Dimanche 1er Juillet
Une journée à Boulogne et par un vilain temps de pluie. Henri, Valentine et Henriette sont venus. Rien d’intéressant à noter ni dans ma vie du dehors ni dans ma vie du dedans. Ce soir je me suis surprise à chanter mais cela ne veut pas dire grand-chose. Je ne suis ni gaie, ni triste, j’essaye de me con fier à Dieu en fermant les yeux à tout. Je ne veux pas m’écouter car il y a toujours une voix qui pleure en moi !...
Lundi 2 Juillet
C’est aujourd’hui le 26ème anniversaire du mariage de papa et de Maman. Maintenant nous ne les fêtons plus ; depuis la mort d’Henri, tout s’est assombri dans notre vie de famille.
Nos amies Bonnal arrivant Mercredi à Boulogne, j’y partirai sans doute jeudi pour quelques jours…………………..
Ici les heures sont douces, malgré certaines tristesses, je voudrais les prolonger à l’infini.
Mardi 3 Juillet
Hier, dans la rue nous avons rencontré Christian qui venait à la maison. Avec lui je suis aussi douce et affectueuse que possible. Il est triste, la pensée de mon mariage lui fait mal. Et puis il a peut-être d’autres peines, des chagrins d’amour. Il avait trouvé la femme de ses rêves, la femme idéale et il ne l’aura jamais… jamais ! Pauvre ami, il souffre, il dit qu’il ne se mariera pas et que n’ayant pas eu de foyer dans sa jeunesse il n’en connaîtra pas non plus les douceurs plus tard comme il l’avait espéré. Seul d’un bout de l’existence à l’autre, oh ! quelle lamentable vie ; il ne la lui faut pas, à mon frère Christian ; je le sermonnerai la prochaine fois que je le verrai, les confidences qu’il a confié un jour à mon amitié m’y autorisent ; jamais je n’y ai fait la moindre allusion jusqu’à présent mais puisque je suis peut-être la seul à laquelle il ait dit cette parie de son âme dans une heure d’amollissement, je dois le conseiller, l’encourager !.....
Marie arrive demain avec son mari et son fils. Je vais donc enfin le connaitre, mon cher petit Tony. On m’a dit qu’il criait beaucoup mais je suis sûre que cet enfant est délicieux. Je compte les heures qui me séparent du moment où je pourrai l’embrasser.
Mercredi 4 Juillet
Enfin ! j’ai vu Tony. Je l’ai vu téter, dormir, crier, c’est à peu près tout ce qu’il sait faire. C’est un gros poupon, il n’est pas joli, joli garçon mais je l’aime beaucoup tout de même. Je le reverrai demain, à Boulogne où l’on doit le présenter à son arrière grand’mère. Monsieur Tony a de jolis yeux bleus, un amour de petit nez et une grande bouche. Ilo n’est pas encore à l’âge où les enfants sont très intéressants, mais pour mon compte je les aime dès leur premier instant de vie.
Henri est venu ce soir ; je ne le verrai pas avant dimanche. Cette petite, toute petite séparation va-t-elle nous sembler longue à l’un et à l’autre ? Je pars demain pour Boulogne. Mon âme est heureuse et navrée, mais plus navrée qu’heureuse. Mon Dieu, mon Dieu, donnez-moi un courage, j’en ai un immense besoin. Je vais mettre mon cher mort au cercueil une seconde fois.
Jeudi 5 Juillet - Boulogne
Me voici toute seule dans l’appartement du second à Boulogne…. Il est 10 heures et ma pensée s’envole vers les amis absents. Tout est calme et divinement recueilli autour de moi et je trouve même que cela l’est un peu trop car j’ai peur d’avoir peur. Ici, je suis entourée de souvenirs mortuaires. La chambre où je vais passer la nuit, ma chère chambre d’été, est celle où notre Henri a exhalé son dernier souffle. Il flotte dans l’atmosphère silencieuse qu’il emplit d’une sensation de regret et de mélancolie. Puis, dans le couloir, je viens de me heurter à la malle du pauvre Benjamin, cela m’a produit une sensation étrange, comme si je tombais sur un cercueil. Je songe aux disparus dont les souvenirs me cernent de si près et j’ai peur de m’enfoncer dans cette rêverie qui m’impressionne douloureusement. Je vais donc gagner mon lit et essayer à rester sans pensée le plus promptement possible. Mais auparavant j’envoie le plus affectueux des bonsoirs aux chères images qui habitent mon âme et qui, à cet instant, surgissent plus impérieusement dabs ma vie, réclamant, comme leur dû, ce tribu quotidien de mon affection.
Vendredi 6 Juillet
Hier, la crainte que j’avais de me laisser envahir par les souvenirs mauvais qui se présentaient à mon cœur et à mon esprit a fait que j’ai cherché un refuge dans le sommeil sans avoir rien dit de notre journée. Arrivée le matin, j’ai trouvé nos amis Bonnal installées de la veille et bien heureuses d’être à Boulogne. Dans l’après-midi, j’ai revu mon Tony que j’ai porté, bercé, pouponné malgré la peur que j’avais de casser cette frêle petite chose.
Puis, nous avons eu la visite longue, très longue, du beau Comte Henri de Solminihac. Il est resté avec nous de 4 à 7 heures et cette longue station ne lui a sans doute pas suffi parce qu’il a beaucoup insisté pour que nous allions à la musique militaire le soir même. Après le dîner, Lucie nous a conduites, toutes les cinq, au parc de St Cloud où de Solminihac et de la Grondière sont venus nous faire leur cour pendant que l’orchestre chantait et pleurait tour à tour sous un grand ciel nuageux……….
Aujourd’hui, Jeanne vient de ranger ma chambre. Je la retrouve un peu telle qu’elle était l’an dernier….. Mais il y a sans doute quelque chose de changer dans mon âme. Quelques objets, ensevelis pour l’hiver, ont fait monter des larmes au bord de mes yeux par leur seule vision. Et puis je viens de découvrir mon Christ d’ivoire que je trouvais si doux et si suave….. Cette année il me fait peur, je ‘ose pas le regarder, il est trop blanc sur l’ébène de sa croix, trop sévère, trop rigide – (ou mon âme est trop lâche et trop mauvaise). Ce soir au sortir d’un très gai dîner de jeunes gens et de jeunes filles auxquels l’ami Christian a communiqué son bel entrain, je suis toute triste et désorientée. Les grands éclats de rire me font mal, ils effarouchent quelque chose dans mon âme. Je suis dans une de ces heures grises où la vie m’apparait comme une interminable steppe tout hérissé de ronces. Il me semble que je dois y marcher seule et lasse jusqu’à l’horizon qui se recule toujours. Je demande pardon de cette pensée navrante à celui qui m’a tendu la main pour me conduire à ses côtés dans ce voyage qui me fait peur. Et pourtant, malgré l’affection et le dévouement d’Henri sur lequel je compte, j’éprouve l’horrible sensation d’être seule – oh ! seule ! si seule !.....
Samedi 7 Juillet
Il est 10h ½. Nous revenons de la musique militaire où l’aimable de la Grondière (revenu de Paris tout exprès, dans la pensée de nous rencontrer, a-t-il dit) nous a fiat une longue visite. Nous avons causé assez intimement, Henriette et moi, en revenant du parc de la Mairie et nous avons continué cette conversation qui nous intéressait dans les allées du jardin pendant que Valentine, Geneviève et Kiki organisaient des parties de plaisir pour les jours suivants. Ici, pas le temps de s’ennuyer si le mouvement et l’exubérance de la vie suffisaient à la combler. Je suis un peu fatiguée car nous sommes allées, les jumelles et moi, aux Quatre-Chemins. Le trajet que nous avons fait est un vrai voyage. Nous avons rencontré tante Gabrielle qui s’est montrée aussi aimable que possible mais que nous aurions préféré ne pas voir car nous avions l’air de pauvres abandonnées. Il parait que je parais si vieille, au dire de grand’mère, que je puis maintenant servir de mentor à mes sœurs.
Dimanche 8 Juillet
Ils s’apprêtent tous pour une promenade à bicyclette. – Oh ! l’amusant rendez-vous que Valentine et Kiki ont donné à Louis de la Grondière. Elles ont fait leur coup hier soir, à la musique, devant grand’mère qui ne s’est doutée de rien. Les têtes de Valentine, de Marguerite et de la Grondière étaient courbées sur le même programme qu’ils faisaient semblaient de lire très sagement et de discuter tandis que grand’mère les surveillait de tout le pouvoir de ses yeux et de ses oreilles.
« Nous irons à bicyclette demain », murmura Valentine d’une voix faible comme un souffle. « Ah ! l’Invitation à la Valse de Weber », reprenait la Grondière. « Où ? » - « A la Grande Cascade, Thèmes et Variations », ajoutait Kiki – « Gavotte Ninon – A quelle heure ? », demanda encore l’officier. « A 10 h ½ », répondait Valentine. Et c’était fait. Aussi, en ce moment, s’apprête-t-on avec joie. Comme nos follettes le disaient hier, il n’y a aucun mal là dedans mais ce n’est si amusant que parce que c’est en cachette. Oh ! l’attrait du fruit défendu sur nous toutes, filles d’Eve !
Lundi 9 Juillet
C’est rue Cambon que j’écris ce matin. Hier la journée a été très mouvementée. Nous n’étions que 10 à déjeuner mais sur ce nombre il n’y avait que grand’mère de "parents", autrement dit de personne sérieuse. Pierre Machard et Georges Bonnal étaient mes deux voisins de table. Pierre est toujours très drôle ; quant à Georges il se débrouille un peu. Aussitôt après le déjeuner, mes sœurs et moi, nous sommes allées à notre réunion des Enfants de Marie. A 2h, nous étions de retour et trouvions Papa et Maman, arrivés pendant notre absence. Le capitaine Marc et sa femme, tante Nimsgern, Pauline et Marie vinrent ensuite et nous quittâmes promptement tout ce monde pour revenir ici où Henri avait annoncé sa visite. Cela m’a fait plaisir de revoir "mon fiancé". Puisqu’il doit être tout dans ma vie, il faut que je m’attache à lui de toutes les facultés de mon être.
Henri m’a causé une grande surprise en me demandant « ce que faisaient trois jeunes filles à 2h 07 minutes sur le quai de la gare d’Austerlitz ». Il était dans un train qui stationnait et il a eu le temps de nous voir assez pour me décrire nos costumes et nos attitudes.
Mardi 10 Juillet
Hier, comme nous sortions de la maison vers 1 heure et demie, nous sommes tombées dans les bras de Monsieur Moisy qui a voulu nous emmener dans sa promenade. Nous avons arpenté les Tuileries, la place cde la Concorde et les Champs-Elysées causant gaiement avec ce cher Monsieur. Je le voudrais heureux lui aussi, car c’est un charmant ami et, s’il y a eu quelques erreurs au début de sa vie (ce que je ne veux pas savoir) il a du les regretter suffisamment depuis. Mais il y a d’autres bonheurs qui me sont plus chers que le sien et pour lesquels je voudrais trouver des prières assez ardentes pour forcer le cœur de Dieu. Ma Mimi, mon Christian, mon Léon, mes frères d’âme, ma douce trinité d’amis, voilà ceux pour lesquels je voudrais que la vie ne soit qu’un long et enivrant sourire…. Et plus près de moi encore il y a mes vrais frères, mes vraies sœurs, et encore plus près, si près cette fois que mon existence est liée à la même, il y a Henri. Le rendrai-je heureux ? Serai-je vraiment pour lui la femme douce et dévouée, celle qui lira son âme, qui en connaîtra tous les côtés beaux ou faibles pour ne jamais la heurter rudement. Souvent je le plains, le pauvre enfant ; je le sens rempli d’illusions sur la vie qu’il voit si belle, si riante au devant de lui et j’ai peur en songeant que c’est à mes côtés qu’il verra s’envoler peu à peu ses chimères, que c’est dans mes bras qu’il perdra ses rêves et qu’il les pleurera peut-être. Trouverai-je les paroles qu’il faudra pour consoler et encourager cette âme que Dieu me confie et moi-même rencontrerai-je dans Henri l’ami indulgent et tendre qu’il me faut !... Je ne puis pas considérer le mariage comme la plupart des jeunes filles qui en voient les avantages et les joies sans jamais songer aux sacrifices, aux devoirs et aux douleurs qui jaillissent de ce sacrement. Moi, au contraire, c’est la pensée grave qui m’étreint, qui m’oppresse te me fait peur. Je me sens au-dessous de mon rôle, indigne d’être la felle d’Henri et malgré ma bonne volonté, je redoute ma faiblesse. Je crains les rêves anciens, les deux chers rêves qui ont bercé ma jeunesse et qui me remonteront de temps en temps au cerveau et…. même au cœur.
Oui, deux fois déjà, on m’a aimée et j’ai cru à l’amour. Ce sentiment que je croyais immortel s’est éteint, la première fois dans l’indifférence et l’oubli et la deuxième fois dans une paisible amitié. Et je m’étais dit : « Plus jamais je ne croirai ! » lorsqu’Henri est venu à son tour. Longtemps, j’ai douté mais, à trois reprises, j’ai lu dans son regard un trouble, une flamme venue du cœur et puis son accent était sincère ! Quand il m’a dit qu’il m’aimait, son âme était sur ses lèvres. Alors j’ai cru et je me suis fiancée. Troisième et dernier rêve ! Maintenant mon âme est close et lorsque celui-là aura cessé de m’aimer
d’amour ce qui arrivera et tôt peut-être, malgré sa bonne foi, il y aura quelque chose de brisé en moi, d’éteint à jamais.
« Toujours », c’est le mot le plus inventeur de la langue humaine ! Il n’appartiendrait qu’à Dieu de le prononcer et lorsque je l’entends sur des lèvres de chair, je suis prise d’un frison d’amertume et d’immense pitié. Et pourtant je le dis moi-même, ce mot, si ce n’est de bouche au moins au fond de mon cœur. Moi qui passe, j’ai la folie de tout vouloir éterniser et il n’y a rien qui me fasse plus souffrir que la fuite désespérée de tout.
Ne songeons plus aux anciens bien-aimés. Ils ont menti sans le vouloir et leurs paroles doivent être mortes comme leur amour. Je ne veux plus réveiller leurs regards éteints ni la fièvre qu’ils m’avaient mise au cœur. Tout cela est disparu, noyé dans le passé et les jours qui se sont écoulés depuis se sont transformés en siècles !
Une ère nouvelle commence, j’y entre l’âme blessée et lourde des douleurs d’antan mais pleine de confiance en Dieu. J’aurais repoussé Henri si je n’avais pas cru qu’il m’aimait vraiment et que je le ferais souffrir par un refus. Je l’ai accepté avec la ferme intention de lui donner tout le bonheur que je pourrai. Je l’aimerai mais pas autant que je l’aurai fait avant d’avoir joui et souffert, je l’aimerai comme je suis capable d’aimer maintenant. Mon Dieu faites que ce soit encore plus qu’aucune autre femme ne l’aurait fait !...............
Laissons ces sujets graves qui occupent souvent ma pensée, qui mettent des remords dans mon cœur et qui me font voir l’avenir en sombre. J’aurais tant voulu n’avoir qu’un seul amour dans toute ma vie !...
Aujourd’hui j’ai vu mon cher bébé Tony. Je l’ai trouvé encore plus gros et plus gentil que jeudi. Je vais le revoir tout à l’heure chez grand’mère Prat où nous dînons et à laquelle Marie ira présenter son fils à 6 heures. Il y a aujourd’hui un an que nous apprêtions pour le bal. J’étais bien fatiguée et souffrante mais si heureuse ! Ah ! que je voudrais revivre cette nuit malgré mon malaise. Pourtant je ne voudrais pas que mon pauvre Henri soit si près du terrible malheur qui allait l’atteindre. Il est vrai qu’il ne s’en doutait pas. M’aimait-il déjà un peu en ce moment-là ?
Mercredi 11 Juillet
C’était ce matin l’anniversaire de la mort de Madame Morize. Maman m’a réveillée alors vers 5h ½ et à 6h ½ nous quittions la maison pour nous rendre au cimetière. Nous sommes allées aux deux tombes, à celle d’Henri d’abord, puis à celle de Madame Morize où nous avons déposé quelques roses. A 9h moins 10, nous étions de retour à la maison, à 10 heures nous étions au service anniversaire, à 11 heures chez grand’mère Prat. Il va être midi, nous allons déjeuner et partir à l’exposition. J’en suis déjà à ma 8ème toilette et je sens un peu de migraine m’envahir la tête. Ce soir, je serai fourbue. Il fait horriblement chaud et j’ai beau être vêtue d’une robe blanche très légère j’étouffe dans ma chambre où les volets sont fermés pourtant. J’ai la nostalgie d’un bon bain de mer ? Cela me prend quelquefois dans les jours comme celui-ci, pleins de soleil et de torpeur.
Henri était très bien ce matin. Tout à coup pendant la messe, je me suis aperçue que je le regardais depuis longtemps au lieu de prier pour sa mère. Oh ! de plus en plus je sens monter à mon cœur ce désir : qu’il soit heureux. Il me confie son bonheur et puisque j’accepte cette mission, malgré mon indignité, je dois la remplir noblement et faire tous les sacrifices qu’elle me demande.
10h soir
Avant d’entrer dans ma chambre je reprends un instant ce cahier. Nous sommes tous fatigués de notre journée, moi surtout qui ne suis point habituée à me lever d’aussi bonne heure mais je suis heureuse d’être un peu lasse puisqu’Henri y est pour quelque chose. Je ne m’attacherai réellement à Lui qu’en souffrant par Lui et pour Lui. On dirait qu’il le sent et qu’il cherche à me faire mal, il me parle souvent de la prochaine guerre, il la croit voisine et inévitable. Ce sujet m’est odieux et me tord le cœur. Quoi ! lorsque je l’aimerai bien, que j’aurai concentré sur lui toute ma tendresse, la guerre pourrait éclater et me le prendre. Ah ! non ! ça non ! je ne veux pas !
Pourquoi me parle-t-il de la guerre ?... Pour que je l’aime davantage à la pensée que je pourrais le perdre. Je ne le perdrai pas ; il est bien à moi, celui-là et Dieu qui a permis que je souffre deux fois déjà de l’oubli de ceux en qui je croyais, ne me réserve pas une douleur nouvelle.
Jeudi 12 Juillet 1900
Mimi est venue et nous avons passé deux bonnes heures ensemble, à causer de tout et de rien, bien heureuses de nous voir, de nous dire ce dont nos âmes sont pleines. Chère, chère Mimi, comme elle est vibrante et douce et que j’ai de chagrin à la pensée de la perdre pour deux mois et demi. Car elle va partir, mon amie, et c’est à peu près notre dernière entrevue qui vient de passer. Il faudra attendre à l’automne et peut-être même à l’hiver avant de reprendre nos chers entretiens. Et Dieu sait ce qui se passera d’ici là. Ma chérie sera peut-être devenue Madame Louis Ourdan mais pour moi elle restera toujours Mimi. Maman qui a eu 47 ans aujourd’hui est allée à Boulogne embrasser grand’mère. Elle a appris là bas que le procès contre les omnibus était définitivement gagné. C’était aussi l’anniversaire du mariage d’Henri et de Marie. Je pense à eux ce soir. Déjà un an !
Vendredi 13 Juillet
Une date néfaste pour les superstitieux : Moi, je n’en ai pas peur et si je ne sors pas aujourd’hui ce n’est point par crainte mais parce que rien ne m’appelle au dehors. J’attends Henri.
Samedi 14 Juillet
Toutes les troupes sont consignées ce soir. Henri qui devait venir a envoyé une dépêche tout à l’heure nous disant de ne pas l’attendre. Il n’y a que 24 heures que je l’ai vu, pourtant il me manque, sans doute parce que je comptais sur lui car je n’ai rien à lui dire. Je dois même lui paraître fort bête, j’ai des mouvements de paralysie morale quand il est là. Je ne sais ni parler, ni remuer, ni même penser souvent. Et pourtant, il n’est pas très intimidant, "mon cher fiancé", il est bien simple, bien enfant même. Je l’aime autant que je peux le faire et j’ai l’espérance que mon affection ira toujours en grandissant et en se fortifiant. Elle n’est pas encore ce que je voudrais qu’elle fut, mais mon rêve d’amour est peut-être trop beau pour devenir jamais une réalité. Mais s’il y a un homme capable de me guérir, de le faire oublier, de ressusciter la jeunesse et la pureté de mon cœur, cet homme là, c’est Henri !...
Je comprends un peu son âme maintenant ; elle est belle avec quelques faiblesses ; je voudrais la pénétrer tant qu’elle m’appartiendra autant que la mienne. Le jour viendra peut-être où j’écrirai sur mon journal : « J’aime immensément mon mari ! »
Lundi 16 Juillet 1900
Quelle chaleur ! Nous sommes tous échoués, il y a 35 degrés à l’ombre. Hier il faisait également très étouffant. Nous avons passé la journée à Boulogne avec la famille Aucher presque au complet puisqu’il n’y manquait que l’arrière Grand’mère de notre Tony. Cet important personnage n’a pas voulu dormir de l’après-midi. J’en ai profité pour jouer avec lui. Louis nous a photographiés Marie, Tony et moi et je suis bien curieuse de voir ce que cela aura donné. Je dois être tout à fait manquée car je n’ai fait attention qu’à Tony et pour le maintenir tranquille, j’ai remué tout le temps devant l’objectif ouvert. Pourvu que notre petit bonhomme soit bien venu !
Dans la soirée nous avons eu deux fois la visite d’Henri. La première entrevue, avant le dîner, ne s’est pas prolongée tard car Louis, devant aller à l’Opéra, nous nous sommes mis à table de bonne heure. Monsieur Morize qui est maintenant l’architecte de grand’mère, ayant quelque chose à faire dire à Maman au sujet de la maison de Passy a renvoyé Henri le soir. Il est resté avec nous sur le balcon jusqu’à dix heures un quart. Notre petit cercle tout intime, papa, maman, lui et moi, n’a pas semblé trouver le temps trop long. Henri m’a fait rire. Comme je préparais des grogs, je lui ai demandé de bien vouloir prendre du sucre. « Servez-moi, vous-même », m’a-t-il répondu - « Combien de morceaux ? » - « Je devrais vous répondre ce qu’un Mon sieur a dit un jour a une jeune fille : Deux seulement si c’est avec la pince et autant que vous voudrez si c’est avec vos jolis doigts. »
Mardi 17 Juillet
Nous continuons à cuire et pour peu que cela dure, Satan aura son ragoût tout cuit prêt ; Dieu pourrait supprimer l’enfer et permettre aux damnés de revenir sur terre par un temps pareil. Mais il ne faut pas toujours se plaindre et supporter cet excès de chaleur en esprit de mortification.
Nous avons développé hier les photographies tirées dimanche. En général, elles sont bien venues mais la température très élevée est cause, je crois, des défauts de gélatine qui marquent plusieurs de ces plaques. Celle de bébé Tony fait mon bonheur, on voit un peu les jolis petits traits de notre amour. Marie et moi, nous sommes moins bien mais nous ne sommes là qu’en guise d’accessoires. Le personnage important, c’est Tony.
Mercredi 18 Juillet
Aujourd’hui j’ai vu longuement Henri et plus je le connais, plus je me sens indigne de lui. Je voudrais lui donner une âme toute neuve, un amour immaculé. Oh ! ma vie passée que je voudrais vous effacer !...........
Ou, pour mieux dire, je voudrais me dédoubler et lui donner tout ce qu’il peut y avoir en moi de
passable, pendant que l’autre partie de mon être continuerait à vivre avec des souvenirs qui lui sont, malgré tout, immensément chers !........
J’aime Henri d’une affection sincère et profonde, si profonde que si je venais à le perdre, ma jeunesse serait irrémédiablement morte. Mais j’ai ce remords de penser que si d’autres l’avaient énergiquement voulu, jamais je ne me serais donnée à Lui. C’est donc un reste dédaigné que je lui ai offert en lui disant : « Voulez-vous toujours malgré mes aveux ? » Et il a dit : « oui » sachant que mon cœur avait palpité pour d’autres et que mon imagination avait déjà fait des rêves contraires.
Peut-être ai-je agi en folle en lui dévoilant ces choses que je pouvais ensevelir dans mon cœur et qui ne l’offensent directement puisque je n’étais pas lié à lui dans mes heures d’erreur. Je me suis peut-être préparée des tourments en disant à cet homme jeune et si vibrant ce qui en était du passé de ce cœur dont il veut devenir maître pour l’Eternité. Qu’importe dut-il me faire souffrir par ce que je lui ai révélé, je ne veux pas, je ne dois pas regretter ce que j’ai fait. D’autres n’auraient peut-être pas considéré ces aveux comme un devoir, je l’ai fait. Henri ne m’a pas demandé de détails ; j’espère qu’il aura la délicatesse de ne jamais le faire mais ‘il voulait savoir pourtant…. Dieu me donnerait le courage de tout lui dire. Et alors son âme se fermerait peut-être à pour moi, ou bien il sourirait, traitant cela d’enfantillages. Ma conviction est qu’il y a là dedans moins que des crimes et plus que des vétilles. Mais jusqu’où suis-je tombée, voilà ce que je ne sais pas, ce que je ne veux même pas savoir.
Jeudi 19 Juillet
Mon départ définitif pour Boulogne est fixé à Dimanche matin. Henri semble croire que je pars en Chine, aussi vient-il le plus possible pour profiter des dernières heures. Il voulait manquer un dîner à l’exposition demain pou passer quelques instants avec moi. Je l’en ai dissuadé mais il a l’air un peu têtu, mon cher fiancé, et je ne sais ce qu’il adviendra de mes exhortations désintéressées. Il doit m’aimer très sincèrement et la timidité l’empêche seule de me le dire. Il le prouve, cela vaut mille fois mieux. Je voudrais lui rendre au centuple l’affection qu’il me donne.
Louis m’a dit aujourd’hui que Maurice Bonnal qui a passé l’après-midi de Mardi avec mes sœurs était tout à fait toqué de notre Geneviève. Il en est tombé amoureux fou pour avoir déjeuné et faut une partie de tennis avec elle. Je ne nie pas le pouvoir de la bveauté de ma chère sœur mais Maurice Bonnal me semble trop facilement inflammable. Je me souviens que l’année dernière il avait eu pour moi un coup de foudre en tramway. On dit que Geneviève et moi, nous nous ressemblons. C’est sans doute ce modèle là, ce type qu’il faut à notre ami Maurice et comme il le trouve plus pur et plus frais dans Geneviève, il aurait grande envie de s’adresser à elle sans essayer de pénétrer auparavant ni jusqu’à son esprit, ni jusqu’à son cœur. Ah ! les hommes sont tous des charnels qui se laissent séduire par les formes gracieuses et c’est notre beauté, notre jeunesse qu’ils aiment seulement en nous. Mon rêve était d’être aimée plus complètement, mieux que cela……. Henri est-il autrement que les autres ?....
Samedi 21 Juillet
Hier mes sœurs et nos amis Bonnal sont venues déjeuner ici. Valentine et Henriette nous ont donné trois jolies broches. Le soir, Henri qui avait supprimé son exposition est venu dîner avec nous. Balzard est arrivé à la fin du repas.
Ce matin, nous sommes allées, Maman et moi, faire nos adieux à Monseigneur de Carmont qui part le 28 pour la Martinique. Il a été bon et charma nt comme toujours, il m’a donné des petites claques comme lorsque j’étais enfant et nous a bénies. Ensuite papa m’a mené chez Louis, à l’exposition des prix de Rome et chez Véfour où nous avons déjeuné. Les salons étaient encombrés de provinciaux et leurs conversations m’ont beaucoup amusée. Me voilà rentrée après avoir été chez grand’mère Prat et avoir reçu la visite de Marie Aucher. Je me suis déshabillée complètement et c’est en peignoir toute décoiffée que j’écris ces lignes. Nous sommes toujours sous les tropiques. On est un leu effrayé de voir cette température se maintenir. Demain je serai à Boulogne mais les autres prétendent qu’on y étouffe encore plus qu’ici.
Minuit
Henri m’a outrageusement gâtée pour ma fête, une corbeille de fleurs blanches tout à fait splendides, des vers délicieux, un obus Robin empli de bonbons de chez Boissier. Et je l’ai à peine remercié, n’osant pas ! Suis-je bête !
Boulogne Mardi 24 Juillet
Impossible d’écrier depuis que je suis ici ; je ne suis même pas encore installée dans ma chambre. En résumé voici ce qui s’est passé. Dimanche, Grand’mère était malade et il y avait 15 personnes à déjeuner, ce qui nous a fait tous travailler. Hier, Valentine et Henriette sont parties et j’ai du ne presque pas les quitter jusqu’à la minute de l’adieu sur le quai de la gare d’Auteuil. Ce matin, Lucie est partie à l’exposition et il m’a fallu faire marché et cuisine. Puis j’ai écrit 7 lettres, j’ai rangé un peu. Enfin je jouis d’un moment de liberté avant de descendre faire le dîner avec Geneviève. C’est bon de se reposer un peu….
Je n’ai pas vu Henri depuis Samedi. Il viendra peut-être dîner demain ici. En son absence, je relis le dernier sonnet qu’il a fait pour moi :
« Ces fleurs vous porteront, en leur corolle enclose,
Avec mes chers souhaits et mes vœux de bonheur,
Toute cette affection qui dans le fond du cœur
Au soleil de vos yeux s’est largement éclose.
Nom si pur : Madeleine ; évocation charmante
D’amoureuse beauté, de mystique blancheur,
Pour le cœur desséché mirage de fraîcheur,
Berceuse mélodie et musique calmante.
Doux nom qui jette à l’homme un parfum d’idéal
Qui, dans le paradis a fait rêver les anges,
Et que l’enfer jaloux n’a souillé de ses fanges.
Mais comme il faut avoir un rare et fin métal
Pour enchâsser l’éclat des perles de Golconde,
Pour rehausser ce nom, Dieu vous a mise au monde.
Jeudi 26 Juillet
Une bonne soirée hier. Il y avait nous tous, Monsieur Runner, les Peuportier et Henri à dîner. Je suis restée presqu’une heure en tête à tête avec ce dernier, dans le jardin des Bonnal. Nous étions assis sur le perron du Nord, causant tout bas sous un ciel splendide. La poésie de la nuit nous enveloppait d’une tiède étreinte et, malgré la réserve de nos paroles et de nos gestes, je sentais que nos deux âmes étaient bien près l’une de l’autre, plus près qu’elles ne l’ont jamais été. J’aime mon fiancé mais pas encore assez pour le désir tourmenté de mon cœur. Il n’a pas tout a fait mourir en moi. Et pourtant je suis heureuse de penser que son cœur m’appartient et je ne le changerai plus pour personne au monde. Si je pouvais réveiller seulement mon adoration enfantine pour lui, je ne désirerais rien de plus mais ce sentiment était fait de trop de pureté pour jamais renaître en moi. Mon âme a trop vécu depuis ce temps là.
Il paraît que Monsieur Runner, voyant Louis embrasser Marguerite dans l’obscurité du jardin, avait cru qu’il se trouvait en présence d’Henri et de moi. Notre cher abbé a jugé témérairement. Jamais Henri ne ‘ma donné un baiser, jamais il ne l’a tenté et je lui sais un gré infini de cette délicate réserve. Je veux que notre premier baiser de fiançailles me soit complètement doux et il ne le serait pas tant que mon cœur ne sera point purifié…………..
Aujourd’hui nous avons eu la visite de Maurice et de Georges Bonnal, venus en tandem de Beauvais. Ils ont passé toute l’après-midi avec nous et viennent de repartir mais par le train, cette fois-ci. C’est insensé de pédaler sous ce ciel de feu et le pauvre Georges était à demi mort. Maurice semblait aussi très fatigué mais il s’efforçait de ne point le laisser voir.
Ce matin, le courrier m’a donné une chère lettre de ma Mimi. Je lui répondrai aussitôt que je pourrai. Elle est à Houlgate, rayonnant de bonheur intime. Je sens mon âme illuminée et je jouis de tout ce qu’elle ressent car je l’aime de tout mon cœur, ma délicieuse amie.
Samedi 28 Juillet
Ayant passé la journée d’hier à Paris, je n’ai pas pu écrire ; le soir je ne suis rentrée ici qu’à dix heures et demi et tellement brisée que je n’ai pas eu le courage de m’asseoir à mon bureau. Je me suis jetée au lit mais impossible d’y dormir ! Un orage, l’excès de fatigue et mes pensées complotaient ensemble pour éloigner le sommeil dont j’avais si grand besoin. Ma chère cousine, son mari et son fils sont partis hier soir. Je leur ai dit adieu dans l’après-midi et j’ai avoué à Marie (sur sa demande) que tout était décidé entre Henri et moi. Le soir, j’ai eu la visite de "mon fiancé". Je l’aime beaucoup et j’aimerai bien recommencer une soirée comme celle de Mercredi. Il me dirait ce que je voudrais tant savoir, comment et pourquoi est née son affection pour moi.
Dimanche 29 Juillet
La nuit a été remplie par un orage très fort qui nous a tous empêchés de dormir. Depuis ce matin, il pleut à torrent, cela fait du bien aux plantes du jardin et à nous aussi car la température est plus supportable. Je voudrais cependant qu’il fasse un peu plus beau dans l’après-midi.
Soir – Le temps s’est levé vers midi et nous avons joui d’une très belle fin de journée. Henri est venu ! Je suis bien triste ce soir. Pourquoi ?....... Je crois que je l’aime vraiment beaucoup maintenant, j’ai tant besoin d’aimer……….. Il est d’un caractère difficile et par moments j’ai peur de ne pas savoir le prendre, je crains de le heurter. Et la vie sera sans doute difficile pour nous ?..... Il se révoltera souvent. Il doit avoir le caractère aigri par quelque chose que je ne sais pas encore comme le brisement d’un grand rêve. Il se pourrait qu’il eut dans l’âme une souffrance connue de lui seul. Il me la dira peut-être un soir et saurais-je, à cette heure là, être complètement douce et accueillante pour lui. Sinon son âme se fermera et jamais il n’y aura entre nous l’intimité profonde que j’ai rêvée et sans laquelle je ne saurais être heureuse.
Nous avons terminé notre journée par une visite à Madame Moisy ; elle nous attendait depuis le matin et ne comptait plus sur nous à 8h ½ du soir, heure à laquelle nous sommes allés sonner à sa porte. On est toujours gai, grand’ rue et les minutes y passent trop vite…..
Lundi 30 Juillet
Je repense à ce qu’Henri m’a dit hier de Saint-Chamond. Il faut qu’il réponde. Je voudrais qu’il dise « Oui » mais pour rien au monde je ne veux influer sur sa décision. Il faut qu’elle vienne de Lui et s’il a la délicatesse de me consulter, je dois avoir celle de ne lui donner aucun avis. Qu’il organise son existence comme il le voudra, je la partagerai. Je sais que cela sera dur ces dix mois de séparation complète d’avec ce qu’il aime mais il n’est plus un enfant, mon Henri ; cette épreuve le rendra plus homme ; moi aussi je deviendrai plus sérieuse et cette attente, très pénible sans doute, nous sera profitable à tous les deux. Nous nous aimerons mieux. En attendant, je désire la soirée de Dimanche, Dieu la fera belle pour nous rapprocher dans un même sentiment d’admiration émue.
Je ne parle jamais de "mon fiancé". Mes sœurs me le faisaient remarquer hier en me disant qu’elles ne seraient pas comme moi, qu’elles y penseraient tout le temps. Chères petites folles, comment peuvent-elles savoir que je n’y pense pas ?....
Aujourd’hui je suis seule à la maison. Emmanuel est parti à bicyclette, Louis est à son atelier et tous les autres à l’exposition. C’est délicieux d’être un peu seule avec ses pensées. Il n’est pas encore midi et il y a déjà une heure que nous avons déjeuné. Je vais aller travailler au jardin. La journée ne me semblera pas longue avec le très vivant souvenir de mon cher officier.
10h soir Mardi 31 Juillet
Solitude complète ! Personne dans les chambres voisines ; dehors une nuit merveilleuse, étoilée, calme et fraîche. Dans deux heures le mois d’Août commencera. Il me donnera mes 23 ans. Comme je vieillis vite !... Qu’importe après tout, je suis heureuse et je devrais remercier Dieu qui a mis tant de bonnes choses dans mon existence. Les douleurs que j’ai eues, que j’ai et que j’aurai ne sont que des épreuves nécessaires ; je suis encore une gâtée de la Providence.
Dix heures sonnent. Cela me rappelle les soirées de l’été passé. L’horloge qui marquait les dix coups est toujours la même, le son est identique à ce qu’il était il y a un an. D’où vient-il que cette même voix n’éveille plus les mêmes pensées dans mon âme. Je songe cependant à mon ami, à mon frère chéri qui a choisi cette heure pour la rencontre de nos rêves……. Mais hélas ! maintenant il y a un trouble douloureux dans le souvenir que j’ai gardé de Lui…. Dieu rendra à son image sa limpidité première et d’autres nuits plus belles et constellées comme celle-ci me trouveront pensant à lui, sans remords, avec une douceur infinie………
Mon Henri est aussi présent à mon esprit et à mon cœur. C’est en Lui que je me réfugie. Il ne me trompera jamais, Lui, du moins. C’est là mon dernier rêve, le désir de tous mes désirs. L’Amour qui nait dans nos cœurs et dont nous vivons en ce moment la délicieuse et troublante aurore sera immortel comme nos âmes qu’il unit….