8 heures, notre caravane s’est évanouie silencieusement durant la nuit dans le désert… nos chauffeurs sont venus nous rejoindre et nous reprenons place à bord. A travers les dunes, nous y reprenant parfois à deux ou trois reprises pour franchir certains passages plus délicats, nous regagnons Sabria puis faisons route sur Douz en passant par Guidma et Zaafrane, village à partir duquel de nombreuses méharées s’en vont plus au Sud.
Nous ne ferons, cette fois-ci, que traverser Douz d’où nous prendrons la direction de Matmata. Nous roulons sur une bonne route goudronnée ; partout des dunes artificielles y ont été créées de part et d’autre afin de protéger la route et les villages que nous traversons de l’ensablement. Pour créer ces dunes, des branches de palmiers séchées sont plantées à même le sol ; le sable vient s’y entasser et forme un monticule au sommet duquel on repique de nouvelles branches et ainsi de suite jusqu’à obtenir la hauteur désirée. Malheureusement cela ne suffit pas et le désert finit toujours par gagner du terrain en ensablant les
Notons ici les dromadaires que nous trouvons un peu partout en liberté dans le désert ; le long des routes, le long des pistes leur passage est signalé par des panneaux de signalisations totalement semblables à nos panneaux : « Attention passage de grands animaux » que nous trouvons le long de nos routes forestières mais ici le cerf est remplacé par le dromadaire…
Après avoir parcouru 68 kilomètres sur cette belle route, nous bifurquons à angle droit sur notre droite et attaquons une piste cahoteuse, de pierres et de sable, que nous allons parcourir, pour commencer, sur une soixantaine de kilomètres au bout desquels une piste goudronnée nous conduira à l’oasis de Ksar Guilane situé à 17 kilomètres sur la droite de notre piste.
12 heures, Ksar Guilane, petite oasis riante, au milieu des dunes du Grand Erg, peuplée de tamaris. On y trouve des campements montés autour de sources d’eau chaude. On peut y bivouaquer lorsque l’on s’aventure dans ce Sud en « 4X4 », à dos de dromadaire ou même lorsque l’on s’y risque à randonner à pied. La colonne du général Leclerc y passa au cours de l’offensive allemande de 1943.
Nous commençons par prendre un bon bain dans l’une de ces sources chaudes. L’eau y est à 37° et nous nous y prélasserons un long moment, bien que ce soit une source totalement naturelle où la boue et les algues se mêlent parfois autour de nous, en attendant le déjeuner. Celui-ci nous sera servi dans le restaurant du campement où nous avons fait halte et sera fait d’un bon couscous tunisien auquel nous ferons grand honneur.
14 heures, l’heure a malheureusement une fois de plus trop vite passée et nous avons encore beaucoup de kilomètres à avaler avant Tataouine, terme de notre journée. Nous reprenons donc la route et, après à nouveau avoir parcouru les 17 kilomètres qui nous séparent de la piste nous regagnons enfin celle-ci. Direction plein sud, sur une soixantaine de kilomètres où nous arrivons quasiment à la barrière de Kamour, barrière que nous ne pouvons franchir n’ayant pas les autorisations requises.
Le désert en effet est dangereux et on peut très rapidement s’y trouver en grande difficulté. Le vent de sable y modifie les paysages, les véhicules s’y enlisent alors facilement. Aussi, pour aller au-delà de ce poste, faut-il se munir d’une autorisation spéciale délivrée par l’administration gouvernementale à laquelle il faut signaler sa destination, son itinéraire et son plan de retour. On ne badine pas avec le désert…
Par des pistes tout aussi cahoteuses et après un court arrêt-pipi au « Café des Nomades » (30 kilomètres avant Chenini dont je parlerai ci-dessous), nous remonterons sur Tataouine. La piste devient vite montagneuse et escarpée; on aperçoit, dans les vallées creusées par les oueds, des jardins suspendus où poussent figuiers et oliviers et où les paysans cultivent l’orge et les légumes.
Chenini, situé au fond d’une gorge étroite, est installé dans un amphithéâtre naturel. Telle une forteresse, le village s’agrippe au flanc d’une crête rocheuse avec ses maisons creusées dans la roche. On n’y trouve plus qu’une petite cinquantaine d’habitants, les enceintes des habitations qui demeurent occupées sont peintes en blanc. Une mosquée blanche, dans un enclos de pierres, marque l’emplacement d’une grotte. Au 1er siècle après Jésus-Christ, sept chrétiens persécutés y auraient trouvé refuge ; enfermés, ils continueraient à y dormir pour l’éternité. Le village, comme de nombreux autres dans cette région, est dominé par le « grenier collectif » auquel nous monterons ici.
Le « grenier collectif » d’un village est un ensemble de constructions édifiées au sommet du piton rocheux dominant ce village et auquel on ne peut que difficilement accéder par un petit sentier muletier. A chaque habitation du village correspond une construction de pierre dans le grenier. Ces constructions sont entassées les une au-dessus des autres et constituent autant de petites pièces dans lesquelles on entassait les vivres. Si un quelconque danger d’attaque se faisait sentir, on faisait monter au « grenier », à l’intérieur duquel on les enfermait, les femmes et les enfants tandis que les hommes en âge de guerroyer se plaçaient en rang de défense au pied du piton. Aujourd’hui ces « greniers » sont bien sûr abandonnés et pratiquement tous en ruines menaçantes au-dessus des villages. Ils font partie pourtant de la richesse culturelle de toutes ces régions et devraient être protégés.
Nous gagnons maintenant Tataouine où l’hôtel Shango nous servira de refuge. Après avoir pris possession de nos chambres, je me plonge dans un délicieux bain qui, pour moi, est le bienvenu et m’y offre un fort agréable délassement. Le dîner sera tunisien, servi sur la terrasse et nous le passerons principalement en compagnie de la « bande des six ». Le lit ensuite sera bien agréable et le bienvenu après cette longue et enivrante journée où du désert nous sommes passés à l’atlas montagneux.
Nous gagnons maintenant Tataouine où l’hôtel Shango nous servira de refuge. Après avoir pris possession de nos chambres, je me plonge dans un délicieux bain qui, pour moi, est le bienvenu et m’y offre un fort agréable délassement. Le dîner sera tunisien, servi sur la terrasse et nous le passerons principalement en compagnie de la « bande des six ». Le lit ensuite sera bien agréable et le bienvenu après cette longue et enivrante journée où du désert nous sommes passés à l’atlas montagneux.
6 heures 30, chambre 122, hôtel Shango : le rituel quasi-habituel sera ici aussi respecté et ce sera la sonnerie du téléphone qui nous donnera l’heure du début de cette nouvelle et dernière journée avant le retour à Djerba. Non moins traditionnelle douche pour se remettre les idées au clair et copieux petit-déjeuner pour nous permettre d’attendre, sans rechigner, l’heure du déjeuner.
8 heures, nous quittons l’hôtel, direction le marché de Tataouine mais parlons tout d’abord un tout petit peu de cette grosse bourgade.
Tataouine est en effet tristement célèbre car ce village abritait jadis les terribles régiments disciplinaires du « Bat d’Af ». C’est en effet en ce lieu que ces célèbres bataillons ont édifié le « fort Bourganine » qui servit de bagnes aux légionnaires. C’est aussi, à partir de cet abri inviolable, que les forces françaises du général Leclerc assaillirent, en 1943, les forces du maréchal Rommel lors de son retour de Libye. Ville militaire, occupée par les Français, les nomades y furent attirés et s’y établirent pour certains. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’une grosse bourgade de 48000 habitants d’origine berbère*, bourgade d’où partent moult excursions vers le Grand Sud. Deux fois par semaine, son marché où l’on peut trouver les trésors de l’artisanat local, anime les ruelles de la ville.
* « berbère », ce mot vient de « barbare », nom qui était attribué par les Romains au « non Romain », c’est à dire à tout homme n’ayant pas le statut romain.
Nous parcourrons donc son marché et y acquerrons, après les avoir marchandées quelque peu à un jeune berbère, de petites coupelles de poteries. Nous visiterons aussi le marché des poissons, des légumes et de la viande où, sur un étal, pavoise une tête de dromadaire franchement abattu… pauvre bête !!!
Nous reprenons la route et passons par El Horia, Ghoumrassen (ville nouvelle, réputée pour ses pâtisseries, habitée par une population très riche et, par voie de conséquence, parsemée de très belles demeures), Ksar Hadada où nous ferons halte.
Ce dernier et ancien village est un entrelacs de coursives et de terrasses, de passages et d’escaliers. Les lieux ont servi de décor pour un épisode du film de « la Guerre des Etoiles » ; à l’entrée de son grenier collectif on peut y lire : « Ce monument a été utilisé par le réalisateur américain George Lucas pour créer le village Mos Espa de la planète galactique Tatooine dans son succès cinématographique international : La Guerre des Etoiles – La Menace fantôme. »
Nous nous attaquerons ensuite à une véritable piste caillouteuse de montagne et passerons par Gued El Khid, Beni Kheddache, Zammour, Ksar Guelane, Ksar Hallouf (village où nous ferons halte au grenier collectif que nous gagnerons par un sentier très raide à bord de nos véhicules ; dans ce grenier il existe une grande salle de restauration où l’on peut de faire servir des repas à condition d’avoir passé commande auparavant), Hal J’Mel, Keladjoujen où nous passerons un col avant d’atteindre Toujane (village typiquement berbère de 800 habitants avec ses maisons troglodytiques creusées à même la montagne et précédées chacune d’un petit enclos renfermant la cuisine et les animaux ; c’est ici que Jocelyne ramassera en souvenir une pierre rose), puis sur une vingtaine de kilomètres la piste sera véritablement escarpée et plus que pierreuse (il faut s’accrocher et ne pas avoir peur !) ; nous arriverons à El Adbech et là… oh catastrophe !!!
On refait la route, de gros engins de travaux publics cassent la montagne et la piste… une belle route est en cours de construction !!! Mais où mènera-t-elle et qui conduira-t-elle ? Comme me le dit mon guide : on construira de luxueux hôtels, on essayera d’attirer les touristes mais… personne ne viendra, c’est trop perdu et tout cela ne sera que du gâchis et une totale et complète détérioration du paysage… de nombreux berbères de la région s’opposent à la réalisation de tous ces projets. Quelle désolation et quelle tristesse !!! Mais où va la civilisation !!!
Nous passerons au pied d’un fort militaire puis arriverons à Matmata, village qui mérite un arrêt, ne serait-ce que pour ravitailler notre estomac (on nous servira bricks à l’œuf et couscous) et quelques explications.
Matmata, aux lettres dressées au sommet de la colline, s’annonce à nous. Le paysage est lunaire, percé de grands trous circulaires où s’agitent les silhouettes des habitants des lieux. Les tribus berbères ont creusé, au fond de ces cratères, à main d’homme dans le tuf, pour se protéger des ennemis mais aussi du soleil et du froid, d’étonnantes maisons « troglodytes ». Toujours habitées pour la plupart, certaines ont même été transformées en hôtel. Malheureusement, la curiosité du lieu attire de nombreux touristes que les cars déversent à la pelle et font perdre au village une partie de son âme.
Nous descendrons dans l’un de ces trous et pénètrerons au sein même d’une de ces petites habitations où nous croiserons une vieille femme et deux de ses petits-enfants. Elle nous montrera aussi un moulin à céréale et un moulin à huile, pièces artisanales d’une rare beauté que la vielle femme fera fonctionner pour notre bon plaisir.
La journée est déjà fort avancée. Nous repartons par Tijma, Laffram et Mareth en direction du lieu de passage du bac qui doit nous ramener sur l’île de Djerba.
La traversée se fera sans problème et nous ne devrons pas attendre comme à l’aller. Avant de rejoindre la cité des hôtels où nous allons de nouveau séjourner au Haroun
comme au départ, nous passons par la synagogue de Ghriba, tristement célèbre par l’attentat qui s’y est perpétré cette année contre un groupe de touristes allemands. Afin de pouvoir y pénétrer, nous serons tenus, après nous être déchaussés, de quelque peu nous « déguiser », ce qui sera l’occasion de nombreuses plaisanteries et cocasseries à l’intérieur de cette synagogue… il faut avouer aussi qu’il y a bien de quoi en voyant l’accoutrement de certains d’entre nous.
Cependant nous pourrions avoir un peu plus de respect pour cette synagogue, l’une des plus vieilles du monde dont la fondation remonterait à 600 ans avant J.-C. Elle présente de très belles arcades mauresques et de jolies faïences émaillée. Elle contient une très vieille Torah.
Nous rejoignons enfin l’hôtel Haroun où nous ne pourrons pas récupérer la même chambre mais une chambre voisine tout à fait identique.
La soirée débutera par un apéritif en bord de piscine avec notre fameuse « bande des six » puis nous dînerons en tête-à-tête, Jocelyne et moi, pour cette dernière soirée en Tunisie. Après le dîner, nous sortirons un moment pour nous oxygéner, et remonterons la grande avenue jusqu’au Casino.
7 heures, notre dernière journée commence et, en fin de matinée, nous perdrons notre guide Rhida et notre chauffeur Ali… alors il nous en faut profiter au maximum une dernière fois !
8 heures, dernière excursion. Nous allons jusqu’à la « chaussée romaine ». Aménagée par les Carthaginois (et non les Romains), elle reliait l’île au continent. Il faut dire que la Méditerranée, dans ce passage, n’atteint guère qu’un mètre cinquante à deux mètres de profondeur. Un pipeline la parcourt ; en effet, il n’y a pas d’eau à proprement parler potable sur l’île et celle-ci, pour la cuisine et le lavage, est importée du continent. L’eau de consommation courante est l’eau de pluie mais, à raison d’une moyenne de 210 mml par an, elle n’est guère suffisante.
Nous nous arrêterons à Guellala, le village des potiers où nous visiterons un atelier et assisterons à une démonstration d’un artisan qui nous modèlera, en moins de cinq minutes, quelques poteries (tasse et soucoupe) en argile sur son tour comme autrefois. Dans son magasin, de magnifiques plats à couscous et à tagine nous tendent les bras mais sont hors de prix pour nos pauvres petites bourses.
Nous nous rendrons ensuite à Houmt-Souk, capitale administrative de l’île et ville réputée pour ses tapisseries. Nous visiterons une fabrique de tapis et verrons le travail des femmes. Aucun plan, pas de motifs, ici tout est dans la tête. Assis sur le banc, à côté d’une ouvrière, nous nous risquerons même, sous les conseils avisés de la femme, à tisser un ou deux nœuds… pour me remercier, cette ouvrière me nouera autour du poignet deux brins de laine entrelacés… Savez-vous donc que, quelque part dans le monde, il existe désormais un tapis à la confection duquel j’ai participé !!!
Nous aurons droit aussi, dans cette fabrique, à la présentation d’un grand nombre de modèles, du plus petit au plus grand mais, là aussi, malgré mon désir ardent, ma bourse est trop petite et mes moyens pas assez grands. Nous en avons un, par exemple, 3 mètres sur 2, aux splendides motifs, 250000 nœuds au mètre carré, 14 mois de travail à deux ouvrières qui nous est présenté à 1700 euro… Nous en avons aussi à meilleur marché mais en qualité bien moindre : un tapis de 1,40 sur 0,72 mètres, représentant 24000 nœuds au mètre carré, nous est proposé au prix de cent euro ; compter 450 euro pour un tapis de 2 mètres sur 1. Nous repartirons… sans rien n'avoir acheté… au grand damne du propriétaire de l’atelier.
Nous finirons notre matinée dans les souks de cette ville. Ici, contrairement à tous les endroits où nous avons « traîné nos savates », nous serons perpétuellement apostrophés par les vendeurs qui, à tout prix, veulent nous faire entrer dans leur boutique. Aussitôt que nous prenons un article en main et que nous le retournons nous voyons l’étiquette du prix affiché… alors le vendeur se précipite et vous dit : « Non, ça ce n’est pas le prix pour vous autres Français… c’est le prix pour les Allemands… pour vous c’est beaucoup moins cher… combien en proposes-tu ? » Il doit certes en être de même pour les Allemands qui franchissent leur seuil !
Nous rentrons déjeuner à l’hôtel Harroun où nous commençons par prendre un pot avec Ali afin d’échanger nos coordonnées pour un projet futur.
L’après-midi sera calme. Certains d’entre nous irons la passer au hammam de l’hôtel. Les hammams, rencontrés un peu partout dans les villages, sont de vrais lieux de rencontre ; on y passe des heures à parler, à rêver, à se reposer. C’est là que se décident encore la plupart des mariages. Le matin est généralement réservé aux hommes, l’après-midi aux femmes. On commence par revêtir un pagne puis on pénètre dans une salle tiède. On se frotte tout le corps avec un gant en poil de chameau avant de se badigeonner avec de l’argile mélangée à des plantes. On passe ensuite dans des salles de plus en plus chaudes où on se baigne et où on transpire. La séance peut se terminer par un massage aux huiles, assez musclé, mais qui procure un réel bien-être. Ne pas confondre « hammam » à base de bains chauds et « sauna » à base de vapeurs chauffées.
Quant à nous, nous irons jusqu’en bord de mer sur la plage dont nous trouvons enfin le chemin… en effet plus direct que celui emprunté le premier jour. Il y fait bon et, assis sur le sable, nous admirons évoluer un trio de vol à voile derrière un hors-bord. Rentrés à l’hôtel, nous préparons nos bagages, bouclons nos valises puis descendons rejoindre nos autres compagnons auprès de la piscine pour un dernier verre, un dernier dîner, et enfin, pour nous, un dernier coucher à Djerba.
Un dernier mot sur Djerba. Djerba est une île de 28 kilomètres de long sur 25 de large, recouvrant environ 500 kilomètres carrés. Le premier homme mit pied sur cette île il y a 8000 ans. S’y succédèrent ensuite les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Arabes, les Normands, les Espagnols, les Italiens et de très nombreux pirates. Disons qu’aujourd’hui les derniers envahisseurs sont les vacanciers qui en assurent la principale activité, devançant la pêche, l’agriculture, la poterie et le tissage de la laine. Cent soixante mille habitants, la population a doublé en vingt ans. Le premier hôtel a s’y être installé fut le « Club Med », aujourd’hui ils sont plus de quatre vingt dix rassemblés dans une vaste zone sur la côte Nord-est.