des récits de la Passion.

Mais cette mort est dans sa pensée tout au long de ces jours, comme elle l'est tout au long de sa vie, l'Évangile en témoigne, même au Thabor. Il a choisi librement d'en faire une donation joyeuse et non pas un destin implacable. Il assume, librement, l'aspect inévitable du cours des événements. Il conjugue la liberté divine et la liberté humaine dans une relation vivante avec celui qu'il appelle "Mon Père". Et c'est là qu'est la paix joyeuse qu'il connaît à la veille du Jeudi Saint.

Pour comprendre, à l'instar des disciples d'Emmaüs, il nous faut une intelligence renouvelée des Écritures. La vie, la mort et la résurrection de Jésus peuvent alors trouver leur sens " selon les Écritures ". Il nous faut relire la vie de Jésus à la lumière de l'amour comme nous devons le faire d'ailleurs de nos vies, relues à la lumière de la foi.

Faire la volonté de Dieu, c'est se maintenir à l'écoute dans cette relation vivante, c'est vivre en espérance et ce jusque dans l'épreuve ; loin d'une soumission aveugle à une autorité, l'écoute est travail de discernement, relecture à la lumière de la foi et de l'amour. Jésus en a vécu la certitude. Quand Judas fut sorti, Jésus déclara : "Maintenant le Fils de l'Homme est glorifié et Dieu est glorifié en Lui."

Deux événements importants marquent cette journée.

Le repas du jeudi saint

La veille de sa mort, le premier jour des Azymes ou l'on immolait la Pâque, Jésus a mangé la Pâque avec ses disciples.

Ce repas rituel, appelé Seder, commémorait alors la libération des Hébreux de l'esclavage qu'ils subissaient en Égypte et plus précisément le repas pascal qu’ils mangèrent debout et en toute hâte avant de quitter l'Égypte et de partir vers le désert. Il nous est raconté au chapitre 12 du livre de l'Exode qui demande que le peuple juif fasse mémoire de ce jour là où Dieu a sauvé son peuple (Ex 12/14).

Le repas du Seder se prend dans les deux premiers jours de la fête de la Pâque (Pessah), fête qui dure sept jours (la semaine des Azymes) et qui célèbre en même temps la fertilité de la terre et la sortie d'Égypte.  Tout au long de cette fête on ne prend aucune nourriture contenant du levain et on ne mange donc que du pain azyme.

Ce repas avait lieu le soir du 14 Nizan*.

Pour information :
  • Nizan est un mois du calendrier liturgique arménien nommé "tonatsouits" : livre des fêtes. L'année liturgique est déterminée par rapport à la fête de Pâques, première en importance pour le chrétien. Les communautés judéo-chrétiennes fêtaient Pâques le quatorzième jour du mois de Nizan, date de la Pâque juive l'année de la mort et de la résurrection du Christ. Les chrétiens de l'empire romain et d'Egypte déterminaient en revanche la date de Pâques en référence au solstice de printemps, le 21 mars. Le concile de Nicée (325) retint pour principe la référence au solstice, mais s'abstint de préciser si la date de Pâques devait être fixée entre le 25 mars et le 20 avril selon l'usage romain, ou entre le 23 mars et le 25 avril selon l'usage alexandrin (le 22 mars, qui correspondait au 14 Nizan, étant exclu). L'Eglise d'Arménie partageait dès avant le concile de Nicée l'usage alexandrin et le calendrier julien en vigueur dans l'empire romain et l'enrichit progressivement jusqu'au XVIIIe siècle, date à laquelle le catholicos Siméon d'Erévan en fit une publication définitive (1775). Longtemps établi d'après le calendrier julien, il l'est d'après le calendrier grégorien depuis le 6 novembre 1923, à l'exception de Tiflis et du Patriarcat arménien de Jérusalem où le calendrier julien est toujours d'usage en raison du " statu quo des Places Saintes ".
  • Le tonatsouits comporte 99 jours consacrés à Dieu, 5 à la sainte Mère de Dieu, 120 - 130 aux saints et martyrs, 5 de dédicace (navakatiqh : jeûne de veille de grande fête), et 150-157 de jeûne ou d'abstinence. Toutes les fêtes sont mobiles à l'exception de six d'entre elles qui sont fêtées à date fixe : la Nativité et l'Epiphanie le 6 janvier, la Présentation du Seigneur au Temple le 14 février, l'Annonciation le 7 avril, la Nativité de la sainte Mère de Dieu le 8 septembre, la Présentation de la sainte Mère de Dieu le 21 novembre, et la Conception de la sainte Mère de dieu par sainte Anne le 9 décembre. Toutes les autres fêtes sont mobiles et sont réparties entre quatre jours de la semaine (lundi, mardi, jeudi, samedi) : elles dépendent de l'oscillation de 35 jours de Pâques, fêtée quant à elle le premier dimanche après l'équinoxe du printemps le 21 mars (au plus tôt le 22 mars et au plus tard le 25 avril). L'Ascension et l'Exaltation de la Croix ont des jours fixes : le 15 Août et le 11 septembre. Mais pour leur conférer plus de solennité, on les reporte au dimanche le plus proche de leur date. La fête de l'Apparition de la Croix, fixée anciennement au 7 mars, est reportée à la cinquième semaine après Pâques.
Avant le repas proprement dit on commençait par boire une coupe. Un enfant demandait la signification de ces rites et le père de famille racontait en rendant grâce la libération du peuple. Puis on chantait le début du psaume 113 nommé Hallel et on buvait la deuxième coupe. Après ce rite, avait lieu le repas. Le père de famille rompait le pain, le bénissait et le distribuait puis on mangeait un agneau, qui avait été immolé au temple,  avec des morceaux de pain azyme et des herbes amères. Après le repas, le père de famille prononçait la prière d'action de grâce, on buvait une troisième coupe nommée "coupe de bénédiction" et on terminait le chant du Hallel. On buvait une quatrième coupe pour clôturer la cérémonie.

C'est pendant ce repas pascal que Jésus a institué l'eucharistie. Deux récits légèrement différents nous en sont donnés, l’un est fait par Marc et Mathieu, l’autre par Luc et en parti par Paul.

Marc et Mathieu nous racontent que  le soir venu alors qu'ils étaient à table,  Jésus pris du pain, le bénit, le rompit et le leur donna en disant "Prenez, ceci est mon corps", puis, prenant une coupe, il rendit grâce et la leur donna en disant "Ceci est mon sang, le sang de l'alliance qui va être répandu pour une multitude"

Luc et Paul nous disent quant à eux que Jésus prit une première coupe, qu’il rendit grâce et dit "Prenez ceci et partagez entre vous"... puis, prenant du pain, il rendit grâce, le rompit et le leur donna en disant "Ceci est mon corps, donné pour vous; faites cela en mémoire de moi". Il fit de même pour la coupe après le repas, disant "Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang  versé pour vous"

C'est ce dernier récit qui correspond le mieux au déroulement de la Pâque juive avec plusieurs coupes et la coupe de bénédiction après le repas.

Les évangiles synoptiques et l'évangile de saint Jean sont d'accord pour dire que Jésus est mort la veille du sabbat, qu'on appelait le "jour de la préparation", c'est à dire le vendredi. Mais il y a semble-t-il une contradiction entre saint Jean et les synoptiques sur le jour de la Cène car, selon saint Jean, Jésus aurait pris le repas et lavé les pieds de ses disciples avant la fête de la Pâque, fête qui tombait cette année là le jour du sabbat. Ce que l’on sait toutefois c’est que la crucifixion de Jésus a eu lieu le 14 Nizan à l'heure où l'on immolait les agneaux pour la Pâque.

On a proposé une solution selon la quelle ces deux récits ont raison. Il y avait en effet au temps de Jésus deux calendriers des fêtes qui ne situaient pas la fête de la Pâque le même jour : le calendrier populaire qui est suivi par les synoptiques et le calendrier des prêtres du temple qui est suivi par saint Jean.

Le lavement des pieds

L'Évangile de St Jean (13/1-15) raconte qu'avant la fête de la Pâque, sachant que son heure de mourir était venue, Jésus au cours d'un repas lava les pieds de ses disciples.

Lorsqu'il vint laver les pieds de Simon Pierre, celui-ci refusa. Jésus lui : "Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi" et il ajoute : "Celui qui a pris un bain, n'a pas besoin de se laver, il est entièrement pur. Vous aussi, vous êtes pur, mais pas tous"

Puis il leur expliqua son geste : "Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c'est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi comme moi j'ai fait pour vous". Enfin il annonce que l'un de ses disciples le livrera.

A Rome au IVème siècle et en Gaule, le Jeudi saint était le jour de la réconciliation solennelle des pénitents et leur réintégration dans l'assemblée. En effet les pénitents qui avaient gravement péché étaient exclus de l'assemblée eucharistique On les réconciliait pour qu'ils puissent participer à l'eucharistie de Pâques. Les rites ont évolué. Lorsque le carême s'est organisé, les pénitents étaient exclus au début du carême et on leur imposait les cendres. Dans certains pays, le symbolisme de réintégration va s'exprimer de la manière la plus visuelle possible dans la liturgie de la réconciliation, le jeudi saint, où l'évêque ramène en farandole les pénitents réconciliés, en tenant par la main le premier d'entre eux tandis que tous les autres se donnent la main.

La cérémonie chrétienne du lavement des pieds existait dans beaucoup de communautés monastiques. On la trouve chez les moines irlandais au IVème siècle, puis elle est passé en Angleterre. Le Jeudi saint, le roi Édouard d'Angleterre en 1320 lavait les pieds à cinquante hommes pauvres. Les rois de France lavaient eux aussi les pieds à douze pauvres.

Cette cérémonie est appelée, dans le cérémonial des évêques,  "mandatum" mot latin qui signifie commandement, parce que Jésus a dit en lavant les pieds de ces disciples "Je vous donne un commandement nouveau"

En Gaule au Vème et à Rome au VIIème, il y avait plusieurs messes le Jeudi saint : une messe du matin pour marquer la fin du Carême et une messe du soir en souvenir de la dernière Cène. Puis on ne garda que la messe du soir qui, après le concile de Trente, fut reportée au matin. La réforme liturgique de 1955 la rétablie le soir.

En outre, le pape célébrait une messe appelée "messe chrismale" vers midi ou il consacrait les huiles qui servent pour le baptême et l'onction des malades.

Prière
« O sacrement où l'Amour se cache pour être cherché plus purement, où il se laisse voir à demi pour être désiré avec plus d'ardeur ! O secret merveilleux de l'Amour de mon Dieu ! Qu'ai-je fait pour mériter vos faveurs ? Que ferai-je pour m'en rendre digne ? Que ferai-je, Seigneur, moi qui n'ai, par dessus les autres pécheurs que l'abus de vos grâces, des lumières inutiles et le poids d'une vie pleine d'ingratitudes ? Tout me manque en moi ; mais faites tout. »
Fénelon

La passion du Christ

C’est au cours de l'office du Vendredi saint que l’on lit le récit de la passion selon St Jean. On le fait le plus souvent à trois voix et on l’écoute assis car ce récit est très long.

Dans cet évangile de St Jean, il nous est rapporté de nombreuses paroles de Jésus que l'on ne retrouve pas dans les évangiles synoptiques : paroles adressées à ceux qui viennent l'arrêter (18/4-9), au grand prêtre (18/20-23), à Pilate (18/33-38, 19/9-11, 19/25-27), à sa mère et au disciple bien aimé (19/26-27) et d'autres paroles qu'il prononce sur la croix (19/28-30)

Certaines de ces paroles manifestent la liberté de Jésus, ainsi demande-t-il à ceux qui viennent l’arrêter "Qui cherchez vous ?", au grand prêtre : "Pourquoi m'interroge-tu ?", à l’homme qui le gifle : "Pourquoi me frappe-tu ?", et à Pilate qui lui demande s’il est le Roi des Juifs : "Dis tu cela de toi même ?", il lui dit aussi : "Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en haut".  La Passion selon Jean souligne cette parfaite liberté de Jésus, maître des événements et elle témoigne de sa royauté dans le procès devant Pilate.

Plusieurs épisodes propre au récit de St Jean ont une signification doctrinale, ainsi le coup de lance qui lui perse le côté d'où sort du sang et de l'eau symbole des sacrements (19/31-37) alors que ses propres paroles à sa mère dévoile la maternité de Marie à l’égard des disciples (19/26-27). Même l’heure précise où Jésus meurt est le moment où on immole les agneaux pour la Pâque…  

On peut aussi se poser la question de savoir où l'esprit de Jésus est-il allé pendant la période qui a suivi sa mort et le moment de sa résurrection ? Le symbole des apôtres (le "Je crois en Dieu") affirme qu'il est descendu aux enfers, ces enfers qui désignent le lieu du séjour des morts et que la Bible appelle le Shéol.

Cette descente aux enfers représente d'abord la dernière étape de l'abaissement du Christ, elle signifie que le Christ est pleinement mort entre le vendredi saint et le jour de Pâques ; il n'est pas encore ressuscité, il a été jusqu'au bout de l'amour. Cette descente aux enfers c'est le silence apparent de Dieu tandis que la résurrection du Christ, sa sortie du Shéol, c'est sa victoire sur la mort, son triomphe sur les forces du mal.

En descendant aux enfers  (Epître de St Pierre 3/19 et 4/6) le Christ apporte la bonne nouvelle aux morts, aux esprits en prison. Le Christ  tire les morts de leur ténèbres, il les libère de la mort, il descend au Shéol pour en arracher les âmes des justes. La signification de la descente aux enfers c'est donc aussi que tous les hommes peuvent être sauvés, même ceux qui sont déjà morts, c'est le salut offert à tous.

C'est d'abord à Jérusalem que l'on a célébré le Vendredi saint.

A Rome, la célébration du Vendredi saint n'apparaît qu'au 8ème siècle. On trouve deux types de cérémonie. Il y a d'une part la liturgie papale qui comprend seulement la lecture de la passion selon St Jean et une longue prière universelle. On voit d'autre part la liturgie célébrée dans les paroisses. Elle comporte l'exposition de la croix sur l'autel, la lecture de la passion selon St Jean, la récitation du Pater, la vénération de la croix et la communion. C'est ce deuxième type de célébration qui se répand dans les pays francs. A partir du16ème l'office fut reporté au matin et les fidèles participent plutôt au chemin de croix vers 15 h. En 1955, la réforme liturgique a rétabli l'office le soir.

Tout comme au mercredi des cendres, l'Église demande aux catholiques de pratiquer le jeûne ce vendredi saint, le maigre et le jeûne y sont obligatoires. Si on prend un repas à midi, on ne prend qu'une légère collation le soir ou réciproquement. Sont cependant dispensés de ce jeûne les personnes de plus de 60 ans, les jeunes de moins de 18 ans accomplis et les femmes enceintes.

Le jeûne du vendredi saint comporte deux aspects : c'est tout d’abord un jeûne de deuil pour le jour de la mort du Christ mais c’est aussi un jeûne pascal afin d’avoir faim du Christ pour disposer le cœur à mieux accueillir le Seigneur ressuscité.

Aux quatre coins du Monde :

  • En Corse
Dans toute l’île, les pénitents défilent en procession, les jeudi et vendredi saints, pieds nus, coiffés de cagoule. À Sartène, la procession du "Catenacciu" se déroule dans la nuit du Vendredi Saint où un pénitent vêtu d'une robe rouge, chaîne aux pieds, croix sur l'épaule, refait le chemin du Golgotha. La foule implore le pardon de Dieu.
  • En Grèce
C'est un jour de jeûne austère. Après la messe du matin, le Christ est descendu de la croix par le prêtre et il est enveloppé dans un linceul. Le prêtre le porte ensuite sur son dos et  le tourne trois fois autour de l’autel. Les croyants  se courbent alors devant l’épitaphe et reçoivent la bénédiction en même temps que des brins de fleurs qu’ils conserveront tout au long de l’année

Le vendredi soir après l'office, chaque église sort son épitaphe (cercueil  en forme de lit à baldaquin), précédé de la croix puis une procession accompagnée par une fanfare qui joue un chant funèbre se met en route pour faire le tour de la pâroisse tandis que, tout au long du parcours, les fidèles lancent des fleurs et parfument l’épitaphe, tout en tenant dans leurs mains des cierges de couleur jaune-orange.
  • Dans les pays scandinaves
Le Vendredi saint est un jour férié en  Norvège, Suède, Danemark et Finlande.

La semaine sainte a reçu en norvégien l'appellation de "Den stille uke" (semaine silencieuse), car elle est  une période de solennités silencieuses  à cause de la mort du Christ. En Norvège, les fêtes pascales sont associées au repos et aux vacances à la montagne. La semaine sainte est une semaine de silence aussi en Finlande.  Le dimanche de Pâques, on permet aux enfants de jouer avec leurs amis et de battre la mesure sur des instruments de musique pour célébrer la fin de la semaine de silence.  

Le vendredi saint est appelé "vendredi long", en Suède, en Norvège, et au Danemark. Le Vendredi saint en Suède est un jour de grand calme ou personne ne devait travailler et où l’on s’habillait de noir, d'ou une journée très longue.
  • Contraste entre les pays scandinaves et les pays d’influence espagnole.
Les uns et les autres attachent une grande importance à la semaine sainte comme le montre le caractère férié du Jeudi saint. Mais ils vivent la semaine sainte d'une manière très différente. En Espagne, au Portugal et en Sicile, comme en Grèce,  on participe intensément à la passion du Christ par des processions, des tableaux vivants et des chants funèbres.  Dans les pays nordiques, on fait le deuil de la mort du Christ par le silence et dans le repos.
Prière (psaume 30)
En toi, Seigneur, j'ai mon refuge ;
garde-moi d'être humilié pour toujours.
En tes mains, je remets mon esprit ;
tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité.

Je suis la risée de mes adversaires,
et même de mes voisins ;
je fais peur à mes amis,
s'ils me voient dans la rue, ils me fuient.

On m'ignore comme un mort oublié,
comme une chose qu'on jette.
J'entends les calomnies de la foule ;
ils s'accordent pour m'ôter la vie.

Moi, je suis sûr de toi, Seigneur,
je dis : Tu es mon Dieu !
Mes jours sont dans ta main :
délivre-moi des mains hostiles qui s'acharnent.

Sur ton serviteur, que s'illumine ta face ;
sauve-moi par ton amour.
Soyez forts, prenez courage,
vous tous qui espérez le Seigneur.


Ce jour est appelé le Grand Sabbat selon un  usage qui remonte aux Pères de l’Eglise. C’est en effet ce jour là qui précède le dimanche de Pâques que Jésus s’est reposé dans la mort et dans le tombeau avant d’instituer par sa résurrection un jour nouveau, une semaine nouvelle. C’est un jour de silence et d’attente au cours duquel, selon l’usage catholique romain, les cloches des églises restent silencieuses et où on ne célèbre ni baptême, ni mariage.

Alors qu’avant la réforme liturgique voulue par le pape Paul VI, la célébration de la résurrection avait lieu le samedi matin, elle ne commence désormais que le samedi soir au cours de la Veillée pascale.

Prière

Nos fautes ne peuvent nous enfermer,
puisque le Christ sans péché,
les a assumées et les a rachetées.

Nos ténèbres ne peuvent durer
quand le Christ lumière est avec nous.

Ouvrons nos yeux et notre cœur,
réjouissons-nous, émerveillons-nous !

La vie a vaincu la mort.
Lumière née de la Lumière
Tu nous fais naître par Ta Lumière.