La vie ces moines

V – La vie des moines -

Règles générales

Lorsque l’on rentre au monastère, pour y consacrer sa vie à Dieu, ce n’est pas une simple petite démarche à la légère mais une démarche importante qui vous entraine bien souvent jusqu’à la fin de vos jours et qui devra donc être murement réfléchie.

En entrant au monastère on est tout d’abord "Novice" et on prononce ce que l’on appelle des "vœux temporaires", ces vœux sont des vœux de "Pauvreté", de "Chasteté" et d’"Obéissance". On fait abnégation de sa propre personne allant même jusqu’à abandonner son nom de famille et son prénom pour prendre à la place le nom d’un Saint que l’on choisit et qui vous accompagnera toujours.
Par la suite et dès que le Novice se sent prêt à faire le grand pas, il va s’engager plus profondément en prononçant ces mêmes vœux mais cette fois-ci ce seront des "vœux perpétuels" qui l’engageront jusqu’à la fin de sa vie et seul l’autorité du pape, dans des circonstances très exceptionnelles et particulières, pourra l’en relever. Ces vœux seront ensuite renouvelés pour mieux s’en empreindre chaque année entre les mains du "Père Immédiat" lors de sa visite. A partir de ce moment-là les moines seront appelés "Dom" alors que les frères convers seront « "Frère" ».

Ce rituel existe encore chez tous les religieux (ne pas confondre : prêtre et religieux… tous les prêtres ne sont pas religieux alors que les religieux sont tous soit "prêtre", soit "frère"… un peu compliqué peut-être pour ceux qui ne sont pas dans la "partie" comme, pour ma part, j’ai pu l’être au cours de mon adolescence)


Cependant l’abandon du nom de famille et prénom pour être remplacé par le prénom d’un saint a été supprimé dans certaines communautés, ce fut le cas chez les "Pères de Picpus" par exemple ; et ce déjà depuis fort longtemps car alors j’ai connu ce temps du changement.

Pour essayer d’être un peu plus clair sur ce sujet, sachons qu’il faut distinguer : le clergé séculier et le clergé régulier.

  • Le clergé séculier regroupe les prêtres dits "diocésains" en paroisse (vicaires et curés), évêques, cardinaux … chacun dépendant d’une autorité à l’intérieur d’une hiérarchie bien définie et passant par : vicaire, curé, évêque, cardinal, pape. Ils vivent au milieu des laïcs. Chacun y est tenu par les vœux d’"Obéissance" et de "Chasteté".
  • Le clergé régulier, regroupe les religieux répondant ou soumis à la Règle d’un Ordre monastique ou religieux et se trouvant sous l’autorité du Père Abbé de la communauté au sein de laquelle ils vivent. Ici aussi on trouve une certaine hiérarchie en parallèle à la hiérarchie du clergé séculier et conduisant au sommet à la même autorité, celle du pape. Bien que pas obligatoirement cloîtré (exemple, les communautés de missionnaires qui vivent dans le siècle au milieu des laïcs qu’ils ont en chargent d’évangéliser), ce clergé vit bien souvent dans des monastères ou des abbayes et est tenu par les mêmes vœux que ceux du clergé séculier auquel se rajoute le vœu de "Pauvreté".

Notons aussi que tous les "frères" sont des religieux rattachés à une communauté et par là-même font partie du "clergé régulier".

Mais revenons-en à nos habitants de l’abbaye de Froidmont dont nous avons dû nous éloigner quelque peu, ce qui cependant nous a semblé nécessaire, même si la vie que nous allons décrire ci-dessous est bien souvent la même chez tous les moines à des degrés qui ne divergent que quelque peu… principalement au sens du "cloître".

La prière et le travail étant les deux occupations principales de la vie chrétienne, la règle cistercienne prescrivait l’accomplissement de ce double devoir de la manière la plus rigoureuse. Toute l’abbaye de Froidmont prie donc et travaille. Aucun de ses membres n’en est dispensé mais, afin d’obtenir un résultat plus parfait, on a partagé la tâche commune. De là la division en "moines" et en "frères convers", empruntés à la règle de saint Benoit.

Le moine travaille sans doute et la règle l’oblige à le faire, mais surtout il prie : c’est là son occupation essentielle, et à laquelle tout autre doit céder. Il prie en commun, et sa prière est souvent la prière liturgique sous forme du chant et de la psalmodie instituée par l’église et selon le rite déterminé par elle.

Le frère convers prie aussi, mais sa grande occupation est le travail des mains. C’est lui surtout qui cultive les terres et mène paître les bestiaux. Il part de bonne heure pour ces travaux et n’assiste pas à tous les offices du chœur. Toutefois, dans ses diverses occupations, le silence, la méditation et la prière ne l’abandonnent point ; ce pâtre est toujours un religieux, et il ne doit pas l’oublier.

Le moine est clerc et le convers ne l’est pas, mais l’un comme l’autre est astreint aux mêmes vœux, jouit des mêmes privilèges, est traité de la même façon. Moines et convers ne forment qu’un seul corps, dont les convers sont les bras, et les moines la tête et le cœur.
Tous sont obligés aux vœux ordinaires de chasteté, de pauvreté individuelle et d’obéissance, auxquels se trouve jointe l’obligation caractéristique du silence perpétuel.

La porte du monastère est complètement interdite aux femmes, et on ne doit pas même les recevoir dans l’église ni dans les enclos des granges, sans une autorisation spéciale du Souverain Pontife.

Les constitutions et la bulle du pape Grégoire IX, des ides de juillet de l’an 1235, sont formelles à cet égard.

Posséder quelque chose en propre et en user comme si c’était à soi est considéré comme une faute énorme, et un statut du chapitre général de l’an 1183 prescrivait contre cette faute l’excommunication et la privation de la sépulture ecclésiastique.

Le silence, étant le nerf de toute discipline régulière, doit être strictement observé, disent les constitutions, et il n’est jamais permis,  à moins de nécessité absolue, en quelque temps et en quelque lieu que l’on soit. Si l’on a besoin de s’entretenir avec un frère, on doit en demander la permission au supérieur, et le faire brièvement aux heures et aux lieux indiqués. La règle accordait toutefois par jour une heure de récréation, où l’on pouvait causer, mais pour s’entretenir de choses édifiantes seulement ; cette récréation avait lie après Matines, en hiver, et après le repas du soir en été.

Emploi du temps

L’emploi de tous les moments de la journée était strictement réglementé.

  • Les moines se lèvent tous les jours à deux heures du matin pour chanter les Matines et les Laudes. En hiver, les Laudes sont séparées des Matines par la récréation.

Les convers toutefois, travaillant plus péniblement que les moines, ont plus de sommeil : du treize septembre au jeudi-saint, ils se lèvent au moment où commence le dernier psaume du premier nocturne et de Pâques au treize septembre, ils ne se lèvent qu’au commencement des Laudes.

  • A cinq heures et demie, Prime.
  • Puis on se rend dans la salle capitulaire. L’assemblée s’ouvre par la lecture du martyrologue et la récitation des prières qui terminent l’office de Prime. On lit ensuite un passage de la règle, sur laquelle l’abbé fait une courte glose, et quand, après l’absoute des défunts, le supérieur a dit : « Parlons de notre ordre », alors a lieu la coulpe.

Celui qui se reconnait coupable de quelque acte répréhensible, soit qu’il violé la règle, soit qu’il ait brisé ou perdu quelque objet, se prosterne à sa place, couvert de son capuce. Après un moment de silence, l’abbé lui dit : « Quid dicis ? » le coupable répond : « Mea Culpa ». On lui ordonne de se lever au nom du Seigneur, il s’avance au milieu du Chapitre, se découvre pour être bien reconnu, confesse sa faute, en reçoit la pénitence et retourne à sa place, quand le supérieur le lui a permis. Et s’il arrive que par oubli, négligence, manque de courage peut-être, un délinquant passe sous silence son manquement, le frère, qui a été témoin du délit, est tenu de l’accuser pour lui, en déclinant le nom du coupable : «  Mon frère N., dit-il, a commis telle faute » ; mais il doit se contenter de dire la faute purement et simplement sans commentaire aucun. Le coupable alors doit aussitôt se prosterner à terre, puis il s’avance au milieu de la salle pour entendre sa correction et recevoir un châtiment plus rigoureux, pour ne pas s’être accusé lui-même. C’est selon la Règle de saint Benoit. Quelle leçon d’humilité !

  • A huit heures et demie, Tierce et Messe chantée. Tous les moines doivent y être, et si l’un d’eux est sorti, disent les statuts de Froidmont, et ne serait pas rentré à la reprise de l’Introït, devrait aller s’en accuser.
  • Sexte suit la Messe
  • None se chante vers midi.
  • On dinait à midi et l’on soupait au coucher du soleil, de Pâques à la Pentecôte. Il en était de même de la Pentecôte au 14 septembre (fête de l’Exaltation de la Sainte Croix) hormis les mercredis et vendredis où on ne mangeait pas avant trois heures sauf si la fatigue causée par le travail des champs n’y mit obstacle. Du 14 septembre au début temps du Carême, on dînait à trois heures et le souper était supprimé. En carême, il n’y avait qu’un repas et il se faisait au coucher du soleil.

Repas et nourriture

On ne pouvait faire plus de deux repas proprement dits par jour. Cependant pour ceux qui ne pouvaient attendre le dîner, comme les convers, les moines chargés d’un travail extraordinaire, les jeunes gens, on permettait une collation le matin. Cette collation consistait en un quart de livre de pain et le tiers d’une hermine de vin et elle était interdite en carême, ainsi que les jours des Rogations, les quatre-temps et les vigiles.

La Règle de Saint Benoit interdisait l’usage de la viande à tous les religieux qui n’étaient point malades. Chez les Cisterciens, on défendait même, dès l’origine, les légumes accommodés au gras ; de plus, un statut du Chapitre général de 1152 condamnait à jeûner au pain et à l’eau, pendant sept vendredis, tout religieux qui en aurait mangé sciemment dans une maison d’un autre Ordre. Les malades eux-mêmes devaient s’abstenir de viande tous les jours, entre la Septuagésime et la fête de Pâques, ainsi que tous les samedis de l’année.

Au XIVe siècle, l’ancienne ferveur s’était déjà si bien relâchée sur ce point que le pape Benoit XII dut intervenir pour rappeler  à l’observance primitive. Malgré son intervention, le relâchement s’introduisit encore, et les articles de Paris de l’an 1493 permirent à tout l’Ordre l’usage de la viande les dimanches, mardis et jeudis, exceptés au ours de l’Avent, de la Septuagésime à Pâques et dans les Rogations.

La nourriture ordinaire se composait généralement donc à Froidmont de poisson, d’huile, de beurre, de fromage et d’œufs. Cependant en Avent, entre le lundi gras et Pâques, ainsi qu’aux quatre-temps de septembre et les veilles de la Pentecôte, de Saint Jean-Baptiste, de Saint Pierre, de Saint Laurent, de l’Assomption, de Saint Matthieu, de Saint Simon et saint Jude et de la Toussaint, on ne pouvait user que de légumes et de poisson.

Ce n’est qu’en 1350 que fut autorisé l’usage en lieu et place du poison durant le temps de l’Avent.

La quantité d’aliments, pour chaque jour, était fixée, par la Règle de Saint Benoit, à deux plats cuits, un par repas, quand il y avait deux repas, et tous les deux au même repas quand il n’y en avait qu’un seul, il y était rajouté une livre de pain et une hémine de vin. Petit à petit cet ordinaire fut augmenté, surtout par la générosité des bienfaiteurs, qui firent des donations, à charge de l’abbé de faire servir à ses moines une pitance ou plat supplémentaire à certains jours déterminés. Pendant le temps de la moisson, l’ordinaire était aussi augmenté, et le nombre de plats porté à quatre par jour. Alors chaque moine avait à dîner et à souper, en surplus de son ordinaire à un plat de pitance et à une demi-livre de pain.

Lorsqu’une fête solennelle, tombait un vendredi ou était transférée en ce jour, même en Carême, il y avait toujours pitance, seuls ceux qui avaient l'habitude de déjeuner ne pouvaient en profiter. L'abbé avait la faculté d'accorder ce supplément quand bon lui semblait et le prieur le pouvait aussi en son absence, mais ce dernier ne pouvait le faire que trois fois. Quand c'était son tour de faire la cuisine, il pouvait rajouter quelque chose à l'ordinaire et lui seul avait ce droit.

Les coutumes de Froidmont accordaient aussi quelque chose en plus à ceux qui faisaient les hosties ou pains à messe, quand le reste du couvent n'avait que l'ordinaire.

Chaque moine faisait la cuisine à son tour et personne n'était exempté de cette charge.

Apparence et tenue vestimentaire

Les moines ne portaient point la barbe longue et devaient se raser et faire leur tonsure, six fois l'an au début puis, à partir de 1191, neuf fois. Mais en 1237, le cardinal Jean de Tolède demanda au chapitre général, d'après l'ordre du Pape, que les frères fussent rasés plus souvent, afin qu'ils se présentassent à la Sainte-Table d'une manière plus décente. Le chapitre général se hâta de condescendre au désir de Sa Sainteté et décréta douze rasures dans l'année. Enfin en 1294, il fut décidé que l'on se raserait tous les quinze jours. Un moine était chargé de la garde des peignes, des ciseaux et des rasoirs; ii devait les mettre en état et les livrer aux jours fixés. Les frères convers ne se rasaient jamais la barbe.

Les habits étaient de laine commune et non teinte, gris plutôt que blancs. Un statut du chapitre général, de 1269, ordonne aux moines de porter des coules blanches au chœur. A Froidmont, les coutumes spéciales les prescrivaient pour les Matines jusqu'à Prime, en hiver, et jusqu'après Laudes seulement, en été. Ce ne fut qu'en 1466 que la couleur grise fut assignée aux convers comme caractère distinctif.

Le vêtement était entièrement conforme aux prescriptions du chapitre IV de la règle de saint Benoît. Il consistait en :

  • une tunique ou robe étroite à manches descendant à mi-jambe (la chemise étant inconnue),
  • une coule ou robe plus large aussi à manches et munie d'un capuchon,
  • une ceinture, des bas et des souliers.
  • pour le travail, on remplaçait la coule par un scapulaire qui couvrait la tête et les épaules.

On y joignait en voyage une culotte et des guêtres.

En cas de froid, on pouvait porter double coule, mais jamais trois, disent les coutumes de Froidmont, ou double tunique. Tout autre vêtement était interdit.

Les temps de décadence seuls amenèrent, en 1493, l'autorisation donnée de porter un manteau sur la coule lorsque l'on sortait de la maison.

Les convers avaient, comme les moines, la tunique, les bas et les souliers. Toutefois, pour eux la coule était remplacée par la cappe, sorte de robe de laine. Ils y joignaient le capuce, qui ne devait couvrir que la tête et les épaules. Lorsqu'ils étaient pâtres, charretiers ou bergers, ils pouvaient, avec l'autorisation de l'abbé, en porter de plus grande dimension.

Sous ces vêtements de laine, que l'on ne changeait que rarement, et dont la propreté laissait souvent à désirer, plus d'une fois la vermine y trouvait asile, et l'on sait que les poux des Cisterciens étaient presque passés à l'état proverbial.

Le coucher

Les lits se composaient d'une paillasse, de deux couvertures et d'un oreiller. Les moines ne devaient point coucher dans des cellules, mais dans des dortoirs communs, afin que l'on fût plus exact à l'office de nuit. On n'y peut entrer que la tête couverte du capuce. On ne s'y assied jamais que pour se chausser et se déchausser, et, en ce cas, ce n'est pas sur le lit, mais sur l'escabeau de bois. La manière même dont on se met au lit est prévue par les règlements.

Le travail agricole

Saint Benoît avait dit « Si la nécessité des lieux ou l'extrême pauvreté obligeaient les frères à récolter eux-mêmes leurs fruits qu'ils ne s'en attristent point, car ils sont vraiment moines lorsqu'ils vivent du travail de leurs mains, comme nos pères et les Apôtres. » Cette parole que Saint Benoit semblait jeter là comme l'expression d'un regret et comme un reproche aux moines de son temps, les fondateurs de Cîteaux la prirent comme règle de leur conduite, et ils s'appliquèrent surtout au travail des champs. L’agriculture était alors une profession méprisée et abandonnée aux manants et aux serfs, et les Cisterciens s'y attachèrent pour la relever et pour y servir le Seigneur dans l'humilité.

Tous leurs religieux durent s'y livrer, et Saint Bernard lui-même n'en fut pas exempté.

Chaque matin après le Chapitre qui suivait Tierce en hiver, lorsque les coups de la tablette de bois avaient donné le signal du travail, on voyait tous les moines courir à l'auditoire, recevoir chacun son outil de la main du prieur, et, marchant à sa suite, se diriger en silence vers le champ qui réclamait leurs sueurs. Ils ne se ménageaient pas à la peine mais, quelle que fût leur fatigue, ils ne s'arrêtaient point jusqu'à ce que le prieur donnât le signal du repos. Tous alors se réunissaient autour de lui et s'asseyaient dans le plus profond silence, ruminant des psaumes ou plongés dans la méditation.

Après s'être ainsi délassés dans la prière, ils se remettaient à l'œuvre avec un nouvel en train, et ne cessaient qu'au dernier signal, qui les ramenait au monastère pour y chanter l'office. Alors enfin, il leur était permis de prendre l'unique et bien sobre repas destiné à soutenir leurs corps épuisés.
En été, c'est-à-dire de Pâques à la mi-septembre, époque à laquelle on faisait deux repas, le travail, plus long et plus fatigant qu'en hiver, était interrompu par un intervalle consacré au chant de l'office et de la messe, et qu'achevait de remplir le diner et la sieste au dortoir. L'on retournait au travail après None et l'on y restait jusqu'à Vêpres. On avait ainsi le double avantage d'éviter les ardeurs du soleil à son midi et de compenser le repos perdu par la brièveté des nuits, car le coucher et le lever se réglaient sur le coucher et le lever du soleil.

Tenus à tous les exercices du cloître, les moines ne pouvaient, sans les interrompre, s'éloigner du monastère, aussi ne cultivaient-ils que les champs voisins de la maison et laissaient-ils aux convers le soin des biens éloignés ou des granges. Réduits ainsi, à cause du chant de l'office et de la prière, à n'être, comme instruments de travail, que de simples auxiliaires, ils gardèrent la direction supérieure, et leur concours matériel n'eut de grande utilité que dans les moments de presse, c'est-à-dire à l'époque de la fenaison et de la moisson. C'est alors qu'il fallait les voir à l'œuvre.

On sort avant l'heure de Prime, qui se chante sur le lieu du travail, et, pour hâter encore l'instant du départ, l'abbé a soin d'activer le chant de l'office qui précède. C'est lui qui, d'ordinaire, marche à la tête du couvent et qui dirige l'ouvrage. Les plus vigoureux fauchent les foins ou scient les blés, les plus jeunes, derrière eux, épandent le fourrage et le ménagent, ou ramassent le blé et en forment des gerbes.

Le travail intellectuel

La culture de l'écriture-sainte, de la théologie et des lettres, avait ses heures et ses adeptes et n’était pas considérée comme donnée en honneur. Hélinand et le moine Thomas, en sont la preuve pour l'abbaye qui nous occupe.

Les premiers pères durent nécessairement s'occuper de la transcription des livres dont ils avaient besoin, ils ne pouvaient les demander à l'imprimerie qui n'était pas encore inventée. Les règlements faits à ce sujet et les privilèges accordés aux écrivains montrent suffisamment l'importance qu'on attachait à ce labeur.

Les bibliothèques étaient toujours bien composées et attestaient généralement un goût littéraire avancé. Celle de Froidmont contenait près de mille volumes et une vingtaine d'ouvrages manuscrits quand la révolution en fit l'inventaire. La pièce affectée à cet usage était spacieuse et garnie de fort beaux vitraux ; on y remarquait, parmi les manuscrits, la chronique d'Hélinand, les vies de Saint Bernard, de Saint Pierre Tarentaise, de Saint Thomas de Cantorbéry, par le moine Thomas, et des Pères du désert.

Prière et pénitence, pénitence exercée non seulement par les veilles et les jeûnes déjà si rigoureux, mais aussi par le travail, telle était la vie des premiers pères de Cîteaux. Ainsi avaient-ils compris leur mission, dans l'Eglise et dans la société, et les fondateurs de Froidmont ne l'entendirent pas autrement et marchèrent fidèlement sur leurs traces.

En quelques années les pentes rapides du Mont-César et du mont Hermes, toutes couvertes de broussailles, les marais fangeux des bords de la Trye, furent transformés. Cette gorge, naguère encore sauvage, inondée par les eaux des torrents et des pluies, coupée par des halliers inextricables, se métamorphosa, comme par enchantement, en une vallée fertile, où verdissait l'herbe des prairies et jaunissait le blé des guérets.

Nous voici à la fin de cette étude un peu longue mais qui méritait surement que l'on s'y attarde quelque peu dans ce monde de mouvance que nous subissons aujourd'hui, ce monde et cette société où la vie ne nous laisse plus guère de temps si nous ne savons pas nous-même nous stopper un peu pour un temps de réflexion ou même  tout simplement de repos...

 

Que de travail !!! que de sueur !!!

mais aussi

que de prière !!! que de recueillement !!! que de silence !!!

durant des siècles et des siècles...

Et puis les Révolutions des temps... les changements des époques... l'oubli et l'abandon...

 

Alors aujourd'hui

que nous reste-il de ce si riche et si beau site ?