Connaissez-vous les plaisirs de la traque en forêt, tout seul le soir au fond des bois ?

Vu le temps magnifique, une vraie journée de printemps, dont nous avons bénéficié samedi dernier, j’avais décidé d’aller ramasser des ayots (jonquilles sauvages) en forêt.

Ce 2 Avril 2010 me voici donc, sur le coup des midi et demi, courbé en deux dans les bois à ramasser mes fleurs … j’ai la sale manie de confectionner mes bouquets au fur et à mesure et, dans un souci de je ne sais quoi sinon de bien faire les choses, de comptabiliser mes cueillettes … c’est ainsi que j’ai fait dix huit bouquets de cent fleurs chacun … j’en ai plein la maison et j’en ai fait profiter mon plus proche voisinage. J’aime cette époque de l’année où la forêt se fait belle et du même coup chaque pièce de ma maison … mais revenons à nos moutons … si l’on peut dire !

Je terminais à peine ma cueillette, lorsque mon ouïe (et moi par la même occasion) fut attirée par un bruit furtif de feuilles froissées dans les fourrés devant moi. Ayant relevé la tête, j’aperçu, à une centaine de mètres en sous-bois, un, puis deux, trois, quatre, cinq cerfs qui se déplaçaient tranquillement ne m’ayant certainement pas remarquer. Ils me semblaient magnifiques mais je ne pouvais, pour l’instant, que les distinguer vaguement.

Je pris donc le parti de les pister comme cela m’est déjà arrivé en d’autre occasion. Sac au dos, je me relevai doucement puis risquai quelques pas dans leur direction. Je pus ainsi m’approcher un peu plus, jusqu’au moment où, m’ayant sans doute entendu, ils s’arrêtèrent et m’aperçurent. Je fis comme eux : HALTE sans un seul mouvement, ils me regardèrent assez longuement puis reprirent leur chemin du même pas nonchalant. Je continuai, tout aussi doucement, derrière eux, m’arrêtant à chacun de leurs arrêts, les yeux rivés sur eux.

Connaissant ce coin de forêt comme ma propre poche, je savais pertinemment que la direction qu’ils avaient prise allaient les conduire dans un cul de sac en grillagé (un grillage devant, un autre à droite, un autre à gauche et que cet engrillagement allait en se rétrécissant pour se terminer sur un espace de moins de cinquante mètres de largeur. Ils n’auraient bientôt d’autre issue que de faire demi tour (sauter serait difficile car la clôture fait deux mètres cinquante et ils n’ont pas assez de recul à cet endroit tout du moins !).

Je poursuivis donc ma quête doucement, lentement mais sûrement. Au bout de trois quarts d’heure de traque mais en un espace restreint, je pris la décision de les contourner par le grillage de droite et d’aller les attendre le long de celui auquel bientôt ils allaient se heurter. Du même coup, je me mettais en sécurité tout en sachant qu’ils allaient obligatoirement déboucher à moins de cinquante mètres de moi et ne sachant quelle serait alors leur réaction ; je ne serais pas dans leur vent et me trouverais de plus entre eux et le soleil (important pour la suite) mais, pour eux, j’étais toujours sur leurs traces : derrière et ils ne pouvaient pas présumer du fait de se retrouver face à face avec quelqu’un d’autre dans cette partie très peu fréquentée (c’est pourquoi ils s’y remisent actuellement !).

Tout en faisant, mon petit détour, je butai littéralement sur deux gros sangliers qui étaient blottis au sol et qui se sont enfuis juste devant moi (faisant sans doute assez de bruit pour faire croire aux cerfs que je poursuivais que ce n’était finalement pas un bout d’être humain qui était derrière eux dans le bois mais tout simplement des bonnes et gentilles petites bêtes sauvages, des cochons comme on dirait dans notre jargon !).

Arrivé au bout de mon cul de sac, je pris le parti de continuer à prendre quelques risques (tant qu’à faire !) et de m’avancer lentement jusqu’à me placer au centre de l’espace qu’il restait … ainsi j’étais assuré de voir les animaux à moins de vingt cinq  mètres de moi. Mon cœur battait la chamade non pas de peur mais d’émotion car c’était féerique : j’entendais les cerfs approchés, je savais qu’ils allaient apparaître d’un moment à l’autre, tout près de moi mais je ne savais toujours pas quelle serait leur réaction.

Et tout à coup, le premier se présenta … juste au coin de l’engrillagement … c’était un jeune daguet, puis le deuxième : un dix cors jeunement et enfin les trois autres : deux troisièmes têtes et un magnifique vieux dix cors. Ils étaient acculés, à leur gauche et devant, au grillage alors qu’à leur droite il y avait, semble-t-il, quelque chose qui les intriguait, comme un ombre dans leur soleil mais cette ombre était totalement immobile (vous l’avez deviné, il s’agissait de votre serviteur frère et oncle). Derrière eux cependant il n’y avait plus le bruit des pas de cet homme qui les suivait auparavant … alors, pourquoi s’en faire … et ils ne s’en firent pas … ils restèrent là, à une bonne vingtaine de mètres de moi, en plein découvert, tantôt mangeant un brin d’herbe, tantôt reniflant le grillage comme si ils évaluaient leur capacité à le sauter ou pas. Nous restâmes ainsi (et je ne vous raconte pas de crac … croyez-moi … pourquoi le ferais-je d’ailleurs !) un peu plus de cinq minutes … inutile de vous dire que je ne faisais aucun mouvement de peur de les faire partir et que je retenais mon souffle (enfin, c’est une expression car si j’avais retenu mon souffle aussi longtemps, je n’aurais pu vous faire partager mon aventure … et le temps vous semble long … long et court tout à la fois car il vous prend dans les entrailles !).

Puis, comme ils étaient venus, ils s’en sont repartis d’un pas majestueux et tranquille. Mais, il y avait sans doute quelque chose qui les chagrinait, au moins le plus beau et sans nul doute le plus vieux d’entre eux … car, alors qu’ils venaient de disparaître à mes yeux, j’en entendis un qui, tranquillement revenait, à travers le bois, directement sur moi. Pas question de bouger, pas question de reprendre mon souffle. Je l’entendis s’approcher … je l’entrevis à travers les arbustes … je l’aperçu enfin : c’était le jeune dix cors … et il déboucha à cinq pas (je fus tellement estomaqué de la distance que je la mesurai après coup). Là, il s’immobilisa, me regarda, détourna la tête, me regarda encore … il semblait intrigué, curieux, étonné … ce manège dura pas moins de deux minutes puis, comme il s’en était venu, il repartit toujours aussi calmement, aussi magnifiquement.

Je rentrai à la maison HEUREUX. Ma traque avait duré une heure et demie. Mon cœur était plein de bonheur … vous voyez, il en faut peu parfois pour me contenter mais, en ce cas, peut-on dire vraiment : « peu » !

Le lendemain, j’y suis retourné mais il y avait beaucoup de « tarés » de parisiens, vous savez ces gens stressés qui viennent se défouler en gueulant les uns sur leurs enfants, les autres sur leurs parents … en tout cas trop de bruit pour les animaux … je n’ai vu qu’un chevreuil mais aussi sept sangliers (il y en a beaucoup actuellement dans ma forêt) … De cerfs ? point … mais je sais que ce soir ils sont gîtés au même endroit et, si je n’y suis pas, j’y serai un autre de ces prochains soirs et un autre et un autre encore ! J’aime ces soirs au fond des bois … je n’y entends pas le cor ou alors c’est mauvais signe (c’est jour de chasse à courre et je n’aime plus la chasse à courre ! cette chasse où disparaissent des animaux que je fais miens, que je connais et qui finissent parfois par me connaître ou, du moins, par s’habituer à ma présence) … j’y entends le chant des oiseaux et le bruit des grands animaux. J’y pense (mais je n’oublie pas !) et je deviens romantique.

Pour ceux qui habitent la capitale, ne vous sentez pas visés par mon « tarés de parisiens » car je sais que vous ne l’êtes (parisien) que par accident et parce que la vie vous y a contraint … ou, alors, pardonnez moi car il y a toujours des exceptions à tout.

Prenez votre temps un jour, allez dans la forêt à la découverte de cette magnifique nature qui nous entoure … profitez-en comme notre papa (votre grand père) en profitait et nous en faisait profiter. Goûtez la comme notre maman (votre grand’mère) savait nous la faire apprécier ! Allez y … seul, en silence ou alors … vous n’y verrez rien … les animaux sont craintifs, attentifs, observateurs et, souvent, ils nous ont vus avant même que nous nous soyons doutés de leurs présences … et souvent, en forêt, ils nous ont observés sans même que nous nous en soyons doutés.

Mais si, un jour, vous avez la chance de vivre l’un de ces moments là, de ceux que j’ai encore vécus samedi dernier, partagez le par écrit ou par oral si vous le voulez (comme je le fais avec vous aujourd’hui) mais ne dévoilez jamais (exception faite à votre petit enfant s’il sait vous suivre et vous écoutez !) vos coins secrets … gardez les égoïstement pour vous et pour vous seuls … sinon les animaux, trop souvent dérangés, les quitteraient et votre quête serait totalement à refaire.

Cherchez et vous trouverez, repérez les animaux, les passages … ils sont souvent les mêmes : les mêmes endroits, les mêmes horaires avec toutefois le décalage du rythme des levers et couchers du soleil. Sachez vivre avec la nature, dans la nature … elle vous apportera beaucoup … que ce soit, en forêt, en montagne, sur les falaises, le long de la mer ou tout simplement en plaine. Tout y est beau, tout y est grand, tout y est magnanime.

Donner à vos enfants ce goût de la nature … car c’est aussi, dans cette nature, que vous rencontrerez Dieu et la paix de votre être.