Organisation intra-muros de l'abbaye de Froidmont

III - Organisation à l’intérieur de l’abbaye -

 

Pour encadrer la bonne marche de l’abbaye, on trouvait :

L'Abbé

Il détient le gouvernement de toute la maison, nomme les fonctionnaires, inflige les punitions, accorde les dispenses, possède la direction suprême du personnel comme du matériel, mais il reste soumis à la Règle tout aussi bien que le dernier des frères convers. C'est, à proprement parler, cette règle qui régente la vie du monastère et tous lui doivent obéissance.

L'abbé n'a pas même un costume différent de celui de ses moines ; il lui est toutefois permis d'avoir une table distincte et deux frères pour en faire le service mais il ne peut manger que les mêmes mets servis à la communauté. Cette exception ne lui est permise que par la nécessité, dans laquelle il se trouve souvent, de recevoir honorablement certains hôtes, dont la présence au réfectoire commun n'aurait pu être qu'une cause de distraction.

L'abbé ne doit prendre aucune décision importante, surtout lorsqu'il s'agit d'aliénation d'immeubles, sans avoir demandé l'avis des anciens ; il n'est cependant pas obligé de se conformer à cet avis. Lui seul possède un sceau, et il est interdit à la communauté d'en posséder un autre ; toutefois, cette prohibition sera levée, au XIVe siècle, par un statut qui prescrivit au contraire à tout monastère cistercien d'en avoir un, et de l'apposer sur tout acte d'aliénation ou d'emprunt, sous peine de nullité. Le sceau de l’abbé porte l’image de l’abbé avec la crosse en main et ce sceau doit être brisé à la mort de son unique et seul propriétaire ; celui de la communauté portera l'image de la Vierge.

Nous avons vu, au 1er chapitre de l’histoire de cette abbaye, qu’au début ces Abbés étaient appelés "Abbés Réguliers" ; il s’agissait alors de moines, issus du troupeau, ELUS par leurs pairs… par la suite, à partir de 1553, ils furent remplacés par ce que l’on a appelé les "Abbés Commenditaires", issus généralement de bonne famille ; nommés par le Roi, ces derniers se voyaient "pourvus" d’une abbaye et parfois même de plusieurs et n’en suivaient pas les mêmes règles.

Le Prieur

C’est lui qui supplée l'Abbé du monastère en cas d'absence de ce dernier. Après l’arrivée des "Abbés Commenditaires", c’est-à-dire dès que les abbés furent choisis en dehors des religieux et ne furent plus obligés de suivre la vie régulière, le prieur, appelé dès lors "prieur claustral" fut le véritable supérieur des communautés.

Le Sous-Prieur

Adjoint du Prieur, il aide ce dernier dans sa tâche et peut être amener à le remplacer en cas de besoin.

Le Chantre

Il dirige la partie vocale du culte, prend soin des livres de chant, écrit les rouleaux des morts et les lit au chapitre avant de les envoyer.

Le Bibliothécaire

Son rôle consiste non seulement à veiller à la conservation des livres, mais aussi à en faire écrire par les moines écrivains de l'abbaye ; il veille sur les archives, et les titres nécessaires sont rédigés sous sa direction par des scribes.

Le Sacristain.

Il sonne les cloches, règle l'horloge, a le soin de l'église, prépare les divers objets nécessaires au culte, fait les hosties et nettoie les calices.

Le Maître des novices

Chargé de la direction des personnes qui veulent entrer dans l'ordre, il doit être un vieillard expérimenté dans la conduite des âmes.

Le Portier

Logé dans une cellule près de la porte, il reçoit les étrangers et distribue les aumônes. Il doit toujours avoir des pains tout préparés dans sa cellule pour les distribuer aux passants qui en auront besoin. Au moyen-âge, c’est une fonction très importante, qui possède même des revenus spéciaux attribués aux donations faites à la porte du monastère.

L'Hôtelier

Ayant en charge les voyageurs et les malades, il s'occupe de leur procurer la nourriture et le coucher et il les sert à table.

L’Infirmier

C’est lui qui soigne les malades alors que le Médecin traite les moines et les saigne les moines aux jours fixés.

Le Cellérier

Chargé de l'administration financière de la maison, il veille à la nourriture, reçoit les comptes des convers placés à la tête des exploitations agricoles et les inspecte. Il a sous ses ordres le Réfectorier, le Grangier, différent du maître de la grange qui est convers, le Boursier ou trésorier-caissier, le Chambrier, le Rentier chargé de recevoir les cens et rentes du monastère, le Marchand qui fait les ventes et les achats, l’Intendant des eaux qui visite les rivières et les moulins, le Vestiaire qui s'occupe des vêtements, et le Maître des convers.

 

Au-dessus de tous ces fonctionnaires, et même des abbés, il existe aussi deux pratiques qui représentent à elles seules deux autres importantes institutions :

Le Chapitre Général

Fondé chez les Cisterciens en 1119, il réunit annuellement tous les abbés de l'ordre qui doivent y assister afin de rendre compte de leur administration, et aucun d'eux, à moins de maladie grave, ne peut s'en exempter.

Ainsi donc, chaque année, au commencement de septembre, notre abbé de Froidmont, Manassès, puisque c'était lui qui régissait encore en 1160, se mettait en route avec un frère convers et deux chevaux pour tout équipage, et se rendait à Ourscamps, sa maison-mère, pour y prendre l'Abbé. De là, ils s'acheminaient sur Longpont, en Soissonnais, puis se dirigeaient sur Clairvaux, se joignant sur la route à d’autres nombreux compagnons.

On allait ainsi d'abbaye en abbaye, toujours du même Ordre toutefois, et partout on trouvait bon accueil. Malheur au monastère qui eût manqué à ce devoir d'hospitalité et n'eût pas fourni aux arrivants les choses nécessaires. Le religieux, dont la négligence eût été la cause de cette privation, se trouvait trois jours en légère coulpe et au pain et à l'eau durant toute une journée, et l'abbé lui-même devenait justiciable du Chapitre Général. Si la faute en était à un convers, l'infortuné passait ces trois jours au pain et à l'eau et recevait, en plus, la discipline au Chapitre. Cela valait donc la peine d'y songer.

Tous ces abbés ne suivaient pas la même direction ; mais, partagés par filiation en cinq groupes, ils se rendaient chacun à leur maison-mère, l'une des cinq premières de l'Ordre : Cîteaux, La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond, afin de lui rendre la visite à laquelle chaque abbé-fils était obligé de se contraindre tous les ans. Froidmont, Beaupré, Ourscamps, Longpont se rendaient donc à Clairvaux, et de là à Dijon, où ils trouvaient tous leurs autres collègues. Enfin, l'avant-veille de l'Exaltation de la Sainte-Croix, le 12 septembre, tous partaient au point du jour en cavalcade et entraient à Cîteaux pour l'office de Tierce.

La visite régulière du "Père Immédiat"

Ce "Père Immédiat" était le Père Abbé de la Maison-Mère et cette visite était aussi efficace et plus directe contre le relâchement que la réunion du Chapitre Général. Au cours de celle-ci, le Père examinait, tant au spirituel qu'au temporel, tout ce qui pouvait mériter correction, aussi bien dans le chef que dans les membres. Froidmont dépendant de l’abbaye d'Ourscamps, son "Père Immédiat" était le Père Abbé de cette dernière abbaye.

Le visiteur interrogeait l'Abbé résident, puis entendait longuement chacun des frères en particulier, afin de connaître les abus et leurs causes, les plaintes et les réclamations. Il s’avisait alors à faire disparaitre les uns et donner satisfaction aux autres, si elles s’avéraient justes. Dans ces communications, la plus grande liberté régnait, et tout Abbé qui s'y opposait ou sévissait contre un de ses subordonnés en raison de ses révélations, fussent-elles mêmes indiscrètes et mal fondées, était gravement puni et pouvait même encourir la déposition de son poste.

Il faisait ensuite la tournée de tous les lieux réguliers, à commencer par l'église et la sacristie.

De là le Père visiteur, se rendant à la porte, s'enquérait auprès du portier de la manière dont était faite les aumônes, s'il avait pour elles des revenus particuliers, si on distribuait fidèlement aux pauvres les portions des défunts, si la porte était toujours soigneusement fermée, en un mot de tout ce qui pouvait intéresser la bonne renommée du monastère.

Il visitait ensuite la cuisine et le réfectoire. Il y interrogeait les cellériers sur les pulments réguliers, les pulments généraux, les pitances et autres objets qui rentraient dans son office, et ne dédaignait pas de descendre au cellier, au magasin aux provisions, afin de s'assurer si la maison de Dieu était sagement administrée, et ce par des hommes sages.

Il se faisait rendre les comptes des granges.

Le vestiaire, le dortoir, les infirmeries, l'hôtellerie, la chambre même du procureur n'échappaient pas à ses investigations. Les archives étaient visitées, les titres examinés, cotés et paraphés.

Toute négligence dans un service était sévèrement reprise. Enfin, quand la tournée générale était terminée, le "Père Immédiat" dressait un procès-verbal de sa visite et le montrait à l'Abbé du lieu, pour voir s'il n'y avait rien à y ajouter ou à y retrancher en vue du bien des âmes.

Avant de prendre congé, tous les moines et convers ayant été réunis et après qu’eut été faite la lecture de la Règle et des Constitutions, le Père Immédiat rendait compte de sa visite : il indiquait les abus parvenus à sa connaissance, en ordonnait la répression, expliquait tous les points de son procès-verbal, rappelait au chantre qu'il devait la lire tous les samedis des quatre temps de l'année ; puis, après avoir recommandé aux frères le respect et l'obéissance envers leur abbé, aux officiers la charité, à tous l'amour mutuel, il faisait dire des prières pour le Souverain-Pontife, pour le roi, le révérendissime abbé de Cîteaux, le leur et lui-même, et levait la séance en leur faisant ses adieux.

Intérieurement tout semblait donc bien s'organiser...

En était-il de même en dehors de ces murs car le domaine, avec toutes les donations dont il fut l'objet comme nous l'avons vu précédemment dans l'étude de son histoire, s'étendait grandemet tout aux alentours.

Voyons donc quelle était son

organisation extra-muros