La guerre à travers des coupures de journaux

Commencé au Lude le dimanche 2 Août

1 ère partie : année 1914

 « Mais que Dieu, qui a permis l’épreuve terrible, t’aide, ô pauvre créature,

à ne pas en être brisée !… »

Pierre l’Hermite

La guerre européenne

(2 Août 1914)

L’abominable politique prussienne, telle que l’avaient fait connaître au monde deux cents ans de mauvaise foi et de piraterie, n’a pas changé : elle est seulement devenue plus abominable encore. En 1870, l’Allemagne croyait avoir besoin du prétexte de la dépêche d’Elms. En 1914, elle a déclaré la guerre à la Russie sans provocation et elle a décidé d’envahir la France sans déclaration de guerre !

L’Allemagne se croit donc bien forte pour se permettre de pareilles audaces ? Ou bien ce coup d’audace n’est-il qu’un coup de désespoir ?

Si blasées que puissent être les nations de notre siècle sur les abus de la force et les attentats à l’indépendance des peuples, il nous paraît impossible que le monde européen ne comprenne pas, cette fois, que l’empire allemand, qui ne s’est fondé qu’au prix de notre défaite, menace la civilisation tout entière. Avec cet empire monstrueux, aucun accommodement n’est possible. L’Europe en fait l’expérience aujourd’hui.

Ce que joue l’Allemagne, c’est son existence même, au prix de la nôtre, et pour établir son hégémonie définitive sur l’ancien monde tout entier.

C’est pourquoi, nous pouvons dire que la position de la France attaquée est bonne. Nous ne sommes plus seuls comme en 1870, nous ne pouvons plus l’être, ou alors grandes et petites nations seraient frappées d’aveuglement et de folie.

Et il nous semble, que depuis hier, après la violation de la neutralité luxembourgeoise qui suffirait à prouver à elle seule que l’Allemagne foule aux pieds tous les traités, il n’est plus douteux pour personne que c’est une guerre européenne, une grande guerre européenne qui commence.

Jacques BAINVILLE

Le Kaiser

Berlin 1er Août. – Vers 5 heures hier soir, une foule de 50 000 personnes environ s’était assemblée devant le palais du kaiser, pour acclamer le souverain.

A 6 h. 15, le kaiser parut à son balcon et l’enthousiasme de la foule ne connut plus de bornes.

Les chapeaux, les casquettes, les mouchoirs s’agitaient au-dessus des têtes, et le kaiser, d’une voix forte harangua la foule en ces termes :

L’heure est sombre pour l’Allemagne. On nous a forcé à prendre l’épée en main ; mais si, au dernier instant, mes efforts ne parviennent pas à amener nos adversaires à parler les yeux dans les yeux, et à maintenir la paix, j’espère qu’avec l’aide de Dieu, nous brandirons l’épée avec une telle force que lorsque nous la remettrons dans son fourreau, ce sera avec honneur.

Une guerre nous demandera d’importants sacrifices pour la propriété et la vie, mais nous montrerons à nos ennemis ce que signifie de provoquer l’Allemagne.

Et maintenant, mettons notre sort dans la volonté de Dieu. Allez à l’église, agenouillez-vous devant votre Dieu et priez-le pour qu’il aide notre vaillante armée.

En Province : comment on part

Paris a montré, depuis deux jours, ce que peut donner, en fait d’énergie calme, souriante et prête à tout, le vieux génie du cœur français. La mobilisation se fait ici sans ratages inutiles, sans les désordres, criminellement escomptés et même visiblement préparés par l’ennemi, que pouvait craindre l’autorité militaire. Mais on brille d’un éclat particulièrement admirable a force, conserve intacte, de notre peuple, et sa noble éducation traditionnelle, c’est en province, dans toutes ces petites gares que je viens de traverser, en rentrant de Normandie à Paris, par cet après-midi radieux d’un premier dimanche d’août, qui ne semblai vraiment point avoir été préparé par les derniers caprices du vent, des nuées et du soleil, pour tant de tragiques adieux.

Oui, les voilà échangés, les voilà enfermés et fixés dans notre mémoire à tous, pour l’instruction, le réconfort et l’orgueil de ceux qui nous suivront, ces adieux ! Les Français, élevés dans la molle et mortelle illusion pacifiste de la troisième République, ont su quitter en quelques minutes leur longue erreur. Hier, mis en face de la réalité de l’Histoire, et, d’abord, de l’Histoire de France, laquelle, comme toutes les vérités, exige, pour être comprise et acceptée, un peu d’élan, les Français de nos provinces, les paysans des villages, comme les ouvriers des grandes villes, les petits bourgeois ou les commerçants aussi bien que les châtelains ou les patrons d’usines, tous ces Français qu’on disait si mal éduqués, si mal « élevés », pour se mesurer aux rudes hauteurs de la vie civique, tous ont trouvé cet élan joyeux que commandait le grand départ.

Nous sommes montés en wagon, nous avons voyagé avec ceux qui quittaient les belles moissons mûres, les bois, les délicieuses prairies de l’Ouest, pour s’en aller chercher, dans la poussière brûlante de la Champagne, leur poste de combat : leurs figures étaient toutes rayonnantes. Ils ne voyaient plus le chemin, mais le but : la bataille, et la victoire. Ils chantaient, et puis, ils causaient, tranquillement, sérieusement, chacun disant à un voisin les raisons qu’il avait de penser que « cette fois, mieux vaut en finir… »

Un de nos grands amis, qui a vu la guerre d’il y a quarante-quatre ans, et l’enthousiasme, un peu léger, bruyant, des premiers cris : « A Berlin ! » nous disait hier soir : « Ca commence tout autrement qu’en 1870. C’est même l’inverse. On est, cette fois-ci, sérieux, autant que résolu. »

Oui, telle est bien l’allure de tous ces mobilisés de nos provinces. N’est-ce point l’allure des bonnes armées, - de celles qui, Dieu aidant, reviendront victorieuses ?

Henri VEAUGEOIS

Comment on met le feu à l'Europe

par une série de guets-apens

                                                                                                           

Lundi, 3 Août, 3 heures du matin

Quand, plus tard, on racontera les origines de la guerre que l’Allemagne vient de déchaîner en Europe, on aura peine à croire à tant de machiavélique duplicité. Il faut en avoir été témoin pour la considérer comme possible à notre époque et dans l’état de notre civilisation.

C’est par une série de GUETS-APENS que le gouvernement de l’empereur Guillaume a conduit à s’entr’égorger des peuples qui ne demandaient qu’à vivre en paix et à travailler pour le bien de l’humanité.

GUETS-APENS l’ultimatum de complicité allemande et hongroise envoyé à la Serbie et rendu volontairement inacceptable dans la forme injurieuse qui lui avait été donnée.

GUETS-APENS les protestations doucereuses du gouvernement allemand dont les représentants juraient qu’il n’y avait pas au monde de puissance plus désireuse que l’Allemagne de sauvegarder la paix de l’Europe.

 GUETS-APENS l’invitation qu’ils nous adressaient de s’unir à eux pour intervenir à Saint-Pétersbourg, alors qu’ils se refusaient à agir à Vienne. Les ficelles de cette comédie étaient trop visibles ; le but était de nous compromettre aux yeux de notre amie et alliée, à notre détriment et sans autre utilité que de servir nos adversaires.

GUETS-APENS les atermoiements interminables pour faire échouer les projets de médiation de l’Angleterre et pour empêcher d’aboutir (en ayant l’air de s’y prêter) les pourparlers directs entre l’Autriche et la Russie. On sait maintenant, à n’en point douter, que c’est l’Allemagne qui a fait refuser par le gouvernement de Vienne la formule de conciliation à laquelle la France et la Russie avaient adhéré.

GUETS-APENS la démarche comminatoire ordonnée à M. de Schoen pour nous mettre en demeure de dénoncer l’alliance franco-russe ou de nous déclarer prêts à entrer en campagne avec la Russie. Et cela pour nous représenter aux yeux de l’Angleterre comme les auteurs du conflit.

GUETS-APENS la déclaration de guerre à la Russie à l’heure où les négociations se poursuivaient et laissaient encore l’espoir d’un règlement pacifique.

GUETS-APENS l’ouverture des hostilités contre nous avant la rupture diplomatique, dont on nous menace depuis trois jours, sans arriver à la formuler, et sans hésiter pourtant à violer notre territoire.

GUETS-APENS le passage de troupes et de munitions de guerre sur le territoire d’un pays dont la Prusse a garanti avec nous la neutralité.

On peut vraiment dire qu’aujourd’hui le coup célèbre de la dépêche d’Ems est dépassé. La Prusse attendait alors pour nous attaquer que la guerre ait été déclarée. Elle se contentait de la rendre inévitable par un procédé que l’Histoire et la conscience humaine ont flétri.

Aujourd’hui, c’est plus odieusement machiné encore. Il y a entre les manœuvres criminelles de 1870 et celles de 1914, toute la différence qui sépare le génie de Bismarck de la médiocrité haineuse et sauvage de ses successeurs.

                                                                             

Lundi, 3 Août, 3 h du soir

La série des guets-apens continue.

Elle vise maintenant toutes les puissances, puisqu’elle constitue la destruction pure et simple de tout ce qui subsistait des principes de droit international en matière de neutralité.

Le gouvernement allemand a mis le gouvernement belge en demeure de favoriser ses opérations militaires en Belgique.

Le gouvernement de Bruxelles a refusé. Il a rappelé que sa neutralité était garantie par des traités qui portent la signature de la Prusse. Il a ajouté qu’il défendrait énergiquement son territoire.

Interrogé par le gouvernement de Londres sur l’attitude qu’il observerait à l’égard de la Belgique, le gouvernement allemand s’est dérobé à cette question.

Nous avions, pour notre part, fidèles à notre signature et à notre parole, répondu à la même demande en Etat respectueux du droit qui, jusqu’à ce jour, réglait les rapports entre les peuples.

Heureusement, le cynisme de l’Allemagne commence à révolter toutes les consciences.

Il n’était pas nécessaire pour motiver la déclaration qui sera faite ce soir, en notre faveur, à la Chambre des Communes, par le chef du ministère anglais. Mais je suis certain qu’il accentuera l’attitude loyale de l’Angleterre, sur laquelle je n’ai jamais eu le moindre doute, et qui sera celle qu’on doit attendre de l’Entente Cordiale.

De son côté, l’Italie, qui connaît ses devoirs à l’égard d’un peuple uni à lui par la fraternité de race et d’armes, a fait porter, au quai d’Orsay, ce matin, par le prince Ruspoli, la déclaration officielle de neutralité.

Honneur à l’Italie, et Vive la France !

S. PICHON

Réflexions après le discours de Sir Edward Grey

du 3 août

Le discours que sir Edward Grey a prononcé à la Chambre des Communes contient deux déclarations capitales. L’une concerne la guerre maritime, l’autre la guerre sur terre.

Ainsi toute la puissance des escadres anglaises garantit nos côtes de Dunkerque à la Bidassoa et nous assure, pour nous ravitailler, la liberté de la mer.

La seconde déclaration rendue plus énergique encore par l’ultimatum allemand à la Belgique et par la lettre du roi des Belges au roi George V, signifie ceci : « L’Angleterre entre en guerre si l’Allemagne porte atteinte à la neutralité de la Belgique. »

Ainsi, en ce qui nous touche, toutes les forces militaires et navales de l’Angleterre seront avec nous si l’Allemagne tente d’envahir notre territoire entre la frontière luxembourgeoise et la mer du Nord.

A ces déclarations s’attache une double sanction : la mobilisation générale de l’armée et de la flotte anglaise, commencée cette nuit, à minuit, et le vote d’un crédit extrêmement élevé pour la guerre qui s’annonce.

Voilà, jusqu’à présent, les actes de l’Angleterre. Pour qui la connaît, ces actes-là révèlent une volonté profondément réfléchie et profondément solide. Et des renseignements sûrs permettent d’affirmer que si la volonté y est, le cœur y est aussi. Les membres du Parlement anglais, hier soir, manifestaient cordialement la satisfaction que leur procurait le langage de leur gouvernement et la sympathie que l’Angleterre ressent pour notre pays. Toutes les divisions intérieures se sont du reste effacées, chez eux comme chez nous, devant le danger du dehors, et les Irlandais laissent les mains libres au cabinet pour exécuter le programme qu’il a tracé.

Nous n’avions jamais douté des décisions qui ont été prises hier à Londres. Mais, parce que nous n’en doutions pas, ce n’est pas une raison pour ne pas nous rendre compte qu’elles constituent un des plus grands évènements de l’histoire.

On a rarement vu l’Angleterre intervenir avec toutes ses forces dans une guerre entre peuples du continent : cela n’arrive guère qu’une fois par siècle. Mais, quand elle est intervenue ainsi, le conflit ne s’est jamais terminé sans que la puissance dont elle combattait l’hégémonie ait été abattue, sans que l’équilibre de l’Europe ait été rétabli. De même qu’une sorte de loi historique a voulu que, depuis Charles XII, les grands conquérants fussent au bout de leur chance lorsqu’ils abordaient la Russie, de même une autre loi semble avoir ordonné que tout Etat trop puissant en Europe se briserait contre l’Angleterre

Certes on serait bien imprudent de compter sur la fatalité en pareille matière, et la sagesse des nations qui ne veulent pas mourir a pour premier principe : « Aide-toi, le ciel t’aidera. » Mais c’est beaucoup, quand on a déjà pour soi, une cause juste, une préparation intense et une énergie tendue jusqu’au désespoir, de trouver à point nommé, avec un allié dont l’armée est la plus nombreuse du monde, un ami qui ne connaît pas de rival sur la mer.

J. H.

Discours du roi belge à la Chambre des députés

(5 Août 1914)

Jamais depuis 1830, heure plus grave ne sonna pour la Belgique. La force de notre droit et la nécessité pour l’Europe de notre existence autonome nous font encore espérer que les évènements redoutés ne se produiront pas, mais s’il faut résister à l’invasion de notre sol, le devoir nous trouvera armés et décidés aux plus grands sacrifices.

Dès maintenant, la jeunesse est debout pour défendre la patrie en danger ; un seul devoir s’impose à nos volontés : une résistance opiniâtre, le courage et l’union.

Notre bravoure est démontrée par notre irréprochable mobilisation et par la multitude des engagements volontaires.

Le moment est aux actes. Je vous ai réunis pour permettre aux Chambres de s’associer à l’élan du pays. Vous saurez prendre d’urgence toutes les mesures. Vous êtes tous décidés à maintenir intact le patrimoine sacré de nos ancêtres. Personne ne faillira à son devoir.

L’armée est à la hauteur de sa tâche. Le gouvernement et moi avons pleine confiance. Le gouvernement a conscience de ses responsabilités et les assumera jusqu’au bout pour sauvegarder le bien suprême du pays. Si l’étranger viole notre territoire, il trouvera tous les Belges groupés autour de leur souverain qui ne trahira jamais son serment constitutionnel.

J’ai foi dans vos destinées. Un pays qui se défend s’impose au respect de tous et ne périt pas. Dieu sera avec nous.

La Belgique appelle à l'aide

l’Angleterre, la France et la Russie

Le gouvernement belge a le regret d’avoir à informer le gouvernement anglais que des forces des armées de l’Allemagne ont pénétrées ce matin sur le territoire belge, en violation des engagements pris par les traités.

Le gouvernement belge est fermement résolu à résister par tous les moyens en son pouvoir.

La Belgique fait appel à la Grande-Bretagne, à la France et à la Russie comme garants pour coopérer à la défense de son territoire et prendre une action concertée, commune, afin e résister aux forces employées par l’Allemagne contre la Belgique, en assurant, en même temps, le maintien de l’indépendance et de l’intégrité de la Belgique pour l’avenir.

La Belgique est heureuse de pouvoir déclarer qu’elle a entrepris la défense de ses places fortifiées.

Exposé d'un exposé de M. de Bethmann-Hollweg

chancelier de l’empire

(extraits)

(6 Août 1914)

Un malheur épouvantable menace l’Europe. Depuis quarante-quatre ans, nous jouissons de la paix pour laquelle nous voulions continuer de travailler. Depuis l’empereur au plus jeune soldat, chacun avait fait le vœu de ne tirer l’épée que pour une cause juste (Vifs applaudissements). La Russie a allumé la torche incendiaire (Applaudissements frénétiques.)…

Devrions-nous attendre patiemment le moment choisi par les puissances qui nous enserrent pour mettre le feu aux poudres ? (Vifs applaudissements.) Il eut été déprimant d’exposer l’Allemagne à un tel danger (Applaudissements unanimes enthousiastes – Cris : « Non ! Non ! »)

Nos troupes ont gardé tout d’abord une attitude défensive. C’est la vérité. Nous sommes en état de légitime défense. Nécessité ne connaît point de loi. Nos troupes ont occupé le Luxembourg et peut-être déjà la Belgique (Mouvements, applaudissements) Cela est contraire aux droits es gens, mais nous savons que la France était prête à l’attaque et une attaque de notre aile gauche sur le Rhin inférieur eût pu nous être fatale. C’est ainsi que nous avons du passer outre aux protestations justifiées du Luxembourg et de la Belgique. Nous réparerons ce tort dès que nous aurons atteint notre but (Vifs applaudissements.) Lorsqu’on est menacé comme nous le somme pour le bien suprême, on s’en tire comme on peut (Mouvements prolongés, applaudissements frénétiques et répétés.)

Proclamation du Roi aux défenseurs de Liège

(7 Août 1914)

Nos camarades de la troisième division de l’armée et de la quinzième brigade mixte vont rentrer dans nos lignes après avoir défendu en héros la position fortifiée de Liège.

Attaqués par des forces quatre fois supérieures, ils ont repoussé tous les assauts ; aucun fort n’a été enlevé ; la place de Liège est toujours en notre pouvoir.

Des étendards et quantités de prisonniers sont les trophées de ces journées.

Au nom de la nation, je vous salue, officiers et soldats de la troisième division et de la quinzième brigade mixte ; vous avez rempli tout votre devoir ; vous avez fait honneur à nos armes et montré à l’ennemi ce qu’il en coûte d’attaquer injustement un peuple paisible, mais qui puise dans sa juste cause une force invincible ; la Patrie a le droit d’être fière de vous.

Soldats de l’armée belge, n’oubliez pas que vous êtes à l’avant-garde des armées immenses de cette lutte gigantesque, et que nous n’attendons que l’arrivée e nos frères d’armes pour marcher à la victoire. Le monde entier a les yeux fixé sur vous, montrez lui par la vigueur de vos coups que vous entendez vivre libres et indépendants.

La France, ce noble pays qu’on trouve, dans l’Histoire, associé aux causes justes et généreuses, vole à notre secours, et ses armées entrent sur notre territoire. En votre nom, je leur adresse un fraternel salut.

Réponse du Pd du Conseil au Ministre de la guerre

(16 Août 1914)

(cette lettre a paru dans le premier numéro du Bulletin des Armées)

Mon cher ami,

Je vous remercie d’avoir placé sous mon patronage le « Bulletin militaire des Armées de la République ». Ce sera l’honneur de ma vie d’avoir pu, en vous répondant, communiquer à travers l’espace avec cette jeunesse glorieuse qui, à l’appel de la Patrie, s’est dressée frémissante et prête au suprême combat.

L’œuvre que vous fondez est noble. Elle est utile. Ainsi, pendant que tous nos enfants, debout à la frontière, et demain au delà de la frontière, offriront au pays le rempart mouvant de leurs poitrines, ils seront, par un lien visible, rattachés à la Patrie.

Ils sauront l’admiration que soulève partout leur héroïsme, et que la mère, la femme, la fiancée, la sœur jettent vers eux leur regard enflammé. Ils sauront ce que la nation attend de leurs cerveaux et de leurs muscles, de leur intelligence te de leur cœur. Ils recevront les nouvelles intérieures et apprendront que, grâce à eux, la vie nationale n’est pas suspendue.

Ils apprendront que le pays, calme et confiant, attend  leur retour pour les bénie et les acclamer.

Ah ! jeunes gens, - et vous, mes deux enfants, confondus dans la grande foule en armes – têtes blondes et brunes, retournez-vous vers le passé : vous y lirez dan l’histoire le rôle de la France émancipatrice et que la haine des barbares poursuit parce qu’elle incarne le Droit éternel ; tournez-vous vers l’avenir ; vous y verrez l’Europe affranchie de la plus abjecte tyrannie, la paix assurée, la résurrection du travail dans le bonheur et dans l’amour.

Allez au combat ! Le plus humble d’entre vous est utile à la Patrie. Depuis le général en chef, dont le merveilleux sang-froid fait l’admiration du monde, jusqu’au dernier d’entre vous, chacun a un rôle indispensable. La gloire est pour tous. Sa lumière éclaire tous les fronts.

En avant, enfants de la Patrie ! Vous êtes le Droit, vous êtes le nombre, vous êtes la force ! Demain, vous serez la victoire !

Et quand vous nous reviendrez, après vous avoir serrés dans nos bras, par le sillage que votre héroïsme nous aura ouvert, nous irons, dans un pieu pèlerinage, bénir les tombes profanées où les mânes des héros de 1870 ont attendu si longtemps, avec le tendre embrassement de la Patrie, le réveil terrible de sa justice.

René VIVIANI.

Appel aux polonais du Gd-Duc Nicolas

généralissime des armées russes

(17 Août 1914)

Polonais, l’heure a sonné où le rêve sacré de vos pères et de vos aïeux peut être réalisé. Il y a un siècle et demi que le corps vivant de la Pologne fut déchiré en morceaux, mais son âme ne mourut pas ! Elle vivait dans l’espérance que, pour le peuple polonais viendra l’heure de la résurrection et sa réconciliation fraternelle avec la grande Russie. Les troupes russes vous portent la nouvelle solennelle de cette réconciliation.

Que le peuple russe polonais s’unifie sous le sceptre du Tsar russe. Sous ce sceptre renaîtra la Pologne libre dans sa religion, dans sa langue et dans son autonomie. La Russie n’attend de vous que le respect des droits de ces nationalités auxquels l’histoire vous a liés. Le cœur ouvert, la main franchement tendue, la grande Russie vient à votre rencontre.

Le glaive qui frappa les ennemis auprès de Grunenwald n’est pas encore rouillé. Des rivages de l’océan Pacifique jusqu’aux mers septentrionales marchent les armées russes.

L’aube d’une vie nouvelle commence pour vous. Que dans cette aube resplendisse le signe de la Croix, symbole de la souffrance et de la résurrection des peuples.

L'abbé Sertilanges à la Madeleine

(extrait d’un sermon sur l’héroïsme)

Stabat…

L’héroïsme de la Vierge ne fut-il pas, précisément, non point d’agir, mais de demeurer, et ces femmes sont pareilles, qui aujourd’hui se tiennent dans l’église, pendant que leurs pères, leurs frères, fils, époux ou fiancés agissent, eux, là-bas à la frontière…

Stabat Mater dolorosa…

Ils ont fusillé un enfant de sept ans

SAUVAGES, ils méritent toutes les représailles

(18 Août 1914)

Dans la région de Belfort, un grand nombre de prisonniers ont été traités avec la dernière sauvagerie. Les Allemands les ont déshabillés, poussés en avant de leur ligne, en les exposant presque nus aux balles françaises. Ils en ont jeté d’autres dans le canal pour les en retirer et les y jeter encore.

Un de nos blessés, aujourd’hui en traitement à Besançon, a été frappé à la tête et dans les côtes à coups de crosse et de talon. Un soldat allemand l’a traîné sur le sol. A côté de lui, un autre blessé français a été achevé à coups de baïonnette.

Quelques officiers ont essayé de retenir leurs hommes. Ils n’ont pas su se faire obéir.

Enfin, à Magny, un jeune de sept ans, s’amusant à mettre en joue une patrouille avec son fusil de bois a été fusillé sur place.

Les Allemands civils d’Alsace tirent sur nos troupes.

Dans diverses localités de la Haute Alsace, les immigrés ont tiré (devant Mulhouse notamment). A Cernay, une section déployée devant l’ennemi a perdu 38 hommes, tous atteints dans le dos. Les coups de feu avaient été tirés du village avant qu’aucun soldat allemand n’y eût pénétré.

A Lutrau, l’instituteur a tiré sur une patrouille de cavalerie, tuant deux chevaux.

Nos aviateurs à Metz

Voici l’exploit magnifique de nos aviateurs à Metz. Le lieutenant Caséri et le caporal Trudommeau, seuls à bord de leur avion, sont partis de Verdun, vendredi à 13 h 30, avec mission de reconnaître et de détruire si possible le hangar à dirigeables de Fracati, à Metz. Les deux aviateurs sont arrivés au-dessus de la ligne des forts, le lieutenant à 2.700 mètres d’altitude et le caporal à 2.200 mètres.

Une canonnade ininterrompue les a aussitôt accueillis. Entourés d’une nuée d’éclats de projectiles, ils ont maintenu leur direction. Un peu avant d’arriver au-dessus du champ de manœuvres, le moteur du lieutenant a cessé de fonctionner. L’aviateur ne voulant pas tomber sans avoir rempli sa mission, se mit en vol plané et c’est en vol plané qu’il lança un projectile avec un merveilleux sang-froid.

Peu après le moteur reprit. Le caporal, de son côté, avait lancé son projectile ; il ne put, pas plus que le lieutenant, observer exactement, parmi la fumée des projectiles ennemis, le point de chute, mais il croit avoir atteint le but. L’artillerie allemande continuait à faire rage ; il en fut ainsi pendant dix kilomètres. Plusieurs centaines de projectiles furent tirés sur les deux aviateurs qui sont rentrés sains et saufs. Ils ont été cités à l’ordre du jour.

A la pure auréole de ces soldats, il faut opposer l’horreur des crimes  inexpiables commis par les Allemands. J’ai raconté le martyre du curé de Pillon. On va lire le drame épouvantable de Badonviller. A l’heure même où le récit en parvenait au journal, j’entendais le même de la bouche d’un prêtre, arrivé ce matin de Nancy, et qui a vu les témoins de l’horrible chose. Il m’a cité des traits à faire frémir, une femme obligée de se dévêtir, exposée ainsi aux injures des soldats et puis fusillée ; une autre, la femme du maire, massacrée chez elle et, ensuite, carbonisée dans sa propre maison ; et ce vieillard sourd et aveugle criblé de balles par deux salves de coups de fusil ; et cet autre traîné sur la place et torturé jusqu’à mourir.

Il faut que ces atrocités soient dénoncées au monde entier, afin qu’il soit bien entendu que nous avons affaire aux barbares. J’ai raconté le propos de ce prisonnier des Belges qui disait : « Guerre d’officiers, pas guerre du peuple », et je me suis intéressé à cette psychologie. J’ai eu tort. Ce que nous avons devant nous, c’est bien le peuple allemand dans sa brutale barbarie. Et c’est lui qu’il faut, pour le repos de l’Europe, réduire à l’impuissance, comme on fait des bêtes malfaisantes.

Albert de MUN

(de l’Académie française).

Aux Soldats

(19 Août 1914)

 (extrait du Bulletin des Armées)

L’honneur est grand de vous parler, à cette heure où vit en vous toute l’âme de la France. Il est grand surtout pour le vétéran de la guerre douloureuse, dont le cœur, meurtri par l’inoubliable blessure, bat à grands coups, d’espérance et de fierté, en saluant les vengeurs de la patrie.

Qui de vous, depuis le général en chef jusqu’au simple soldat, ne porte en lui, gravée par l’histoire de sa race, l’image de la patrie, terre des pères, ensemble sacré de nos demeures et de nos champs, mère des vivants et gardienne des morts, chérie d’un instinctif et puisant amour !

C’est elle que vous allez venger des coups affreux qui l’accablèrent il y a quarante-quatre ans, et de la plaie saignante ouverte à son flanc ! C’est elle que vous allez venger des injures dont l’insolence germanique l’a si longtemps outragée, et de la perpétuelle menace suspendue sur sa vie par le sabre allemand.

Votre mission sainte est plus haute encore. Une fois de plus, les soldats de la France combattent pour la civilisation du monde et pour la liberté. La victoire allemande ne serait pas seulement l’anéantissement de la France, courbée sous un joug de fer : ce serait l’Europe elle-même livre à la dure domination de la force brutale désormais maîtresse souveraine de la terre et des mers.

C’est pourquoi, soldats, vous êtes debout, et l’Europe est debout avec vous, soulevée contre la tyrannie de l’Empire allemand, impatiente de son joug, révoltée de l’horrible barbarie qui déshonore déjà ses armées, révélation sanglante de celle qui couve sous son apparente culture.

Vous écrivez la page la plus illustre de l’histoire. Grandissez vos  cœurs à cette pensée, laissez-la remplir vos âmes du grand souffle qui fit, à travers les siècles, notre nation glorieuse entre les nations. Derrière vous, la patrie, fraternellement unie, vous soutient de sa confiante admiration. Devant vous l’Alsace te la Lorraine, torturées depuis quarante-quatre ans, vous appellent d’un cri passionné. A côté de vous, les Belges, couverts d’honneur par leur résistance héroïque, les Anglais, pressés par le noble souci de leur grandeur nationale, vous tendent les mains et joignent leurs armes aux vôtres. A l’orient de l’Europe, les Russes, provoqués par l’orgueil allemand, viennent à votre rencontre, pendant que les Serbes, avec un courage indomptable, tiennent l’Autriche en échec.

Jamais plus grand spectacle ne s’offrit au monde. Vous êtes, dans ce drame immense, les premiers exposés au choc formidable. Sur vous s’appuie l’avenir de l’Europe. C’est votre gloire.

Pour la soutenir, vous souffrirez. Ce n’est pas l’heure solennelle du combat qui sera la plus rude. Quand elle sonnera, l’élan de la race et la force de l’éducation militaire vous emporteront tout entier. Car vous êtes des braves.

Mais écoutez le vieux soldat qui vous parle. Le courage de chaque jour est plus difficile que la bravoure du combat. Donner sa vie, à toute heure, dans le sacrifice ignoré, dans la discipline joyeuse, dans les marches dures et longues, les bivouacs pénibles, la faim, la soif et la fatigue, voilà ce qui fait des soldats invincibles.

Soyez ces héros. La France compte sur vous ! Le monde vous regarde ! En avant, pour la patrie et pour la liberté !

Albert de MUN

(de l’Académie française.

Les instructions de Lord Kitchener

(Lord Kitchener a fait distribuer à tout soldat appartenant au corps expéditionnaire les instructions suivantes)

Vous avez reçu l’ordre d’aller à l’étranger pour aider nos camarades français conte l’invasion de l’ennemi commun. Vous aurez à accomplir une tâche nécessitant votre courage, votre énergie et votre impatience. Souvenez-vous que l’honneur de l’armée britannique dépend de votre conduite individuelle ; votre devoir est non seulement de montrer l’exemple d’une discipline et d’une fermeté parfaites sous le feu, mais aussi de maintenir les relations les plus amicales avec ceux que vous aidez dans cette lutte.

Les opérations auxquelles vous prendrez part auront lieu sur le territoire d’un peuple ami et vous ne pourrez pas rendre un plus grand service à votre pays qu’en vous montrant sous le vrai caractère du soldat anglais, en France et en Belgique. Soyez invariablement courtois, attentifs et aimables. Ne détruisez jamais les liens et regardez le pillage comme un acte indigne. Vous êtes sûrs d’être bien reçus et accueillis avec confiance ; soyez-en dignes.

Vous ne pourrez remplir votre devoir que si votre santé est bonne. Aussi gardez-vous des excès. Dans cette nouvelle épreuve, vous pourrez trouver des tentations à la fois dans les boissons et dans les femmes ; vous devez complètement résister aux tentations et, tandis que vous devrez traiter toutes les femmes avec une courtoisie parfaite, vous devrez éviter toute liaison intime. Faites votre devoir bravement, craignez Dieu et honorez votre Roi !

KITCHENER

La destruction de Nomény

par les hordes allemandes

(21 Août 1914)

(un émouvant récit de la destruction de Nomeny a été fait à un rédacteur de l’Est républicain par une jeune-fille de vingt ans, Mlle Jacquemot, une des rares survivantes du massacre fait par les Allemands dans cette commune qui a été littéralement anéantie – Dès l’arrivée des troupes allemandes Melle Jacquemot et treize autres femmes s’étaient enfermées dans une cave d’où, pendant sept heures, elles entendirent le bruit du canon et des coups de feu)

« Tout à coup, dit la jeune-fille, nous entendons des pas dans l’escalier. Ce sont des Prussiens… Nous nous serrons dans un coin sombre… Les Prussiens entrent. Ils n’ont pas de lumière… Ils avancent. Ils regardent. Ils ne nous aperçoivent point. Ah ! qui dira jamais quelles minutes nous avons vécues !… Sommes-nous en fin sauvées ?… Hélas ! Non… Les Prussiens sont remontés mais c’est pour nous arroser de pétrole par le soupirail. Ils mettent le feu. On étouffe. On va mourir, brûlées ou asphyxiées. L’odeur de pétrole est insupportable. Ils ne l’ont pas ménagé. Mais on ne peut rester là… Il faut sortir à tout prix. Mourir pour mourir, mieux vaut mourir d’une balle ou d’un coup de baïonnette. »

Et Mlle Jacquemot sort en compagnie de deux autres jeunes-filles, Mlles Nicolas. Tout Nomeny est en feu. Les malheureuses essaient de gagner la campagne par les jardins : elles tombent entre les mains des soldats qui les emmènent dans une infirmerie installée chez un habitant de Nomeny, M ; Zambeau, où elles passent la nuit.

Le lendemain, les trois jeunes-filles, après avoir été promenées sous escorte dans les rues du village anéanti, ont été rendues à la liberté. Mlle Jacquemot déclare que tous les habitants, vieillards et enfants, ont été emmenés sous bonne escorte elle ne sait où : les a-t-on fusillés ou gardés comme otages ? Elle ne sait.

(une autre jeune-femme de Nomeny, qui est parvenue à se sauver, a fait, de son côté, le récit suivant)

« En passant à travers les rues, on vit les maisons qui s’écroulaient ; l’église, la maison d’école, transformée cependant en ambulance, étaient incendiées. Partout, l’on était obligé de passer au-dessus de corps étendus sur la chaussée. Les Prussiens fusillaient tous les hommes. Devant une fillette, ils tuèrent un homme de 74 ans et un autre de 40 ans. Je pris la malheureuse par la main et je l’emmenai avec moi. »

« La voici, nous dit notre interlocutrice en montrant une fillette âgée d’une douzaine d’années. Elle pourra en témoigner. Les soldats allemands avaient pris tous les hommes qu’ils trouvèrent dans la ville ; ils les conduisirent sur la place de l’Hôtel de Ville, et là, devant les femmes et les enfants, ils les fusillèrent à bout portant. J’ai vu, notamment, tomber le boucher et d’autres habitants »

« Nous nous sommes sauvées dans les vignes. Bientôt les obus allemands venaient tomber autour de nous. Ils éclataient dans le sol, nous couvrant entièrement de terre. Puis le feu cessa. Les Prussiens vinrent nous rejoindre. C’est alors que j’ai vu un homme tombé à terre, frappé par une balle prussienne. Sa femme s’étant baissée pour le relever, un soldat allemand lui posa le canon sur la tête. La malheureuse s’écroula sur le corps de son mari.

Un communiqué de la France

(Communiqué du gouvernement qui aura l’approbation de tous les Français)

(24 Août 1914)

L’entrée des Allemands à Bruxelles est pour les Belges une épreuve douloureuse ; elle est cruellement sentie par tous les Français.

Le gouvernement de la République a tenu à affirmer que les souffrances de la Belgique étaient aussi les nôtres. Du jour où le sol belge a été foulé par des soldats allemands, où du sang belge a été versé pour s’opposer à leur passage, les causes des deux pays sont devenues indissolublement liées ; elles se confondent désormais.

La France est résolue à tout faire pour libérer le territoire de son alliée. Elle considère que son devoir n’aura été entièrement accompli que lorsqu’il ne restera plus un soldat allemand en Belgique.

Il n’a pas été possible, en raisons de nécessité stratégiques, de participer plus tôt avec l’armée belge à la défense du pays ; mais les engagements que nous avons pris n’en sont que plus solennels, notre coopération n’en sera que plus étroite ; elle se poursuivra avec une extrême énergie.

La retraite de l’armée belge sous le canon d’Anvers est une opération prévue qui ne porte aucune atteinte à sa valeur ni à son incontestable puissance. Lorsque le moment en a venu, l’armée belge se trouvera aux côtés de l’armée française à laquelle les circonstances l’ont étroitement et fraternellement liée.

Entrée des troupes allemandes dans Bruxelles

Un peu après 2 heures, une salve d’artillerie, bientôt suivie des accents d’une musique militaire, fit comprendre à Bruxelles que la marche triomphale de l’ennemi à travers leur vieille capitale allait commencer.

Un détachement d’uhlans ouvrait la marche. Il était suivi à peu de distance par la cavalerie, l’infanterie, l’artillerie et les sapeurs avec leur train de siège au complet ; 100 automobiles armées de canons à tir rapide fermaient la marche.

Chaque régiment et chaque batterie étaient précédés de sa musique ou de sa fanfare ; le long défilé se poursuivit aux accents de Die Wacht am Rhein et Deutschland über alles, chantés par les soldats.

Parmi les régiments de cavalerie, on remarquait notamment le fameux régiment des hussards de la mort et celui des hussards de Riethen.

A un moment donné, un coup de sifflet retentit et l’artillerie, abandonnant le pas de route, prit le pas de parade.

Par la chaussée de Louvain, Saint Josse et la gare du Nord, les troupes atteignirent les hauteurs de Kockelberd.

Pendant le défilé des uhlans, un incident se produisit : la foule ayant aperçu deux officiers belges les menottes aux mains, attachés aux étriers des cavaliers, fit entendre des murmures. Aussitôt les officiers d’uhlans, piquant vigoureusement le ventre de leurs chevaux, lancèrent ceux-ci dans la foule pour la faire reculer en levant leurs sabres en signe de menace.

A un moment donné, un camelot ayant offert des fleurs à un soldat, un capitaine de hussards fit cabrer son cheval et envoya le camelot rouler à terre. Une Française, indignée par ce spectacle, s’écria : « Vous êtes une brute ! » Tout le monde s’attendait à la voir subir le même sort que le marchand de fleurs, mais l’officier d’uhlans se contenta de pousser un grognement et continua dédaigneusement sa route.

Au moment où passait l’artillerie, les Bruxellois purent voir avec étonnement un petit ours, sas doute la mascotte d’une batterie, accoutré d’un uniforme de général belge et coiffé d’un bicorne, représentant évidemment le roi Albert. De temps à autre, l’animal, assis sur son train de derrière, faisait le geste de saluer en portant une patte à son chapeau. Ce spectacle scandaleux irrita les Belges qui continrent cependant leur indignation.

D’ailleurs les soldats allemands semblaient faire tout leur possible pour blesser les sentiments de la population. C’est ainsi qu’en passant, certains d’entre eux arrachaient les rubans aux couleurs nationales que toutes les femmes portaient à leur corsage.

Près de Saint Gudule, plusieurs officiers allemands qui se trouvaient dans une automobile s’emparèrent du stock d’un marchand de journaux et se mirent en devoir de les parcourir en poussant de bruyants éclats de rire.

Malgré toutes ces provocations, la foule garda une attitude calme et digne.

Pendant des heures, les légions du kaiser passèrent à travers les rues et les boulevards de Bruxelles. Quelques régiments avaient fort bon air, et il est juste qu’on le sache. C’est particulièrement le cas des 26ème, 40ème et 43ème régiments d’infanterie. Pas un homme ne donnait de signe de fatigue.

Il était 5 heures du soir lorsque les dernières unités ont quitté Bruxelles dans la direction de Nivelle. Il ne reste dans la ville que deux ou trois mille Allemands.

A nos frères belges

L’hommage de la France à la vaillance d’un peuple

(Communiqué officiel)

Si l’on nous eût dit, il y a trois semaines, en ce premier dimanche de la guerre où la France attendait la décision de Londres et pouvait douter encore de voir à ses côtés, et la flotte et l’armée de l’Angleterre, si l’on nous eût dit que, vingt-deux jours après, nous aurions pu terminer tous nos préparatifs et que, sur tout le front ou presque, le territoire national serait indemne, qui donc l’eût admis sans contexte ?

Oh ! nous savons le prix dont fut achetée notre sécurité présente ! Nous savons quels en sont les ouvriers véritables. Nos troupes ont fait leur devoir, mais l’héroïque nation belge a fait plus que le sien.

Elle se devait à elle-même, elle nous devait aussi de défendre sa neutralité. Nous attendions tout de sa loyauté et de sa vaillance. Mais elle a dépassé notre attente ; c’est elle qui, par sa résistance obstinée, a permis notre mobilisation, notre concentration, le débarquement de nos alliés dans nos ports, leur arrivée sur le front de bataille et l’organisation systématique de cette guerre en commun ; c’est de poitrines liégeoises qu’a été fait notre premier rempart ; c’est la nation belge toute entière qui, donnant son sang, donnant son territoire, donnant sa capitale, a voulu que Liège et Anvers devinssent dans l’Histoire synonymes de Thermopyles et de Marathon !

Frères belges, nous vous avons apporté, il y a soixante-trois ans, l’indépendance ; vous nous payez votre dette au centuple ; jamais nos fils et les fils de nos fils, à travers les siècles, n’auront pour vous assez de reconnaissance te d’amour.

Wacht am Rhein

(25 Août 1914)

Wacht am Rhein, qui signifie La Garde au Rhin, est pour les paroles de Schneckenburger, pour la musique de Charles Wilhem.

Ecrit et composé vers 1840, il fut chanté pour la première fois en 1854, à l’occasion des noces d’argent de celui qui devait devenir l’empereur d’Allemagne Guillaume 1er.

En récompense, on éleva deux monuments au compositeur.

Quant au poète, mort en 1849, il ne reçut rien d’abord. Mais, en 1871, la chancellerie allemande accorda une pension de mille thalers à ses héritiers.

L’hymne débute ainsi : « Un cri d’appel traverse l’air comme un roulement de tonnerre, comme le cliquetis des armes, comme le mugissement des vagues. Au Rhin ! Au Rhin, Allemand ! Qui veut du fleuve être le gardien ? »

Le refrain dit : « Patrie chérie, tu peux être tranquille. Solide te fidèle est la garde du Rhin. »

Dans la strophe suivante, nous retrouvons le sentiment allemand qui veut toujours affirmer sa vertu, sa piété et sa vigueur. En voici la teneur : « Des centaines de mille tressaillent aussitôt et leurs yeux brillent comme l’éclair. L’Allemand vertueux, pieux et vigoureux, protège la frontière sacrée du pays ».

L’hymne a cinq strophes dans lesquelles ces idées et ces sentiments continuent d’être exprimés.

« Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand, quoiqu’ils le demandent dans tous leurs écrits comme des corbeaux avides ;

« Aussi longtemps qu’il coulera paisible, portant sa robe verte ; aussi longtemps qu’une rame frappera ses flots.

« Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand, aussi longtemps que les cœurs s’abreuveront de son vin de feu ;

« Aussi longtemps que les rocs s’élèveront au milieu de son courant ; aussi longtemps que les hautes cathédrales se reflèteront dans son miroir.

« Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand, aussi longtemps que de hardis jeunes-gens feront l cour aux jeunes-filles élancées ;

« Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand, jusqu’à ce que les ossements du dernier homme soient ensevelis dans ses vagues. »

A cet air de fifre, qui avait enthousiasmé toute l’Allemagne, Musset répondit en fanfare, avec quel souffle et quel superbe dédain !

« Nous l’avons eu, votre Rhin allemand.

« Il a tenu dans notre verre.

« Un couplet que l’on s’en va chantant

« Efface-t-il la trace altière

« Du pied de nos chevaux marqué dans votre sang ?

« Nous l’avons eu, votre Rhin allemand.

« Son sein porte une plaie ouverte

« Du jour où Condé triomphant

« A déchiré sa robe verte.

« Où le père a passé, passera bien l’enfant

« Nous l’avons eu, votre Rhin allemand.

« Que faisaient les vertus germaines

« Quand notre César triomphant,

« De son ombre couvrait vis plaines ?

« Où tomba-t-il alors ce dernier ossement ?

« Nous l’avons eu, votre Rhin allemand.

« Si vous oubliez vote Histoire,

« Vos jeunes-filles sûrement

« Ont mieux gardé notre mémoire ;

« Elles nous ont versé votre petit vin blanc.

« S’il est à nous, votre Rhin allemand.

« Lavez-y donc votre livrée ;

« Mais parlez-en moins fièrement.

« Combien, au jour de la curée,

« Etiez-vous de corbeaux contre l’aigle expirant ?

« Qu’il coule en paix, votre Rhin allemand.

« Que vos cathédrales gothiques

« S’y reflètent modestement ;

« Mais craignez que vos airs bachiques

« Ne réveillent les morts de leur repos sanglant.

Je viens de voir ceux qui sont tombés vivants

sur le sein de la patrie

(Vichy, 22 août – de l’envoyé spécial du « Matin »)

C’était le quatrième convoi qui arrivait à Vichy. L’angoisse du petit jour ajoutait encore au spectacle. Mais soyons ferme, ce sont des soldats qui vont passer.

Voilà vingt-huit heures qu’ils sont couchés dans ces fourgons. Le train les a pris à Saint-Dié. La balle ou les obus les avaient pris plus avant.

Ceux qui portent l’auguste plaie à la tête, aux bras, à l’épaule descendent d’eux-mêmes sur le quai ; ceux qui la portent aux jambes ou à la poitrine défilent sur la civière.

Les regards sont les mêmes et les uns comme les autres ont entre les lèvres ou entre les doigts une cigarette qui fume : c’est leur façon de se faire précéder d’un panache. Au milieu de ceux-là, quelques-uns n’ont pas de cigarette ; leurs bras sont immobiles, leur tête est dans la ligne du corps : ils gisent. Saluons plus bas.

Les premiers sortent de la gare, se groupent ; les civières sont posées sur des automobiles de luxe. On se dirige vers les palaces, devenus des hôpitaux.

Tragique armée qui vient de traverser la poudre !

Artilleurs, fantassins, chasseurs avec béret, chasseurs avec képi, souliers ouverts, poitrine nue, le bras bandé, le front bandé, la joue bandée, portant sur le dos leur musette, que la pointe d’un casque – souvenir ! – semble protéger du tonnerre, recouverts de leur capote souillée de boue, percée de balles, descendent dans la ville des smokings et des toilettes légères.

Ils gagnent les lits qui leur sont préparés dans les grands hôtels mobilisés.

Comment sauta un fort de Liège

Le fort de Chaudfontaine, à Liège, a été le théâtre d’un acte d’héroïsme qui affirme, une fois de plus, avec éclat, la valeur de l’armée belge. Ce fort qui commande la voie ferrée d’Aix-la-Chapelle à Liège, par Verviers et le tunnel de Chaudfontaine, était commandé par le major Namèche. Il a été soumis par les Allemands à un bombardement continuel extrêmement violent.

Lorsque le fort ne fut plus qu’un monceau de décombres et que le commandant jugea la résistance impossible, il barra le tunnel en y faisant entrer en collision plusieurs locomotives et en mettant ensuite le feu aux fourneaux de mine.

Sa mission était dès lors terminée. Le commandant Namèche ne voulut pas cependant que le drapeau allemand flottât, même sur les ruines de son fort. Il mit le feu à ses poudres et se fit sauter.

Un tel acte d’héroïsme se passe de commentaires.

Le raid d'un monoplan

(Le correspondant du Daily-Times, à Bâle, raconte ainsi les péripéties du raid d’un aviateur français au-dessus de la forteresse allemande dans le duché de Bade)

Bâle, 19 août – Il était 8 heures du soir. Tous ceux qui avaient pu s’offrir le luxe de dîner en plein air le faisaient, car la chaleur était suffocante.

Brusquement un des dîneurs se leva, pointant un doigt vers le ciel. Là-bas, bien loin là-bas, dans le ciel embrasé, se découpait les lignes d’un monoplan venant de la direction de Belfort, la forteresse française.

Le pilote se dirigeait vers Istein, la forteresse allemande, une des plus fortement armée du monde.

Quelques minutes encore, il serait à portée des terribles canons du fort allemand. Chacun le savait, aussi chacun suivait-il avec la plus vive anxiété la marche de l’aéroplane. Un Allemand près de moi ne put s’empêcher de crier : « Ah ! le brave ! »

Il avait à peine parlé que de là-bas, de l’autre côté de la rivière, nous arriva le bruit des coups de canon. Le monoplan sembla s’arrêter dans l’air et il chahuta de manière inquiétante. Tout d’abord, nous crûmes qu’il avait été touché et qu’il allait venir s’abîmer sur le sol somme un oiseau blessé, mais c’était simplement le pilote qui manœuvrait audacieusement pour virer brusquement.

« Dieu lui soit en aide ! » s’écria une Anglaise, en se mettant les mains sur les yeux afin de ne plus voir. Je crois que tous répétèrent cette prière dans leur cœur.

Le monoplan se redressa alors que les canons tonnaient contre lui, tiraient toujours et en plus grand nombre. Les Allemands devaient considérer comme un désastre le fait de laisser l’aéroplane leur échapper, car le pilote avait du apprendre beaucoup dans le temps rapide qu’il était passé au-dessus de la forteresse.

Les canons crachaient toujours furieusement mais ils furent impuissants. La victoire du monoplan était terrifiante. Une fois de plus, il chahuta encore comme s’il avait été touché, mais bientôt il était hors de portée des canons prussiens.

Tous ceux qui avaient assisté à l’incident poussèrent alors un profond soupir de soulagement.

Un témoignage anglais

(Le Times, de son correspondant spécial en Belgique)

Je me demande si le public anglais se rend bien compte de ce qui se passe en Belgique en ce moment. La prétendue culture allemande des quarante-quatre dernières années a disparu tout d’un coup et les ravages cruels des hordes germaniques resteront dans la mémoire des générations futures et aigriront les relations des peuples.

Il y a dix jours, Tirlemont était une agréable ville flamande, aujourd’hui c’est un monceau de ruines fumantes. L’armée belge a fait une vigoureuse résistance dans les environs, mais tous les comptes-rendus sont d’accord pour dire qu’il n’était nullement nécessaire de bombarder la ville.

Des pères, s’enfuyant avec leur famille et cherchant à la protéger de leur mieux, ont été tués sous les yeux des leurs. Des mères portant des enfants dans leurs bras ont été chargées à coups de lace et de sabre.

En revenant de Tirlemont, j’ai rencontré une petite fille de onze ans qui marchait en chancelant et en tâtonnant devant elle comme une aveugle : un coup de lance lui avait ouvert la joue et l’œil. Une pauvre paysanne, la figure couverte de larmes, me dit qu’en sa présence son mari avait été tué par des cavaliers allemands, que deux de ses enfants, âgés de moins de neuf ans, avaient été piétinés par leurs chevaux et que deux autres avaient disparu. Et ceci n’est pas un cas isolé, c’est un exemple de ce qui se passe journellement dans les régions occupées par la soldatesque allemande et, je regrette de le dire, c’est seulement un exemple parmi les centaines qui ont été établis sans aucune difficulté de doute.

Les Autrichiens, dignes alliés des Allemands

(Le gouvernement serbe a donné connaissance au gouvernement français d’une protestation qu’il formule contre l’attitude des troupes austro-hongroises et dont voici les termes)

« Le Haut commandement austro-hongrois a donné à ses troupes des instructions leur enjoignant de brûler les récoltes, d’incendier les villages, de tuer et de pendre les populations paisibles

« Pendant leur retraite vers la Drina, les troupes austro-hongroises ont commis des cruautés sans exemple. Nos troupes rencontrent sur leur chemin un grand nombre de victimes, tués et défigurés, surtout des vieillards, des femmes et des enfants. Ces horribles cruautés révoltent nos soldats à tel point qu’il sera difficile de retenir l’explosion des sentiments de vengeance et de représailles. »

Second ultimatum allemand à la Belgique

(28 Août 1914)

(télégramme ultimatum du gouvernement allemand au cabinet de Bruxelles, daté du 9 août)

La Hayes, le 9 août 1914

Ministre affaires étrangères m’a prié de vous transmettre les informations suivantes, parce que ministre Amérique Bruxelles s’y oppose. La forteresse de liège a été prise d’assaut après une défense courageuse. Gouvernement allemand regrette très profondément que par suite de l’attitude du gouvernement belge contre l’Allemagne, on en est arrivé à des mesures sanglantes. Allemagne ne vient pas en ennemi en Belgique, c’est seulement par force des évènements qu’elle a dû, à cause des mesures militaires de la France, prendre grave détermination entrer en Belgique et occuper Liège comme point d’appui pour ses opérations ultérieures.

Après l’armée belge, a, par résistance héroïque contre grande supériorité, maintenu honneur de ses rames, gouvernement allemand prie roi des Belges et gouvernement belge d’éviter à Belgique horreurs ultérieures de la guerre. Gouvernement est prêt à tous accords avec Belgique qui peuvent se concilier avec son différend avec la France. Allemagne encore assure solennellement  qu’elle n’a pas l’intention d’approprier territoire belge et que cette tentation est loin d’elle. Allemagne est toujours prête à évacuer  Belgique aussitôt que état de guerre lui permet. Ambassadeur Etats-Unis avait prié son collègue de se charger de cette tentative de médiation. Ministre affaires étrangères a accepté sans enthousiasme cette mission. Je m’en suis chargé pour lui faire plaisir.

Baron FALLON

Bruxelles, le 12 août - Légation de Belgique

La Hayes – Prière de remette le télégramme suivant au ministère des affaires étrangères : La proposition que nous fait le gouvernement allemand reproduit la proposition qui avait été formulée dans l’ultimatum de 2 août. Fidèle à ses devoirs internationaux, la Belgique ne peut que réitérer sa réponse à cet ultimatum d’autant plus que, depuis le 3 août, sa neutralité a été violée, qu’une guerre douloureuse a été portée sur son territoire et que les garants de sa neutralité ont loyalement et immédiatement répondu à son appel.

DAVIGNON

Une lettre du lieutenant Pau

(en août 1870, après le combat de Woerth, le général Pau, alors lieutenant, écrivait à sa mère et à sa sœur la lettre suivante, qui fera connaître et aimer davantage le commandant en chef des troupes d’Alsace)

Bonne mère

Comme je ne sais si aucune des lettres que je t’ai écrites est parvenue à son adresse ou plutôt comme j’ai de fortes raisons pour croire que rien n’est arrivé, tandis que cette fois je puis espérer que tu recevras mon autographe, je vais donc te narrer mes aventures tout au long.

Et d’abord l’originalité des sept lignes précédentes a dû te faire supposer que c’est d’un pied et non d’une main qu’elles furent tracées.

Détrompez-vous et ne riez point des premiers efforts d’une main inexercée, non plus que du style. Outre que je parle maintenant presque exclusivement l’allemand, je vous jure que des phrases élégantes ne coulent pas de source, quand il faut cinq minutes pour tracer une ligne.

Mais j’oublie que je ne vous ai pas encore dit le principal. Je suis blessé, mais vous le voyez, pas trop dangereusement. C’était le 6 août au combat de Woerth. J’avais eu jusqu’alors la chance de  n’être pas touché au milieu d’une véritable pluie de fer et de plomb, lorsqu’un obus brisant un arbre près de moi, un éclat de bois m’atteignit à la main droite et me mit deux doigts hors de combat. Une heure après je regrettais beaucoup moins la perte des susdits doigts, car une balle bavaroise me fracassait la même main et venait se loger entre les deux os de mon poignet, d’où je la retirai délicatement.

Je reçus alors l’ordre de me rendre à l’ambulance, et c’est pendant que je m’y traînais, qu’obligé de passer sous le feu des batteries prussiennes, je reçus un éclat d’obus dans la cuisse droite. Maintenant, inutile de vous dire que cela va très bien, il est vrai qu’il a fallu me faire l’amputation du poignet, mais l’opération a donné les meilleurs résultats. Et comment en serait-il autrement ?  Je suis chez les meilleurs gens du monde, soigné comme l’enfant de la maison ; les visites, toutes plus affectueuses les unes que les autres, ne me manquent pas.

Assez de moi.

Je n’ai pas besoin de vous dire que je suis inquiet… et puis notre pauvre Lorraine te notre pauvre France !…

Castelnau

La discrétion, qui doit couvrir les détails des opérations militaires, fait tort momentanément aux actes héroïques qui, au cours de ces grandes journées, sont en train d’ajouter, pou l’Histoire, tant de témoignages nouveaux de la noblesse du sang français. Lorsqu’un de ces actes arrive à être connu de nous, il éclaire un instant toute la profondeur de l’effort sublime que, derrière ce silence, le cœur de la France accomplit.

C’est ainsi que le frisson des grandes émotions nous a tous saisis à cette simple nouvelle qui nous est parvenue hier : « Le sous-lieutenant, élève de Saint-Cyr, Xavier de Castelnau, âgé de vingt ans, fils du général chef d’état-major général, a été tué hier, au cours d’une glorieuse bataille, sous les yeux de son père. Le général de Castelnau a continué à diriger le combat. »

Les larmes sont venues aux yeux, mais la tristesse devant la noble jeunesse fauchée, devant la douleur du père, a été aussitôt refoulée par l’admiration. Les larmes, en un moment si cruel, elles n’ont pas obscurci les regards du général de Castelnau : il fallait que ces regards restent clairs et perçants, que l’esprit demeura libre pour voir, juger, décider. Ce chef n’a voulu pleurer qu’après la victoire.

Castelnau ! Ce nom, il y a un mois environ, était l’objet d’attaques incessantes à cause de sa foi catholique qu’on lui connaissait et à laquelle il a dû ce courage surhumain. Avant d’affronter les obus allemands qui viennent d’emporter son fils, il avait en butte aux calomnies  des Français égarés. Hier, reconnaissons-le, ces adversaires ont senti qu’ils devaient être les premiers à s’incliner devant ce nom de héros.

Maurice PUJO

Le général de Castelnau dictait des ordres, quand un officier se présenta devant lui : « Qu’y a-t-il ? » demanda le général - « Mon général, répond l’officier d’une voix qui tremble, votre fils Xavier vient d’être tué d’une balle au front en donnant l’assaut à l’ennemi, qui a été repoussé. » Le général reste silencieux une seconde. Puis s’adressant à son état-major : « Messieurs, continuons » et il reprend la dictée de ses ordres pour le combat.

Gérard PAU

Mme de Castelnau vit, depuis le commencement de la mobilisation, dans le Midi. Ceux de ses enfants qui ne sacrifient pas en ce moment, à côté de leur père, la vie qu’elle leur a donnée, sont demeurés auprès d’elle.

Lorsque survînt au château la nouvelle de la mort de Xavier, personne n’osait en avertir la pauvre mère. Mlles de Castelnau chargèrent le curé de ce soin.

Le lendemain matin, à la première messe, Mme de Castelnau, selon son habitude, s’approche de la sainte table. Le prêtre n’a pas osé encore lui faire part de la terrible nouvelle, mais en se trouvant brusquement devant elle, il est si vivement ému que sa main qui présente l’hostie tremble comme une feuille dan le vent.

Mme de Castelnau, qui s’étonne, relève la tête, aperçoit le visage bouleversé du prêtre et comprend. Alors, à mi-voix, aussi pâle que l’hostie qu’on lui offre, aussi stoïque devant l’autel que son mari, là-bas, sur le champ de bataille, elle demande simplement, dans un souffle : « Lequel ? »

Un hommage à la Belgique

(29 Août 1914)

M. Asquith a prononcé à La Chambre des Communes un très beau discours à l’occasion d’un ordre du jour présenté par lui et ainsi conçu :

« Qu’une adresse soit présentée à sa Majesté, la priant de faire connaître à sa Majesté, le Roi des Belges, la sympathie et l’admiration que la Chambre éprouve pour l’héroïque résistance opposée par son armée et par son peuple à une invasion inqualifiable et lui donner l’assurance de la détermination de la Grande-Bretagne de coopérer par tous les moyens aux efforts de la Belgique pour maintenir son indépendance et faire respecter le droit public européen. »

Le Premier ministre s’est ensuite expliqué en ces termes :

« Peu de paroles sont nécessaires pour recommander cette adresse à l’attention de la Chambre. La guerre qui ébranle actuellement dans ses fondations mêmes le système européen tout entier, a son origine dans un conflit dans lequel notre pays n’était pas directement intéressé. Nous avons lutté de toutes nos forces, comme chacun sait, pour empêcher la crise d’éclater, et lorsque cela fut devenu impossible, pour en limiter le champ. Il est essentiel et je crois opportun, qu’on sache clairement quand et pourquoi nous sommes intervenus.

Le devoir d’une grande nation.

« Ce fut seulement lorsque nous nous sommes trouvés en présence de cette douloureuse alternative : tenir ou renier nos engagements solennels, justifier la confiance mise en nous ou nous incliner devant la force brutale, que nous avons tiré l’épée. Nous ne nous repentons pas de notre décision.

« La tâche qui nous incombait était une de celles auxquelles une grande nation jalouse de sa renommée, une race élevée comme la nôtre dans ce pays de liberté, ne pouvait se dérober sans se couvrir d’une honte éternelle. Nous étions contraints de part des obligations précises et supérieures d’affirmer et de maintenir l’indépendance menacée d’un Etat neutre.

« La Belgique n’avait aucun intérêt à elle propre à défendre, si ce n’est les intérêts suprêmes et prépondérants de chaque Etat, grand ou petit, digne de ce nom, à savoir : le maintien de son intégrité et de sa vie nationale.

«  l’Histoire nous a enseigné que le devoir de faire triompher le grand principe qui est, après tout, le principe fondamental de la civilisation et du progrès, a incombé parfois aux moments les plus critiques dans le passé aux Etats relativement petits sous le rapport de l’étendue et de la population, mais grand sen courage et en ressources, à Athènes, à Sparte, aux cantons suisses, et si glorieusement, il y a trois siècles, aux Pays-Bas.

Les Belges ont conquis une gloire immortelle.

« Jamais, j’ose l’affirmer, ce devoir n’a été plus clairement reconnu et jamais il n’a été plus vigoureusement et plus courageusement remplit que durant les dernières semaines par le souverain belges et par la nation belge. Ils ont envisagé sans crainte la supériorité écrasante de leurs adversaires, les horreurs de l’invasion, de la dévastation, des spoliations et des outrages de toutes sortes. Ils ont résistés vigoureusement et avec succès aux nées successives de formidables masses armées.

« La défense de Liège sera toujours le thème d’un des plus beaux chapitres des annales de la liberté. Les Belges ont conquis la gloire immortelle qui appartient au peuple qui préfère sa liberté à son bien-être matériel, à sa sécurité et à la vie elle-même.

« Et nous sommes fiers de leur alliance et de leur amitié.

« Nous les saluons avec respect et avec honneur. Nous sommes avec eux de cœur et d’âme, parce qu’à leurs côtés et avec eux, nous défendons en même temps deux grandes causes : l’indépendance des petits Etats et l’inviolabilité des obligations internationales.

Par cette action, nous demandons à la Chambre de leur donner aujourd’hui l’assurance, au nom du Royaume-Uni et de l’empire tout entier, qu’ils peuvent compter jusqu’au bout sur notre dévouement et notre appui absolu.

Rupture entre l'Angleterre et l'Allemagne

(30 Août 1914)

DOCUMENTS

Londres, 28 aoüt

Un livre blanc, qui vient d’être distribué, publie une dépêche de l’ambassadeur d’Angleterre à Berlin, relativement à la rupture des relations diplomatiques avec l’Allemagne.

Pourquoi la neutralité de la Belgique a été violée

A la question de savoir qu l’Allemagne respecterait la neutralité de la Belgique, M. de Jagow répondit négativement parce que les troupes allemandes, le matin même, avait déjà franchi la frontière belge. La neutralité de la Belgique était déjà violée. « Cette violation était, disait-il, nécessaire parce qu’il s’agissait de pénétrer en France par le chemin le plus rapide et le plus facile, de façon à avoir une grande avance sur les opérations françaises et de frapper le plus tôt possible un coup décisif. C’était pour l’Allemagne question de vie ou de mort. Un temps considérable aurait été perdu s’il avait fallu pénétrer par le sud, où la rareté des routes et la puissance des forteresses auraient retardé la marche, ce qui aurait donné aux Russes le temps d’amener des troupes sur la frontière allemande. La rapidité, ajouta M ; de Jagow, est le plus grand atout de l’Allemagne. Celui de la Russie est d’être un réservoir inépuisable de soldats. »

L’ambassadeur observa que le fait accompli était très grave et demanda s’il n’était pas encore temps de donner aux troupes allemandes l’ordre de quitter la Belgique. M. de Jagow répondit que, pour les motifs sus énoncés, cela était impossible.

Dans l’après-midi, l’ambassadeur d’Angleterre informa M ; de Jagow que si, à minuit, l’Allemagne n’avait pas donné l’assurance qu’elle ne poursuivrait pas la violation de la frontière belge et n’arrêtait pas ses troupes, les relations diplomatiques seraient rompues et la Grande-Bretagne prendrait toutes les mesures nécessaires pour maintenir la neutralité de la Belgique et faire respecter le traité signé par l’Allemagne et par la Grande-Bretagne.

« Pour un mot » dit le chancelier

M. de Jagow répondit qu’il maintenait sa réponse antérieure, la sûreté de l’Empire allemand exigeant absolument que les troupes allemandes traversassent la Belgique. L’ambassadeur d’Angleterre insista, disant qu’en présence des conséquences terribles de cet acte, M. de Jagow changerait peut-être d’opinion avant la nuit, mais M. de Jagow répliqua que le délai fut-il prolongé de 24 heures ou plus, sa réponse serait toujours la même. En ce cas, répondit l’ambassadeur d’Angleterre, il ne me reste qu’à réclamer mes passeports.

Il était environ 7 heures ; un court entretien suivit ; M. de Jagow exprima ses profonds regrets de voir s’écrouler toute sa politique et celle du chancelier, qui consistait à gagner l’amitié de l’Angleterre afin d’arriver, par l’intermédiaire de l’Angleterre, à se rapprocher de la France.

L’ambassadeur se rendit ensuite chez le chancelier. Celui-ci, fort agité, entama aussitôt un discours qui dura une vingtaine de minutes. Il déclara que la décision de la Grande-Bretagne était vraiment terrible et ajouta : « Comment, pour un mot, pour le mot neutralité, pour un mot qui, en temps de guerre, fut si souvent méprisé ; comment pour un simple morceau de papier, la Grande-Bretagne va faire la guerre à une nation apparentée dont le seul désir est d’être une amie ! Tous mes efforts dans ce sens se trouvent anéantis par cette dernière et terrible décision et toute ma politique, depuis mon arrivée aux affaires, s’écroule comme un château de cartes. L’acte de la Grande-Bretagne est inconcevable. C’est comme ci on frappait dans le dos un homme qui défend sa vie contre deux assaillants. Je tiens la Grande-Bretagne pour responsable des terribles évènements qui pourront s’en suivre. »

L’honneur de l’Angleterre

L’ambassadeur d’Angleterre répliqua que « si pour des raisons de stratégies la violation de la neutralité belge était une question de vie ou de mort pour l’Allemagne, c’était aussi pour l’honneur de la Grande-Bretagne une question de vie ou de mort de respecter un engagement solennel, et de faire tout son possible pour défendre la neutralité de la Belgique contre des attaques. Cet engagement solennel doit simplement être observé, sinon quelle confiance aurait-on à l’avenir dans les promesses de la Grande-Bretagne ? »

Le chancelier répondit : « Mais à quel prix cet engagement sera-t-il tenu ? Le gouvernement britannique y a-t-il songé ? » L’ambassadeur observe alors que la crainte des conséquences ne constituait pas une excuse pour violer des engagements solennels, mais le chancelier était si surexcité, si abasourdi de la décision de l’Angleterre, si peu disposé à entendre raison, que l’ambassadeur renonça à jeter de l’huile sur le feu en continuant la conversation.

Le chancelier déclara enfin qu’en se joignant aux ennemis de l’Allemagne, la Grande-Bretagne lui portait un coup d’autant plus violent que, presque jusqu’au dernier moment, l’Allemagne, travaillant de concert avec l’Angleterre, avait coopéré à ses efforts pour le maintien de la paix entre l’Autriche et la Russie.

L’ambassadeur reprit qu’il était, en effet, tragique de voir deux nations entrer en conflit au moment même où leurs relations étaient devenues plus cordiales.

L’ambassadeur rentra à l’ambassade un peu avant 9 heures, il déposa un télégramme faisant au Foreign Office un rapport sur ces entrevues.

Son télégramme fut accepté mais, apparemment, il ne fut jamais transmis par le bureau télégraphique.

Ultimatum anglais

Vers neuf heures et demie, le sous-secrétaire d’Etat, M. Zimmermann, vint voir l’ambassadeur d’Angleterre. Celui-ci lui fit observer que l’Angleterre exigeait une réponse nette à minuit au plus tard. M. Zimmermann reconnut que cela équivalait à une déclaration de guerre, puisque l’Allemagne ne pouvait pas donner l’assurance réclamée ; puis M. Zimmermann laissa à l’ambassadeur une feuille volante du Berlinger Tageblatt annonçant la déclaration de guerre de l’Angleterre à l’Allemagne.

Une foule de manifestants, déjà massés dehors, poussait des cris hostiles et jetait des pierres contre la maison. Un pavé étant tombé au milieu du salon où se trouvait réuni le personnel de l’ambassade, l’ambassadeur téléphona à M. de Jagow qui fit déblayer la rue. M. de Jagow vint ensuite exprimer ses vifs regrets de l’incident qui, disait-il, déshonorait Berlin et expliqua que la publication de la nouvelle par cette « peste » de Berlinger Tageblatt n’avait pas été autorisée, sans quoi un service d’ordre eût été établi.

Les excuses de M. de Jagow furent complètes.

La colère de Guillaume

Le lendemain 5 août, un aide de camp de l’empereur arriva chez l’ambassadeur et lui déclara sur un ton acerbe : « L’empereur me charge d’exprimer à Votre Excellence ses regrets pour les incidents d’hier soir, mais de vous dire, par la même occasion, que ces incidents vous donnent une idée des sentiments de son peuple à l’égard de l’acte de la Grande-Bretagne faisant cause commune avec d’autres nations contre ses vieux alliés de Waterloo.

« Sa majesté vous demande aussi de dire au roi qu’il était fier de ses titres d’amiral de le marine britannique et de feld-maréchal de l’armée anglaise, mais qu’après ce qui vient d’arriver, il est obligé de se dépouiller immédiatement de ces titres. »

L’ambassadeur raconte ensuite son départ de Berlin et les mesures d’ordre qui furent prises à cette occasion. Il n’eut pas à souffrir comme ses collègues russe et français des avanies de la foule. Il fut poliment accompagné à la gare et son voyage eut lieu d’une façon confortable.

Episode glorieux

(Racontant les combats livrés autour de Bruxelles, M. Roland de Marès cite ce trait admirable)

L’ennemi dirigeait son principal effort du côté d’Aerschot, et il s’accomplit là des actes d’héroïsme inouïs.

On a cité, entre tant de beaux traits la défense du Commandant Gilson, mais je ne crois pas que l’on ait donné des détails.

Le Commandant Gilson occupait avec une petite troupe de 280 hommes une position au nord-est d’Aerschot. Il avait devant lui une masse de 3000 Allemands, cavalerie et infanterie, qu’il s’agissait de retenir coûte que coûte pour empêcher que la retraite belge ne fût coupée. Près de deux heures durant, de 6 heures à 7 heures 50, ces héros ne cédèrent pas une semelle de terrain.

Dès le début de l’action le Commandant Gilson eut le nez brisé par une balle, mais il ne songea même pas  faire panser sa blessure. La figure en sang, il faisait le coup de feu avec ses soldats. Il leur avait fait jurer de tenir jusqu’au dernier, et, fidèles à la parole donnée, les hommes tenaient. Des blessés, étendus dans l’herbe, faisaient des efforts surhumains pour lever le fusil et tirer.

Les Allemands attaquaient la petite troupe de front et de flanc ; les mitrailleuses crachaient sans discontinuer ; mais les nôtres ne cédaient pas. A 7 heures 50, la retraite étant terminée à l’arrière, le Commandant Gilson rallia les hommes qui lui restaient et se replia en combattant vers la route de Louvain…

Au blessé qui me raconta cette affaire à Gand, j’ai demandé : « Et quand il s’est replié, combien restait-il d’hommes indemnes des 280 soldats du Commandant Gilson. » Il eut un geste vague, mais quelqu’un près de moi murmura : « Il en restait dix-sept, monsieur !… »

C’est là un fait entre mille

L'héroïsme de l'armée anglaise

(Le secrétaire d’Etat du département de la guerre anglais a publié le rapport suivant)

Un combat de quatre jours, une retraite qui vaut une victoire

« Il est maintenant possible de constater d’une manière générale la part que les Anglais ont pries aux récentes opérations. Il y a eu une bataille de quatre jours, le 23, le 24, le 25 et le 26 août. Pendant toute cette période, les troupes anglaises, agissant conformément au mouvement général des armées françaises, ont été occupées à empêcher et à arrêter la marche en avant des Allemands et à se retirer dans les nouvelles lignes de défense. La bataille a commencé à Mons le dimanche.

« Pendant cette journée et une partie de la nuit, l’attaque des Allemands, qui était extrêmement vive et réitérée, a été arrêtée complètement sur le front anglais. Le lundi 24, les Allemands ont fait, en nombre supérieur, de vigoureux efforts pour empêcher l’armée anglaise de se retirer librement et pour la presser dans la place forte de Maubeuge. Cet effort a été rendu infructueux par la fermeté et l’habileté avec lesquelles la retraite des Anglais a été dirigée.

Pertes anglaises et allemandes dans les rues de Landrecies

« La bataille du 26 août a été des plus rudes et des plus acharnées. Les troupes ont fait preuve de la plus belle et de la plus solide résistance dans la situation terrible où elles se trouvaient et elles se sont finalement retirées en bon ordre, bien qu’avec de sérieuses pertes et sous le plus redoutable feu d’artillerie.

« L’ennemi n’a pris aucun canon, à l’exception de ceux dont les chevaux étaient tous tués ou qui avaient été mis en pièces par les projectiles à forte explosion.

« Sir John French estime que, pendant toute la durée de ces opérations, du 23 au 26 inclusivement, ses pertes se sont élevées à 5000 ou 6000 homes. D’un autre côté, les pertes essuyées par les Allemands dans leurs attaques à découvert et à cause de leurs formations compactes sont de beaucoup supérieures à celles que nous avons souffertes.

« A Landrecies, le 26 août, par exemple, une brigade d’infanterie allemande marchait en rangs serrés dans une rue étroite qu’elle remplissait complètement. Nos mitrailleuses ont été placées de façon à tirer sur elle du bout de la ville. La tête de la colonne a été balayée, une horrible panique s’est alors produite, et l’on estime que pas moins de 800 ou 900 Allemands, morts ou blessés, gisaient dans cette seule rue.

« Un autre fait qui peut être choisi entre beaucoup d’autres semblables est la charge de la division de cavalerie de la garde contre la 12ème brigade d’infanterie anglaise. La cavalerie allemande a été alors repoussée avec de grandes pertes et dans un complet désordre. Ce sont là des faits notables de ce qui a été fait sur presque tout le front pendant ces engagements ; les Allemands ont payé très chers toutes leurs marches en avant

Une tactique de résistance

« Depuis le 26 août, abstraction faite des combats de cavalerie, l’armée anglaise n’a pas été inquiétée. Elle s’est reposée et remise de ses efforts et de ses actes glorieux. Des renforts sont déjà arrivés. Les canons ont été remplacés, et l’armée est maintenant prête à prendre part à la prochaine grande rencontre avec une force non diminuée et un courage indompté. Aujourd’hui, les nouvelles sont à nouveau favorables ; les Anglais n’ont pas eu d’engagements, mais les armées françaises agissant vigoureusement sur leur droite et leur gauche ont fait pour le moment cesser l’attaque des Allemands.

« Sir John French constate aussi que, le 28 août, la 5ème brigade de cavalerie anglaise, commandée par le général Chetwoode, a soutenu un brillant combat contre la cavalerie allemande, et le 12ème lancier et les Royal Scots Grey ont mis les ennemis en déroute et en ont poursuivi un grand nombre pendant leur fuite.