Le Chêne d'Allouville

C’est au centre du village d'Allouville-Bellefosse, à proximité immédiate du clocher de l’église, en Seine-Maritime, sur le canton d’Yvetot, que vous pourrez découvrir ce chêne pédonculé. D’une circonférence de 16 mètres à sa base pour une hauteur de 18 mètres, il est réputé pour être le plus vieux chêne de France.

Pour commémorer le 200ème anniversaire de la Révolution, un grand nombre de chênes, symbolisant l’Arbre de la Liberté, furent plantés. On peut donc imaginer que, lors de l’avènement de la Normandie en l’an 911, un chêne fut planté dans le village d’Allouville, appelé alors Alouf. Cependant certains scientifiques pensent aujourd’hui qu’il aurait été planté au début du IXe siècle et pourrait être contemporain de Charlemagne… il aurait aussi vu défiler les troupes de Guillaume le Conquérant en marche vers l’Angleterre.

Son histoire connue s’écrit en plusieurs étapes

  • En 1696, alors qu’au fil des ans le tronc s’est creusé, le Père du Cerceau, fervent défenseur du vieux tronc et de sa cavité, fait venir les enfants du pays et les fait pénétrer à l’intérieur du tronc… il arrivera ainsi à en faire pénétrer 40. A la suite de cet évènement, l’Abbé Jacques Delalande du Détroit, curé d’Allouville, glisse dans le creux de l'arbre une image de la Vierge et transforme le chêne en chapelle qu’il dédie à « Notre Dame de la Paix » invitant désormais les paroissiens à venir prier pour la paix.

 

Il recouvre avec de l'essente toutes les crevasses du chêne et construit, avec du bardeau, un petit clocher surmonté d'une croix de fer qui s'élève au-dessus du feuillage. Ce clocher, qui figure sur une gravure d'Eustache-Hyacinthe Langlois, ne subsiste plus aujourd'hui. Un peu plus tard, la cavité supérieure est transformée en chambre sommaire dite « Chambre de l’ermite ». 

  • En 1710, le Père Du Cerceau, alors professeur à Rouen, a écrit une ode dans laquelle il aurait espéré être un ermite et imaginait dans cette œuvre se faire livrer chapon et champagne par ces braves gens attristés de son sort....Cette œuvre est enregistré aux archives de Lyon
  • En 1793, une bande de révolutionnaires, ivres de fureur, ayant déjà mis le feu au hêtre et à l’épine noire du presbytère, veulent s’en prendre au vieux chêne. Le Maître d’école du village, Jean-Baptiste Bonheur, a alors l’idée d’apposer sur le vieil arbre un écriteau portant ces mots : « Temple de la Raison ». Ces mots magiques eurent pour effet de calmer la colère des révolutionnaires et de braves gaillards, défenseurs du vieil arbre, armés de faux, les chassèrent définitivement.
  • En 1853, l'abbé Cholet profite d'une visite du préfet de la Seine-Inférieure pour lui demander de classer le chêne comme monument historique et restaurer le lambris de la chapelle. Le baron Le Roy offre 1 200 francs pour la restauration du chêne. L'abbé Robert, alors directeur au séminaire d’Yvetot, se charge de conduire le travail de restauration, qu'il fait exécuter par M. Martin, sculpteur de Caudebec. L'œuvre est accomplie dans le style du XVIIe siècle. Une fois achevé, Mgr Blanquart de Bailleul, archevêque de Rouen, bénit l'autel neuf et y célèbre la messe le 3 octobre 1854.
  • En 1887, de nouvelles dégradations, dues aux intempéries, incitent l’Abbé Paris et les habitants d’Allouville à remuer ciel et terre afin d’obtenir que des travaux de grande ampleur soient entrepris pour en assurer la consolidation. L’intérieur du tronc est refait en lambris de chêne, un bardage de centaines d’écailles de bois est mis en place pour recouvrir le tronc et le protéger des pluies et des frimas.

 

Un véritable escalier, doté d'une ballustrade pour en faciliter l'accès, est aussi mis en place.

Au cours de ce siècle, une statue de la Vierge en bois doré est offerte au chêne par l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, statue qui se trouve aujourd'hui dans la sacristie de l'église Saint-Quentin d'Allouville.

En 1888, de nouveaux signes d’épuisement de l’arbre se font sentir. Expertises et travaux se succèdent alors et son sauvetage est mis en œuvre avec l’aide de la Commune, du Département et de l’Etat. Un renforcement composé d’une structure métallique interne soutient le vieil arbre et une nouvelle restauration des chapelles est entreprise.

 

  • En 1912, il est frappé par la foudre qui l'ampute de moitié ; il est depuis sans cesse ausculté, soigné et consolidé.

  • En 1932, grâce à Henri Gadeau de Kerville, le site est classé monument historique.
  • En 1980, Serge Pénard y tourne un film : « Le chêne d’Allouville » ou « Ils sont fous ces Normands »
  • En 1988, une structure métallique est installée pour soutenir l'arbre qui menace de s'abattre. Deux ans plus tard, le chêne est restauré à cause de son état de santé et des dégradations dues au tourisme.
  • En 1996, fin des travaux et célébration du 300ème anniversaire des chapelles.
  • En 2007, une reprise des escaliers avec un réaménagement des abords pour éviter le piétinement et améliorer les conditions de sécurité a été effectué.
  • En 2008, les planches de bois et les graviers qui entourent le chêne ont été changés et un espace a été spécialement aménagé aux alentours pour faciliter la visite des touristes.

 

Notons que l’oratoire champêtre, long de 1,75 m, large de 1,17 m, mesure 2,28 m de hauteur. Il a été aménagé au début du XIXe siècle, parqueté comme un salon et on peut apercevoir au fond un autel de bois éclairé par deux chandeliers et une lampe suspendue au plancher. Les images de sainte Marie, de saint Joseph et de saint François-Régis ont été tapissées sur les murs. La porte a été grillagée pour empêcher l'entrée au sanctuaire sans en cacher la vue.

(gravure du chêne datant du XVIIIe siècle)

 

Ce chêne a une grande notoriété tout au long du 19ème siècle et même aujourd’hui on peut y comptabiliser de 30000 à 60000 visiteurs.