2 Octobre 1915

Il semble que nous avons donné (le 30) l’assaut à la 2ème ligne, nous avons réussi sur quelques points, mais dans l’ensemble nous avons été durement arrêtés en Champagne. Le temps très mauvais nous est défavorable. Mais il est plus évident que jamais une longue préparation d’artillerie lourde est indispensable pour permettre la progression de l’infanterie. Autrement malgré son héroïsme, on e voie celle-ci à la boucherie.

Tâchons d’attendre au moins avec patience, nous les non combattants, patience et confiance.

Devant Loos e Souchez, les Anglais et les Français défendent les positions conquises mais ne progressent plus depuis trois jours.

C’est 121 canons que nous avons pris en Champagne.

3 Octobre

Temps toujours déplorable, l’observation du tir dot être presque impossible, les transports d’artillerie très difficiles. Rien de nouveau en Artois et en Champagne.

Même si nous devions en rester là, il est prouvé que notre haut commandement a créé une admirable et savante méthode d’attaque. Avec une mise au point encore plus parfaite et un temps plus favorable nous saurons donner d’autres coups de bélier qui disloquerons la forteresse boche.

- aux Balkans -

L’entrée en ligne de la Bulgarie contre nous est imminente. Nous allons débarquer une armée en Salonique et défendre la Macédoine contre les Bulgares. Tout ceci me semble fort mauvais pour nous. C’est plusieurs fois cent mille hommes qui seront nécessaires pour que nous puissions faire œuvre utile. Et les Serbes pourront-ils résister ? Que va faire la Grèce ? Que va devenir l’expédition des Dardanelles ? Et le rôle de l’Italie ?

Seule l’intervention roumaine neutraliserait ce coup terrible. Mais peut-être y a-t-il une grande part de bluff dans cette vraie macédoine balkanique.

gouffres

Combien effrayant et tragique est l’avenir, comment pourra-t-on combler les gouffres qui se creusent en toutes choses.

Les pertes en vie humaine sont déjà immenses ; en évaluant le nombre des morts à quatre millions on doit être en dessous de la vérité. Et il faut admettre un chiffre au moins égal de blessés graves.

Quant au gouffre financier il est effrayant. Nos dépenses dépassent deux milliards par mois. Elles atteindront 31 milliards à la fin de 1915. L’Angleterre qui en plus de sa flotte a une armée à créer et à payer prévoit que ses dépenses atteindront le chiffre phénoménal d’un milliard par semaine.

Il est clair que les états soldent ces dépenses au moyen d’une sorte de crédit illimité qui leur est ouvert par la confiance publique. Et cette confiance demeure pratiquement in ébranlée dans tous les pays belligérants.

De quoi demain sera-t-il fait ! ?

5 Octobre

Le temps reste affreux ce qui est désespérant et va sans doute arrêter le succès que nous pouvions espérer. Les Boches auront pu consolider leurs lignes ébranlées.

Coup de théâtre en Grèce. Venizélos est démissionnaire. Que va-t-il advenir de ce nouveau coup, rude pour les alliés.

8 Octobre

En Champagne nous avons pris la butte de Tahuse ; c’est un beau fait d’armes. Souhaitons qu’il soit suivi d’autres succès plus importants.

Les affaires se brouillent dans les Balkans où le succès de la diplomatie austro-allemande est complet. Pourrons-nous envoyer à temps les centaines de mille hommes nécessaires pour sauver la Serbie. Je le souhaite mais j’en doute fort.. Si la Grèce n’intervient pas je crains que l’héroïque Serbie ne soit écrasée. Dans ce cas ce serait notre échec définitif vers Constantinople.

Souhaitons que notre offensive actuelle obtienne au moins un recul sérieux des lignes allemandes. Sinon l’année 1915 se terminerait bien tristement pour les alliés. Faudra-t-il en venir au service obligatoire en Angleterre et à l’intervention japonaise.

du 8 au 12 Octobre

Une longue et savante préparation, un parfait repérage de l’artillerie ont permis les succès du 25 Septembre. Mais la profondeur des défenses allemandes est si grande que nous n’avons pas obtenu la rupture et le recul du front allemand. Nous avons gagné une bataille, mais le but cherché n’a pas été atteint. Nous restons dans la guerre de siège. Je crains que nous ne soyons pas prêts d’en sortir.

Le général de Castelnau a eu encore un fils tué. Sur cinq, il lui en reste deux dont un prisonnier.

Douloureuses et justes réflexions

« Lequel est le plus malheureux, du général de Castelnau, qui perd trois fils mais qui en a encore deux vivants, ou de M. Louis Barthou, de M. Millevoye, de M. Galli, de M. Ajalbert, de M. Ginisty, de trente autres parisiens auxquels on pense, et qui ont perdu, eux, leur fils unique ? Problème énorme, car de la solution que chaque père de famille française va lui donner mentalement, dépendra, pour une large part, pour toute la part qui n’est pas étroitement économique, l’avenir de notre natalité.

« Lequel offre au malheur la plus large surface ? de l’homme qui a  beaucoup d’enfants ou de l’homme qui en a peu ? Après la grande guerre, quel sera le foyer le plus noir, celui où il manquera trois fils sur cinq, ou celui dont le fils unique aura disparu ? Là, le père et la mère ont été crucifiés trois fois ; ici, ils n’ont reçu qu’un coup de hache. Répondez couples tragiques ! Montrez-nous vos faces en larmes, pour que nous sachions quelle est la douleur la plus désespérée !

« Ah ! n’est-ce pas qu’il n’y a aucun doute, vous le sentez bien ? Celui qui n’avait qu’un seul fils a tout perdu. L’autre peut en pleure deux, trois, quatre ; quand même il ne leur en resterait plus qu’un de vivant, il suffit ! Les cendres de ce foyer ne sont pas glacées, la vie de ce vieux couple garde un sens et un but. Le premier est comme une plante gelée jusque dans sa racine ; le second, malgré ses rameaux coupés, va se refleurir encore.

« Telle est la vérité douloureuse à la fois et radieuse qui s’élève du champ de carnage qui est aussi le champ d’honneur. »

(coupure de journal)

- en Russie -

Aucun changement.

- aux Balkans -

L’armée austro-allemande, commandée par Mackensen, a franchi le Danube, la Save et la Drina. Elle a occupé Belgrade. L’armée serbe résiste héroïquement.

La Serbie et la Bulgarie sont en état de guerre. Celle-ci se dispose à envahir la Serbie à l’est.

La tragédie balkanique qui s’annonce sanglante a été précédée d’une comédie dont le dernier mot n’est pas dit. Les alliés ont voulu contenter tout le monde, mais n’ont pas réussi. Si le premier prix de duplicité et de fourberie revient à la Bulgarie, le prix de comédie revient à la Grèce, pays des Grecs. J’ai peine à croire qu’il n’y ait pas entente entre le Francophile Venizélos et le bochophile Constantin. C’est bien joué jusqu’ici. La Grèce est victime de son roi !! La Quadruple Entente ne peut donc lui en vouloir !!

Mais il est clair que l’héroïque Serbie a déjà fort à faire contre les Austro-Boches. Il faut que nous tenions tête aux Turcs et aux Bulgares.

Il est déplorable que dans la presse française on soit divisé sur la nécessité qu’il y  a d’empêcher à tout prix la jonction des Boches avec les Bulgares et les Turcs. Combien il est plaisant alors de tant parler de notre supériorité au point de vue des effectifs. Si nous avons réellement cette supériorité, il doit nous être facile d’opposer au moins homme à homme à nos ennemis là où il leur plait d’envoyer leurs armées.

Volonté et union sont les conditions sine qua non du triomphe des alliés dan cette lutte suprême pour Etre ou ne pas Etre.

Il est évident que la jonction de tous nos ennemis seraient pour eux un immense avantage. Par suite il est évident qu notre intérêt est d’empêcher cette jonction à tout prix.

Si les alliés ne peuvent pas s’entendre pour une action prompte et puissante, j’avoue que ma certitude dans le succès final sera très ébranlée. Assurément l’Allemagne ne nous écrasera jamais, mais elle nous imposera une paix honorable pour elle et pour nous humiliante et désastreuse.

Si au contraire les alliés affirment leur puissance dans les Balkans, il est très probable qu’ils entraîneront avec eux la Grèce et la Roumanie. Ce serait la ruine de nos adversaires et le commencement de la fin pour le peuple de proie.

13 Octobre

Les Bulgares attaquent la Serbie.

16 Octobre

La Serbie est attaquée à l’Est, au Nord, à l’Ouest. Elle se défend vaillamment, mais la lutte est trop inégale.

La Grèce et la Roumanie proclament leur neutralité !Alors ! Qu’allons-nous faire ? Notre situation actuelle dans les Balkans me semble parfaitement désespérée. Mais en Orient, on peut toujours espérer quand même. Toutefois n’y comptons pas.

vertigineux

La tourmente s’étend et redouble. Le développement actuel de la force allemande dépasse toutes les prévisions. C’est absolument vertigineux. Mais logiquement cela ne doit être et ne peut être que la dernière flamme éclatante que jette un brasier avant de s’écrouler. J’espère que l’avenir justifiera ma pensée. Mais l’union est étroite et l’effort maximum des alliés est plus que jamais nécessaire après notre déplorable diplomatie dans les Balkans.

sous-marins

Nous apprenons très fréquemment maintenant que des sous-marins anglais ont torpillé des vapeurs allemands dans la Baltique. Nous tenons donc la mer de plus en plus. Fait d’une extrême importance.

vie chère

L’union syndicale des restaurateurs a décidé d’augmenter ses prix. Voici un extrait de leur affiche placardée à Paris :

« Pour la chambre syndicale

« Le Comité

« Aperçu des augmentations subies par les restaurants et cafés sur quelques marchandises :

« Viande 25%, salaison 40%, beurre 30%, œufs 80%, légumes secs 50%, poissons 100%, sucre 60%, vin 30%, liqueurs 15%, charbon 90%, porcelaine 40%, verrerie 40%, matériel en général 50%… »

(coupure de journal)

Serbes

Voici la fin du communiqué serbe du 17 octobre :

« La situation devient grave. La prompte arrivée des troupes alliées à Kumanovo et à Vranié s’impose. Le gouvernement, le quartier général et toute la population serbe les attendent avec une impatience toujours grandissante »

Quoi de plus tragique que ce cri d’appel d’un peuple héroïque qui déjà faisant face à un puissant ennemi est poignardé dans le dos par le Bulgare.

Sans une immédiate entrée en ligne de la Grèce ou de la Roumanie il me semble hélas que le sort de la Serbie est presque désespéré. Les alliés ont peut-être une cinquantaine de mille d’hommes pouvant agir en ce moment. Ce n’est pas avant plusieurs semaines qu’ils pourront avoir concentré les grandes forces nécessaires. Et nous ne bous pas du tout assurés qu’ils s’entendent à ce sujet. Attendons les évènements. Tout ou presque dépend de la Grèce et de la Roumanie. Mais il faut ajouter que leur attitude dépend assurément de la puissance que nous allons monter dans les Balkans. Ils ne risqueront rien à coup sur. Ce réalisme est fort compréhensible.

la Presse

Après avoir eu un rôle admirable pendant les premiers mois de la guerre, la presse s’est mise à tromper le public français à tel point qu’il est devenu presque impossible d’apprécier les évènements qui se déroulent.

La censure en est bien un peu responsable. Il faut croire que le moral des Français est considéré comme une chose bien fragile. A mon avis les excès d’enthousiasme de la presse sont absurdes et peuvent avoir un jour ou l’autre les plus fâcheux effets.

L’Allemagne occupe en ce moment après 15 mois de guerre contre la Belgique, 8 de nos plus riches départements et d’immenses territoires en Russie. Dans la presse française, nous proclamons cela : l’échec sur Paris, l’échec sur Calais, l’échec de la destruction de l’armée russe. On se console comme on peut.

Dieu veuille que bientôt les Allemands se vantent de nous arrêter sur le Rhin et l’Oder me réjouiraient. Oui c’est vrai, les Alliés doivent vaincre, mais ils vaincront seulement si leur union est absolue et si tous ils donnent l’effort maximum en tout sans aucune restriction.

Pour obtenir de tous cet immense effort, j’aimerais mieux voir la Presse proclamer que la patrie est en danger.

Il faudrait aussi et d’urgence envoyer nos députés en vacances.

23 Octobre

Londres, 23 Octobre

Le roi Georges vient d’adresser au peuple britannique le message suivant :

« A mon peuple,

« A ce grave moment de la lutte entre mon peuple et un ennemi puissamment organisé qui a transgressé les lois des nations et porté atteinte aux conventions qui lient l’Europe civilisée, je vous adresse cet appel.

« Les efforts de mon Empire m’inspirent de la joie, et j’éprouve de la fierté en présence de l’empressement manifesté dans le monde entier par mes sujets qui ont volontairement sacrifié leurs foyers, leurs biens et jusqu’à leur existence même afin d’empêcher que le libre Empire élevé par leurs ancêtres et les miens ne passent aux mains d’autrui.

« Je vous demande de faire en sorte que leurs sacrifices ne soient pas vains.

« Nous sommes bien loin du but.

« Plus d’hommes et encore plus d’hommes sont nécessaires pour maintenir en campagne nos armées et par elles assurer la victoire et une paix durable.

« Dans les temps anciens, les heures les plus sombres ont toujours fait naître chez les hommes de bonne race les résolutions les plus énergiques.

« Je vous demande, à vous, hommes de toutes les classes, de venir volontairement prendre votre place parmi les combattants.

« En répondant en grand nombre à mon appel, vous donnerez votre appui à nos frères qui depuis tant de mois maintiennent si noblement les vieilles traditions de la Grande-Bretagne et la gloire de ses armées. »

« Georges R.I. »

(coupure de journal)

En Angleterre, on ne se paie pas de mots, on tient même à voir les choses telles qu’elles sont. Le beau manifeste du roi Georges met les choses au point quand il parle de « ce grave moment ».

- aux Balkans -

La situation ne s’améliore pas. Elle semble toujours fort mauvaise pour nous. Il est clair que les Balkans ne croient pas du tout au succès des Alliés. On ne peut s’en étonner beaucoup. Il nous faudrait sur un front quelconque un succès important et incontestable. Depuis un an nous affirmons notre certitude absolue de pulvériser l’Allemagne. Les neutres prennent intérêt à nos discours, mais ils seraient beaucoup plus impressionnés par la preuve de notre supériorité.

Hélas depuis un an le front allemand est immuable en France et en Orient je ne vois à signaler que de grands succès de nos ennemis.

- en France -

La guerre de siège continue. Nous avons repoussé à l’Est de Reims une attaque allemande.

- en Russie -

Le front ne change plus. Les Russes se maintiennent devant Riga et Dwinsk. Ils poursuivent leurs succès sur le Styr.

du 24 Octobre au 3 Novembre

- en France -

Guerre de siège. Par une violente attaque les Allemands ont repris la butte de Tahure. Quand nous l’avions prise on nous avait dit que c’était un point d’une extrême importance ; nous n’avons perdue, on nous dit que cela ne signifie rien.

Vraiment la presse française se fiche du peuple roi.

En somme il est acquis que la grande offensive franco-anglaise commencée le 26 Septembre n’a abouti qu’à un brillant succès temporaire et local. Le front allemand est resté inviolable. Nous retombons dans la lutte d’usure.

- en Russie -

Les Russes se maintiennent devant Riga et Dwinsk. Malgré tous leurs efforts et l’immense terrain conquis, les Allemands ont toujours devant eux de puissantes armées russes.

- aux Balkans -

L’étau se resserre sur la Serbie malgré sa splendide résistance.

Les alliés continuent à débarque à Salonique. L’armée grecque reste mobilisée. Cette situation est trop paradoxale pour durer. Elle me paraît assez inquiétante. L’attitude de la Grèce et de la Roumanie est troublante et très énigmatique. La censure ne laisse passer que peu de choses sur les Balkans, c’est mauvais signe.

changement de Ministère

Une nouvelle équipe a débarqué sur la galère républicaine. Briand la préside. On le jugera à l’œuvre.

Millerand n’est plus ministre, il avait déplu à nos politiciens, tant pis pour l’intérêt de la France. Toutefois il est remplacé par Gallieni, chef énergique. A la marine l’ignoble Augagneur est remplacé par l’amiral Lacaze.

- en Italie -

L’armée italienne a commencé une offensive générale sur tout le front ; ils ont obtenu jusqu’ici un assez grand nombre de succès locaux.

Les dettes de la guerre

Depuis l’ouverture des hostilités la dette publique française s’est augmentée d’un peu plus de 20 milliards de francs ainsi décomposés :

DETTES DE LA GUERRE DE FRANCE

 

Millions

Bons de la défense nationale

7 871

Obligations de la défense nationale

2.241

Avances de la Banque de France

6.900

Bons du trésor pour avances aux gouvernements étrangers

540

Emprunt anglais

1.250

Emprunt américain

1.250

Total

20.052

Pendant la même période, la dette publique s’est augmentée de 30 milliards 800 millions en Angleterre, de 18 milliards 700 millions en Russie et de 2 milliard 200 millions en Italie ; soit au total 71 milliards 800 millions de francs pour les nations alliées.

De leur côté, l’Allemagne a emprunté 37 milliards 400 millions et l’Autriche-Hongrie 13 milliard 800 millions, portant à 51 milliards 200 millions de francs les dettes de guerre des deux empires.

(coupure de journal)

Total général : 123 milliards.

Les belligérants font surtout la guerre avec du papier et du crédit.

Donc si la confiance continue à régner chez tous les belligérants, la guerre peut continuer encore fort longtemps, mais quand il faudra liquider la situation il me semble impossible qu’il n’y ait pas en Europe un profond chambardement du seul fait des impôts écrasants qu’il faudra établir.

Déclaration ministérielle

(1er Novembre)

 « Messieurs,

« Vous n’attendez pas de nous une longue déclaration. Nous sommes en guerre ; l’heure est aux actes. C’est vers l’action que doivent être tendus tous les ressorts du gouvernement.

« Des décisions claires, nettes et rapides ; une exécution prompte, dégagée des vaines formalités, exempte de toute hésitation, de toute incertitude ; c’est à quoi nous appliquerons nos esprits et notre énergie.

« La tâche essentielle du gouvernement est d’utiliser, en les groupant en vue de la guerre, toutes les forces vives de l nation ; de combiner, d’associer à cet efforts tous les services publics. C’est par l’étroite, l’incessante coopération de toutes les bonnes volontés que sera obtenue la victoire.

« Chacun à sa place obéissant à l’impulsion du gouvernement doit accomplir sa tâche. Tout manquement à la discipline commandée par l’intérêt vital de la Patrie sera, sans retard, énergiquement réprimandé. Les responsabilités, une fois établies, toute faute, toute défaillance sera suivie d’une sanction.

« C’est sur ce programme qua été constitué le gouvernement qui se présente devant vous ? Il est formé à l’image de la nation même qui, d’instinct, a réalisé entre tous les citoyens l’union la plus complète face à l’ennemi.

« Des hommes venus de tous les partis, oublieux de la diversités des opinions qui a pu autre fois les séparer, se sont rapprochés avec pour unique préoccupation la défense nationale et pour but la victoire.

« Jamais la France n’a eu une armée plus digne de vaincre.

« Le gouvernement, avec l’aide des Chambres, doit en fournir tous les moyens à ces héros que nous saluons avec émotion et fierté. Soldats et chefs, réunis dans une mutuelle confiance, rivalisent de courage, d’abnégation dans le service de la patrie, déployant dans les tranchées comme dans les champs de bataille les plus hautes qualités de notre race. Chaque jour leur bravoure ajoute un rayon de plus à l’auréole de gloire de la France. Jusqu’à ce que le but assigné à leur vaillance soit atteint, ils lutteront pleinement confiants dans la maîtrise du grand chef qui les conduit et partageant sa foi tranquille dans le succès final.

« Avec une armée commandée par un tel chef, avec une marine qui la seconde si efficacement, toutes les espérances sont permises. Aussi le pays, sûr de la conclusion de cette guerre, en suit-il les péripéties avec une sérénité et un sang-froid imperturbables. Son stoïcisme s’est montré prêt à toutes les épreuves, même les plus douloureuses, même les plus cruelles. Cette haute tenue morale gardée pendant quinze mois, appelle le gouvernement à envisager la question de la censure. Cette question doit recevoir une solution, recherchée depuis quelques temps, rendue possible par le souci élevé qu’à la presse d’accepter, dans l’intérêt national, le contrôle qu’elle a elle-même demandé. Le gouvernement avec la collaboration de la presse trouvera, pour l’application des lois, les conciliations nécessaires dans une démocratie entre la liberté et l’autorité.

« En même temps que l’opinion nationale, nous tirerons notre force de notre confiance qui es la source de notre autorité. Nous faisons appel à votre concours ; il nous sera précieux. Nous savons que votre préoccupation est de seconder l’action du gouvernement. De son côté celui-ci est prêt à accomplir toute sa tâche, à assumer toutes ses responsabilités. Il aura à cœur de faciliter votre contrôle sur ses actes, il saisira toutes les occasions de vous éclairer en vous communiquant, par le moyen d’une collaboration régulière, soit avec vos commissions, soit directement avec vous, tous les renseignements auxquels vous avez droit. Ainsi continuera-t-il à affirmer l’union de la nation, du Parlement et du gouvernement.

« C’est par elle que nous conduirons la guerre jusqu’au bout, c’est à dire jusqu’à la victoire qui chassera l’ennemi des territoires envahis, de ceux qui souffrent de l’invasion depuis plusieurs mois comme de ceux qui la subissent depuis tant d’années.

« La France n’a pas trouvé la paix ; résistant à toutes les provocations, elle a tout fait pour la maintenir. C’est une agression préméditée, qu’aucun sophisme ne parviendra à justifier, qui lui a imposé la guerre. Elle l’a acceptée sans peur et elle ne s’arrêtera dans la lutte que lorsque l’ennemi aura été réduit à l’impuissance. La France ne se désarmera qu’après la restauration du droit par la victoire et quand elle aura obtenu toutes les garanties d’une paix durable.

« Ce but les nations alliées l’atteindront par la pratique d’une étroite solidarité. Chaque jour se resserre leur union que vient de renforcer l’adhésion du Japon : l’accord du 5 septembre 1914, par lequel les puissances ont contracté l’engagement solennel de ne pas conclure de paix séparée.

« Mais nous estimons que la coordination des efforts des nations alliées  peut et doit se faire encore plus complète et surtout plus prompte ; si mal aisée qu’elle soit à établir sur des théâtres si variés et si distants, nous sommes résolus à la réaliser par des rapports plus fréquents, par des contacts de plus en plus intimes.

« Déjà les voyages du général Joffre en Italie et en Angleterre, l’accueil qui lui a été fait, les décisions arrêtées entre états-majors ont permis aux puissances alliées de mieux concerte leur action présente et prochaine.

« Répondant à l’appel de la Serbie, la France, dès la première heure, est allée à son secours. Nous nous sommes pleinement mis d’accord avec le gouvernement britannique sur la conduite des opérations militaires dans les Balkans. La France et les alliés n’abandonneront pas cette héroïque nation dont la résistance fait l’admiration dans le monde.

« L’entreprise actuelle de l’Allemagne dans les Balkans atteste l’insuccès de ses efforts sur les théâtres principaux des hostilités. C’est parce que son offensive s’est brisée et sur le front français et sur le front russe qu’elle tente cette diversion. Elle cherche par là à tenir en haleine l’opinion mondiale, à qui tant de mois passés sans les résultats annoncés par une propagande effrénée, commence à révéler des indices de faiblesse sous une apparence de force. Ses espoirs seront déçus. Les empires du centre pourront reculer leur défaite ; ils ne l’empêcheront pas.

« Quant à nous sommes décidés à aller jusqu’au bout ; nos ennemis n’ont à escompter de notre part ni lassitude, ni défaillance.

« Après avoir mesuré notre tâche, et si rude qu’elle soit, nous entendons la poursuivre jusqu’à son aboutissement nécessaire.

« Nous avons la volonté de vaincre, nous vaincrons. »

Fin du discours de Briand

« Le gouvernement a de son côté le devoir de proclamer solennellement ses vues en face de ce problème. Oui il arrivera qu’à un moment, - hélas ! lointain encore – il faut avoir le courage de le dire à ce pays – nous signerons la paix, mais ce jour-là, c’est que nos hommes auront été victorieux, que notre sol sera libéré, que les provinces arrachées si douloureusement au sein de la France auront été restituées (Applaudissements unanimes), c’est que les peuples de l’héroïque Belgique, qui s’est laissée martyriser pour nous, auront été rétablis dans l’intégralité de leurs libertés et de leurs droits, c’est que la Serbie aura été affranchie. Alors seulement il pourra être question de paix. (Applaudissements.)

« Et quelle sera cette paix ? Une paix égoïste ? Non. Je me refuse à croire que notre pays, qui fut si beau, puisse descendre à de si petites, à de si basses ambitions personnelles ; la France, c’est son honneur et ce sera sa gloire, est le champion du droit. (Applaudissements unanimes – La Chambre se lève) C’est debout, l’épée à la main, que la France lutte pour sa civilisation et les libertés des peuples. Et quand elle abaissera son épée, c’est qu’une paix solide et durable pourra être donnée au monde, et que toute ambition de domination tyrannique aura fait place au progrès dans la civilisation par la liberté des nations jouissant de leur pleine autonomie. (Vifs applaudissements)

« Voilà la paix vers laquelle s’en vont les soldats de France (Applaudissements), la seule digne de nous, la seule dont il puisse être question, et alors, puisque nous sommes unanimes sur ce point, à quoi bon les discussions ? (Vifs applaudissements)

« Jamais personne ne pourra faire à notre pays figure d’agneaux et de nation de proie. Pendant plus de 40 ans, avec une plaie au flanc, malgré toutes les provocations, le pays a attendu du triomphe de droit, la réparation du mal qui lui a été fait et voilà que soudain on se précipite sur lui, on s’efforce de l’écraser. On veut l’anéantir dans ses libertés, tuer en lui un des principaux agents de civilisation du monde entier ; on veut lui imposer à lui et aux autres nations je ne sais quelle hégémonie, quelle tyrannie qu’aucun pays digne de ce nom ne pourrait accepter.

« Il s’est redressé, il a saisi l’oppresseur à bout de bras, et qui oserait dire qu’il a figure de nation de proie ?

« Où est-elle la nation de proie ? Vous la connaissez ; tant qu’elle gardera ses serres, son bec et ses intentions homicides, il n’est pas possible de parler de paix. (Vifs applaudissements)

« C’est quand elle pensera à reprendre son rang parmi les nations, en conservant son génie, mais en respectant celui des autres, c’est quand nous l’aurons mise dans l’impossibilité de troubler les peuples pendant de longs ans, que nous parlerons de paix. Ce sera la paix française, la paix glorieuse qui rétablira le droit dans le monde entier. (Vifs applaudissements)

« Voilà la pense du gouvernement sur ce point. Je tenais à l’affirmer nettement, car il pouvait rester une équivoque sur cette question de paix : le désaccord serait irrémédiable entre nous. (Applaudissements)

« Et puis, en terminant, chaque fois où dans cette atmosphère politique souveraine malgré tout pas mal de relents du passé, ou, quelques sentiments d’union qu’on ait en y rentrant, on risque de voir par le contact avec les adversaires d’hier se réveiller en soi ce vieil homme, lorsque la division des opinions politiques reparaît au point de nous dresser les uns contre les autres ; dans ces minutes-là, tournez votre pensée vers les tranchées. Dites-vous que des hommes sont là depuis quinze mois, qu’ils ont tout quitté, qu’ils ont soufferts, que beaucoup sont morts pour la Patrie, que les autres s’exposent pour elle.

« Puis vous écartant de cette ligne glorieuse, allant dans le pays à travers les villes te les campagnes, évoquez ces admirables femmes de France, qui, sous leurs voiles de deuil, gardent une âme claire et un esprit serein. Elles ont fait à la patrie le sacrifice le plus grand qui soit ; elles ne pleurent pas parce qu’elles savent que les leurs sont morts pour la France, parce qu’elles espèrent que cette mort ne sera pas inutile, parce qu’elles veulent assister à la victoire, cimentée par le sang de ceux qui leur sont chers. (Vifs applaudissements)

« Ne donnez pas à celles-ci et à ceux-là le spectacle le spectacle de divisions qu’ils ne peuvent comprendre. (Applaudissements)

« Apportez ici leur foi, leurs espérances, leur goût de gloire et de victoire. Donnez-leur le spectacle d’un Parlement qui reflète vraiment l’état d’esprit des tranchées et du pays. (Applaudissements)

« Si vous avez ces pensées au moment où la décision de la division pourrait vous tenter, vous vous rapprocherez les uns des autres, vous vous grouperez unanimes autour du gouvernement et, tous unis, nous crierons vers la victoire : « Vive la France ! »

(coupures de journaux)

L’éloquence de cette vieille canaille de Briand est incontestable. Attendons les actes qui seuls comptent.

Si Briand se montre homme de gouvernement, la France (propre) oubliera qu’il fut condamné pour attentat à la pudeur et qu’il fut avec Hervé le premier apôtre de l’antimilitarisme.

Le gouvernement compte 25 membres, il a fallu ce nombre pour satisfaire les nombreux partis de la chambre, chose essentielle !! Souhaitons que Ribot et surtout Gallieni et Lacaze puissent travailler pour la France et ne soient pas obligés sans cesse de perdre un temps précieux pour répondre aux questions, observations et critiques de la bande de crétins qui – oh tristesse – représentent la France.

Les deux déclarations de Briand et d’Asquith affirment une fois de plus la résolution des alliés d’abattre l’Allemagne. Mais souhaitons que par des actes d’union et de volonté les Alliés réparent leurs lourdes erreurs balkaniques.

Il y a des hommes très intelligents qui ont l’esprit faux, et voient de travers. Il en est d’autres qui voient juste, mais à qui la compétence manque et dont l’action se trouve ainsi paralysée dès le premier moment. Ils découvrent le but, mais ils ne savent pas comment s’y prendre pour l’atteindre. Et enfin les esprits les plus distingués et qui connaissent le mieux leur affaire, ne sont pas forcément des hommes de fermeté et d’énergie. Trop souvent la moindre opposition les déconcerte et, soit qu’il faille tourner l’obstacle, soit qu’il faille foncer tout droit dessus, l’ennui de l’effort et la crainte des responsabilités les arrêtent…

Ces courtes réflexions suffiraient à nous rappeler, si par hasard nous l’avions oublié, que la politique, la vraie, la grande, et non pas celle des partis et des élections, est un art singulièrement malaisé et qui exigent de ceux qui prétendent s’y adonner un ensemble de qualités innées ou acquises qui ne courent pas les rues, ni même les couloirs d’un Parlement. Entre l’homme d’Etat et le politicien, la distance est grande. Ce n’est pas assez dire que de parler de « distance », puisqu’un abîme sans fond les sépare. Or nous sommes à une heure où nous avons besoin d’hommes d’Etat et où il est indispensable que disparaissent les politiciens.

(coupure de journal)

du 3 au 7 Novembre

- en France -

Après le sommet de Tahure, nous avons perdu la côte 199 autre point important. Les Allemands utilisent de plus en plus les obus suffocants et lacrymogènes de gros calibre.

Les Boches vont-ils nous reprendre par morceaux le terrain conquis fin Septembre.

- en Russie -

Les Russes résistent avec succès sur tout leur front.

- en Italie -

L’offensive italienne semble s’acheminer vers un échec complet.

- aux Balkans -

La situation de la Serbie est de plus en plus grave. Il est plus qu ‘évident que 20000 hommes ne peuvent lutter à 1 contre 3 surtout contre un adversaire mieux armé. L’armée serbe pourrait capituler sans déshonneur.

Briand et Asquith ont déclaré que nous allions secourir la Serbie ; il faudrait se hâter ; mais il est clair que c’est un tour de force de débarquer plusieurs fois cent mille hommes dans un port neutre et de les amener à pied d’œuvre à travers un pays difficile avec un seul chemin de fer à voie unique dont on n’a même pas l’entière disposition…

Il faudrait que la Grèce fut avec nous, mais de ce côté la situation est plus embrouillée que jamais. Le ministère vient d’être renversé.

Constantin semble absolument décidé à rester neutre puisqu’il ne peut encore être contre nous.

9 Novembre

Les sous-marins allemands ont fait sauter depuis 8 jours plus de 10 vapeurs alliés dans la Méditerranée.

Chaque jour qui passe rend plus critique la situation de la Serbie.

Il est hélas trop évident que la situation des Alliés en Orient est mauvaise. Il est bien à craindre qu’elle ne devienne très grave.

Ketchner est parti pour les Dardanelles, pourquoi ?

11 Novembre

Ce qui était fatal arrive. La Serbie agonise…

Les sous-marins boches continuent à couler des transports dans la Méditerranée, ils tirent sur les chaloupes chargées de survivants.

Nos ennemis font une guerre féroce, implacable.

Le progrès de l’humanité est décidément dans une immense fumisterie. Progrès matériel - Oui. Mais progrès moral – Non.

du 12 au 15 Novembre

Les Boches se fortifient en Russie et il semble qu’ils ont transporté sur notre front des forces importantes en hommes et en matériel. Le froid qui sévit déjà va rendre impossible de grandes opérations en Russie. Les Boches vont-ils nous attaquer ?

- aux Balkans -

Notre situation y demeure très mauvaise et paradoxale. Si l’armée bulgaro- austro-boche nous refoule sur le territoire grec, que se passera-t-il. Allons-nous nous battre en Grèce. L’attitude de Constantin est plus équivoque que jamais. Si nous n’avons pas d’ici peu de très grandes forces en Salonique, je crains le pire.

L’aventure balkanique continue lamentable. Hélas, je crains bien qu’à bref délai le succès des boches ne soit complet.

Quand donc les Alliés réaliseront-ils une victorieuse offensive ou seulement un sérieux succès ?

De ce qui se passe en Grèce depuis un mois, on doit conclure que ce noble pays n’attend que l’arrivée de l’armée allemande pour assaillir nos troupes.

Hélas cette grave situation semble causer un certain désarroi chez les Alliés. Les ministres anglais se jettent à la tête les erreurs commises.

L’unité de vue et surtout d’action serait cependant capitale en ce moment ? Au lieu de cela nous pataugeons lamentablement.

Quand finira la guerre ? Daudet aurait-il raison quand il écrit : « Nous sommes en train de passer de l’état de guerre aigu à l’état de guerre chronique. »

Démocratie et initiative

Maurras rapproche curieusement un récent article de Barrès et le langage de Démosthène il y a plus de 2000 ans. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, les démocraties conduisent à la racine et à la décadence.

 « Depuis le début de cette guerre nous autres, gens de la Quadruple Entente, jamais nous ne crions le fait. On nous le présente, et nous nous préoccupons d’y faire face. Nous sommes toujours à la suite. Un beau matin nous nous trouvons devant une situation inventée et organisée par nos adversaires. Continuellement les évènements nous devancent. Nous ne les avons pas prévus, nous ne savons pas les saisir. Quand nous arrivons, c’est pour nous trouver devant des situations que nous ne dominons plus et qui nous dominent. » (Article de Barrès)

Diable ! c’est ainsi que parlait, il y a seulement deux douzaines de siècles, l’orateur Démosthène au peuple athénien. Et dire que Barrès s’étonna jadis de me voir revenir du voyage d’Athènes un peu plus antidémocratique que je n’étais parti !

Parce qu’il s’était donné le régime éminemment voué à l’inertie, à la passivité et au moindre effort, parce qu’il était en démocratie, le peuple dont l’aristocratie, au siècle précédent, avait vaincu l’Asie de Marathon et de Salamine, ce peuple, le plus spirituel et le plus imaginatif de l’antiquité, auquel on a aimé de tout temps à comparer le peuple des gaules s’entendait répéter par son plus fameux orateur, et le plus grand de tous les âges, dans la « Première Philippique »

« Athéniens, il ne faut pas se laisser commander par les évènements, mais les prévenir : comme un général marche à la tête de ses troupes, ainsi de sages politiques doivent marcher, si j’ose dire, à la tête des évènements ; en sorte qu’ils n’attendent pas les évènements pour savoir quelle mesure ils sont à prendre mais les mesures qu’ils ont prises amènent les évènements.

« … Vous faites dans vos guerres avec Philippe comme fait le barbare quand il lutte. S’il reçoit un coup, il y porte aussitôt la main. Le frappe-t-on ailleurs ? Il y porte la main encore. Mais de prévenir le coup qu’on lui destine, ou de prévenir son antagoniste, il n’en a pas l’adresse, et même il n’y pense pas.

« … Jamais de projets arrêtés. Jamais de précautions. Vous attendez qu’une nouvelle vous mette en mouvement. Autrefois, peut-être, vous pouviez sans risque vous gouverner ainsi, mais le moment décisif est venu, il faut une autre conduite. »

(coupure de journal)

Victor Cambon, ex-ambassadeur d’Allemagne publie dans l’Echo de Paris une intéressante série d’article sur l’organisation allemande. Son principe est celui-ci : l’utilisation des compétences. En toutes choses, seuil le spécialiste prononce.

En France il n’y a pas d’intérêt général ; nul n’en a cure. Il n’y a que des intérêts particuliers surtout électoraux, intérêts de clocher, surenchère électorale.

J’ai entendu dire à des libéraux dits intelligents qu’il fallait écarter des directions les spécialistes parce qu’ils avaient toujours des idées … (mot que je n’ai pas réussi à lire !) Ainsi par exemple se garder de mettre des généraux et des amiraux comme ministres de la guerre et de la marine…

En somme dans notre belle démocratie seul l’avocat, le parleur, le prometteur est apte à tout.

Cambon nous parle aujourd’hui des cités industrielles allemandes ouvrières et du confort des travailleurs. Toutes ces questions sont beaucoup plus étudiées et réalisées dans la monarchique Allemagne que dans la France démocratique.

Hélas, les innombrables parleurs du régime que nous avons sont trop intéressés à son maintien. Si le peuple comprenait combien ces gens-là se f de lui, ils le flattent parce qu’ils en vivent. Mais le peuple est et sera toujours trop bête pour comprendre cela.

Discours de Churchill aux Communes

« Nous traversons actuellement une période difficile, qui peut encore devenir pire avant qu’elle prenne un tour décidément favorable ; mais la ligne allemande s’étend loin au-delà de ses frontières et l’Allemagne peut être touchée de façon beaucoup plus vitale pendant la deuxième ou troisième année de la lutte si les armées alliées étaient entrées à Berlin dès la première année du conflit.

« Pour triompher il n’est pas nécessaire que les Alliés percent les lignes allemandes ni qu’ils repoussent l’ennemi de tout le territoire qu’il occupe.

« Notre maîtrise absolue des mers et la destruction énorme et rapide des combattants allemands sont des facteurs sur lesquels nous pouvons compter avec confiance.

« Pendant que la puissance allemande va déclinant, la nôtre ne cesse de grandir réellement et par comparaison. Nous devons ces résultats aux sacrifices des peuples français et russes, qui jusqu’à présent ont supporté le choc.

« Nous sommes pour les Alliés une réserve, l’heure sonne aujourd’hui de jeter dab la balance tout le poids de cette réserve.

« C’est le manque de munitions qui a dominé la campagne de 1915. Le manque de combattants allemands doit faire tourner la campagne de 1916 contre l’Allemagne.

« Il est naturellement déconcertant pour nous de constater qu’un Gouvernement comme celui de la Bulgarie est persuadé, après avoir pesé toutes les chances, que la victoire finale restera aux mains des puissances centrales. La pompe et la précision des mouvements militaires allemands hypnotisent certains de ces petits Etats que le brillant et le clinquant éblouissent, mais qui ne voient pas ou ne comprennent pas combien la vieille et puissante nation avec laquelle l’Allemagne croise le fer est capable de faire face à l’adversité, de supporter des déceptions et des échecs et de travailler sans trêve, avec une obstination sans limite, à travers des souffrances sans bornes jusqu’à ce qu’elle ait fait triompher la plus grande des causes pour laquelle l’humanité ait jamais combattu. »

(coupure de journal)

Il est certain que la puissance de l’Angleterre est immense au point de vue financier, industriel et naval. Depuis la première heure de la guerre rien n’a plus inspiré confiance que l’alliance anglaise. Ceux qui ont l’Angleterre pour eux sont sûrs de la victoire.

Mais j’ai été grandement déçu par la lenteur de leur mobilisation industrielle. Il semble qu’elle est enfin un fait accompli. Grâce à elle et au japon les Russes auront bientôt l’armement qui leur manque et sur tous les fronts les Alliés pourront user les Boches par de continuels déluges d’obus.

du 15 au 24 Novembre

- en France et en Russie -

Rien à signaler.

- aux Balkans -

Du peu que nous savons on peut conclure que notre situation demeure mauvaise. Presque toute la Serbie est occupée.

Nos relations avec la Grèce ne s’améliorent pas. Nous demandons à la Grèce de nous laisser agir en toute liberté sur son territoire avec la libre disposition du port de Salonique et des voies ferrées. Nous voulons même pouvoir nous battre su le territoire grec. De leur côté les Austro-Boches-Bulgare somment la Grèce de désarmer les Serbes et les Alliés qui seraient refoulés en Grèce.

Que va faire la Grèce ? Il est évident que l’ardent désir de son roi serait de se joindre à nos ennemis. Il a rassemblé plus de 250000 hommes autour de Salonique. Voilà un fait éloquent.

Il faut que les Alliés réussissent à lui inspirer une crainte salutaire.

La France a envoyé en Grèce un ministre, Denys Cochin, un grand parleur (de l’Académie)

L’Angleterre a beaucoup mieux fait en envoyant Kitchener, un homme d’action.

- aux Dardanelles -

Il est question de les évacuer. Cette évacuation sera difficile mais elle semble bien indiquée. Les Turcs sont maintenant ravitaillés en hommes et munitions.

du 26 au 30 Novembre

- en France et en Russie -

Calme.

- aux Balkans -

Les débris de l’armée serbe se sont réfugiés en Albanie et au Monténégro.

Nous n’avons presque pas de nouvelles des troupes alliées à Salonique. Elles n’ont même pas de chef unique. Elles ont été impuissantes à secourir les Serbes, comment pourraient-elles lutter contre les armées réunies allemandes – autrichiennes – bulgares et turques ? Tout cela semble absurde à l’humble mortel que je suis.

On parle d’une armée russe concentrée en Bessarabie, on parle de l’appui de la Roumanie, de l’intervention italienne. Ces interventions changeraient assurément la situation ; il faudrait qu’elles ne tardent pas et qu’elles se produisent simultanément.

emprunt national

L’emprunt 5% est en cours d’émission depuis le 25, exempt d’impôt et inconvertissable jusqu’en 1931.

Un toast du Général Liautey

On sait quel succès a obtenu l’exposition de Casablanca, organisée en pleine guerre. Dans un banquet qui a réuni les organisateurs de l’Exposition et auquel assistaient les exposants, industriels et commerçants notoires, le général Lyautey a répondu ainsi au toast qui venait de lui être porté.

« Quel que soit mon désir de ne pas parler, il ne m’est pas possible de me dérober au devoir de sanctionner de ma parole de chef les éloges que vous venez d’adresser aux organisateurs de cette Exposition, à son commissaire général, à M. Berti, qui a prouvé une fois de plus ce que peut … (mot que je n’ai pas su déchiffrer !) de direction mis au service d’une volonté.

« Pour ce qui est des témoignages élogieux que vous avez bien voulu m’exprimer, je les accepte parce qu’ils ne s’adressent pas à ma personne, mais à des principes. S’il a été réalisé une œuvre utile au Maroc depuis trois ans ce n’est pas parce qu’il avait à sa tête le général Lyautey, mais parce qu’il avait un chef, et un seul, et que ce chef est le même depuis trois ans, c’est parce qu’ainsi ce pays a bénéficié de l’unité de vues et de la suite dans l’action.

« Je me souviens d’avoir lu dans les récits d’un voyageur, que ses navigations avaient, entre 1830 et 1850, porté cinq ou six fois à Terre-Neuve et à Saint-Pierre et Miquelon, les deux colonies anglaises et françaises voisines, ce qui suit : « A mes voyages, j’ai toujours trouvé à Terre-Neuve un gouverneur anglais qui était un homme très médiocre, et à Saint-Pierre et Miquelon un gouverneur français de valeur supérieure. Cependant à chacun de mes voyages je constatais des progrès notoires à Terre-Neuve et la stagnation et l’inertie à Saint-Pierre. C’est que le gouverneur anglais médiocre était toujours le même, tandis que le gouverneur français de valeur supérieure était toujours différent. »

« Soyez sûrs que je me suis rendu compte mieux que personne des tâtonnements par lesquels nous avons passé ici, des erreurs ou des fautes qu’à pu commettre mon administration mais, les reconnaissant, je me suis efforcé et je m’efforce chaque jour de les corriger et je puis tirer de mon expérience tout son profit. Si plusieurs s’étaient succédés dans le même temps, ils auraient vraisemblablement corrigé mes erreurs, mais ils y auraient ajouté les leurs.

« Un autre que le général Lyautey eût tout aussi bien ou mieux fait ici, pourvu que, comme moi, on lui eut laissé le temps et l’autorité.

« Ce n’est donc pas à moi que s’adresse votre approbation, mais aux principes éternels et féconds : la suite, la stabilité, l’unité de commandement.

« Partout et toujours ils porteront les mêmes fruits et comme notre pensée revient sans cesse à la grande lutte où se jouent nos destinées, félicitons-nous si ces mêmes principes assurent le succès à nous, à nos alliés, pour le triomphe desquels ne feront en tout cas jamais défaut ola vaillance, le dévouement illimité, l’esprit de sacrifice des peuples et des armées. »

Suite - Stabilité

Pendant les vingt-cinq dernières années, la France a eu 29 ministères ; elle a vu, pendant cette période, 26 changements au Département de la Guerre. Dix-neuf personnalités différentes ont occupé alternativement ce premier poste de la défense nationale, pendant que l’ennemi préparait l’immense guerre, et trois se sont succédés depuis le début des hostilités.

Point n’est besoin de commentaires !!!

Unité de commandement

La rapidité de décision, que tout le monde réclame, suppose le temps de la réflexion et le recueillement nécessaire à cette réflexion. Où et quand les ministres peuvent-ils réfléchir et travailler alors qu’ils passent leur vie en séances des Chambres, en séances des  commissions, en réceptions de délégations, et surtout en audiences individuelles d’hommes politiques ?…

La substitution des questions écrites aux questions posées en séance était excellente en principe : elle a en fait abouti à l’éclosion d’une telle quantité de questions écrites que le soin d’y répondre absorbe une part énorme et croissante du travail des bureaux.

Une seule question posée par un sénateur exigea, l’on s’en souvient, l’établissement de plus des 6000 pièces… Comment voulez-vous que les bureaux étudient les idées ou réalisent les conceptions militaires étant occupés à cette correspondance avec les huit cents. L’invention de Balzac, l’imagination de Shakespeare elle-même succomberait à cette paperasserie de badauds.

(coupures de journaux)

Inutile d’insister… Est-il besoin d’ajouter que ces questions sont posées par des incompétents et presque toutes dans un but de réclame électorale et pour faire croire qu’on mérite 15000 francs par an.

Le toast du général Lyautey résume en termes excellents et courtois des vérités qui constituent le plus cinglant réquisitoire que l’on puisse établir contre notre république française.

J’y ai joint la constatation de quelques faits…

Je ne comprendrai jamais comment un homme de sens commun peut nier que la République a fait beaucoup de mal à la France. Il faut ajouter que dans l’ordre moral cette République est corruptrice et au plus haut degré maçonnique.

Pour moi, comme catholique et comme Français, il faut vomir la République.

Discours de Clémenceau en 1908

(devant ses électeurs du Var)

… C’était l’extrait d’un discours, prononcé en 1908 par M. Clemenceau devant ses électeurs du Var. Le directeur de l’Homme Enchaîné était, en ce temps-là, président du conseil. Il parlait avec toute l’autorité de chef de gouvernement. Et savez-vous quel était son langage ?…

« C’est avec l’être humain, s’écriait-il, non avec sa force musculaire qui n’est rien, mais avec sa pensée qui est tout, que nous voulons faire de notre pays la plus grande force de droit et de liberté qui se puisse concevoir dans le monde. »

Eloquence, éloquence, quand cesseras-tu tes méfaits ?… Aujourd’hui nous voyons bien que la pensée de l’être humain n’est pas tout et qu’elle est même tout proche du néant si la force musculaire, fusils, baïonnettes, canons et projectiles, ne la protège pas. En 1908, M. Clemenceau croyait à la pense toute seule (il croyait aussi à l’amitié des révolutionnaires) En 1915, il demande à nos généraux de ne point abandonner à l’ennemi l’usage des gaz asphyxiants. C’est un progrès.

(coupure de journal)

Ex communard. Ex pacifiste. Ex président du conseil, diminua autant qu’il put les crédits de la guerre. Actuellement sénateur, président de la commission de la guerre – Partisan de la guerre à outrance –

Dans on journal critique nos chefs et nos opérations militaires, les déconsidère autant qu’il peut. Il faudrait pouvoir embastiller un tel homme

du 1er au 4 Décembre

- en France et en Russie -

Calme.

- aux Balkans -

Situation toujours très grave. La Quadruple Entente donne aux Balkans un lamentable spectacle d’imprévoyance, d’incohérence, de faiblesse et de désunion.

Dans ces conditions on comprend sans peine que la Grèce et la Roumanie restent neutres. Si nous continuons à nous montrer si inférieurs, nous aurons sans tarder tous les Balkans contre nous.

le 8 Décembre

Aucune nouvelle de Salonique. Les interventions russes et italiennes restent à l’état de projet. Dans ces conditions, la situation des Alliés à Salonique semble absurde.

Notre action a été et demeure à peu près nulle. Il eut sans doute été préférable de ne pas tenter cette expédition si l’on devait la conduire avec tant d’incohérence et de mollesse.

Quand à la Grèce il est évident qu’elle est d’accord avec l’Allemagne.

Les Anglais viennent d’être battus devant Bagdad.  Il est dit hélas que nous n’aurons pas un succès pour nous consoler.

Cette expédition anglaise si excentrique contre Bagdad ne se comprenait guère. Son succès seul l’eut justifiée. Hélas, il n’en est rien.

L’emprunt est toujours en cours d’émission. Tant qu’il durera il est évident qu’on nous cachera le plus possible les mauvaises nouvelles, très justement d’ailleurs.

17 Décembre

Un communiqué nous informe que l’armée de Salonique recule vers le frontière grecque. Il ajoute que c’est un recul purement stratégique…

Je pense que les Allemands doivent dire que leurs armées nous poursuivent.

De ces deux communiqués quel est celui qui ment le plus. Assurément c’est le nôtre. Car il est de toute évidence que notre malheureuse armée doit se trouver en présence de forces écrasantes.

Il est à craindre qu’avant la fin de 1915 nous n’ayons aussi les Grecs contre nous.

L’armée alliée de Salonique est certainement menacée de destruction complète. Il est cependant possible qu’en se rapprochant de la côte, les canons de nos bâtiments de guerre puissent agir efficacement pour la protéger.

Verrons-nous le siège de Salonique. C’est probable.

20 Décembre

Calme sur tous les fronts.

Les armées bulgares et austro-boches se sont arrêtées à la frontière grecque. Pourquoi et pour combien de temps ? Mystère !

Aux Dardanelles rien de nouveau. On peut se demander quelle chance nous reste-t-il d’aller à Constantinople par cette voie. En effet les Turcs reçoivent en abondance canons et munitions et seraient au besoin appuyés par leurs alliés.

Il est probable que nous restions à Gallipoli parce que notre départ en est quasi-impossible sans des pertes terribles en hommes et encore plus en matériel.

D’ailleurs nous neutralisons devant nous d’importantes forces turques.

du 23 au 30 Décembre

- en France -

Action locale au vieil Armand.

- aux Balkans -

On dit que des troupes austro-allemandes, bulgares et turques vont franchir la frontière grecque et marcher sur Salonique. C’est assez vraisemblable.

D’autre part, les élections grecques viennent d’avoir lieu ; les libéraux s’étant abstenus, la Chambre ne contient que des germanophiles. L’armée grecque est toujours mobilisée, il me semble bien probable que c’est contre nous.

Fin d'année

1915 s’achève tristement pour les Alliés. Leurs fautes ont été graves. Ils n’ont pas donné l’effort maximum et leur désunion a permis l’écrasement de la Serbie. Mais à mon avis la victoire des Alliés reste assurée à trois conditions : Volonté – Effort total – Union complète.