Avril 1915

Ce n’est pas sans une certaine émotion que je commence aujourd’hui ce troisième cahier. Il est probable qu’il contiendra la solution de cette guerre inouïe. Sur ces pages blanches en ce moment s’inséreront au jour le jour les évènements qui vont changer la carte de l’Europe et causeront sans aucun doute de profonds bouleversements en toutes choses.

Nous ne savons de façon précises que la situation du front des armées et il est pénible de constater que sur les deux fronts les Allemands occupent d’importants territoires alliés.

Il est certain que le plan Boche a avorté. La France, après avoir frôlé le désastre, a échappé à l’anéantissement par la magnifique victoire de la Marne et depuis nous avons tenu et nous avons fait des prodiges pour nous organiser et acquérir tout le matériel qui nous manquait.

Mais tenir n’est pas suffisant. Pour dicter la paix il faut vaincre. Oui ou non, pouvons-nous par la force briser les lignes allemandes et refouler les Barbares sur le Rhin.

Tous nos journaux, nos revues, les interviews des compétences militaires affirment notre victoire finale.

Ils ont parfaitement raison de le faire, il n’y a pas de plus beau rôle à exalter la confiance et le moral qui sont les facteurs indispensables de la victoire. Mais ceci suppose que la puissance militaire des alliés est supérieure à celle de l’Allemagne.

Depuis six mois, nous n’avons pas gagné un terrain appréciable. Il est entendu que pendant ce temps notre puissance offensive a beaucoup augmenté. Admettons que la valeur offensive boche ait diminué. Elles ont au moins organisé d’une façon formidable la défense des terrains occupés et dont il faut les chasser.

Il est certain que les Allemands ne peuvent plus nous écraser, mais les alliés peuvent-ils eux le faire. On a prêté à Castelnau ce propos : « Militairement, cette guerre ne peut finir ». Comment en effet rompre ce formidable front allemand.

Munitions disent French et Joffre. Mais cette condition évidemment nécessaire est-elle suffisante. La connaissance exacte des pertes relatives pendant les derniers combats de Champagne serait la plus précieuse des indications.

Il ne faut pas perdre de vue que dans ces 40 dernières années, la population allemande s’est accrue de plus de vingt millions d’habitants. D’où une grande proportion d’hommes jeunes. Ce qui permet à nos ennemis de mettre en ligne une armée qui correspondrait à une population de près de 100 millions d’habitants. L’appel des classes 15-16 donnent 228 boches pour 100 Français. Donc de ce côté, réserves plus que doubles. Et quant à l’organisation de ces recrues, nous savons par la leçon des faits que les Allemands savent organiser !

La puissance militaire actuelle de nos ennemis demeure vraiment formidable.

Alors… de l’impuissance réciproque, la paix sortira-t-elle ? L’Allemagne a conduit la guerre de telle façon que les allés ne peuvent consentir par exemple à la diminution de la Belgique.

Que de mystères dans cet avenir si près cependant ; quand pourrai-je consigner dans des pages le recul des Boches ; quand pourrai-je faire passer dans la réalité des faits de succès final certain qui reste encore entièrement à réaliser.

Constantinople n’est pas prise mais il faut s’attendre de ce côté à d’importantes opérations car sa chute serait un coup terrible pour l’Allemagne.

Les opérations contre les Dardanelles, commencées le 19 février, semblent suspendues depuis le 18 mars où la flotte alliée perdit 3 cuirassés coulés et deux gravement avariés.

Des erreurs de direction ou d’appréciation ont sans doute été commises.

Henri Durand nous écrit qu’on leur a signalé le passage à Gibraltar de deux sous-marins allemands ; il est septique malgré des détails précis. Si c’était vrai, ce serait grave. Les neutres continuent évidemment à douter de la victoire des alliés puisqu’ils ne marchent pas…

Nous avons gagné dans leur estime ce que les Allemands y ont perdu. Mais ceci ne veut pas dire que nous soyons très haut. Nous incarnons à leurs yeux démocratie, c’est à dire le principe du gouvernement par les pieds, d’où anarchie, désordre, persécution religieuse sous prétexte de liberté…. Et combien les apparences justifient ce jugement et même un peu le fond hélas ! Pour eux l’Allemagne incarne l’idée de l’autorité compétente et le respect de ce qui fait l’ordre et la force.

Mais il se confirme que sans aucun doute les Allemands se sont conduits comme des brutes ivres et féroces.

Le rapport belge déclare que plus de cent mille femmes ont été outragées et parmi elles de nombreuses religieuses. Il ne s’agit donc plus de faits isolés imputables à quelques apaches. D’ailleurs les bombardements des Taubes et des Zeppelins, les actes de piraterie des sous-marins suffiraient à édifier les neutres sur certaines beautés de l’âme allemande. Par exemple, entre mille infamies, je citerai le torpillage d’un paquebot où 130 passagers sont morts, d’une demi-douzaine de chalutiers et (ignominie) la destruction d’une goélette partie de France pour Terre-Neuve…

L’opinion boche

Il semble certain que l’immense majorité des Allemands reste absolument convaincue que l’Allemagne est invincible. Ceci n’est pas très étonnant car il est avéré que les communiqués officiels allemands n’ont… par exemple jamais parlé de la victoire française de la Marne.

Ah, quelles larmes de rage et de sang verseront ces orgueilleux si un jour par cette force brutale que seule ils respectent nous pouvons les refouler et envahir l’Allemagne.

Les sous-marins

L’Allemagne a peut-être mis en ligne des sous-marins récemment terminés. Toujours est-il que la guerre sous-marine est très active, il n’y a guère de jours où les bateaux ne soient torpillés. Il est certains que si les Boches avaient dix fis plus de submersibles, la situation de l’Angleterre serait terrible.

Si l’on ne trouve pas un moyen efficace de combattre le sous-marin, la situation insulaire de l’Angleterre qui a fait sa force pourrait devenir la cause de sa ruine. Je m’étonne que l’Amirauté anglaise n’ait pas encore armé les navires de commerce d’une ou deux pièces de canon.

(Ici il me manque deux pages complètes sur l’exemplaire du cahier en ma possession m’obligeant malheureusement à en faire l’impasse !!! les pages 266 et 267 ne pourront donc pour l’instant être retranscrites ici.)

… rien absolument n’avait été prévu pour la solution des multiples problèmes posés par la guerre.

Aucun des incompétents pantins qui s’étaient succédés dans les différents ministères n’avait prévu le cas de guerre.

Aussi en tout et pour tout, on improvise en face d’un ennemi qui avait tout prévu.

C’est beau la démocratie. En Angleterre elle fomente des grèves qui entravent la fabrication des munitions.

L’individualisme ruine l’intérêt général et par chic en retour ruine l’individu… C’est l’éternelle histoire.

Excellente nouvelle

Le Bulletin des armées annonce que l’effet de notre artillerie serait décuplé par l’emploi d’un obus explosif nouveau très puissant.

J’espère que c’est exact, car ce serait là une nouvelle de première importance. Le rôle de l’artillerie étant capital dans l’attaque des tranchées allemandes. Les Boches pour se mettre à l’abri creusent de véritables cavernes pour abriter leurs réserves.

Car n’oublions pas que, si la tâche es alliés est rude, celle des Austro Boches l’est non moins. Et ceci laisse place pour nous à tous les espoirs.

L’Allemagne va sortir de plus en plus du rêve pangermaniste pour entrer dans la réalité.

Usure

L’usure morale, matérielle, économique… l’usure sous toutes les formes va commencer à peser fortement dans la balance. Plus que jamais le mot de Mun est vrai – Tenir – La victoire est là, elle sera au plus tenace.

Artillerie

Il est certain que dans les premiers jours de mai au plus tard, nous aurons sur le front toute la masse de l’artillerie française et toute l’artillerie anglaise appuyée par une immense quantité de munitions.

Il me paraît impossible que nous n’ayons pas sur ces deux points : artillerie et munitions une grande supériorité sur les Boches qui ont à faire face aux Russes et à aider les Autrichiens. D’autant plus que l’industrie américaine travaille pour nous.

Il est vrai que les Allemands avaient une fameuse avance. Mais cette raison ne vaut rien pour les munitions et leur premier matériel doit être très usé.

Condition de victoire

Pour que nous soyons indiscutablement victorieux de l’Allemagne, il faut que par la force nous les expulsions au moins de France et de Belgique. « Mais that is the question »

Offensive boche

Les grèves anglaises paraissent avoir retardé l’arrivée de l’armée Kitchener. Il me semble que les Allemands ont l’intention de tenter une grande offensive ; nous allons la voir se développer avant la fin du mois.

Cette offensive ne pourra évidemment se développer en grand que lorsque l’état du terrain permettra le déplacement de l’artillerie, principal élément d’offensive.

(La France devra beaucoup au ministre de la guerre qui a mis au service de Joffre une grande intelligence et une grande puissance de travail et d’organisation)

« A la mobilisation générale, qui a fourni plus d’un dixième de la population, a succédé une autre mobilisation : la mobilisation industrielle qui, menée de concert entre les établissements de l’industrie et ceux de l’Etat, sous le contrôle du ministère de la guerre, a fait surgir une énorme quantité de matériel, de munitions, d’explosifs.

« Je n’ai pas le droit de citer ici les chiffres que j’ai donnés à la commission mais je puis donner une idée de l’immensité de cet effort en disant qu’en ce moment pour les munitions, on a atteint un chiffre qui est de 600% par rapport à celui qui avait été prévu comme nécessaire au début de la guerre, et que, sous peu, il atteindra celui de 900%.

« Il en a été de même pour les explosifs : il a fallu, en effet, alimenter les engins nouveaux, comme les lance-bombes et les grenades.

« Pour l’artillerie lourde, nous avons septuplé le nombre des batteries du début.

« Le pays tout entier, tendu vers un but uniforme : la victoire, consacre tous ses efforts, toutes ses ressources à la défense nationale.

« La France de l’intérieur s’est montrée digne de la France du front ; elle est digne de ses alliés : de la Belgique, dont l’armée, chaque jour, fait preuve des plus rares vertus militaires ; de l’Angleterre qui, hier, à Neuve-Chapelle, a déployé les plus admirables qualités d’indomptable bravoure et de froide ténacité ; de la Russie qui, avec la prise de Przemysl, a inscrit dans son histoire un nouveau et éclatant succès dont nous commençons seulement à entrevoir les conséquences ; enfin de l’héroïque Serbie que nous sommes fiers d’aider sous toutes les formes et de toutes les manières dans sa lutte contre la maladie comme dans sa bataille de chaque jour contre l’ennemi commun.

« A côté de ces alliés, il y a nos admirables troupes. Depuis le chef qu’environne la confiance unanime du pays et de l’armée, jusqu’au plus humble de nos héroïques soldats. Tous sont calmes, inébranlables dans leur volonté, dans leur certitude de vaincre.

« Tous remplissent leur devoir, plus que leur devoir. A leur exemple, et aussi simplement qu’eux, faisons le nôtre. En votant ce projet de loi, qui est une mesure de prévoyance, signifiez sans emphase au monde, à nos alliés, à nos amis, à nos adversaires que vous êtes animés de le ferme et tranquille volonté de tenir jusqu’au bout et de ne refuser aucun sacrifice pour assurer la victoire du droit et de la civilisation sur la force brutale et sur la barbarie.

(coupure de journal)

A côté de l’hommage du à Millerand il faut signaler le pitoyable Augagneur, ministre de la marine, belle fleur du fumier républicain dont la suffisance égale l’incompétence. Dit « le roi nègre ». S’est illustré jadis par l’expulsions des sœurs des léproseries de Madagascar.

Sectarisme et incompétence, voici les titres de cette crapule à la direction de notre marine pendant la grande guerre.

Extrait d'un beau discours de Millerand

(La France devra beaucoup au ministre de la guerre qui a mis au service de Joffre une grande intelligence et une grande puissance de travail et d’organisation)

« A la mobilisation générale, qui a fourni plus d’un dixième de la population, a succédé une autre mobilisation : la mobilisation industrielle qui, menée de concert entre les établissements de l’industrie et ceux de l’Etat, sous le contrôle du ministère de la guerre, a fait surgir une énorme quantité de matériel, de munitions, d’explosifs.

« Je n’ai pas le droit de citer ici les chiffres que j’ai donnés à la commission mais je puis donner une idée de l’immensité de cet effort en disant qu’en ce moment pour les munitions, on a atteint un chiffre qui est de 600% par rapport à celui qui avait été prévu comme nécessaire au début de la guerre, et que, sous peu, il atteindra celui de 900%.

« Il en a été de même pour les explosifs : il a fallu, en effet, alimenter les engins nouveaux, comme les lance-bombes et les grenades.

« Pour l’artillerie lourde, nous avons septuplé le nombre des batteries du début.

« Le pays tout entier, tendu vers un but uniforme : la victoire, consacre tous ses efforts, toutes ses ressources à la défense nationale.

« La France de l’intérieur s’est montrée digne de la France du front ; elle est digne de ses alliés : de la Belgique, dont l’armée, chaque jour, fait preuve des plus rares vertus militaires ; de l’Angleterre qui, hier, à Neuve-Chapelle, a déployé les plus admirables qualités d’indomptable bravoure et de froide ténacité ; de la Russie qui, avec la prise de Przemysl, a inscrit dans son histoire un nouveau et éclatant succès dont nous commençons seulement à entrevoir les conséquences ; enfin de l’héroïque Serbie que nous sommes fiers d’aider sous toutes les formes et de toutes les manières dans sa lutte contre la maladie comme dans sa bataille de chaque jour contre l’ennemi commun.

« A côté de ces alliés, il y a nos admirables troupes. Depuis le chef qu’environne la confiance unanime du pays et de l’armée, jusqu’au plus humble de nos héroïques soldats. Tous sont calmes, inébranlables dans leur volonté, dans leur certitude de vaincre.

« Tous remplissent leur devoir, plus que leur devoir. A leur exemple, et aussi simplement qu’eux, faisons le nôtre. En votant ce projet de loi, qui est une mesure de prévoyance, signifiez sans emphase au monde, à nos alliés, à nos amis, à nos adversaires que vous êtes animés de le ferme et tranquille volonté de tenir jusqu’au bout et de ne refuser aucun sacrifice pour assurer la victoire du droit et de la civilisation sur la force brutale et sur la barbarie.

(coupure de journal)

A côté de l’hommage du à Millerand il faut signaler le pitoyable Augagneur, ministre de la marine, belle fleur du fumier républicain dont la suffisance égale l’incompétence. Dit « le roi nègre ». S’est illustré jadis par l’expulsions des sœurs des léproseries de Madagascar.

Sectarisme et incompétence, voici les titres de cette crapule à la direction de notre marine pendant la grande guerre.

Mobilisation des Religieux

(Extrait du rapport de Bompard, ambassadeur à Constantinople)

« Une des particularité de la mobilisation en Turquie a été le grand nombre de religieux mobilisés. Il y en avait de toutes les robes et de tous les styles : Capucins, Dominicains, Jésuites, Assomptionnistes, Franciscains, Lazaristes, Frères de la Doctrine chrétienne, Frères Maristes et, certes, j’en oublie, car quelle est la congrégation religieuse qui n’ait de représentants en Turquie ?

« Sur certains bateaux, les religieux formaient le quart du contingent des mobilisés. Ils y arrivaient sous la conduite de leur supérieur. J’ai encore présent devant les yeux ce Frère de la Doctrine chrétienne sonnant au clairon toutes les sonneries de la caserne et les marches du régiment pendant qu’un Lazariste mobilisé chantait la Marseillaise à pleine voix. Notez que ce Lazariste n’est  rien moins que le supérieur d’un collège de Constantinople réputé pour sa tenue que d’aucuns même trouvent trop  compassée.

« On vit donc à Constantinople d’étranges processions ; à Jérusalem ce fut bien autre chose. Là, les moines formaient la majorité des mobilisés. Il en est arrivé un si grand nombre au consulat général, venant de tous les coins de la Palestine, que notre agent demanda au chemin de fer un train spécial pour les conduire à Jaffa. On vit ce jour là un retour de pèlerinage d’un genre tout nouveau, dont on parle encore sur la ligne de Jérusalem : un train de moines chantant en chœur l’hymne de Rouget de L’Isle.

………………………………………………………………………

« La mobilisation était terminée depuis une quinzaine de jours, quand je reçus un télégramme de notre agent à Messoul, qui me signalait l’arrivée d’un mobilisé : un missionnaire dominicain qui avait appris la guerre au fond du Kurdistan, Dieu sait comment ! et qui avait immédiatement enfourché sa monture pour rejoindre son poste de combat. Mais de Messoul à Beyrouth, quel voyage à faire encore ! Le consul me demandait aide et assistance pour son mobilisé qui, c’est le cas de le dire, lui tombait du ciel. J’interviens auprès du gouvernement ottoman, qui, à ma demande, envoie des instructions aux gouverneurs des régions à traverser. Je le télégraphie à Messoul. Ces démarches avaient pris quelques jours. Notre Dominicain avait perdu patience ; après un arrêt de vingt-quatre heures, il n’avait plus voulu entendre raison, et il était reparti à ses risques et périls. Il a rejoint son régiment.

« Avons-nous tort de réclamer à notre gouvernement un accord avec le Vatican, un Concordat en un mot, qui assure à ces excellents, à ces admirables Français, tout l’appui officiel auxquels ils ont droit, auxquels la France a droit pour eux ? Ce Concordat s’impose d’autant plus que la dislocation de l’empire turc peut se produire du jour au lendemain de sa paix, et que nous nous trouverons alors en Orient devant des compétitions et des rivalités autrement dangereuses pour notre influence que l’apathie traditionnelle des Ottomans

(coupure de journal)

Boche et Poilu

L’usage a consacré ces deux mots depuis le début de la guerre. L’Allemand, c’est le Boche. Et le soldat français, c’est le poilu. On accole à poil les plus beaux épithètes de la langue française. Rien de trop élogieux pour « nos sublimes poilus » (Avoir du poil… "poilu" s’oppose à "épilé")

du 8 au 14 Avril

- en France -

Importante offensive entre Meuse et Moselle.

Par des actions énergiques, nous avons conquis la position des Eparges et progressé d’une façon très sensible dans les bois d’Ailly-le Prêche et Mortmare.

Le tout représente un progrès de 1 à 3 kilomètres sur près de 30 kilomètres de front.

L’importance de ces succès est décuplée du fait qu’ils permettent d’espérer l’évacuation par les Allemands de la région de Saint Mihiel. Ce qui serait alors une vraie victoire où notre supériorité s’affirmerait réellement. Il faut attendre qu’un temps favorable permette le déplacement de grandes masses d’artillerie.

- en Russie -

Les Russes tiennent toutes les crêtes des Beskides et les cols de Dakla, de Lupkov et d’Oujok. Les forces engagées sont considérables et la bataille acharnée ; elle se déroule très favorablement pour les Russes qui menacent la Hongrie. Pas de nouvelles de Bukrovine ?

- aux Dardanelles -

Nous savons officiellement que le corps expéditionnaire était le 15 mars à l’entrée des détroits prêt à débarquer. Pau de temps après la désastreuse journée du 18 mars, il fut transporté en Egypte où il se trouve. Impossible même de chercher à comprendre. Il y a sans doute de lourdes erreurs à réparer. Néanmoins les opérations reprendraient… incessamment…

printemps

Le temps est mauvais, pluvieux, froid, changeant. Les marronniers commencent à monter de petites feuilles.

hygiène

L’état sanitaire de l’armée est généralement excellent. Assurément, les soldats dans les tranchées souffrent du froid et surtout de l’humidité. Mais il n’y pas surmenage physique. Les hommes sont très bien nourris ; les relèves aux tranchées sont fréquentes. A beaucoup de point de vue, l’hygiène est excellente. Grand air obligatoire, suppression de l’alcool et de la f^te sous toutes ses formes. Cure physique et morale pour beaucoup.

Plus on se rapproche de la ligne de feu, plus on trouve le réveil et l’exaltation de sentiments religieux. Pour beaucoup ce n’est qu’une flambée mais qui laissera certainement une empreinte.

la paix

Je note ces réflexions du colonel Repington dans le Times. Elles pourraient bien être prophétiques.

« La lutte a été dure, elle sera plus dure encore. Mais les difficultés qu’elle aura présentées ne seront que jeux d’enfant en comparaison de celles que présentera la paix »

(coupure de journal)

le Caucase

Les Russes ne nous ont jamais communiqué que des nouvelles de victoires contre les Turcs. Je suis surpris d’apprendre par les Russes (officiel) que sur toute la frontière turco russe on se bat en Russie.

Un article de Bazin

(Touchantes et mélancoliques pensées de René Bazin devant la villa Médicis déserte. Combien, en ces temps de 1915, il est nécessaire de penser à la vertu du sacrifice)

« Nous sommes revenus, par la grande allée, dans les jardins de la villa Médicis. Ils étaient déserts. Je me rappelais certains jours où, en ces mêmes bosquets, ici près de la fontaine, là le long du chemin qui suit les remparts de la vielle Rome, je voyais se promener des jeunes-gens, lisant, rêvant, discutant. Où sont-ils ? Où sont ces têtes et ces cœurs précieux et leurs songes ?

« A la guerre.

« J’imaginais toute cette jeunesse, les musiciens, les peintres, les sculpteurs, les graveurs, les élèves d’hier et ceux d’aujourd’hui, dans les tranchées, sous la pluie des balles. J’en voyais tomber. J’ai eu tant de peine, quand cette pensée m’est venue, que je n’ai pu demeurer longtemps là où ils ne sont plus. Et c’est seulement sur le chemin du retour, au bord de la terrasse d’où l’on voit tout Rome lumineuse, que je me suis dit : 

« Oui, plusieurs seront tombés peut-être, victimes de choix parmi tant d’autres. Le prix que nous payons à la France de demain est un prix immense. Mais ceux qui reviendront, ayant eu de la douleur dans l’âme, et puis de la joie, et puis le sentiment d’une nation victorieuse et libre, seront de grands artistes.

« Et quel programme ! Le même pour ceux qui chantent, qui peignent, ou qui taillent le marbre ! Le programme ce sera la gloire. Leur jeunesse comprendra le sujet tout entier. Elle l’aura vécu. Elle célèbrera l’effort, et le don de soi, et la mort pour les autres. Elle donnera à la France un art plus hardi et plus sain, et elle saura, comme ceux qui ont parcouru la vie, qu’aucune peine n’est perdue, aucune douleur.

René Bazin

de l’Académie Française

(coupure de journal)

Un beau et réconfortant discours de ...

Si telle est la détermination des alliés, la défaite des Allemands est certaine. L’heure sonnera où ces orgueilleux seront à genoux. Mais ce sera une rude tâche, très rude.

« La tâche est rude, en face de la monstrueuse agression que nous avons subie, et que, par des efforts conciliateurs qui se sont manifestés jusqu’à la dernière heure, la Triple Entente a tout fait pour éviter.

« Je ne me lasserai pas de rappeler que, parmi tant d’appels à des négociations qui n’auraient humilié aucune nation, la France et la Russie, répondant le 31 juillet à la proposition du gouvernement anglais, acceptaient de suspendre les préparatifs militaires, pourvu, bien entendu, que l’Allemagne et l’Autriche en fissent autant Je ne me lasserai pas de rappeler que, si cette proposition avait été accueillie par nos ennemis, la paix du monde était sauvée. Mais l’Allemagne, le 1er août, déchaînait le conflit, en déclarant la guerre à la Russie. Elle avait arrêté tous ses préparatifs et la réalité a cependant déjoué ses plus intimes calculs.

«  L’Allemagne n’a jamais compté que sur la matérialité des choses. Elle a tout ignoré de l’âme française et elle subit, en ce jour, le châtiment de son erreur. Elle croyait trouver devant elle une nation dissociée et frivole. Elle a rencontré un mur de fer, une héroïque résistance. Elle y a brisé ses meilleurs bataillons. Et voilà que le mur de fer s’est ébranlé et qu’à la fois souple et indissoluble, il s’est avancé sur le front occidental, broyant peu à peu, une armée que ses chefs n’avaient pas préparée à des luttes si âpres et si prolongées.

« Voilà qu’à l’héroïsme des Anglais, des Belges et des Français assemblés, s’ajoutent sur un autre théâtre d’opérations, l’héroïsme des Russes – dont l’avalanche menace la Hongrie – et l’intrépidité des Serbes. Voilà qu’un blocus économique, et chaque jour plus efficace, isole du monde elle et son alliée désemparée, les rejetant pour ainsi dire dans un flot de détresse. Voilà que la nation française, méconnue et dédaignée, s’est dressée, prête à ajouter des sacrifices aux sacrifices. Voilà que le châtiment se prépare et que des millions de bras vont le déchaîner.

« Le gouvernement de la République, attentif à son œuvre extérieure et intérieure, a fait face à toutes les péripéties de ce gigantesque combat, soutenu par le Parlement, auquel je tiens à rendre un solennel hommage. Et ce n’est pas seulement au gouvernement que doivent aller vos remerciements, c’est à la nation toute entière, à l’armée issue de son sein et qu’elle a préparée au combat pour le droit, entretenant dans ses enfants le culte de la fierté humaine. A ce peuple de France, digne des générations qui l’ont précédé, digne de celles qui lui succèderont, à cette nation qui ne se laisse ni endormir par l’optimisme, ni abattre par le doute, à la fois équilibrée et ardente, qui a donné comme pendant à l’héroïsme de ses fils une admirable sérénité.

« Pas plus que l’Angleterre, la Russie, la Belgique et la Serbie, la France n’a voulu la guerre. Et maintenant, ainsi que je l’ai déjà dit, d(accord avec ses alliés, elle la fera jusqu’au bout. Nous avons la certitude de la victoire, qui sera celle de la justice. Nous voulons l’Europe libérée, la Belgique libre, la restitution des provinces perdues, l’écrasement du militarisme prussien, puisque la paix du monde est inconciliable avec ses sanglants caprices.

« Voilà la tâche. Nous l’accomplirons, d’accord avec nos alliés, et demain, quand nous saluerons la victoire, nous aurons écrit, non seulement dans l’histoire de France, mais encore dans les annuaires de l’humanité, une page que les fils des hommes ne pourront pas lire sas émotion et sans fierté.

(coupure de journal)

Il est clair qu’une paix qui laisserait subsister l’unité allemande, c’est à dire la force allemande, serait déplorable.

Pour qu’on puisse espérer en Europe une longue période de paix, pour qu’il soit possible de restreindre les charges militaires qui nous écrasent, il est impérieusement nécessaire d’enchaîner la bête Germania.

les socialistes

C’est ce que refusent d’admettre même au jour d’aujourd’hui nos socialistes illuminés. Ils persistent à plaider pour la cause de leurs frères allemands ; ces déments, poursuivant leur rêve international, continuent quand même à crier : « Kamarades » à ces sauvages massacreurs. - Nos socialistes se préparent à nier le péril allemand (au lendemain d’une paix dont l’Allemagne ne sortirait pas amoindrie).

Pour ces insensés, il n’y a qu’un péril, le péril noir, le péril clérical. Pour ces bons Français, le prolétaire boche reste un frère (un instant égaré et non par sa faute) ; il n’y a qu’un ennemi mais celui-là implacable, c’est le Français catholique, il le hait.

Edouard

Mon beau-frère Rodellec quitte Brest le Lundi de Pâques 5 Avril, passe à Paris le 6 et rallie la brigade des fusiliers marins à Niewport – 2ème Régiment – Bataillon Maupeau.

la Bourse

La Bourse a une tenue excellente. Nous sommes loin des effondrements que l’on craignait pour le cas de guerre. La rente après avoir touché 68 un instant est remontée à 72 et s’y tient. Presque toutes les valeurs sont à des cours qui les capitalisent à 5% ; cela devrait être un très bon symptôme.

Pertes des belligérants au 31 Janvier

(chiffres du Ministère de la Guerre tenus en Angleterre)

 

Tués

Prisonniers

Blessés

Hors de combat

Allemagne

975 000

250 000

1 200 000

2 435 000

Autriche

1 400 000

321 000

1 300 000

3 021 000

Total

2 370 000

571 000

2 500 000

5 456 000

Belgique

35 000

9 000

40 000

84 000

Angleterre

63 000

11 000

115 000

189 000

France

304 000

141 000

575 000

1 020 000

Serbie

60 000

27 000

55 000

142 000

Russie

850 000

200 000

1 100 000

2 150 000

Total

1 312 000

388 000

1 885 000

3 585 000

Ces chiffres précis n’ont rien d’invraisemblable. Seuls ceux relatifs aux Autrichiens me paraissent suspects d’exagération. Quant aux pertes des alliés il est certain qu’elles n’ont pas été exagérées.

Ces chiffres sont terrifiants. J’en ai le cauchemar car je crains pour Mai et Juin de véritables tueries si les alliés tentent de larges offensives en plusieurs points du front.

On est toujours tenté de juger exceptionnels les évènements auxquels on assiste ; mais cette fois nous pouvons affirmer avec certitude que jamais la terre n’a connu un cataclysme aussi effroyable que cette guerre.

Voilà l’aboutissement de cette civilisation, de cette science humaine, de tous les soit disant progrès de l’humanité, tout cela c’était pour mieux nous entre tuer.

Il n’y a pas désormais de nègres, de peaux rouges, de macaques qui ne puissent revendiquer une haute supériorité sur nous. Leurs pires atrocités ne sont que jeux d’enfants à côté de ce que nous voyons.

N’avons-nous pas commis un peu le crime de Lucifer. Pour avoir dérobé quelques parcelles de l’intelligence divine, la science humaine s’est crie l’égale de Dieu ; l’homme a cru qu’il pouvait se passer de Dieu ; le voilà précipité dans la boue sanglante et dans des horreurs sans nom.

C’est l’éternel châtiment du péché d’orgueil.

 

les pertes à Neuve Capelle (Officiel)

Tués

190 officiers

2 337 hommes

Blessés

359 officiers

8 174 hommes

Manquants

23 officiers

1 728 hommes


Donc environ 13 000 hommes hors de combat dont 583 officiers pour une avance de 2 kilomètres sur 3 kilomètres de front.

En Champagne, mais ceci n’est pas officiel, nous aurions perdu 40 000 hommes (avance 3 kilomètres sur un front de 7). Aux Eparges, nos pertes sont aussi très lourdes.

Toutes ces attaques ont été préparées par des ouragans d’artillerie – jusqu’à 100000 obus par jour sur des fronts de quelques kilomètres.

Pour bien juger, il faudrait connaître les pertes allemandes dans les mêmes combats… ? …

J’espère que, grâce à l’ouragan d’artillerie, l’offensive est moins coûteuse que la défensive.

Toutefois les chiffres de pertes précédents donnent une petite idée de l’effroyable hécatombe qui se produira si une triple offensive simultanée a lieu contre les Allemands. Ah, ces misérables, quels flots de sang  vont couler par leur faute et quel sera leur châtiment s’il est proportionné à leur responsabilité.

Les horreurs à prévoir sont telles qu’on peut se demander si elles ne feront pas reculer les belligérants ; mais on ne peut pas souhaiter une paix qui laisserait debout et non châtiée la bête allemande.

Alors ! ces mois de Mai, de Juin, de Juillet seront-ils comme je le crois des mois d’épouvante ? Dieu veuille que je me trompe et que nous ne payions pas trop cher notre sûre victoire.

Magnifique réponse de Caslelnau à Poincaré

Comme il affirmait sa certitude dans la victoire, Poincaré lui demande : « Mais enfin, général, sur quoi basez-vous cette certitude ? » - « Monsieur le Président, je crois à la victoire parce que je crois en Dieu. »

Marie-Thérèse a vu à Paris la fille aînée du Général de Castelnau. Elle était infirmière et près de son père au moment où celui-ci défendait Nancy dans les premiers jours de Septembre. Ils connurent à ce moment des heures terribles.

Castelnau tenait toujours le Grand Couronné de Nancy, mais il était à bout, ayant subi des pertes terribles, pressé, débordé par des forces supérieures il dit à sa fille : « que tout était perdu, qu’il allait être obligé de reculer ». Désespéré, il se jeta à genoux et, après avoir prié, se releva et ordonna une dernière manœuvre. Après cette dernière attaque, l’armée était si épuisée que la résistance était impossible. Mais soudain on apprit que les Allemands se retiraient, eux aussi avaient cruellement soufferts et jugeant la victoire impossible ils battaient en retraite.

Les Belges

Depuis plus de six mois, on avait maintes fois annoncé l’arrivée à St Sauveur de réfugiés ou de Belges ; à force d’en parler, il en est tout de même arrivé 120 le Vendredi 9 Avril.

Nous avons au Lude un ménage qu’on installe dans le fruitier.

Braves gens, ex charcutiers dans un faubourg à Anvers, ils sont restés six mois dans la région d’Ypres, mais devant l’incessant bombardement, énervés, affolés, ils ont fini par se réfugier en France.

Beaucoup de ces pauvres gens, partis à l’improviste, ne pouvant emporter aucun bagage, n’ont rien ou presque rien. Mais ils ont voulu sauver leurs plus belles frusques. Ainsi le Belge que nous avons (25 ans) a son costume de noce ; sa femme a deux robes, l’une en soie bleue, l’autre en velours noir.

Ils sont arrivés ici avec une petite valise contenant les belles robes et un carton à chapeau "Gaston et Zulma". Leur tenue est parfaite, rien à leur reprocher ; l’homme se révèle un ouvrier adroit et complaisant.

De divers côtés, nous avions entendu crier contre les Belges, pauvres gens ils nous arrivent avec leurs qualités et leurs défauts.

du 14 au 22 Avril

Calme partout.

- en France -

A part quelques contre attaques allemandes, le calme règne entre Meuse et Moselle.

- en Russie -

La grande bataille des Carpates est de nouveau arrêtée – par le dégel cette fois – ce qui est très vraisemblable. Quoique les Russes n’aient pas pu s’emparer du col d’Ourouk, il semble que cette bataille est un succès russe. Ils tiennent les cols de Oukla et de Lupkov et la majeure partie de la crête des Belkides.

- aux Dardanelles -

Nous devons toujours aller à Constantinople, il paraît que nous préparons dans le silence le grand coup !

Nous attendons l’heure !

En l’attendant, le corps expéditionnaire est à Alexandrie. Ils e compose de Français, d’Anglais, d’Australiens, d’Indous et de Nègres. Le tout sous le commandement du général Hamilton.

les neutres

L’Italie continue ses importants préparatifs militaires. Qui, évidemment, semblent annoncer une intention d’agir. La présence de l’Angleterre à nos côtés permet d’affirmer que l’action de l’Italie s’exercerait contre l’Autriche.

la presse

Les journaux, parfait en général, finissent par être tout à fait ridicules sur la question des neutres. Voilà huit mois qu’ils annoncent périodiquement l’intervention imminente de l’Italie, de la Roumanie, de la Grèce, de la Bulgarie … de la Hollande depuis quelque temps.

Le mieux serait de n’en plus parler et de voir venir les puissances de la Triple Attente (Italie, Roumanie, Grèce)

La Croix Rouge

On crie beaucoup sur la Croix Rouge qui a mobilisé toutes les femmes et jeunes-filles de bonne volonté. On exagère car, à côté de faits regrettables, il y a d’immenses services rendus par des femmes généreuses et dévouées. Mais il se glisse souvent des brebis galeuses et, au début de la guerre, quand d’innombrables blessés affluaient, on avait d’autres préoccupations que de faire montrer patte blanche aux infirmières.

D’ailleurs la cause est entendue depuis longtemps, rien ne peut remplacer les sœurs !

Les salariés font un métier. Les dévouements, même les plus flambants, se lassent souvent…

Il est de plus évident que du contact de toutes ces infirmières et de tous ces sympathiques jeunes blessés des incidents heureux ou fâcheux doivent survenir fatalement.

Les médecins eux-mêmes peuvent donner un pitoyable exemple.

Mais combien ici le mal est petit à côté du bien accompli. En cas de guerre, n’est-ce pas le beau rôle des femmes qui ne se battent pas de soigner les blessés et de rendre ainsi des soldats combattants à la France. Et l’essentiel n’est-il pas que nos blessés soient bien soignés.

l’offensive

Les difficultés de notre tâche sont, chaque jour, plus évidentes. Même avec des feux d’artillerie infernaux, il semble que l’offensive reste très difficile et cause d’énormes pertes pour des gains de terrain dérisoires. Dans ces conditions il est certain que, si Joffre veut prendre m’offensive ( ?), il ne consentira les énormes sacrifices nécessaires que s’il est assuré du succès, s’il a dans leur plénitude tous ses moyens d’action.

Les alliés sont et seront chaque jour davantage supérieurs aux Allemands en effectifs, en matériel, en munitions, e,n puissance industrielle…

Leur victoire est donc certaine si nous sommes persévérants et vraiment la décision des alliés semble très forte.

Donc rien ne presse, le temps travaille pour nous ; l’heure de notre offensive générale me paraît de plus en plus indéterminée. N’oublions pas d’ailleurs que notre puissant ennemi n’a pas dit son dernier mot.

Charges financières

Elles sont écrasantes, dépassent toutes les prévisions.

La France arrive a une dépense mensuelle de

1 300 millions

L’Angleterre

1 100 millions

La Russie

1 500 millions

L’Allemagne

1 800 millions

Tout le monde jongle avec les milliards et émet force papier.

Les régions envahies de Pologne, de France et de Belgique étaient autant de centres miniers et industriels d’une extrême richesse. De ce fait, nos restes sont incalculables car les Allemands ont systématiquement tout détruit.

Il faudra relever ces ruines. L’Etat s’est engagé à le faire proclamant que c’était là une dette nationale. C’est juste. Il faudra payer les pensions aux veuves, aux orphelins, aux blessés. Leur nombre est déjà fantastique.

Comment l’Etat fera-t-il face à ces charges ?

Pour cette seule raison financière, la victoire nous est indispensable ; elle nous donnera une indemnité de guerre, elle nous permettra de diminuer fortement notre budget de guerre qui était en 1914 de 1 700 millions (guerre et marine).

l’usure en chiffres

Si on admet (???) que des défenses organisées sont pratiquement imprenables à moins qu’elles puissent être tournées.

Mais il faut 3 hommes par mètre pour la défendre. La ligne allemande est de 1500 kilomètres dont 800 pour notre front. Il leur faut donc 4 500 000 soldats. Le jour où ils ne disposeront plus de ce nombre d’hommes, ils devront se replier pour réduire l’extension de leur front. Leurs étapes de recul pourraient être la Meuse puis le Rhin.

Mais il y a tant d’autres facteurs…

la vérité aux Pacifistes

Ainsi, dit-il, c’est l’insuffisance de la préparation militaire dans le groupe de la Triple-Entente qui est la cause de la longueur de la guerre ; c’est à elle que sera dû le sacrifice, qui aurait pu être évité, de plusieurs centaines de mille d’hommes et d’une cinquantaine de milliards de francs.

Bien plus, on peut dire que, si la préparation eut été plus complète dans le groupe de la Triple-Entente, la guerre, probablement, n’eut pas éclaté, l’Allemagne ayant dû reculer devant une Belgique disposant de 6 à 700 000 hommes armés, une Angleterre ayant des troupes de terre encore supérieures, la France pourvue de tout l’armement qui lui était nécessaire, sans parler es ressources indéfinies de la Russie.

Voilà ce qu’il faut répondre aux niaiseries persistantes des pacifistes.

Leroy-Beaulieu

(coupure de journal)

Ainsi la guerre rallume dans le ciel les étoiles que Viviani avait essayé d’éteindre.

Etonnantes forces régénératrices de la guerre issues de l’esprit de sacrifice.

Au cours d’une messe sur le front, l’officiant, un prêtre-soldat., s’interrompt à l’offertoire pour dire : « Vous ne savez pas les prières ; mais il y a une manière de prier qui plaît à la divinité et qui est à votre portée. On honore Dieu par le chant. Voyez ce que vous savez, n’importe quoi, concertez-vous, et quand j’aurai élevé l’hostie, vous chanterez. »

Ils chuchotent, font passer un mot et, quand le prêtre arrive au point culminant de l’office, tous entonnent la plus belle strophe de la Marseillaise, celle qui est toute pure : « Amour sacré de la patrie… »

Le chant de la France, le chant du sacrifice ! La préférence pour un être plus vaste que notre personne ! Tout s’enchaîne. Un à un, quand les circonstances s’aggravent, les sentiments profonds se réveillent. Nous n’avons pas changé de ciel. S’il lève les yeux, le soldat qui tombe au champ d’honneur dans les plaines françaises, voit Celui qui le regarde du haut d’une croix et, plus loin remplissant l’horizon, la Toute-Puissance devant laquelle une grande humilité et l’acceptation dernière envahit son âme.

Maurice Barrès

(coupure de journal)

Les communiqués indiquent une violente offensive allemande au nord d’Ypres, dans la région qui va de Pilken à Melken – région où pendant plusieurs mois a séjourné le 89ème et qu’ils ont quitté (Amédée et Paul) il y a huit jours. Les Boches faisant usage de bombes asphyxiantes et d’appareils émettant en masse de lourdes vapeurs jaunes asphyxiantes, ont enfoncé nos lignes sur un front de huit kilomètres et ont franchi le canal de l’Yser à Stunstrate. Leur offensive ne me paraît pas encore enrayée, aussi ce dimanche 25 je suis un peu anxieux.

Mon impression est pénible. J’ai assez écrit dans ce cahier que je croyais les fronts presque inviolables. Est-ce que cette inviolabilité ne s’appliquerait qu’au front allemand. En 48 heures, les Boches viennent de gagner plus de terrain que nous e trois mois en Champagne.

Il semble une fois de plus que seule l’attaque simultanée de plusieurs corps sur un front de 7 ou 8 kilomètres peut donner quelques résultats. Les petites attaques de régiments ne servent à rien et leur répétition coûte plus cher que les grandes attaques. Mais je ne sais rien.

Dans le secteur attaqué par les Allemands, ils ont affaire à des troupes belges, françaises, anglaises. Inutile de souligner combien un tel point d’attaque a été habilement choisi. L’unité de commandement dans ce secteur doit être médiocre ; quant aux troupes anglaises, elles reçoivent là un rude baptême du feu ; elles viennent à peine de débarquer et leur répartition était en train de se faire.

Nous avons du perdre du matériel et des canons. De ce côté, vu les accumulations derrière les lignes, il est clair qu’en cas d’avance rapide, l’adversaire ne doit pas pouvoir tout sauver.

Le temps est superbe, les petites feuilles se montrent à tous les arbres, c’est le printemps. Je songe avec tristesse à nos morts, aux blessés, à ces malheureux asphyxiés par la barbarie allemande, à ceux que ces brutes ont achevés, à nos prisonniers. Oh, ces monstres, chaque jour plus félons, chaque jour plus déshonorés ! Oh, pouvoir se venger, les punir, vengez nos morts !

Je ne puis sas une profonde terreur penser à l’avenir, j’ai peur d’une lutte sauvage, féroce. L’Europe sera dépeuplée. Et notre pauvre France ?

Mais nous vaincrons, cela j’en suis certain.

Allons, soyons logiques, nous souhaitions l’offensive allemande, la voilà. Foch doit préparer la contre attaque foudroyante. Confiance.

- en Russie -

Calme relatif. Le dégel rend les transports difficiles en Pologne et dans les Karpathes. Les Allemands emploient leurs loisirs de notre côté. Le col d’Orjok reste aux mains des Autrichiens.

26 Avril

Il semble que l’offensive allemande est enrayée au nord d’Ypres.

27 Avril

Nous regagnons du terrain au nord d’Ypres. Nous avons repoussé une violente attaque sur les Eparges, effectuée par deux divisions. Nous avons perdu le sommet de l’Hartmannswillerkopf, le vieil Armand.

- aux Dardanelles -

Protégée par la flotte, une grande partie de l’armée expéditionnaire a débarqué au golfe de Saros et sur d’autres points de la péninsule de Gallipoli. Voilà du très bon. Cette fois, j’ai absolue confiance. A nos les Dardanelles et Constantinople. Mais ce sera très dur.

28-29 Avril

Nous avons repris le vieil Armand.

L’avance allemande le long du canal au nord d’Ypres est enrayée. Nous avons regagné une partie du terrain perdu. Nos pertes ont du être très lourdes vu l’effet soudain et terrible des gaz asphyxiants. Notre recul doit être d’au moins 4 kilomètres dans la région Boesvighe – Steenstarte. Les communiqués sont très imprécis.

Le Léon Gambetta a été coulé par un sous-marin dans le canal d’Otrante.

- en Russie -

Du côté des Karpathes, les opérations semblent avoir pris une tournure moins favorable pour les Russes. Combien il est difficile dans un pays belligérant de se faire une idée juste des succès et des revers. Un seul document compte pour moi, la carte. Les reculs, même baptisés stratégiques, sont toujours un signe un signe d’infériorité ? Mais avec les énormes réserves dans lesquelles les armées peuvent puiser, les victoires ont peu de chances d’être décisives du moins pour quelque temps encore.

- en Italie -

Marchera, marchera pas. Combinazione. Macaroni.

- aux Dardanelles -

Une partie de la presse anglaise semble critiquer amèrement l’expédition. Elle trouve que pas un soldat, pas un canon ne devrait être détourné du théâtre principal de l guerre. Il est certain que le libre passage tas les détroits est moins important maintenant que … et Radivostock… sont accessibles.

Il est certain aussi que l’expédition contre les Dardanelles réclamera pour réussir de très nombreux effectifs.

Mais je reste convaincu que la chute de Constantinople avec toutes ses répercutions porterait un coup mortel à l’Allemagne. Et quel effet moral !

Levée en masse

Actuellement sont effectivement sous les drapeaux tous les hommes des classes 1888 à 1916 (inclus), c’est à dire les hommes de 18 à 48 ans. De plus, tous les exemptés, réformés, de ces classes ont été révisés et ont déjà deux mois et demi de caserne. Une loi est en cours de vote par laquelle seront versés dans les services tous les hommes jugés capables de combattre. Ils seront remplacés en partie par des combattants reconnus impropres et pour le reste par des volontaires de tout âge. On s’assurera également que, dans toutes les usines travaillant au matériel de guerre, il n’y a que des ouvriers de métiers ; on débusquera ainsi beaucoup d’intimes de nos parlementaires.

L’appel de la classe 1917 est préparé.

Les hommes de 49 ans qui auraient du être libérés sont maintenus.

On ne peut concevoir levée en masse plus absolue. Et il en est de même chez tous les belligérants, sauf en Russie. Je ne peux plus penser. Il vaut mieux ne pas penser.

du 30 Avril au 3 Mai

- en France -

Le calme se fait en Belgique, mais les Allemands conservent à Stennstrate une forte tête de pont sur le canal de l’Yser. On nous présente cette bataille comme un gros échec allemand où leurs pertes seraient quadruples des nôtres. Efforçons-nous de croire cette version.

Les Allemands ont envoyé sur Dunkerque 30 obus de 380 à une distance de 35 kilomètres. Avec des pièces de ce genre, ils pourraient de la côte française bombarder Douvres.

- en Russie -

Les Allemands poussent une attaque vers le Nord sur la rive droite du Niémen inférieur… peu de détails.

Les Russes tiennent bon dans les Karpathes ; sans plus.

- aux Dardanelles -

Le débarquement du 26 s’est effectué sous la protection du feu intense de très nombreux vaisseaux de guerre.

Les Allemands avaient accumulé les défenses – tranchées très larges et profondes – réseaux de fil de fer même sous la mer. Toutes les résistances ont été héroïquement brisées.

sur mer

Il ne faut pas oublier que l’Allemagne possède une puissante flotte de plus de vingt dreadnoughts et super dreadnoughts Cette flotte est intacte, elle est appuyée par plusieurs sous-marins redoutables de 1000 T environ. A son jour et à son heure elle sortira sans doute d son repaire, à un instant qu’elle jugera favorable… pour un objectif déterminé.

Je m’efforce de ne pas penser, je vois des fleuves de sang. Sans doute, déjà le mois de Mai verra de terribles échecs. Je ne perçois pas ces symptômes de faiblesse chez les Boches, dont la presse nous rabat les oreilles (avec raison). Et, jusqu’à nouvel ordre, il me semble que c’est encore eux qui prennent les initiatives ; je crois en leur offensive. C’est assez logique, le temps les affaiblit, peut-être est-il préférable que l’initiative leur appartienne ??

Et cependant on considère toujours que c’est un signe de faiblesse de subir la volonté de l’adversaire. Ce principe avait toujours passé pour absolu.

« L’offensive seul donne la victoire. La défensive, c’est la défaite »

« Vaincre, c’est attaquer ».

censure, communiqués

Depuis quelques jours, nos communiqués sont nuls ou alambiqués. D’autre part les journaux s’émaillent de larges plaques blanches ; toute information, si vague soit-elle, est supprimée.

Pendant les derniers mois, on nous a tellement clairement nos moindres avances ! Ce silence, ces imprécisions, cette censure me font l’effet du bloc enfariné, cela ne me dit rien qui vaille.

Ah, comme je voudrais voir frapper un coup montrant nettement notre supériorité.

Jean

Jean, dans une lettre vieille de 10 jours, nous écrit : « Joffre nous a donné rendez-vous dans six semaines à la frontière. » Il parle de l’accumulation des munitions, même dans les champs !

du 30 Avril au 3 Mai

- en France -

Le calme se fait en Belgique, mais les Allemands conservent à Stennstrate une forte tête de pont sur le canal de l’Yser. On nous présente cette bataille comme un gros échec allemand où leurs pertes seraient quadruples des nôtres. Efforçons-nous de croire cette version.

Les Allemands ont envoyé sur Dunkerque 30 obus de 380 à une distance de 35 kilomètres. Avec des pièces de ce genre, ils pourraient de la côte française bombarder Douvres.

- en Russie -

Les Allemands poussent une attaque vers le Nord sur la rive droite du Niémen inférieur… peu de détails.

Les Russes tiennent bon dans les Karpathes ; sans plus.

- aux Dardanelles -

Le débarquement du 26 s’est effectué sous la protection du feu intense de très nombreux vaisseaux de guerre.

Les Allemands avaient accumulé les défenses – tranchées très larges et profondes – réseaux de fil de fer même sous la mer. Toutes les résistances ont été héroïquement brisées.

sur mer

Il ne faut pas oublier que l’Allemagne possède une puissante flotte de plus de vingt dreadnoughts et super dreadnoughts Cette flotte est intacte, elle est appuyée par plusieurs sous-marins redoutables de 1000 T environ. A son jour et à son heure elle sortira sans doute d son repaire, à un instant qu’elle jugera favorable… pour un objectif déterminé.

Je m’efforce de ne pas penser, je vois des fleuves de sang. Sans doute, déjà le mois de Mai verra de terribles échecs. Je ne perçois pas ces symptômes de faiblesse chez les Boches, dont la presse nous rabat les oreilles (avec raison). Et, jusqu’à nouvel ordre, il me semble que c’est encore eux qui prennent les initiatives ; je crois en leur offensive. C’est assez logique, le temps les affaiblit, peut-être est-il préférable que l’initiative leur appartienne ??

Et cependant on considère toujours que c’est un signe de faiblesse de subir la volonté de l’adversaire. Ce principe avait toujours passé pour absolu.

« L’offensive seul donne la victoire. La défensive, c’est la défaite »

« Vaincre, c’est attaquer ».

censure, communiqués

Depuis quelques jours, nos communiqués sont nuls ou alambiqués. D’autre part les journaux s’émaillent de larges plaques blanches ; toute information, si vague soit-elle, est supprimée.

Pendant les derniers mois, on nous a tellement clairement nos moindres avances ! Ce silence, ces imprécisions, cette censure me font l’effet du bloc enfariné, cela ne me dit rien qui vaille.

Ah, comme je voudrais voir frapper un coup montrant nettement notre supériorité.

Jean

Jean, dans une lettre vieille de 10 jours, nous écrit : « Joffre nous a donné rendez-vous dans six semaines à la frontière. » Il parle de l’accumulation des munitions, même dans les champs !

Ce matin, il écrit que, dans le secteur où il se trouve, il est impossible que les Boches avancent, pas plus que nous, ajoute-t-il.

Comment prévoir la marche de la tourmente qui ébranle le monde.

- en Italie -

On parle toujours de l’intervention italienne comme imminente. Si elle se produisait, je crois ferment que le hallali de l’Allemagne suivrait de près celui de l’Autriche.

Les Boches assiégés sur une ligne de plus de 2000 kilomètres ne pourront faire face. Ah, quelle curée après l’hallali courant ! Mais hélas, la bête n’est pas à terre.

Le macaroni italien est de plus en plus filant, il semble certain qu’ils s’arment fiévreusement. Alors… J’ai peur de faire u trop beau rêve.

Il me paraît certain que si l’Italie marche avec nous, la Roumanie, la Grèce et la Bulgarie marcheront à leur tour.

Kultur

Chaque jour nous rapproche de quelque ignominie boche. Voilà qu’au Transvaal, ils empoisonnent les puits et s’en vantent.

Le monde entier commence à vomir ces brutes.

Le Lusitania (32000 T), paquebot géant, a été torpillé. Il y a 1537 victimes comprenant exclusivement des non combattants et de nombreux Américains, neutres, femmes, enfants.

du 4 au 9 Mai

- en France -

Rien à signaler.

- en Russie -

Depuis le 1er Mai, une très grande bataille est engagée entre la Vistule et les Karpathes. Les Austro Allemands attaquent. Ils ont réussi à franchir la Dunajeo et à refouler les Russes jusqu’au col de Dukla ( ?). Des deux côtés, les pertes sont très considérables.

Les Austro-Boches cherchent la grande victoire pour impressionner l’Italie. Mais l’action continue très violente et la résistance russe est admirable.

- en Italie -

Son intervention serait certaine, car l’Autriche ne peut sans suicide consentir la cession du Iruntin – Trieste – Pola …

Tonquebec m’écrit que l’intervention italienne est réglée pour une date déterminée et suivant un plan d’opérations fixé avec la Triple-Entente ??

Libau

Les Allemands ont occupé Libau, ce qui évidemment déplorable. Enfin, il paraît que cela n’a aucune importance au point de vue militaire. Les habitants de cette province pillée et ravagée doivent au moins au moins regretter l’impuissance de l’armée russe à les protéger.

Libau est un port important à plus de 100 kilomètres de la frontière – port militaire – arsenal – dont l’établissement a coûté 440 millions à la Russie.

Braves Russes, ils ne sont pas de taille contre les Boches.

Le témoin oculaire anglais rapporte les effets terribles des gaz asphyxiants. Il cite le cas d’un officier boche auquel les Canadiens avaient fait quartier malgré leur légitime exaspération. Comme le prisonnier passait auprès d’un groupe anglais en proie aux plus atroces souffrances il éclate de rire en disant : « Et bien, que pensez-vous de cela ? »

du 9 au 16 Mai

- en France -

Le 9, nous prenons une vive offensive dans la région au nord d’Arras entre Ecurie et Aix Noulotte.

Cette fois c’est l’attaque avec de grandes forces et après une préparation d’artillerie intense. Depuis la Marne, c’est la plus importante action.

L’attaque a été parfaitement organisée et préparée. Elle est menée avec un  héroïsme splendide par nos soldats.

Après une semaine de combats, nous avons pris de haute lutte les villages d’Ablin, La Targette, Neuville, Carency. Ce dernier point, vraie forteresse défendue par 5000 hommes, hérissée de mitrailleuses, a été le théâtre de combats acharnés et où nous avons fait 1050 prisonniers.

Le total de nos prises pendant ces six jours a été de 5000 prisonniers, 100 officiers, 20 canons dont hit pièces lourdes, 100 mitrailleuses et lance bombes.

Le tonnerre de notre artillerie était si intense que nous avons crié, selon l’expression de Barrès, un véritable tremblement de terre artificiel.

Le terrain conquis avait organisé de telle façon que les Allemands le considéraient comme imprenable ; c’était un dédale de tranchées, de boyaux, de cavernes blindées. Cette action montre a possibilité d’écraser et de prendre de telles défenses ; elle prouve que notre commandement est remarquable et que nos soldats sont des héros.

Nous avons gagné 2 à 4 kilomètres sur un front de huit kilomètres. Quel est le résultat pratique et stratégique de cette bataille. Quelles sont les pertes respectives…

A moins que ce terrain ait une grande valeur stratégique, je ne vois pas l’importance de ce saut de puce si nous ne sommes pas en mesure de poursuivre immédiatement notre succès.

Il faut attendre.

- en Russie -

Hélas, nos alliés ont fait en arrière non pas un saut de puce mais un saut de géant. Battus de la Vistule aux Karpathes, ils n’ont pu tenir derrière la Dunajec ; ils ont du reculer d’abord derrière la Wisloka sur la ligne Debica Jased ensuite derrière la Wislok, enfin derrière le San où ils se reforment et se renforcent. Par contre coup, ils ont du abandonner tout le terrain récemment conquis dans les Karpathes, c’est à dire les cols de Dukla et de Lupkov.

L’invasion de la Hongrie est renvoyée à une date… ultérieure…

Je me demande comment cette nouvelle ligne sur le San se raccorde avec celle de la Nida.

Toutefois, ces derniers jours, les Russes semblent prendre une offensive victorieuse vers Czernovitz et Koloméa.

- aux Dardanelles -

Un cuirassé anglais coulé, le Goliath.

Dans la péninsule, nous occupons quelques 5 ou 6 kilomètres à l’extrémité et nos progrès me paraissent bien lents, si toutefois, ils existent. J’aurais pensé qu’avec le puissant flanquement des bâtiments sur la mer, l’avance de nos troupes aurait été  irrésistible. Il n’en est rien jusqu’à présent.

- en Italie -

L’inévitable contre coup de la défaite russe est le flanchement de l’Italie. Le cabinet Salandra est démissionnaire. Mais il paraît que la Triplice a été dénoncé le 4 Mai, le parti interventionniste est très puissant. Rien donc de décisif, mais nous ne pouvons plus tarder à être fixé.

du 17 au 26 Mai

- en France -

Hélas, la trouée na pas été faite. Nous avons complété la conquête de N. Dame de Lorette, enlevé ça et là des tranchées, repoussé des contre attaques.

Jean nous écrit que plus près d’Arras nous avions aussi attaqué ; nos pertes ont été très élevées et nous n’avons pas gagné un pas.

Je ne vois pas que ces combats héroïques et coûteux aient modifié d’une façon appréciable la situation.

- en Russie -

Les Russes ont subi une lourde défaite, perdant d’un seul coup tout le terrain gagné en 6 mois d’efforts. Les Austro Allemands sont partis de Cracovie avec 35 corps d’armée, plus d’un million d’hommes.

Les Russes ont du abandonner leur ligne de la Nida et de Kielce pour se raccorder avec le reste de leur front derrière le San. Il semble que Prelsyl est encore entre leurs mains et que l’offensive allemande est enfin contenue.

- en Italie -

L’Italie a déclaré la guerre à l’Autriche le 24 Mai ; à mon avis c’est le glas de l’Allemagne. Il ne lui reste pas la plus petite chance de vaincre.

Le seul fait de cet acte de l’Italie indique son absolue confiance, certitude dans notre succès. Sans quoi, certes, elle ne se jetterait pas dans l’horrible fournaise.

- aux Dardanelles -

Nous progressons mais aucune indication ne nous permet d’apprécier cette progression sur une carte.

grave nouvelle

Le Triumph, cuirassé anglais, vient d’être coulé par un sous-marin, très grave nouvelle. Ceci confirme que plusieurs grands sous-marins allemands ont bine réussi à gagner la Méditerranée par Gibraltar.

S’il en est ainsi, d’autres désastres sont à redouter et la tâche des escadres alliés me paraît bien difficile.

la marine

L’ennemi le plus redoutable du sous-marin est le petit bâtiment rapide. Nous avons des contre torpilleurs mais nous n’avons pas de bâtiments légers et rapides, des scouts de 2 à 400 tonnes qui de révèlent très utiles et indispensables.

Notre marine souffre cruellement du manque de ces unités légères dont on ne saurait avoir un trop grand nombre. Elle est obligé de les remplacer très imparfaitement par des croiseurs, très fâcheux de toute façon.

Cette guerre montre aussi l’importance de la vitesse, inutile de parler du rôle immense de l’engin sous-marin sous toutes ses formes si variées.

Mais, malgré tout, il demeure acquis que le plus puissante flotte donne seule la maîtrise des mers.

Mais la multiplication des sous-marins, la création du croiseur sous-marin est appelée à modifier profondément la guerre navale. L’Angleterre périra si elle ne trouve le contre sous-marin.

27 Mai

- en France -

Hélas, la trouée na pas été faite. Nous avons complété la conquête de N. Dame de Lorette, enlevé ça et là des tranchées, repoussé des contre attaques.

Jean nous écrit que plus près d’Arras nous avions aussi attaqué ; nos pertes ont été très élevées et nous n’avons pas gagné un pas.

Je ne vois pas que ces combats héroïques et coûteux aient modifié d’une façon appréciable la situation.

- en Russie -

Les Russes ont subi une lourde défaite, perdant d’un seul coup tout le terrain gagné en 6 mois d’efforts. Les Austro Allemands sont partis de Cracovie avec 35 corps d’armée, plus d’un million d’hommes.

Les Russes ont du abandonner leur ligne de la Nida et de Kielce pour se raccorder avec le reste de leur front derrière le San. Il semble que Prelsyl est encore entre leurs mains et que l’offensive allemande est enfin contenue.

- en Italie -

L’Italie a déclaré la guerre à l’Autriche le 24 Mai ; à mon avis c’est le glas de l’Allemagne. Il ne lui reste pas la plus petite chance de vaincre.

Le seul fait de cet acte de l’Italie indique son absolue confiance, certitude dans notre succès. Sans quoi, certes, elle ne se jetterait pas dans l’horrible fournaise.

- aux Dardanelles -

Nous progressons mais aucune indication ne nous permet d’apprécier cette progression sur une carte.

grave nouvelle

Le Triumph, cuirassé anglais, vient d’être coulé par un sous-marin, très grave nouvelle. Ceci confirme que plusieurs grands sous-marins allemands ont bine réussi à gagner la Méditerranée par Gibraltar.

S’il en est ainsi, d’autres désastres sont à redouter et la tâche des escadres alliés me paraît bien difficile.

la marine

L’ennemi le plus redoutable du sous-marin est le petit bâtiment rapide. Nous avons des contre torpilleurs mais nous n’avons pas de bâtiments légers et rapides, des scouts de 2 à 400 tonnes qui de révèlent très utiles et indispensables.

Notre marine souffre cruellement du manque de ces unités légères dont on ne saurait avoir un trop grand nombre. Elle est obligé de les remplacer très imparfaitement par des croiseurs, très fâcheux de toute façon.

Cette guerre montre aussi l’importance de la vitesse, inutile de parler du rôle immense de l’engin sous-marin sous toutes ses formes si variées.

Mais, malgré tout, il demeure acquis que le plus puissante flotte donne seule la maîtrise des mers.

Mais la multiplication des sous-marins, la création du croiseur sous-marin est appelée à modifier profondément la guerre navale. L’Angleterre périra si elle ne trouve le contre sous-marin.

Citation à l'ordre du jour d'Amédée de Marsac

Ordre de la Brigade, Tandeau de Marsac, capitaine. «  Pendant les six premiers mois de la campagne de l’Yser, durant lesquels le régiment a été constamment au contact de l’ennemi, n’a cessé de donner l’exemple de l’abnégation, du sentiment du devoir et du plus brillant courage. Blessé comme lieutenant est revenu au front et a été promu capitaine. »

(coupure de journal)

extrait d’une lettre de Paul

« Hier, toute l’armée était en fête à cause de la déclaration de guerre de l’Italie.

« L’ordre était arrivé à la division de faire à 16 h tirer par toutes les pièces du front un certain nombre de coups de salves joyeuses, puis les soldats des tranchées avaient poussé des acclamations en l’honneur de l’Italie et crier des sottises aux Boches, ensuite les musiques devaient jouer le plus près possible des lignes enfin la sérénade devait se terminer par de nouveaux coups de canon.

« Tout ce programme a été exécuté et les Boches ont du être bien renseignés. Pour en avoir la certitude, on avait fait lancer, par des avions, des tas de proclamations sur les lignes boches. Si bien que toute la nuit suivante on a entendu des cris et des discussions dans les tranchées ennemies.

« Voilà comment les poilus s’amusent. Il est certain que le déclenchement de l’Italie a produit un effet moral excellent sur tout le monde… »

du 27 Mai au 4 Juin

- en France -

Violents combats d’artillerie au nord d’Arras. Il semble sans grand résultat.

Il est certain que d’importantes forces de cavaleries, de nombreux groupes d’auto mitrailleuses étaient rassemblés derrière Arras le 9 Mai. Ceci semblait indiquer qu’on avait l’espoir de faire une trouée. S’il en était ainsi, nous avons nettement échoué. J’écris ici timidement qu’avec nos admirables soldats et les brillants résultats obtenus par eux les 9 et 10 Mai, je crois que des résultats splendides auraient pu être obtenus si nous avions eu à la place de Joffre le Temporisateur un chef qui aurait osé pousser résolument de l’avant avec des forces considérables.

Car les 9 et 10 Mai l’ennemi a été surpris et ses défenses bouleversées sur une notable étendue de front.

Mais il est clair que l’instant favorable n’a duré qu’un éclair. Il semble que nous ayons engagé pour ce grand effort trois corps d’armée tout au plus. C’est fort peu.

Il n’y a aucun point de comparaison entre l’attaque à la Joffre qui engage 3 corps et prend 3 villages et demi en 20 jours, et l’attaque austro allemande qui fonce avec 35 corps et fait reculer les Russes de plus de 100 kilomètres en 20 jours.

On nous raconte que dans ces combats acharnés dont le prix est un groupe de maisons ou une progression de 100 mètres nous perdons peu de monde et les Boches beaucoup, j’ai peine à le croire. Ce qui est certain c’est que l’importance de ces progressions de jeune puce paraît stratégiquement nulle quoique nos communiqués nous tambourinent le contraire. Et combien de centaines de mille hommes sont-ils tombés ainsi depuis le 15 Décembre dans ces petites attaques stériles. N’y a-t-il pas là de vraies erreurs de commandement. L’histoire nous le dira.

On raconte que le 17ème corps (Toulouse) ou du moins quelques unes de ses fractions ont refusé de sortir des tranchées.

On raconte que 173 canons de 75 ont éclaté par suite de malfaçon d’obus dont plusieurs millions auraient du être condamnés.

L’histoire du 17ème corps est particulièrement navrante, elle semble très sérieuse. Jean nous en parle (« fractions du 17ème » petites fractions, j’espère !). J’espère qu’on en aura fusillé un bon nombre ; voilà les lecteurs de la dépêche de Toulouse, l’ignoble feuille qui aujourd’hui encore prétend que le vrai péril n’est pas le péril boche mais le péril noir.

Et il faut que nos braves gens des corps de l’Ouest aillent se faire tuer à la place des canailles toulousaines qui nous persécuteront aussitôt la guerre finie.

Et dire que nous n’avons pas le moindre espoir de voir Toulouse bombardé. Comme les fameuses forces génératrices de la guerre trouveraient là à s’employer sous les formes les plus sanglantes et les plus brutales, avec avantage ! Le fer rouge pour les lâches.

Mais quoiqu’il en soit, l’Allemagne est condamnée. Il lui faut défendre 3 fronts, en tout 2600 kilomètres. Pour cela, un minimum de 520 000 soldats est nécessaire (2 par mètres). Par l’usure, nous arriverions à la vaincre, mais ce serait long. Mais je reste convaincu que l’un au moins des 3 fronts pourra être forcé, ce qui entraînera la débâcle.

Mais combien de douloureux sacrifices avant la victoire finale. Quelle angoisse perpétuelle, chaque jour, chaque heure du jour peut apporter une terrible nouvelle. Combien de fois, ai-je tremblé en entendant une voix étrangère sous mes fenêtres, m’imaginant que c’était quelque porteur de dépêche, croyant entendre des sanglots alors qu’il n’y avait rien.

- en Russie -

Les Austro-Allemands continuent leur furieuse offensive ; on nous donne des chiffres fantastiques sur la façon dont ils prodiguent les munitions, tirant avec 1500 pièces jusqu’à 70000 obus en une après-midi. Ah ! la fable ridicule du manque de munitions. Ce sont les Russes qui en manquent. Ils luttent héroïquement, ils ont même remporté un sérieux succès sur le San inférieur ; mais, partout ailleurs en Galicie, ils sont en mauvaise posture. Si cela continue, les Austro-Allemands auront chassé de leur territoire le dernier soldat ennemi.

- en Italie -

Heureux débuts. Partout sur la frontière, les Italiens se sont avancés, occupant des points d’appui importants. Mais aucune grande action bien entendu.

- aux Dardanelles -

Rien de nouveau. Espérons dans l’avenir, mais reconnaissons que, jusqu’ici, cette expédition ruineuse en hommes, en matériel, en argent n’a encore rien donné.

5 Juin

communiqué français

Nous avons pris un cabaret fortifié à l’ouest de Souchez. Incompréhensible. L’intense préparation et la surprise ne nous ont pas permis de passer le 10 mai. Comment réussirions-nous maintenant que l’ennemi a concentré tous ses efforts.

communiqué russe

Les Russes ont évacué Promsyl et sur le Strjy reculent devant des forces considérables.

Le colonel Rousset écrit à ce sujet après avoir avec raison vanté l’héroïsme russe : « Ce n’est point une raison cependant pour que nous assistions impassibles à ce débat tragique et l’on serait vraiment heureux d’apprendre que par un acte de volonté et d’énergie, nous essayons au moins de dégager nos alliés serrés de si près. »

Ah, combien je souscris pleinement à ces lignes qui en disent très long.

Car, des remarquables journées des 9 et 10 Mai, se dégage pour moi une presque certitude que nous aurions pu passer. Ce qui aurait été possible peut l’être demain sur un autre point. Notre artillerie a affirmé sa toute puissance.

munitions

La question de l’artillerie lourde et des munitions se révèle chaque jour plus capitale, plus vitale.

L’ingénieur, l’ouvrier qui travaillent aux explosifs, aux obus sont utiles au premier chef autant que l’officier et le soldat.

La guerre nous coûte aujourd’hui plus d’un milliard et demi par mois mais sans parler des hommes. C’est dire la véritable économie qu’il y aurait qu’il y aurait à engager des milliards à la construction du matériel qui seul permettra d’abréger la guerre.

La défaite des Russes est due avant tout au manque de munitions. Mais ce qui est tout à fait déconcertant, c’est la quantité prodigieuse de munitions dont les Allemands semblent disposer de nouveau. D’après les communiqués, sur les deux fronts, c’est une véritable pluie d’obus.

L’industrie allemande savamment et pratiquement organisée fait des miracles.

L’effort allemand est de toute façon inouï ; mais trop surhumain pour qu’il puisse durer. Il y a vraiment du génie chez ces bandits.

Mais le recul des Russes ne permettrait plus d’espérer la fin de la guerre avant l’automne si nous n’avions pas l’intervention italienne.

certitude de victoire

L’Italie a parié pour nous. L’enjeu est sa peau et son avenir. C’est donc qu’en parfaite connaissance de cause qu’elle a jugé que les alliés sont surs de vaincre.

Mais comment, à quels prix. Oh, quelles visions d’épouvante.

volonté de vaincre

Et pourtant il faut que l’Allemagne touche des deux épaules. Et nous n’y sommes pas.

Quelle guerre ! La science nus aura conduit à l’apogée de la barbarie. Je ne peux plus, sans éclater de rire, lire ce mot : « la civilisation ».

Jean

Depuis le 9 Mai, au nord d’Arras, dans la région – Blangy – Ecurie – Roclincourt. Je ne crois pas que sa compagnie ait encore pris part à une attaque ; mais, à plusieurs reprises, il s’est trouvé avec ses hommes massés dans les boyaux, attendant l’ordre d’attaque. Quelle tension nerveuse ! Il s’est trouvé dans des secteurs furieusement bombardés, mais ne subissant pas de pertes sensibles (dit-il). Depuis le 1er Juin, je suis plus anxieux de lui, craignant qu’il ne soit engagé dans des combats acharnés et sanglants que nous livrons pour la conquête du labyrinthe.

du 6 au 14 Juin

Au nord d’Arras, nous avons achevé la conquête du village de Neuville et fait un nouveau saut de puce dans le labyrinthe. Nous avons réussi deux coups de main sur Hebuterne (22 kilomètres, sud d’Arras) et près de Tracy le Val (nord de Compiègne)

Il est cependant très évident que les Allemands, pour mener conte les Russes leur formidable offensive, ont beaucoup dégarni leur front contre nous et s’y tiennent sur une stricte défensive.

Nous sommes dans des conditions les plus favorables pour réussir une offensive, cette fameuse offensive du printemps. D’autre part, un effort sur notre front paraîtrait tellement indiqué pour diminuer la pression allemande contre les Russes !

Je veux avoir la plus absolue confiance dans notre commandement. Donc si nous ne prenons pas l’offensive, c’est que, même dans les conditions actuelles si favorables, nous aurions toute chance d’échouer. C’est impuissance de notre part.

On semble d’ailleurs s’en rendre compte. Les alliés auront la victoire ; mais, pour l’écrasement de la puissante Allemagne, ils n’auront pas trop de la mise en action de toutes leurs forces. On s’aperçoit que l’Allemagne ne manque de rien et que ses forces, soi disant décroissantes, sont au contraire en voie d’accroissement matériel formidable. Toutes les usines allemandes font des canons et es obus, sans compter celles de Pologne, de Belgique et du nord de la France. Fini les blagues du pain KK, du manque de munitions, de cuivre…

Il faut que les alliés donnent tout ce qu’ils peuvent donner.

victoire certaine si nous savons vouloir

La victoire est à ce prix mais si nous savons « vouloir vaincre ». On s’aperçoit que cet effort maximum industriel n’est pas donné principalement en Angleterre.

L’effroyable guerre est loin d’être à son apogée. L’Allemagne est une immense usine de guerre, elle a encore au moins six millions d’hommes valides. Sa puissance vraiment infernale déroute l’imagination.

Il faut s’attendre à des jours très durs, et, quant aux suites de l’effroyable cataclysme, elles sont en toute chose impossibles à prévoir.

La plus grande partie des classes 15 et 16, les réformés sont au front. Les territoriaux et la réserve de la territoriale ne tarderont pas à être appelés à remplacer les vides.

- en Russie -

Les Russes semblent se ressaisir. Ils ont repoussé, avec grandes pertes, une importante force allemande qui avait passé le Dniester à Zurawno (sud de Lemberg) et qui a été refoulée sur la rive droite. Mais de nouvelles troupes allemandes ont franchi le Dniester à Zaleszesiki, au nord de Czernovitz.

- en Italie -

Les troupes italiennes continuent heureusement les combats d’avant gardes et ont franchi l’Ironzo en plusieurs points, occupant Montfalcone.

- aux Dardanelles -

Aucun changement.

la fin de la guerre

Nos offensives, d’ailleurs peu nombreuses et de petite envergure, ne semblent pas modifier la situation d’une façon sensible. Nous ne sommes pas capables d’arracher la victoire de vive force. Les Russes se font battre. Les Anglais, après onze mois de guerre, commencent seulement à comprendre la nécessité d’une production intense de munitions.

Dans ces conditions, on pourra s’estimer très heureux si la guerre se termine à la fin de l’automne, voir même en Décembre 1915. Mais pour bien apprécier les évènements que d’éléments nous manquent.

?   Quelle est la situation financière de la Russie, avec ses débouchés extérieurs presque coupés.

?    Quelle est la situation exacte en Allemagne et en Autriche ? J’ai peine à croire que tout y aille très bien !!

      Il semble certain que les pays scandinaves, la Hollande, la Roumanie ravitaillent les empires du centre. La Hollande ferait 250 millions de bénéfices par mois.

?    Même la Suisse : sous le nom de pommes de terre pour semence, nous aurions laissé passer assez de cette tubercule pour nourrir la Suisse pendant deux ans…

      A l’heure actuelle, en France, l’augmentation de prix sur l’ensemble des produits alimentaires dépasse 20%. Elle atteint 35% en Angleterre. Et nous communiquons librement avec le monde entier. Qu’est-ce que cela peut-être en Allemagne ??

      Les dépenses prévues pour le 3ème trimestre en France atteignent 1 milliard 870 millions par mois. Rien que pour cette raison financière, est-il possible d’admettre que la guerre puisse durer au-delà de 1915. Noir et sanglant mystère.

Ce qu’écrit Leroy Beaulieu dans l’Economiste au sujet de ces « variétés d’innocents » (qu’on appelle pacifistes)

 « C’est aux pacifistes anglais et français, à leur pression sur la prévoyance nationale qu’ils ont endormie, que l’on devra, dans cette guerre, un surcroît de morts d’au moins 1 million d’hommes, un surcroît de mutilés d’un autre million et un surcroît de dépenses de 40 à 50 milliards. »

(coupure de journal)

Socialistes

Inutile de dire que nos socialistes qui, avant la guerre se sont lourdement trompés, ont montré une telle incompréhension de la situation européenne, continuent à se poser en grands patriotes très éclairés. Ont-ils assez dupé, berné le peuple et ces centaines de milliers de prolétaires qui sont tués, blessés, prisonniers, par suite de leurs ineptes idées à eux, les meneurs.

Mais j’oublie que c’est parmi ces malfaiteurs nationaux que sont en grande partie recrutés nos ministres dit de la Défense nationale.

Œil pour Œil, Dent pour Dent

Nous avons nous aussi aspergé de liquide enflammée une tranchée allemande. Vingt quatre de nos avions ont bombardé Karlsruhe, ville ouverte. On prétend que nos chimiste ont trouvé une réplique terrifiante aux gaz asphyxiants…

Guerre atroce, sans nom, sans précédent. Les corps à corps des tranchées, les mines, les grenades dépassent en horreur les plus féroces combats de jadis où s’employaient le feu grégeois et le plomb fondu.

Situation au 18 Juin

Le plan allemand, défensif à l’ouest, offensif à l’est, semble se dérouler conformément aux espoirs de nos ennemis.

- en Russie -

Les Russes, malgré leurs efforts héroïques, semblent bien dominés par leur puissant ennemi. Ils sont en très mauvaise posture à leurs deux ailes extrêmes en Courlande et en Bucovine. De plus sur la rive droite du San et à l’est de Premsyl, ils sont très fortement pressés. Il est hélas un peu à craindre que les armées russes ne puissent rester liées entre elles. Rien de pareil n’est encore arrivé mais déjà le sort de la Galicie est bien compromis. Si les Russes perdent Limburg, sur quelles lignes se retireront-ils ; ne seront-ils pas obligés d’abandonner la Pologne et Varsovie qui, chaque jour davantage, forme un saillant plus avancé dans leur front.

- en France -

Il est clair qu’une violente offensive de notre part serait le plus efficace moyen de diminuer la pression sur les Russes, mais contre nous le plan allemand – défensif – semble aussi réussir. Nous avons bien remporté quelques succès au nord d’Arras, mais combien peu décisifs. Quant aux Anglais, calme plat de leur côté.

Toutefois, notre communiqué depuis ce matin nous apprend que la lutte au nord d’Arras a pris une grande extension. Sur le front Noulette - Neuville notre artillerie a tiré 300000 obus le 16 après quoi notre héroïque infanterie a gagné du terrain. Dans la nuit du 16 au 17 et le 17, nous avons repoussé la contre attaque allemande menée par onze divisions.

Les combats commencés le 9 Mai vont-ils devenir une grande bataille. Mais cette grande attaque du front contre un ennemi prévenu semble singulière.

Enfin, ce qui est d’extrême urgence, c’est d’aider les Russes.

Qu’il est désolant et pitoyable que les Anglais, dont l’industrie a dix fois la puissance de la notre, ne puissent eux aussi déverser sur la tête des Boches des averses de 300000 obus.

J’écrivais (en Avril) que nous aurions au printemps une grande supériorité de munitions. Mon ferme espoir dans une victoire rapide (Août) reposait sur cette conviction. Je croyais que l’Angleterre, comme l’Allemagne, était une usine de guerre. Mais il n’en était rien c’est le très petit nombre d’usines anglaises qui travaillent pour la guerre. Il semble que le ministre des munitions LLoyd Georges va changer cela. Mais ce retard à comprendre de l’Angleterre nous coûtera cher.

- en Italie -

Là aussi, des tranchées, mais la pression italienne va croissant, rien que de favorable de ce côté.

Pour les nations, comme pour les hommes, la vie ne vaut que si elle permet de s’affirmer dans la plénitude de sa personnalité. C’est la question d’être ou de ne pas être qui se trouve posée dans toute sa tragique grandeur pour tous les peuples qu’allie la guerre déchaînée par l’Allemagne comme suprême moyen de réaliser son rêne de domination universelle. Comment pourrait-on supposer que nous ayons une défaillance devant un tel devoir et que nous puissions hésiter un instant à l’accomplir jusqu’au bout, fut-ce au prix de la dernière larme de nos yeux et du dernier battement de notre cœur ?

La nation ne cèdera jamais à la lassitude parce qu’elle veut vivre et qu’elle sait qu’elle ne peut vivre que par la victoire.

(coupure du journal du « Temps »)

Le "Temps" pose nettement la question et très exactement. Il s’agit pour la France et l’Angleterre « d’être ou de ne plus être ».

Pertes anglaises au 30 Mai

Officiels

Tués

Blessés

Disparus

Officiers

3 327

6 498

1 130

Soldats

47 013

147 482

52 617

Total

50 342

153 980

53 747

Total général

258 069

Il est clair que le chiffre des disparus comprend bien des morts. Le chiffre de 50000 morts est donc bien un minimum.

Assurément en moyenne depuis le début de la guerre, les effectifs français ont été au moins dix fois supérieurs aux effectifs anglais. En admettant cette proportion nous arrivons pour nous à 500000 morts et 1500000 blessés. Ces chiffres, sans doue exagérés pour nous fin Mai, ne le sont peut-être plus fin Juin.

Que seront nos pertes à la fin de cette guerre qui, chaque jour davantage, s’affirme guerre d’usure.

Que seront les pertes européennes.

Optimistes

On use et on abuse des mots optimistes et pessimistes. Il semble que, de toute nécessité, il faut être l’un ou l’autre. J’ai dit (au début de ce cahier) ce que je pensais de l’excès d’optimisme que la presse a propagé depuis six mois. Je n’ai pas changé d’avis, bien au contraire. Il y a deux optimistes. Celui qui croit fermement à la victoire, mais qui a la pleine conscience des difficultés à surmonter. Je suis de ceux là depuis l’heure de la mobilisation ; pour moi, la victoire est sûre sous réserve qu’en complète union les alliés donneront l’effort maximum. Mon optimisme qui réclame cet effort maximum est donc régénérateur de force.

Mais il y a l’optimiste béat qui croit au succès en véritable hurluberlu et qui vous traite de pessimiste et volontiers de mauvais patriote si vous émettez le moindre doute sur ses affirmations. Par exemple : les Allemands n’ont plus de cuivre, plus de munitions, plus d’argent, ils meurent de faim. Les soldats allemands sont démoralisés, lâches ; ils ne se battent que par crainte du revolver de l’officier… et mille autres stupidités. De plus, il faut accueillir avec le même sourire les bonnes et les mauvaises nouvelles. Les Russes avancent-ils ? c’est parfait. Reculent-ils ? c’est parfait encore sinon mieux…

A mon avis, ce dernier genre d’optimisme est ridicule et absolument néfaste, c’est d’ailleurs le plus facile et le plus agréable, on s’endort, on endort les autres avec ces rêves absurdes. Les réalités se chargeront de réveiller durement ce genre d’optimistes béats. Il est dangereux d’entretenir la confiance populaire par la propagation d’absurdités et de contre vérités, car le jour d’un échec sérieux (toujours possible) que dire alors à l’opinion.

Depuis 8 mois, la presse nous a répété que nous enfoncerions le front allemand quand nous voudrions à l’endroit qu’il nous plairait. En fait, nous n’enfonçons rien du tout, malgré de très favorables circonstances. Le public français s’en émeut d’autant plus qu’on lui avait présenté la réussite comme certaine contre un ennemi soi disant entamé et diminué de toutes façons.

du 19 au 23 Juin

- en France -

La lutte continue au nord d’Arras. Les Allemands sont en grandes forces devant nous. Nos progrès vers Souchez sont arrêtés.

Cette bataille de six semaines a des alternatives de violence. Nos troupes continuent héroïquement leurs attaques frontales contre un ennemi abrité dans des retranchements formidables et de plus surabondamment prévenu et renforcé en hommes et artillerie.

Nous avons gagné du terrain, mais il ne semble pas que la situation soit modifiée.

Et quelles sont les pertes relatives, toujours le grand inconnu. Nous avons fait d’heureuses attaques à l’est de Lunéville et en Alsace sur les bords de la Fesch vers Munster.

- en Russie -

Les Russes tiennent bon sur le Dniester, mais l’armée Mackensen semble progresser chaque jour plus vite vers la région nord de Lemberg. Elle a occupé Grodeck et Ranva Ruska.

L’évacuation de Lemberg n’est hélas plus douteuse. Quant au front russe, entre Lemberg et le San moyen, je ne sas trop où il peut être.

Il est bien à craindre qu’un recul général des lignes russes ne soit imminent. Quelque pénible qu’il soit, il est clair que la force russe réside dans son armée ; tant que cette armée n’est pas vaincue, elle reste menaçante.

Si les Russes manquent de munitions, ils ont mille fois raison de céder du terrain plutôt que d’engager dans de mauvaises conditions une bataille décisive.

Mais qu’il est pénible de voir s’affirmer encore la supériorité allemande après onze mois de guerre.

Hélas il ne subsiste plus qu’un bien faible espoir de vaincre l’Allemagne autrement que par l’usure. Et par usure il faut entendre la mort et l’infirmité pour plusieurs millions d’hommes.

la France

Soyons fiers. Le soldat français s’affirme de nouveau le premier du monde. Malgré une forte infériorité numérique, malgré un matériel inférieur, malgré une préparation et une organisation laissant beaucoup à désirer, nous tenons tête aux Allemands, nous les avons nettement vaincus en bataille rangée.

conditions de victoire

D’abord une héroïque infanterie. Nous l’avons.

Ensuite de très nombreuses batteries lourdes ayant à leur disposition un nombre illimité d’obus à explosifs puissants. Nous n’en avons pas encore assez.

Il faut encore des chefs et, avant tout, un grand chef.

On peut trouver étrange et critiquer les opérations militaires qui ont conduit à la défaite de Charleroi. La dessus, les responsabilités sont mal connues. Mais il est certain que l’ensemble des mesures stratégiques qui nous permit de reprendre l’offensive de la Marne est absolument géniale. Le mot n’est pas trop fort. Cette retraite suivie de la victoire est peut-être le plus remarquable événement militaire qu’ait connu le monde. L’invasion torrentielle de plus d’un million d’Allemands créait pour la France un effrayant péril. Joffre a su le conjurer, il a arrêté net le torrent e l’a fait reculer en arrière. Nous étions moins nombreux, moins bien armés et nous avons vaincu la plus formidable armée qui ait existé.

Le chef et les soldats ont été dignes les uns des autres. Et il est certain que c’est bien Joffre qui a conçu, préparé et réalisé cette miraculeuse victoire avec l’aide de Dieu. Nous avons donc un chef en qui nous pouvons et devons avoir pleine confiance.

24 Juin

Jean

Jean nous écrit les terribles combats des 16 et 17 Juin auxquels le 2ème a pris part. Par bonheur, son bataillon, le 2ème, n’a pas pris part à l’attaque des tranchées allemandes ; mais il a été quand même très exposé ; sa compagnie a perdu sous le bombardement 16 tués et 10 blessés.

Son régiment, écrit-il, a attaqué avec un entrain splendide ; ils ont enlevé la première tranchée et combattu longtemps dans la deuxième à coups de grenade ; mais, insuffisamment ravitaillés en grenades et pétards, ils ont été forcés de se replier.

Le régiment a perdu 1200 hommes. Les pertes ont été surtout supportées par le 1er et le 3ème bataillon, des compagnies ont été réduites à cinquante hommes. Vingt sept officiers manquant dont un fou furieux.

Jean nous parle de cet affreux combat, une horrible boucherie…

Ah, c’est atroce de penser à ces braves, à tant de vaillance.

La preuve n’est-elle pas faite que l’attaque de front des tranchées est impossible à moins qu’elle n’ait été préparée par un déluge d’obus explosifs de gros calibre. Ceux là seuls peuvent bouleverser les formidables tranchées allemandes. A noter aussi l’extrême importance du facteur surprise ; c’est pour beaucoup grâce à la surprise que nous avons obtenu nos plus beaux succès des 9 et 10 Mai au nord d’Arras.

Saint Père

Le monde catholique des états alliés est très péniblement impressionné par un interview accordé par le St Père à un journaliste français, Latapie de la "Liberté". Le pape a déclaré notamment au sujet des atrocités boches que, sur tous les cas cités, l’Allemagne avait fourni des explications…

Le Saint Père a affirmé une fois de plus que le Vatican n’était pas un tribunal, qu’il était le père de tous les fidèles, qu’il est neutre absolument.

Mais il semble précisément que par cet interview… au moins inutile… le St Père sort de la neutralité. En effet, ces déclarations ont eu comme résultat d’attrister profondément les catholiques alliés et de ravir les Allemands. Quant à la déplorable impression produite chez les ennemis de l’Eglise, inutile d’en parler… Navrant…

Jean

Dans sa lette, Jean déplore l’insuffisance de ns batteries lourdes et aussi l’excès d’optimisme de notre presse.

J’ai assez écrit dans mon journal ce que j’en pensais.

Situation au 28 Juin

- en France -

L’initiative des opérations semble passer aux Allemands. Nous avons reperdu quelques parcelles de terrain au nord d’Arras. Notre offensive a échoué, nous n’avons pas atteint les résultats cherchés. Le nier serait enfantin. C’est en fin de compte un échec français et un succès allemand. Reprendrons-nous l’affaire ? Je l’espère. Quand ? Je n’en sais rien.

- en Russie -

C’est mauvais. Les Allemands ont occupés Lemberg et attaquent au sud-est de cette ville. S’ils progressent, les Russes qui tiennent encore sur le Dniester vont se trouver, me semble-t-il, dans une situation fort dangereuse. Nos alliés luttent pied à pied, mais leur recul est incessant.

La position au front russe est loin d’être nette.

Si nos alliés doivent abandonner la Galicie, pourront-ils conserver Varsovie ?

Enfin l’essentiel est que la force russe, c’est à dire l’armée russe, ne supporte pas de coups trop graves. Il est triste de constater que nous sommes impuissants de notre côté.

Jamais l’avenir n’est apparu sous un jour aussi tragique et aussi enveloppé de mystères.

La partie qui se joue en Russie est très sérieuse.

Qu’adviendrait-il si les Allemands victorieux pouvaient transporter sur notre front quelques vingt corps d’armée et un millier de canons.

Ils ont de très nombreuses batteries lourdes, ils sont plus à même que nous d’envoyer des déluges de gros obus.

Pourraient-ils percer notre front, je ne le crois pas, quoique ce soit peut-être possible en sacrifiant cent ou deux cent mille hommes.

Je pense que les fortifications de notre front sont aussi imposantes que celles qu’ils nous opposent. C’est indispensable.

la fin de la guerre

Un des plus curieux phénomène de cette grande guerre est le fait qu’après onze mois, la confiance entière dans la victoire existe au même degré chez les deux belligérants.

Il devient, dans ces conditions, complètement impossible de prévoir une date pour la fin du cataclysme.

Depuis onze mois, on a, des deux côtés, travaillé activement. Des deux côtés, malgré les pertes, la puissance en matériel et en hommes s’est accrue (nouveaux corps formés).

Sur ce point, ma désillusion est cruelle et tous mes espoirs sont renversés. En prévision de la guerre, l’Allemagne avait prévu le travail de guerre par la plus grande partie de l’industrie privée. Rien de pareil n’existait en France et en Angleterre. Il est alors aisé de comprendre que l’Allemagne a non seulement maintenu mais augmenté sa grande supériorité matérielle.

Elle a encore la supériorité d’artillerie lourde ; elle lui donne une incontestable supériorité offensive.

Nous avons, sur le front occidental, l’avantage du nombre. Si nous voulons, nous pouvons avec le concours de l’Angleterre et des Etats-Unis construire ces gros canons indispensables à la destruction des ouvrages qui nous barrent le passage.

Hélas, je croyais tellement que tout était fait dans ce but ; enfin il semble cette fois que l’Angleterre a compris ; l’emprunt de 22 milliards qu’elle vient d’ouvrir montre l’énergie de sa résolution. Mais le temps qu’elle a perdu, l’Allemagne l’a utilisé à construire encore plus de ces grands sous-marins dont la menace se fait, chaque jour, sentir davantage. Toutefois je me demande si, par le barrage du Pas de Calais par les bancs de mines, les Anglais n’ont pas réussi à gêner très sérieusement l’action des sous-marins.

En résumé, impossible de sonder l’avenir impénétrable, inextricable. Mille facteurs inconnus nous échappent. Il n’y a pas de mots pour désigner l’épouvantable cataclysme qui ébranle l’Europe et qui semble hélas loin d’avoir atteint son paroxysme. C’est dire les horreurs à prévoir sans parler des banqueroutes d’états qui suivront.

Cet avenir de sang et de ruine semble inévitable car la paix prématurée semble impossible.

Mais la victoire des alliés est certaine ; s’ils restent unis et s’ils savent vouloir. Nous sommes sûrs de la détermination et de la force de la France et de l’Angleterre. Nous sommes bien moins renseignés sur la Russie, sans avoir toutefois de raison d’en douter.

notre gouvernement

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est très loin de servir ceux qui sont chargés de la Défense nationale. Quel temps précieux doit perdre Millerand à donner des explications à un troupeaux d’ânes, au Parlement veux-je dire. Mais périsse la France plutôt que le contrôle parlementaire.