Samedi 7 Juillet 1894

Enfin ! Je suis à Boulogne depuis hier et je reprends aujourd’hui mon journal bien longtemps interrompu.

Nous sommes encore dans les malheureux examens ; Louis a été retapé aux Beaux-Arts il y a une quinzaine de jours et aujourd’hui même nous sommes dans l’attente non pour un des garçons mais pour Henri Muel. Aimant Madeleine presque comme une sœur ; il est un peu notre frère et nous attendons le résultat avec espérance mais non sans inquiétude car ces examens sont devenus si difficiles u’on a vu les plus forts y échouer.

Hier je suis arrivée ici vers 10 h. J’ai rangé mon linge, mes robes et mes livres ; tante Maillot est venue déjeuner avec nous puis je me suis mise à mes leçons jusqu’à 4 h moins ¼. Nous nous sommes ensuite habillés et nous sommes partis avec Miss Jones et Madeleine Muel au parc de St Cloud où nous sommes restés une heure. En rentrant à 6 h nous nous sommes habillés à la hâte et Mr Runner et Mr Tingry sont arrivés pour le dîner.

Nous étions presque au dessert quant toute la salle à manger a été éclairée par une boule de feu électrique ; toute la maison a tremblé, tante Félicie a presque glissé sous la table, grand’mère a poussé un cri en se cramponnant à Mr Runner, son voisin de droite. Mademoiselle Jones, ce matin, nous a dit que le tonnerre était tombé rue de Billancourt sur une toute petite maison où, entré par la cheminée, il a complètement paralysé une vieille femme et tout brisé. A entendre la force du coup, nous pouvions croire u’il venait de tomber sur un des arbres de la cour, il n’en était rien car il était tombé à une centaine de mètres. Ce qu’il y a de plus curieux c’est que la maison toute basse sur laquelle la foudre est tombée est presque en face de la mairie où il y a un paratonnerre.

Dimanche 8 Juillet

Nous ne sommes allés qu’à la messe de 8 heures ce qui nous a permis de rester au lit jusqu’à 7 heures moins ¼. Maman, Papa, Henri et louis sont venus déjeuner avec nous. Madeleine Muel nous a fait ses adieux ; elle partait pour Lille où elle ne doit rester que 4 ou 5 jours et nous ramener Mademoiselle Marthe. Monsieur Henri est venu passer la journée avec les garçons ; il a été refusé à l’oral et par injustice ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! (Voici mes larmes) ! Heureusement que son examen écrit l’a rendu admissible et qu’il n’aura plus que la 2ème partie à recommencer.

J’ai rencontré aujourd’hui la famille de Monsieur X. J’ignorais qu’elle fut à Boulogne et si près de nous ! Ils y sont incognito (heureusement pour leur sécurité personnelle). J’ai promis à Geneviève qui m’a dit leur nom de ne pas le trahir et je ne le confie même pas à mon journal (ma plume elle-même l’ignore et si elle le savait elle se refuserait peut-être à l’écrire).

Lundi 9 Juillet

Grand’mère nous a réveillés à 4 heures ½ pour aller à la messe de 5 h ½ qui était dite par notre cher « R » partant en vacances. Après la messe nous avons été à la sacristie lui serrer la patte et lui demander une dernière bénédiction. Il a été profondément touché de notre témoignage d’affection (il faut en effet que nous l’aimions rudement pour nous être levés d’aussi bonne heure). En rentrant à 6 heures ¼ j’ai fait de la couture puis Margot et moi nous avons habillé notre affreux polichinelle de frère. Pendant que Madeleine est allée reculotter bébé, je m’empare de son journal où je veux inscrire l’honneur que j’ai reçu ce matin : Mr « R » nous a embrassées ce matin sur (2+2 = 4) les 2 joues Geneviève et moi, il s’est contenté de tapoter la main de Madeleine, aussi fort qu’il pouvait.

Elle revient, je me sauve !

                                                                                    Marguerite Prat

Mardi 10 Juillet

Ah !petite coquine, c’est ainsi que l’on écrit sur mon cahier ! Hier le dîner a sonné et je n’ai pas pu continuer l’emploi de ma journée que j’ai laissée  6 h ½ du matin. Vers 8 h ¼ Louise et moi nous sommes parties à Courcelles chez Mademoiselle Richer et rentrées pour le déjeuner. Il a plu pendant une grande partie de la journée ; mademoiselle Jones nous a donné la leçon dans l’après-midi comme d’habitude, puis après son départ nous avons essayé la fabrication de confitures de groseilles à macroc et de cassis (grand’mère qui nous a fait l’honneur d’y goûter a trouvé notre invention détestable) Pendant que nous étions encore à la cuisine à surveiller la cuisson de nos confitures, Madame Bonnet de Longchamps est venue avec ses deux filles. Ce ne sont pas des maies intimes car il y a 8 ans qu’elles n’avaient pas mis les pieds à la maison. Quoique en connaissant nullement Mlles Bonnet, j’ai du les promener dans le jardin pendant une heure à peu près que la visite de leur mère a duré. En partant Madame Bonnet de Longchamps a fait promettre à grand’mère qu’elle nous conduirait bientôt chez elle à Billancourt ; grand’mère qui la trouve une bavarde insupportable ne paraît pas disposée à lui rendre sa visite très prochainement. Elle peut fort bien attendre 4 ou 5 ans puisqu’il y avait 8 ans que ces dames n’étaient pas venues la voir. Voici pour ma journée d’hier, pas très récréative.

Aujourd’hui nous nous sommes levés vers 6 h ½ Bébé avec une forte col…. Et moi avec des joues très enflées ; j’ai bien peur que cela soit les oreillons, j’espère pourtant que non n’éprouvant aucune douleur mais seulement de la gêne dabs les mouvements de tête. Nous nous sommes bien ennuyées, les jumelles et moi, en pensant à Madeleine Muel ; heureusement que Madame Muel et Mr Henry doivent venir dîner et, comme ils sont très gais, nous pouvons bien nous amuser. Il a fait un temps archi-détestable toute la sainte journée.

Mercredi 11 Juillet

Je dois commencer mon journal d’aujourd’hui par le récit de notre soirée d’hier. Md Muel et Mr Henry sont venus vers 6 h ½, nous étions habillé mais grand’mère n’était pas prête et nous avons causé avec eux dans le salon. Les jumelles ont montré leurs coquillages à Mr Henry qui les a trouvés très jolis et qui nous a dit qu’il n’en avait jamais vus de semblables que chez les marchands. Après le dîner quia  été très bon, Eugénie étant devenue bonne cuisinière depuis son entrée à la maison, nous sommes allés dabs le salon. Nous avons d’abord causé de choses et d’autres et joué avec Minet qui dormait ou pour mieux dire faisant semblent de dormir sur les genoux de Mr Henry qui le gâte énormément et lui laisse faire tout ce u’il lui plaît. Ce n’était pas très récréatif ; heureusement, je ne sais comment il m’est venu l’idée que nous pouvions jouer à la main chaude. Quant c’était au tour de Mr Henry à deviner, nous avions inventé un petit truc très chic pour qu’il ne devinât pas du tout ou que très difficilement celui ou celle qui l’avait touché.

Madame Muel et Mr Henry sont partis vers 10 heures, il pleuvait à torrents, heureusement qu’ils ne demeurent pas loin et qu’ils avaient des parapluies. Toute la nuit il a fait un temps affreux. La pluie tombait par rafales et le vent secouait violemment nos pauvres arbres. Je me suis réveillée plusieurs fois et c’était à croire véritablement que le ciel s’effondrait.

Ce matin, j’ai reçu une lettre charmante de Madeleine ; Madame Muel qui m’avait prévenue que l’écriture en serait épouvantable s’est trompée, elle était très bien écrite et, pour ma part, je voudrais bien être capable d’en faire autant. Depuis hier j’apprends à écrire un peu la gothique avec Mademoiselle Jones, ce n’est pas très difficile et cela m’amuse beaucoup. Dimanche les garçons m’ont dit que Madame Normand m’avait renvoyé mon éventail, qu’il y avait beaucoup de signatures et, chose encore plus précieuse, Edouard Detaille ne s’est pas contenté d’écrire son nom, il m’a dessiné un charmant soldat écossais à la plume.

Madeleine Lemaire et Suzette Lemaire m’ont fait à l’aquarelle, l’une un ravissant petit bleuet et l’autre une petite branche de chèvre feuille ravissante. Je suis heureuse au possible de leur amabilité à tous et particulièrement de celle de Madame Normand, qui, sans me connaître, s’est chargée de la tâche peu agréable de le faire signer par tous ces personnages éminents. Monsieur Larrommet ne pourra me refuser d’y mettre aussi son nom qui n’en sera pas le moindre ornement.

Je viens d’écrire à Maman et nous allons sortir avec Mademoiselle Jones, je dois aller me préparer ; je quitte donc mon journal et je le reprendrai peut-être ce soir si je trouve un moment mais j’en doute car après le dîner, Madeleine Muel qui sera de retour viendra nous voir comme elle me l’a promis dans sa lettre de ce matin. Henri et Louis à l’heure qu’il est doivent être bien heureux car ils attendent l’arrivée de notre bonne chère et aimable … (ce nom est toujours écrit de façon quasiment illisible dans tous ces écrits et ce, je le pense, bien volontairement… aussi je le mets en copie ci-dessous !!! Réflexion de Philippe Morize)

Jeudi 12 Juillet

Quelle journée que celle d’hier ! Partis à 2 h 20 de la maison nous nous sommes dirigés vers les bois de Meudon par le parc de Saint Cloud Nous avons pris l’allée de la fête et l’avenue des montagnes russes et du jeu de boules et nous sommes arrivés à Sèvres que nous avons traversé par le bas de la ville. Le temps délicieux, ni trop chaud ni trop froid, commençait à devenir menaçant quand nous atteignîmes le funiculaire de Bellevue après une heure de marche. Néanmoins, comme il ne pleuvait pas, nous ne pensions pas devoir terminer notre promenade et revenir sur nos pas sans avoir fait une belle promenade dans les bois.

Dans une grande avenue qui mène à l’Observatoire de Meudon, nous avons eu une première averse, nous sommes rentrées un instant dans la petite église de Bellevue et, quand nous en sommes sortis, le soleil avait chassé les nuages mais, à 10 minutes de là, une pluie horrible nous a surpris ; l’eau tombait par rafales, transperçant sans peine le dôme de verdure que formait au-dessus de nous les arbres de l’avenue. Nous avions tous des parapluies mais, comme ils ne nous suffisaient plus et que nous commencions à être trempés comme des barbets, Mademoiselle Jones a voulu nous trouver un abri.

Une porte grande ouverte n’était pas loin de là, nous sommes entrés sans savoir où nous allions dans une salle immense et déserte. La première moitié était encombrée de tables et de chaises, quant à l’autre elle était disposée en salle de théâtre ou de bal. La scène avait encore son décor représentant une forêt dabs laquelle il y avait des pots de fleurs gigantesques ; devant le théâtre il y avait un piano très joli comme son et sur lequel les jumelles ont joué la marche nuptiale de Mendelssohn à quatre mains.

A chaque instant, nous avions peur de voir arriver quelqu’un attiré par nos rires étouffés. Il y avait un gros chien de garde qui, à notre arrivée, nous a flairé et s’est couché à nos pieds nous laissant maîtres absolus de la maison u’il gardait. Au bout d’une demi heure à peu près, Mademoiselle Jones voyant que la pluie continuait toujours s’est mise en quête des propriétaires du logis. Nous étions dans un restaurant, dabs la salle des noces et des banquets ; par une petite porte vitrée on correspondait avec un autre bâtiment où nous avons trouvé une jeune fille charmante à laquelle nous avons acheté une douzaine de biscuits  en lui demandant la permission de les manger dabs la grande salle, ce qui nous a été accordé.

Nous sommes restés ¾ d’heure environ dans cette demeure hospitalière puis, la pluie ayant à peu près cessé, nous avons repris notre route. Les chemins étaient détrempés d’une manière affreuse et nous enfoncions à chaque pas dans des marres de boue. A l’entrée de la terrasse de Meudon, il y a un beau bute de bronze vert « Hommage à l’hospitalité » de Courbet. Nous nous sommes promenés quelques minutes sur la terrasse d’où l’on a une vue splendide puis nous avons pris la route des bois de Meudon pour rentrer, il était déjà 4 h 20 à l’église de Meudon que nous apercevions d’en bas ainsi que le château magnifique et l’hôpital de Madame de Galliera. Ces bois de Meudon, après une grande pluie, offraient un spectacle vraiment magnifique, cela aurait été tout à fait enchanteur sans le mauvais état des routes, mais elles étaient toutes changées en ornières de boue. Mademoiselle Jones portait de temps en temps Emmanuel qui avait des petits souliers décollés avec lesquels il barbotait tant qu’il pouvait, le pauvre canard.

On se serait cru dans les forêts vierges, des lianes et des chèvrefeuilles enchevêtraient des arbustes les uns aux autres et formaient un feutre épais, des herbes sauvages d’une légèreté délicieuse croissaient sur les bords du chemin se mêlant aux fraises et aux framboises. La pluie qui avait pénétré dans ces fourrés épais ruisselait en gouttes de diamant à toutes les feuilles et à toutes les fleurs, l’air était imprégné de senteurs délicieuses et les oiseaux chantaient d’une manière si douce et si gaie ! Nous avons cueilli des noisettes qui malheureusement n’étaient pas mures et nous nous sommes régalé de fraises et de framboises. Nous avons fait des bouquets charmants de chèvrefeuilles blancs, de clématites et d’herbes sauvages ; malheureusement l’herbe était si mouillée que nous ne pouvions pas nous aventurer assez avant dans les fourrés où étaient les fleurs les plus belles.

Après une demi heure de marche dans les bois nous avons rencontré un monsieur auquel nous avons demandé la ferme des Bruyères où nous désirions boire du lait. Il nous en indiqua le chemin mais il prit bien soin d’ajouter que nous n’y trouverions plus probablement de lait et que nous ferions mieux de descendre une avenue u’il nous indiquait et dabs laquelle nous trouverions un petit restaurant. Nous suivîmes son conseil et nous entrâmes dans les restaurant dont il était……. le propriétaire.

Nous avons demandé un litre de lait que l’on nous a fait attendre durant 10 bonnes minutes. Quand il arriva enfin nous pûmes nous assurer que c’était un lait très catholique ayant été fortement baptisé d’eau avant de nous être présenté. Le bonhomme, véritable apothicaire et écorcheur, nous a demandé un franc pour cette saleté là.

En quittant ce restaurant, n nous avons repris notre route marchant d’un pas ferme car le ciel était couvert de nuages menaçant à chaque instant de crever sur nous. Nous avons traversé un charmant petit bois de bambous dans lequel nous avons rencontré une femme canne. Sa marche était si drôle que mademoiselle Jones elle-même, malgré son sérieux et son peu de goût pour les moqueries, n’a pas pu s’empêcher de rire.

A peine avions-nous atteint les premières maisons de Sèvres que la pluie recommença à tomber par torrents. Nous nous mîmes à l’abri sous une porte où nous fûmes bientôt entourés par une bonne douzaine de petites filles sortant de l’école, elles bavardaient comme des pies. « Oh, Mademoiselle, tâtez ma robe – Hélène comme vous êtes mouillée – Où est la sœur ? – Sous une porte plus loin – Et les autres ? – Aussi – Quelle pluie, comme ça tombe – C’est épouvantable – Heureusement que j’avais mon parapluie – etc. – etc. » L’averse ne dura pas longtemps fort heureusement car il était déjà 6 h ½ et nous étions encore dans le Haut Sèvres. Nous repartîmes sitôt qu’elle eut à peu près cessé. Dans le parc de Saint Cloud, la terre était si mouillée et si glissante que je suis tombée dabs une marre de boue.

Nous étions tous dans un état épouvantable quand nous sommes rentrés à 7 h ¼. Les jumelles qui n’avaient que des bains de mer avaient leurs pieds dabs le l’eau glacée. Grand’mère était fort mécontente et nous menaçait tous des maladies des plus graves ; le pauvre Minet a même été menacé d’une angine couveuse. Nous nous sommes habillés aussitôt en rentrant et nous avons dîné. Nous n’étions pas encore sortis de table que Madeleine est arrivée nous dire bonjour. Nous sommes restés à la maison à jouer à la main chaude, puis à 9 heures nous nous sommes tous séparés. Mademoiselle Jones voulait reconduire Madeleine mais elle s’est mise à courir si fort qu’il lui a été impossible de la suivre.

Tout cela s’est passé hier, aujourd’hui dabs la matinée leçon de Mademoiselle Jones, puis celle de Madame Villebrod, déjeuner et 2ème leçon de Melle Jones. Les Muel viennent nous chercher pour nous emmener en promenade. A demain

Vendredi 13

Nous nous sommes encore bien amusés. Nous étions 8 : Mademoiselle Marthe, Miss Jones, Mr Henry, Madeleine, les jumelles, Emmanuel et moi. Nous sommes allés à la lanterne en grimpant à pic ; la terre encore toute mouillée glissait et s’effondrait sous nos pas. Nous nous aidions mutuellement mais Mr Henry et Geneviève ui n’avaient pas besoin d’aide grimpaient comme des chèvres. Dans la grande avenue qui fait face à la Lanterne, Mr Henry nous a acheté des sucres d’orge et il a demandé à la bonne femme qui les vendait si elle n’en avait pas au bismuth pour Emmanuel ; cela nous a tous fait rire quand à la bonne femme je crois qu’elle n’a pas compris. En revenant nous avons eu un peu de pluie, heureusement elle n’a pas duré très longtemps.

En passant près d’un bassin dans les jardins réservés, nous avons vu un gros chien qui se noyait malgré ses efforts pour remonter. Il était tout près du bord et Monsieur Henry l’a sauvé en le prenant par le collier. Nous sommes rentrés à 6 h pour la leçon de Mademoiselle Métivet et Madeleine a apporté sa chemise pour travailler avec moi pendant que les jumelles étudiaient leur piano.

Après le dîner, Marthe est venue nous chercher, nous avons trouvé Madeleine et Mr Henry dans un hamac où ils s’amusaient à fumer ou plutôt à faire semblant car Madeleine n’approchait même pas la cigarette de ses lèvres. Nous avons joué à cache-cache dans le jardin ; Bébé qui avait perdu son soulier en courant s’est mis à braire. Monsieur Henry lui a dit qu’il était insupportable, Maman s’est fâchée et Mademoiselle Marthe l’a emmené dans sa chambre pour recoudre le bouton cause de tout le mal. Une fois enfermé, Bébé s’est senti plus brave, il s’est mis à la fenêtre et a crié « Zut ! » à Mr Henry en lui faisant un pied de nez.

Il était à peu près 8 h ½ , nous sommes rentrés au salon. Marthe a pris sa broderie, Madame Muel un ouvrage d’agrément et Mr Muel sa pipe, ce qui ne les empêcha pas tous trois de jouer avec nous. Bébé a été sur la sellette, Mr Henry l’a taquiné en parlant de son bismuth qui avait produit trop d’effet et il lui a dit qu’il fallait qu’il demande à grand’mère de faire jouer de la clarinette. Bébé ui ne comprenait pas et qui avait encore la bouche pleine des excellents bonbons de Mr Henry a demandé si cela se mangeait. « Non, a répondu Mr Henry, mais cela se suce ». Nous nous sommes mis à rire mais Madame Muel et Marthe ont dit que si grand’mère avait entendu cela elle croirait que l’on a que des conversations semblables chez elles et qu’elles ne nous laisserait plus venir.

Il a été décidé que Samedi nous déjeunerions tous ensemble dans la maison vide de tante Gabrielle et que chacun apporterait un plat confectionné par lui-même. Cela sera très amusant mais nous ne savons pas encore au juste ce que nous ferons. Nous serons 7. Mademoiselle Jones partant ce soir en villégiature et les garçons ne devant arriver que le soir ; nous avions bien pensé les attendre mais grand’mère nous a dit que Papa et Maman venant dîner nous ne pourrions pas nous absenter et qu’il serait plus raisonnable de composer un déjeuner.

Nous avons joué aux portraits ; on a fait deviner à Madeleine un crâne et à Mr Henry Madame Bernard, l chaisière de l’église et, comme il l’appelle lui-même (par ironie) la plus jolie personne de Boulogne. Nous avons tellement ri que je ne pouvais pas me calmer. Au 9ème coup  de 9 heures nous sommes partis accompagner de Mr Henry et de Madeleine et nous nous sommes couchés vers 9 h ½.

Je suis allée avec Mademoiselle Marthe et Madeleine faire de la cuisine. Nous avons préparé



Ce cahier se termine ainsi brutalement sans suite à la phrase précédente. Il y a juste été rajouté l’annotation suivante :

Faisant suite ici « Mon Voyage en Suisse »

(Voyage en Suisse dont nous ne possédons pas le récit,
celui que nous possédons « Autriche – Bavière – Suisse »
ayant été effectué deux ans plus tard, en Août 1896,
confirmation établie aux vues des dates…
le récit précédent s’arrêtant un Vendredi 13 Juillet ne peut sur une même année correspondre au début de ce dernier voyage entamé avec son père un Vendredi 7 Août.)