1er Juillet

Verdun

La bataille continue.

Anglais

Sur tout leur front les Anglais ont commencé un bombardement intense qui va crescendo. Ce n’est qu’un préliminaire, mais d’Ypres à la Somme des milliers de tonnes d’explosifs tombent sur les Boches.

Le grand Kitchener avait prévu une guerre de trois ans, il estimait que pour la victoire des Alliés, le concours total de grandes armées anglaises était nécessaire. Mais pour l’entrée en ligne de ces armées deux ans au moins étaient nécessaires, il fallait tout créer.

Il semble certain que d’Ypres à la Somme il n’y a pas loin d’un million de combattants anglais merveilleusement équipés et soutenus par une artillerie moderne et puissante. Ils sont pourvus de tous les engins de destruction que la science (cette divinité des orgueilleux) a inventé, y compris gaz asphyxiants, lanceurs de flammes, grenades, torpilles… Les réserves en Angleterre sont telles que ce chiffre d’un million sera non seulement maintenu mais augmenté. Voilà ce que la puissante Angleterre a fait et sans parler du blocus naval et du concours financier, tous les deux inappréciables.

Jean

Nous apprenons qu’il est à Verdun. Il vient d’être décoré et un mois après a été nommé chef de bataillon à titre temporaire au 41ème d’infanterie (Route de Rennes).

Russes

Les Russes sont arrêtés dans la région de Loutz où ils ont trouvé devant eux de nombreux renforts allemands, mais à leur aile gauche ils avancent rapidement et se sont emparés de Kimpolung et Kolomea.

2 Juillet

La bataille fait rage devant Verdun. Anglais et Français ont attaqué sur les deux rives de la Somme. Les jours qui vont venir en cet été 1916 s’annoncent comme les plus terribles que l’histoire ait jamais connu.

Juillet

La bataille de la Somme se poursuit. Les Anglais attaquant sur un front de 25 kilomètres ont trouvé devant eux un ennemi prévenu et prêt ; aussi, malgré leur terrible bombardement de sept jours ils ont avancé tout au plus de 2 à 3 kilomètres sur une partie restreinte du front attaqué. Ils ont occupé Montauban, La Boisselle, Mametz après des combats acharnés et fait 6 000 prisonniers.

Les Français attaquant sur les deux rives de la Somme sur un front de quinze kilomètres ont réalisé des progrès beaucoup plus importants. Sur une étendue de 10 kilomètres, ils ont pénétré de 5 kilomètres dans les lignes allemandes vers Péronne. Nos communiqués affirment que nos pertes sont minimes. C’est toujours la même histoire ; quand ce sont les Allemands qui attaquent,ils laissent devant nous des monceaux de cadavres malgré les plus formidables préparations d’artillerie. Quand les assaillants sont les Français, leurs pertes sont minimes. Certes, la valeur des troupes, la réussite ou l’échec de l’attaque et bien d’autres facteurs influencent le chiffre des pertes ; mais il n’est que trop certain que nos communiqués mentent. Ou bien, nous avons employé dans la bataille de la Somme des moyens d’attaque nouveaux, artillerie puissante, gaz toxiques… ?

Quoiqu’il en soit, notre progression a été remarquable et on peut regretter que les Anglais plus au nord n’aient pas réalisé des gains aussi sensibles.

La bataille continue d’ailleurs, elle continuera sans doute encore de longues semaines et il s’allumera sur le front d’autres fournaises.

Le fait capital et nouveau est que pour la première fois les Alliés prennent l’initiative, imposent leurs volontés. Nous allons cesser de parer les coups, nous allons frapper à notre tour… Enfin.

Ce changement tant attendu ! me remplit de joie.

Verdun

Les Allemands ont repris Thiaumont, leur bombardement est incessant, il faut s’attendre à de nouvelles attaques.

Russie

Les Russes maintiennent intégralement leur avance à leur aile droite malgré les attaques allemandes les plus acharnées. Ceci est excellent et prouve que les Russes ont enfin le puissant matériel qui leur manquait.

Au centre, ils commencent à ébranler l’armée Bothmer.

Au Sud, ils continuent leur avance rapide en Bucovine.

Italie

Les Italiens ont réalisé quelques petites avances, ils ne sont pas bien brillants nos braves Alliés ; ils n’ont guère comme bonnes troupes que leurs Alpins.

31 Juillet

Somme

La bataille a diminué en intensité au sud de la somme.

Au nord, les Français continuent à presser l’ennemi, ils ont gagné quelque terrain malgré la défensive acharnée des Allemands. Voici un mois que l’offensive franco-anglaise a commencé, nous accusons 25 000 prisonniers et la prise de 150 canons, nous avons pris une vingtaine de villages puissamment fortifiés. J’espère que ces avantages n’ont pas été trop chèrement achetés. Il faut attendre la suite des opérations ; il est vrai qu’avec le temps que nous avons du leur laisser, les Allemands ont créé des défenses telles qu’une avance foudroyante de nos armées est impossible ; il faut disloquer, démolir la muraille avant de tenter le grand assaut.

Les combats de ce mois sont préparatoires et nous ont été favorables, semble-t-il. Mais que d’éléments manquent pour apprécier justement la situation, quelles sont les pertes respectives ?

Russes

Les Russes continuent à développer leur remarquable offensive, particulièrement heureuse dans la région de Loutsk et en Bucovine Ils annoncent d’énormes chiffres de prisonniers. Il ne semble pas toutefois que les Russes aient réussi nulle part la rupture du front austro-boche ; ce front est seulement rejoué.

Situation d’ensemble

La face de la guerre a changé au profit des Alliés. Les grandes armées russes et anglaises sont enfin prêtes et armées. L’Allemagne est encerclée, mais le sang est prodigué à un point tel que il ne faudrait pas que la victoire se fasse trop attendre. Je ne vois guère que la mise hors de cause de l’Autriche qui pourrait amener une prompte solution au conflit.

Mais il ne s’agit pas de paroles mais bien d’actes. Il faut enfin réaliser cette victoire que nous disons certaine.

Les hommes braves, écrit Lloyd George, ne se vantent pas à l’avance des succès qu’ils espèrent.

Les Allemands ne sont pas abattus, ils peuvent toujours considérer orgueilleusement les immenses territoires qu’ils nous ont ravis par la force des armes. Il faut repousser les Boches et les envahir à notre tour. De cette façon seulement l’Allemagne sentira tout le poids de la défaite. Mais tout cela reste à faire.

Opération du corps d’armée de Jean

« Modèle d’énergie et de bravoure ; d’une activité inlassable, a rétabli une situation critique en rassemblant rapidement sous ses ordres des éléments épars (liaison, signaleurs, téléphonistes…) Avec cette troupe sans cohésion et faisant lui-même le coup de feu a su assurer l’inviolabilité de notre ligne en infligeant à l’ennemi de lourdes pertes »

A ce moment, mon frère se trouvait devant le village de Fleury (nord de Verdun)

Citation et Croix de guerre de mon beau-frère de K

« capitaine au 213ème »

« Père de sept enfants et appartenant à l’armée territoriale a demandé à être affecté à un régiment actif. A donné en toutes circonstances l’exemple du devoir, de l’énergie et du courage. Blessé le 30 Juin 1916, a refusé de se laisser évacuer et a été atteint le 2 Juillet d’une blessure grave »

Citation et Croix de guerre

de mon beau-frère de Kermadec, capitaine au 213ème

« Père de sept enfants et appartenant à l’armée territoriale a demandé à être affecté à un régiment actif. A donné en toutes circonstances l’exemple du devoir, de l’énergie et du courage. Blessé le 30 Juin 1916, a refusé de se laisser évacuer et a été atteint le 2 Juillet d’une blessure grave »

3 Août

La situation ne se modifie guère sur le front occidental. Nous avons conquis quelques bribes de terrain sur les deux rives de la Somme. Quelles sont les pertes respectives ? Quelle est l’armée qui s’use plus que l’autre ? Voilà ce qu’il faudrait savoir pour apprécier cette bataille de la Somme. Car maintenant que le bénéfice de la surprise a produit son effet, nous n’avançons guère. Le printemps de 1916 est fini, nous n’avons plus qu’un mois d’été, l’Allemagne résiste victorieusement sur tous les fronts.

Cependant dans un récent discours, Lloyd George a dit :

« Le triomphe final peut arriver bientôt, ou il peut se faire attendre, mais tant qu’il est donné à l’homme de prévoir les évènements, il approche avec le pas fatal de la destinée ».

Ceci me paraît fort juste, mais si l’issue se fait trop attendre l’Allemagne s’ensevelira sous les ruines de l’Europe.

Autrichiens

Il est de plus en plus évident que la tactique des Alliés est d’accabler l’Autriche et, pour réussir, il est nécessaire que nous accrochions l’Allemagne sur tous les fronts. S’il faut en croire la presse, la Roumanie ne tarderait pas à se mettre de notre côté. Ce serait très vraisemblable, mais le moment est-il venu. Il faut attendre.

Cette intervention de la Roumanie hâtant la fin de l’Autriche aurait une extrême importance.

Salonique

Les Bulgares ont attaqué le corps expéditionnaire aux deux ailes extrêmes. Il semble qu’en même temps, nous avons pris l’offensive au centre. Qui a eu l’initiative de l’attaque ? Ce n’est pas clair.

29 Août

De grandes nouvelles, l’Italie a déclaré la guerre à l’Allemagne, la Roumanie l’a déclaré à l’Autriche.

L’entrée en scène de la Roumanie me remplit de joie et d’espérance. La fin de la guerre m’apparaît comme possible en 1916. Mais toutefois, il convient de ne pas vendre la peau de l’ours. Il me paraît probable que la Turquie, la Bulgarie et l’Autriche seront rapidement réduites. Mais comment finira le grand drame, l’Allemagne reste debout avec sa puissante machine militaire, que va-t-elle faire ? Elle pourrait raccourcir son front et avec les effectifs rendus ainsi disponibles, secourir ses alliés. C’est peu probable car en reculant elle reconnaîtrait sa faiblesse et sa défaite.

Elle peut aussi lancer toutes ses forces dans une suprême et formidable offensive. Cette solution serait la seule qui pourrait lui laisser une petite chance de victoire. La guerre se terminerait alors par une phase courte, violente, décisive.

Bien entendu, cette offensive serait prise contre la France, là seulement de grands résultats pourraient être obtenus.

Quant à l’hypothèse de la paix, impossible. La France, l’Angleterre, la Russie, la Belgique, la Serbie réclament une légitime, une juste vengeance. L’Allemagne a conduit la guerre de telle façon que nous ne pouvons pas traiter avec elle, il faut l’écraser d’abord, ensuite nous lui dicterons nos conditions. Mais avant tout il faut qu’elle reçoive un terrible châtiment effectif. Bientôt la bête sera aux abois, nous voulons la curée des Gott mit uns.

Ce qu’est la grandeur des « Gott mit uns ».

« Qui donc arrivera à quelque chose de grand, s’il ne sent pas en lui la force et la volonté d’infliger de grandes souffrances ? Savoir souffrir, c’est la moindre des choses : de faibles femmes, des esclaves même y réussissent souvent à merveille. Mais ne pas s’effondrer dans la tristesse et dans l’incertitude intérieure, quand on inflige une grande douleur et quand on entend le cri de cette douleur. – Voilà qui est grand, voilà qui appartient à la grandeur ».

(coupure de journal)

Voilà des principes à retenir pour une application prochaine.

Déclaration de guerre de la Roumanie

« La déclaration énumère, en terminant, les motifs qui ont dicté les résolutions de la Roumanie :

1°) Les populations roumaines en Autriche sont exposées non seulement aux risques de la guerre, mais aussi à l’envahissement ;

2°) La Roumanie, par son intervention, pense abréger la durée de la guerre mondiale ;

3°) La Roumanie se range aux côtés des puissances qui peuvent l’aider le plus efficacement à réaliser son idéal national »

                                                                                    (coupure de journal)

La raison du plus fort est toujours la meilleure.

31 déclarations de guerre

« Du 28 Juillet 1914 à aujourd’hui le nombre des déclarations de guerre s’élève à vingt-neuf. Les voici :

1914

28 Juillet

l’Autriche à la Serbie

1er Août

l’Allemagne à la Russie

3 Août

l’Allemagne à la France

3 Août

l’Allemagne à la Belgique

4 Août

l’Angleterre à l’Allemagne

5 Août

l’Autriche-Hongrie à la Russie

5 Août

le Monténégro à l’Autriche

6 Août

la Serbie à l’Allemagne

11 Août

le Monténégro à l’Allemagne

11 Août

la France à l’Autriche-Hongrie

13 Août

l’Angleterre à l’Autriche-Hongrie

23 Août

le Japon à l’Allemagne

25 Août

l’Autriche au Japon

28 Août

l’Autriche à la Belgique

2 Novembre

la Russie à la Turquie

5 Novembre

la France à la Turquie

5 Novembre

l’Angleterre à la Turquie

7 Novembre

la Belgique à la Turquie

7 Novembre

la Serbie à la Turquie

1915

24 Mai

l’Italie à l’Autriche-Hongrie

21 Août

l’Italie à la Turquie

14 Octobre

la Bulgarie à la Serbie

16 Octobre

l’Angleterre à la Bulgarie

17 Octobre

la France à la Bulgarie

19 Octobre

l’Italie à la Bulgarie

1916

10 mars

l’Allemagne au Portugal

27 Août

l’Italie à l’Allemagne

27 Août

la Roumanie à l’Autriche-Hongrie

28 Août

l’Allemagne à la Roumanie

On pourrait encore augmenter la liste, puisque le Monténégro est en guerre avec la Turquie comme la Russie l’est avec la Bulgarie, bien qu’aucune déclaration officielle sauf la proclamation du Tsar (20 oct. 1915) n’ai été faite. »

(coupure de journal)

29 Août

la Turquie à la Roumanie

31 Août

la Bulgarie à la Roumanie

4 Septembre

Hindenburg a été nommé Chef d’état major général. Il semble que c’est vraiment un grand homme de guerre.

L’hypothèse d’une dernière et violente offensive allemande devient pour moi une certitude. Nous ne serions même pas sûrs de l’éviter en attaquant sans relâche sur tous les fronts. Les assauts anglo-français sur la Somme n’ont pas eu plus d’effet jusqu’ici que ceux des Allemands contre Verdun.

En ce moment il faut attendre le résultat produit par l’intervention roumaine. Les Roumains ont envahi la Transylvanie. Les Russes ont repris l’offensive du Pripet jusqu’en Bucovine D’autre part, la Turquie et la Bulgarie ont déclaré la guerre à la Roumanie.

L’attitude de la Grèce est toujours louche et l’armée Sarrail reste immobile alors qu’il semblerait si important qu’elle puisse attaquer vigoureusement.

Il y a place aux actes énergiques et à la manœuvre dans les Balkans, mais pour cela il faut unité de vue et de commandement. Si nous pouvions réaliser ces conditions, la Bulgarie serait écrasée en quelques semaines ; attendons les évènements sans oublier que nos ennemis tirent leur principale force de l’unité de direction et de leur position centrale qui leur permet de grouper au point choisi de grandes masses d’attaque.

Nous luttons contre un bloc qui peut encore mettre en ligne au moins huit millions de combattants appuyés encore d’une grande force morale et d’un matériel parfait et immense.

Nous avons tous les atouts dans notre jeu, espérons que nous saurons les utiliser de façon à pouvoir frapper vite, dur et sans arrêt la bête allemande. Ces trois conditions sont nécessaires et suffisantes. Il est vrai par exemple que dans l’armée Sarrail il y a des Français, des Anglais (Anglais, Indous, Autres) des Serbes, des Italiens, des Russes. Chaque catégorie a ses armes, ses munitions, ses lignes de communication. Il est bien difficile dans un pays sans chemins de fer, sans routes, de mener une offensive coordonnée avec de tels éléments.

8 Septembre

Depuis cinq jours la bataille s’est déroulée avec violence sur les deux rives de la Somme. Nous attaquons avec les Anglais sur 40 kilomètres de front. Les résultats sont intéressants, nous avons fait 7 000 prisonniers et progressé de 2 ou 3 kilomètres, pris 32 canons dont 28 lourds. A notre gauche, les Anglais ont été moins brillants, ils ont échoué sur Thiepval mais gagné un peu de terrain vers Bapaume, fait 1 000 prisonniers.

A Verdun nous avons aussi légèrement progressé vers Thiaumont.

- aux Balkans -

L’attaque brusquée de la Roumanie lui a valu l’occupation du tiers de la Transylvanie. Une armée bulgaro-allemande a pénétré dans la Dobroudja ; il est probable que de violents combats se dérouleront dans cette région.

La marche sur Sofia et Constantinople permettrait aux Russes de réaliser leur rêve. Il est clair qu’ils s’efforceront d’atteindre ce but. L’ouverture des Dardanelles serait de capitale importance.

L’armée Sarrail reste immobile, mais elle semble appelée à jouer un grand rôle.

Socialistes

Il nous faut compter avec l’ennemi de l’intérieur.

La responsabilité du massacre de 4 ou 5 millions d’hommes incombe lourdement à nos socialistes qui ont tout fait pour diminuer notre puissance militaire avant la guerre.

Ces messieurs se classent en plusieurs catégories ; il y a le rêveur utopiste, celui-la est convaincu, il y a le farceur qui n’est le plus souvent qu’un profiteur et dupeur du peuple… Ce qui est certain, c’est que le plus clair résultat atteint par ces malheureux a été de provoquer par leurs courtes vues le plus sanglant massacre de ce peuple dont ils prétendaient vouloir améliorer le sort.

Leur erreur a failli amener la ruine et l’abaissement complet de la France.

Maintenant, ils s’efforcent à l’avance d’empêcher la France de recueillir le fruit de ses victoires ; les innombrables victimes de la barbarie allemande n’intéressent pas nos bons socialistes, ce qui les intéresse ce sont les Boches, il ne faut pas les punir, il ne faut pas les détruire.

Jengersen a pu écrire justement de cette guerre :

« C’est comme si une main gigantesque serrait le globe terrestre pour en faire sortir du sang. Et dans quel abîme, de lumière ou de flamme, tombera le globe quand la main le lâchera ».

Cette effrayante image n’est nullement exagérée pour décrire l’épouvantable drame de cette guerre qui n’est pas finie.

Eh bien nos socialistes mènent une ardente campagne en faveur du peuple de roi, en faveur de la bête allemande.

Anniversaire de la Marne

« Le miracle c’est le soldat français qui l’a accompli, ce jour-là, boueux, et poussiéreux, harassé, en loques, hirsute, sale… sublime ! En septembre 1914, de Moltke avait sa grosse artillerie, Joffre avait les armées de la République, endiablées d’esprit, de blague et d’héroïsme, même dans la retraite, ces bataillons d’entêtés fils de France qu’il faut exterminer jusqu’au dernier pour leur faire lâcher la victoire, ces idéalistes impénitents qui passeraient sur le ventre de toutes les armées du monde derrière un morceau d’étoffe tricolore et aux sons de la Marseillaise ! Le miracle, ce fut la combinaison du coup d’œil des chefs et de l’âme des soldats ! Le miracle, c’est qu’à point nommé, une poignée de grands généraux ont crié « faut pas qu’ils passent ! » Et des légions de héros ont répondu « Passeront pas ! » Il y eu alors trois coups, trois coups d’audace et de génie où se résume toute l’histoire militaire de la France. Sur le Grand-Couronné, Castelnau tint, comme les voltigeurs à Eylau. Sur l’Ourcq, Gallieni arriva comme Desaix à Marengo ; au centre, Foch, suivant son célèbre message au généralissime, « débordé à droite, débordé à gauche, j’avance et tout va bien », enfonçait les troupes allemandes comme Condé les carrés espagnols. Mais le passé était un jeu d’enfant à côté de ces trois victoires de géants ».

(coupure de journal)

Ajoutons que Dieu n’a pas voulu que la France périsse.

18 Septembre

La bataille de la Somme se poursuit avec un grand acharnement. Les Anglais viennent d’obtenir un beau succès, prenant 3 villages et avançant de 1 à 3 kilomètres sur un front de 10 kilomètres. Il faut même dire que c’est leur première grande victoire sur terre. Elle permet de bien augurer de la suite des opérations ; car l’armée britannique est notre grande réserve, lorsque tous ses éléments seront bien au point elle fournira l’appoint décisif. Il n’est pas douteux que la France s’épuise plus vite que l’Allemagne ; mais l’Angleterre est prête à nous remplacer.

Les Français ont eux-mêmes avancé vers l’Est jusqu’à la route Péronne, Bapaume,  Thiepval. Combles et Péronne sont à demi encerclés. Quel est le plan de notre état major ? Quel est le résultat stratégique visé ? Quels sont nos pertes dans ces violents combats … Mystère.

Notre artillerie, notre aviation, nos méthodes d’attaque se perfectionnent chaque jour. L’héroïsme de nos troupes demeure splendide ; si grande qu’ait été dans l’histoire la gloire militaire de la France, elle n’avait jamais atteint cette hauteur.

- aux Balkans -

La Roumanie ayant choisi son heure, il y avait lieu de penser que l’Entente était prête pour une offensive combinée. Il n’en était rien. Jamais nous ne nous sommes montrés plus inférieurs. L’armée Bulgare commandée par Mackensen a pénétré dans la Dobroudja et battu les russo-roumains. A moins d’une violente réaction, très difficile maintenant, l’armée Mackensen va pouvoir se retourner contre Sarrail… Lamentable.

J’attends les évènements avec une certaine anxiété ; quel est ce plan d’Hindenburg ? Où se portera la prochaine offensive allemande ? il est clair que le meilleur moyen de la prévenir et même de l’empêcher est de redoubler nos efforts sur la Somme ou ailleurs.

Prenons exemple sur nos adversaires. Leur puissante offensive en Dobroudja n’est hélas que trop parfaitement connue et réalisée. Non seulement ils assurent la possession des détroits, mais ils préservent la Transylvanie et sauvent la Hongrie de l’invasion pour le moment.

28 Septembre

- en France -

Les armées franco-britanniques viennent de faire d’importants progrès au nord de la Somme, Thiepval, Lesboeufs, Morval, Combles, Rancourt sont entre nos mains. Encore plus de 10 000 prisonniers.

L’armée anglaise s’est couverte de gloire et la part la plus importante du succès lui revient. Inutile de souligner de nouveau l’extrême intérêt de cette maîtrise dont les Anglais font preuve chaque jour davantage.

Depuis le 15 Septembre on peut dire que nous commençons à montrer une réelle supériorité sur les Boches. Valeur du commandement, de l’infanterie, nombre et puissance de l’artillerie, suprématie de l’air : tous ces facteurs essentiels du succès semblent chaque jour se perfectionner dans nos mains. Il semble que petit à petit nous créons une méthode d’attaque irrésistible ; de plus en plus nous intensifions le feu d’artillerie.

Le dogme de l’inviolabilité des fronts est entamé ; depuis une quinzaine de jours nous avons détruit et conquis des fortifications que les Allemands avaient perfectionnées par deux ans de travaux :

Ø      conquête de haute lutte sur un ennemi prévenu et disposant de la totalité de ses moyens de défense,

Ø      progression sur un front étendu de 5 kilomètres en profondeur. C’est une allure de progression très satisfaisante.

Si les pertes sont seulement égales, nous sommes assurés (en continuant à perfectionner cette méthode d’attaque) de parvenir non seulement à user l’ennemi mais à le contraindre à évacuer tout ou partie de nos départements du Nord. Il est clair que nous recherchons la conquête des positions dominantes, il est clair aussi que la puissance des lignes allemandes va en décroissant à mesure que nous avançons.

Nous sommes à un tournant de la guerre, on peut dire que l’on perçoit quelques craquements dans le front allemand. L’équilibre des forces se rompt peu à peu en notre faveur, la victoire est plus certaine que jamais, mais quand et comment, c’est ce que 1917 nous apprendra certainement. Et qui sait, si l’automne est beau, peut-être verrons-nous de grandes choses avant la fin de 1916.

- aux Balkans-

L’armée Sarrail a commencé une offensive qui semble heureuse à l’aile gauche vers Monastir.

Dans la Dobroudja, l’armée russo-roumaine a réussi à contenir l’offensive ennemie et à préserver la voie ferrée Bucarest – Constanza. L’armée Mackensen se retranche, elle n’a que 65 kilomètres à garder. Voilà la marche des Alliés sur Sofia et Constantinople bien compromise.

- en Russie -

Depuis les marais de Pinsk jusqu’en Bucovine les Russes attaquent sans succès.