12 Octobre 1916

S’il fallait en croire les communiqués allemands, nous aurions tenté le 5 un « gigantesque » effort au nord de la Somme qui n’aurait abouti pour nous qu’à des pertes sanglantes. Nos communiqués ne nous ont parlé à cette date que d’une attaque partielle qui aurait atteint son objectif. Où est la vérité ? J’incline à croire le communiqué français, mais il est un peu étonnant que depuis notre brillante entrée à Combles le 26 Septembre nous n’ayons pas poussé notre offensive dans cette région.

Les Anglais au nord de la Somme ont occupé le Sars et pris 1 200 prisonniers. Au sud de la Somme nous approchons d’Ablaincourt – fait 1 400 prisonniers.

Front oriental

Les Russes continuent leurs vaines attaques. Les Roumains sont partout battus en Transylvanie, ils se replient sur leurs frontières. En Dobroudja aucun changement.

Au sud de Turtukaï les Roumains ont réussi à faire passer quelques troupes sur la rive droite du Danube. Elles ont été battues et refoulées. Impossible d’être plus lamentable que la pauvre armée roumaine. Espérons qu’elle saura profiter des dures leçons qu’elle reçoit, mais quelle désillusion pour nous.

L’armée Sarrail continue à obtenir quelques succès partiels dans la région au nord de Florina.

Situation d’ensemble

La deuxième quinzaine de Septembre avait été marquée par de réels succès pour nous sur le front occidental. Il semblait que nous prenions une réelle supériorité. Hélas ! supériorité bien éphémère ; voilà plus de 15 jours que Combles est à nous et la guerre de siège continue…

Sur le front oriental, la pauvre Roumanie est sur la défensive. Quelle preuve plus éclatante pouvons-nous avoir de la puissance de nos ennemis. Fin Août, nous pavoisions pour l’entrée en guerre de la Roumanie. L’Autriche semblait ébranlée par la perte de Goritz et l’offensive russe, il semblait impossible qu’elle puisse faire face à une armée fraîche, c’est tout au contraire la Roumanie qui est sérieusement menacée.

Les Alliés et la Roumanie ont manifestement montré leur infériorité. Ils ont été surpris quand ils auraient du surprendre.

Quel est le théâtre principal de la guerre ? où se produira la décision ? Est-ce à l’Occident, à l’Orient, dans les Balkans ? Journaux et revues discutent gravement cette question ! On peut en effet discuter à perte de vue…

Il est certain que la prise de Constantinople permettrait un énorme accroissement des forces militaires de la Russie. Mais il ne faut pas perdre de vue que nous luttons contre une armée de huit à dix millions de combattants, admirablement unis, armés, commandés, disposant d’une position centrale et par suite des lignes intérieures leur permettant de masser en un point quelconque des forces énormes. Dans une telle guerre d’usure ou à extermination, il faut que les Alliés soient forts partout, qu’ils accrochent l’ennemi sur tous les fronts simultanément en s’efforçant de l’user plus vite qu’ils ne s’usent.

L’importance du terrain occupé me semble de très mini-importance ; il faut mener des combats où l’adversaire a plus de monde que nous. Voilà le but capital. Si ce but est atteint, l’heure sonnera vite  où la Bête sera à notre merci.

Emprunt

Un deuxième emprunt français est ouvert du 5 au 29 Octobre au taux de 5 %. Prix d’émission 87,50 – Jouissance Février 1916. Notons que le Parlement n’a pas encore commencé à étudier les moyens de payer les arrérages du premier emprunt.

18 Octobre

- en France -

Rien de nouveau sur la Somme où les Allemands se renforcent chaque jour en hommes et encore plus en canons et mitrailleuses.

Succès locaux vers Ablaincourt ; 1 500 prisonniers.

Occident

Vaines attaques Russes.

- aux Balkans -

Je suis avec anxiété les évènements sur la frontière roumaine. Les austro-boches sous les ordres de Falkenheim attaquent simultanément tous les cols de la frontière ; on ne sait encore où va se porter l’effort principal. L’heure est grave pour la Roumanie.

Salonique

L’armée Sarrail est impossible. C’est un million d’hommes qu’il lui faudrait ; il est probable qu’il est loin d’en avoir la moitié et quelle tour de Babel que cette armée.

Sous-marins

Au large de New York huit vapeurs alliés ont été coulés par un sous-marin.

- en Grèce -

Venizélos a constitué à Salonique un gouvernement de la Défense Nationale. La Grèce a donc deux gouvernements ; à celui d’Athènes nous avons imposé le désarmement de la flotte, le contrôle des postes, des chemins de fer, de la police… N’oublions pas que l’Entente respecte la liberté des neutres ; nous sommes en plus les champions du Droit.

Quand on voit le triste sort qui menace la Roumanie, il faut pourtant reconnaître que Bratianu avait raison d’hésiter et on devrait aussi avoir quelque indulgence pour le roi de Grèce qui persiste à parier pour l’Allemagne.

La paix

Si la Roumanie est écrasée, le coup sera très dur pour nous. Dans tous les pays de l’Entente l’opinion ne manquerait pas d’être impressionnée par cette affirmation de la puissance des boches. L’énormité de l’effort et des sacrifices nécessaires pour arracher la victoire apparaîtra clairement. L’Allemagne qui sait que cette victoire ne peut plus lui appartenir essaiera d’obtenir une paix réservant l’avenir.

Nos socialistes continuent à s’agiter en faveur des camarades boches. Il est évident qu’il ne doit pas y avoir d’autre paix que celle que nous dicterons à l’Allemagne vaincue.

Il faut vaincre ou mourir. Pas d’autre alternative.

24 Octobre

Mackensen avait repris le 18 son offensive en Dobroudja. On pouvait espérer que sur un front étroit l’armée russo-roumaine (cette fois bien prévenue) briserait toutes les attaques. Il n’en a rien été, les russo-roumains ont été battus et n’ont pu défendre l’importante voie ferrée de Constanza. Le port important a été occupé par les bulgaro-turco-boches qui continuent à rejeter nos alliés vers le nord dans la boucle du Danube.

Vers son embouchure, le fleuve a plusieurs kilomètres de large et des ponts de fortune doivent être bien difficiles à établir ! J’espère que l’armée russo-roumaine pourra éviter une complète destruction.

Dans les Carpates roumaines, la situation est meilleure, les boches n’ont pu nulle part déboucher des cols transylvains. Quelque grave que soit la situation, il n’y a donc encore rien d’irréparable ; la défaite en Dobroudja n’ouvrant pas les portes à l’invasion dans les plaines de Bucarest.

29 Octobre

- en France -

Sur la Somme, nos communiqués sont muets pendant que les Allemands prétendent qu’ils repoussent de fortes attaques avec des pertes sanglantes pour nous.

A Verdun, nous avons remporté un beau succès ; l’armée Nivelle a repris en quelques heures Thiaumont – Douaumont – les bois de la Caillette et Fumin – la batterie Damloup. 5 000 prisonniers sont entre nos mains. D’après le communiqué nos pertes sont légères. Cette victoire aura un grand effet moral, c’est un coup de surprise. Mais quel en sera le résultat stratégique ? Allons-nous pouvoir l’exploiter, pousser plus avant ? Non, sans doute.

- aux Balkans -

Mackensen poursuit l’armée russo-roumaine dans le cul de sac de la Dobroudja.

Falkenheim poursuit ses attaques sur la frontière Transylvaine. Les Roumains les contiennent avec vaillance, on peut espérer qu’avec l’aide des Russes ils repousseront l’invasion de ce côté.

Rien de nouveau en Macédoine.

18 Novembre

Du 1er Juillet au 1er Novembre, les troupes franco-britanniques ont capturé sur la Somme 71532 prisonniers et 1449 officiers. Le matériel pris par les Alliés dans le même temps comprend 173 canons de campagne, 130 canons lourds, 215 mortiers de tranchées, 981 mitrailleuses.

La part des Français est de 40796 soldats, 809 officiers, 77 canons de campagne, 101 canons lourds, 104 mortiers de tranchées et 535 mitrailleuses.

Verdun

Dans les derniers jours d’Octobre et les premiers de Novembre, nous avons remporté un magnifique succès à Verdun, reprenant en deux journées de combat les forts de Thiaumont, Douaumont, Jaux, Damloup et faisant 6000 prisonniers. C’est l’effondrement définitif et le point final de la grande offensive boche sur Verdun. Nos troupes ont montré là une réelle maîtrise.

Somme

Sur la Somme, les Anglais et les Français continuent à donner périodiquement de violents coups de boutoir contre les lignes allemandes. Nous gagnons ça et là de petites parcelles de terrain et nous faisons beaucoup de prisonniers, beaucoup plus que dans la première année de la guerre : c’est là un fait intéressant, le ressort moral s’use chez nos adversaires.

- en Italie -

L’armée italienne a gagné du terrain par une violente offensive sur le Carso, faisant 10 000 prisonniers.

- en Roumanie -

Les Allemands continuent leur action méthodique contre tous les passages transylvains ; les Roumains aidés par les Russes résistent vaillamment, mais ils perdent du terrain.

En Dobroudja, l’armée russo-roumaine renforcée a repris l’offensive et s’approche de la ligne Cernavoda – Constanza.

- en Macédoine -

L’armée Sarrail continuant son offensive a gagné quelque terrain vers Monastir. Dans ces régions, les communications sont très difficiles, le transport des munitions forcément lent ne permet guère des opérations continues.

Sous-marins

La campagne sous-marine allemande prend chaque jour plus d’extension, elle éprouve sérieusement les marines de commerce et contribue pour beaucoup au renchérissement général de toutes choses.

Les chantiers allemands de constructions navales sont très puissants, il semble qu’ils ont en construction de très nombreux sous-marins.

Grave menace

Il y a là pour les alliés une grave menace. Si l’Allemagne échappe jamais à son châtiment ce sera grâce à une intense guerre sous-marine contre l’Angleterre.

30 Novembre

- en France -

Calme sur l’ensemble du front. Il est clair que l’hiver avec ses jours courts et pluvieux n’est pas favorable aux grandes actions offensives. D’ailleurs la région de la Somme a toujours été renommée pour l’abondance des pluies qu’on y recueille.

- en Roumanie -

Les plus graves évènements sont en cours en Roumanie. Après une vaillante résistance de plus de six semaines, l’armée roumaine a du livrer à l’ennemi les cols transylvains et l’armée Falkenheim s’est répandue en Valachie avec une foudroyante rapidité. Au même moment l’armée Machensen franchissant le Danube en plus de six endroits prenait à revers les troupes roumaines en retraite. Celles-ci ont rompu le contact et se sont repliées sur Bucarest pour éviter l’encerclement. Elles ont réussi semble-t-il et se sont établies sur les lignes de l’Argis, affluent du Danube qui coule du Nord-Ouest au Sud-Est à 20 kilomètres de Bucarest. Une grande bataille se livre actuellement d’où dépendra le sort de la capitale de la Roumanie. La perte de cette ville serait un coup très dur : espérons au moins que le gros des armées roumaines réussira à s’échapper et, avec le concours des Russes, pourra préserver la Moldavie de l’invasion.

Inutile de dire d’ailleurs que les nouvelles sont rares et que nous savons bien peu de choses.

Voilà deux mois que le péril de la Roumanie est évident. L’hiver interdisant toute opération sur une grande partie du front russe, on pouvait penser que nos alliés enverraient en Roumanie d’importants effectifs. Les communications sont difficiles nous dit-on, c’est possible, mais assurément le temps n’a pas manqué. Constatons une fois de plus l’impeccable manœuvre allemande, en face de la véritable imbécillité des alliés.

Les Boches occupent actuellement la riche Valachie et disposent de ses abondantes ressources en blé, bétail et pétrole. Est-ce le but que visait l’Entente quand sa diplomatie décida la Roumanie à entrer en guerre à ses côtés ? On attendait une puissante offensive concertée pour couper les empires du centre de l’Orient ; tout au contraire, voici la Roumanie écrasée. Le Russe, dit-on, attend que la foudre ait mis le feu à la maison pour faire le signe de la croix ; pourquoi la Russie n’a-t-elle pas secouru la Roumanie, est-ce incurie, est-ce manque de ressources : quel que soit le motif c’est déplorable.

Une fois de plus l’infériorité des Alliés apparaît éclatante. Après deux ans et demi de guerre c’est grave ; si les Alliés commettent encore les mêmes erreurs, la victoire leur échappera.

- en Serbie -

Nous avons pris Monastir et gagné quelques kilomètres au nord de cette ville ; c’est un succès incontestable mais la défaite roumaine rend bien illusoire l’effort de notre armée de Macédoine.

6 Décembre

- en Roumanie -

Les Allemands ont pris Bucarest et les armées roumaines reculent vers l’est. Je pense que ce recul doit être quelque peu désordonné. Quant aux souffrances de cette malheureuse Roumanie envahie, j’aurai tout dit en rappelant que l’armée d’invasion comprend en plus des austro-boches des corps turcs et bulgares.

Il faut espérer que les Russes ont préparé au moins sur le Sereth des positions de repli et que là s’arrêtera la débâcle roumaine. N’oublions pas que les russo-roumains ont d’importantes forces dans le cul de sac de la Dobroudja. Il faut attendre les évènements et espérer quand même !

- en Grèce -

La prise de Bucarest a eu un grave contre coup à Athènes. Depuis 18 mois Constantin subit, la rage au cœur, la tutelle des Alliés. Le désastre roumain a sans doute fait luire à ses yeux la possibilité d’une revanche. Le 1er Décembre, il a tenté à Athènes le renouvellement des « vêpres siciliennes ». Les détachements de marins alliés ont été lâchement attaqués et les victimes ont été nombreuses ; du Pirée la flotte française a lancé une trentaine d’obus sur Athènes et a coupé ainsi à un plus grand massacre.

A la suite de ces évènements, les Alliés ont déclaré le blocus complet de la Grèce ; nous ne savons pas grand chose de ce qui se passe à Athènes, il me semble évident que Constantin mobilise. Si faible que soit l’armée grecque, elle pourrait constituer une grave menace contre Salonique dans le cas probable où l’armée bulgare renforcée par Machensen essaierait de jeter à la mer l’armée Sarrail.

Mais n’oublions pas que si l’Allemagne est puissante, l’Entente dispose elle aussi de forces énormes, mais ces dernières ne pourront l’emporter que si elles sont enfin coordonnées.

Cohésion militaire

Il faut que les Alliés réalisent en 1917 une parfaite cohésion militaire, sinon la victoire leur échappera. Tout est encore réparable, mais il n’y a plus la moindre faute à commettre.

Il faut aussi qu’en France nous réalisions la cohésion politique. La république romaine nommait un dictateur quand la patrie était en danger. Il nous faut un pouvoir exécutif comprenant au plus quatre ou cinq membres qui puissent décider et agir.

Mais qui désignera ces membres, qui modifiera ce conseil des cinq si l’un d’eux apparaît incapable.

Combien apparaît béant le trou par le haut dans ces temps tragiques. Il nous manque un roi, uniquement national, pouvant, au-dessus des partis, rechercher les hommes nécessaires au salut du pays, où qu’ils se trouvent.

La chose la plus urgente en France est de commencer par fermer le théâtre des Folies Bourbon.

Le Commandement
Allemand

Je ne puis mieux faire que reproduire presque textuellement en les résumant ces réflexions d’un neutre. « Du côté de Berlin, tout marque la décision rapide, implacable, sans scrupule d’aucune sorte. On ne voit que le but à atteindre. On lui subordonne tout. L’Etat seul compte ; les particuliers ne sont rien. Il n’a plus de lois morales. Il n’y a plus de traité. Il n’y a plus de signatures données. Il n’y a plus de libre arbitre chez les particuliers. Il n’y a plus de consciences. Quant aux Etats dont le sort est lié à l’Allemagne……. » (malheureusement ici encore la photocopie trop pâle est illisible)

Mobilisation civile en Allemagne

(texte paru pour cette mobilisation).

« Berlin, 23 – Le projet de loi relatif au service auxiliaire national a la teneur suivante :

1.      Tout citoyen allemand de 17 à 60 ans, pour autant qu’il n’a pas déjà été mobilisé dans les troupes armées, est tenu de remplir le service auxiliaire national pendant la guerre.

2.      On entend par service auxiliaire national, outre le service auprès des autorités et des institutions, surtout le travail dans l’industrie de guerre, l’agriculture, les soins aux malades, le travail dans les organisations militaires de tout genre, ainsi que dans toutes les autres entreprises qui ont une importance directe ou indirecte au point de vue de la conduite de la guerre ou du ravitaillement du peuple. Le service auxiliaire national dépend d’un office créé au ministère royal de la guerre de Prusse.

3.      Le Conseil fixera les dispositions nécessaires pour l’exécution de cette loi ; il peut punir les récalcitrants jusqu’à une année de prison et d’une amende jusqu’à 10 000 marks, ou de l’une de ces deux peines ou des arrêts.

4.      La loi entre en vigueur dès le jour de sa publication. Le Conseil fédéral fixera la date où elle cessera d’être en vigueur.

On lit, entre autres, dans l’exposé des motifs :

Malgré tous les succès déjà obtenus, le peuple allemand doit continuer à arrêter l’assaut d’un monde d’ennemis et il ne peut compter pour cela que sur ses propres forces et sur l’aide de ses alliés, afin de s’assurer la victoire. Il est indiqué de mettre toutes les forces de tout le peuple au service de la patrie. Ceux qui sont capables de porter les armes donnent chaque jour en face de l’ennemi de nouvelles preuves de leur bravoure et de leur endurance ; la muraille que les fils de l’Allemagne forment autour de la patrie reste debout, inébranlable malgré tous les efforts de l’ennemi et toutes les privations. Ceux qui sont restés à la maison, hommes et femmes, se sont montrés dans une grande mesure dignes de leurs concitoyens en campagne par leur travail au service de l’économie militaire, mais cette armée de l’arrière peut encore être sensiblement accrue, le travail de guerre manque encore de cohésion et de réglementation, ce qui pourra seul lui donner toute son importance et lui faire porter tous ses fruits.

Dans ce but, toute la population non mobilisée en Allemagne est à la disposition du nouvel office, afin de mettre en valeur pour la défense de la patrie toutes les ressources du pays. Le projet a pour but de donner à cet office ainsi qu’aux hautes autorités appelées à le seconder, la base légale de leur activité.

Cette loi rend le service auxiliaire obligatoire. Comme pour le service de l’armée, on ne doit avoir égard, dans ce service auxiliaire, à aucune considération de différence sociale. Si ce service patriotique est rationnellement réglé, on sera rarement obligé de recourir à la contrainte. Il paraît indispensable de rendre ce service également obligatoire pour les femmes, car leur travail peut avoir une grande importance au point de vue militaire. »

Le Kaiser a investi Hindenburg d’une autorité illimitée. La gravité des mesures prises montre bien d’ailleurs que l’Allemagne….. (malheureusement ici encore la photocopie trop pâle est illisible)

France

La France est victime de ses institutions, de son régime stupide. Nous en sommes toujours et il ne saurait en être autrement à attaquer-aborder, défini par Charles Benoist « N’importe qui étant bon à n’importe quoi, peut être mis n’importe quand, à n’importe quel endroit ».

Que fait la Chambre : elle se réunit chaque jour à 2 h 30 en séance secrète pour délibérer sur des interpellations dont la liste s’allonge chaque jour, il y en a déjà quarante cinq…

Il y en a paraît-il pour trois semaines. Après nous aurons des séances secrètes au Sénat…

De quoi est-il question dans ces séances, sans doute de questions nationales mais de quelques unes encore je suppose où les rancunes des partis et les préoccupations personnelles ne sont pas étrangères. A l’abri du secret, l’Union sacrée doit en voir de belles et nos honorables échangent entre incompétents de copieuses injures.

Nos 23 ministres sont obligés d’être assidus aux séances et, quand ils n’y sont pas, doivent préparer leurs réponses et leurs discours – sans compter des séances devant les commissions du Sénat et de la Chambre.

Dans le même temps en Allemagne, le Kaiser et Hindenburg conçoivent et exécutent.

Le contraste finit par crever les yeux même des parlementaires et des démocrates les plus enragés. On juge un arbre à ses fruits.

Tous les journaux font paraître des appels à l’unité, à l’autorité.

Avec le temps de paix, nos institutions démocratiques conduisaient infailliblement la France à sa ruine complète par suite de la décomposition lente de tous les principes vitaux d’une société. La mort de la France était certaine, mais elle serait venue lentement.

En temps de guerre, ces institutions démocratiques peuvent nous conduire à la mort violente.

Fort heureusement, les pays sont comparables à des organismes vivants ; quand une pourriture les envahit et menace leur existence, il se produit automatiquement une réaction de la vie contre la mort, les éléments pourris sont violemment rejetés.

Les démocraties sont destructrices de toutes les autorités ; le désordre et le gâchis suivent nécessairement cette disparition de l’autorité indépendante. Alors surgit un chef, une poigne de fer que la foule acclame comme un libérateur. J’espère que si les excès au Parlement continuent, nous allons apprendre la fermeture violente de cette usine à gaz asphyxiant qui infecte le pays.

Dans ces heures graves il est certain que c’est le pouvoir militaire qui sauvera la France, il serait donc naturel qu’ayant toutes les responsabilités il ait aussi tout le pouvoir.

Dans l'attente de la victoire

Voilà la troisième année que nous célébrons Pâques dans l’attente d’une victoire qui fuit devant nous, comme le mirage dans le désert. L’heure de la résurrection n’a pas sonné encore pour nous, mais elle sonnera, nous en avons la conviction fortifiée en nous et par ce qui s’est passé sur les champs de bataille pendant ces trente-deux mois, et par les enseignements qui se dégagent des émouvantes cérémonies que la liturgie catholique a prodiguées en ces temps de carême et de Semaine Sainte.

Jamais le monde, dans son ensemble, n’a traversé une pareille crise, jamais aussi la sagesse humaine ne fût plus complètement mise en défaut par les évènements. Rien ne s’est passé comme les gens de savoir et d’expérience l’avaient annoncé, aussi pour tous ceux qui faisaient métier de vaticiner sur l’avenir, d’après le passé et le présent, la prudence est-elle devenue la vertu principale.

Mais, au fur et à mesure que ce temps de grandes angoisses s’allonge, chacun prend de plus en plus conscience de la gravité de l’épreuve et de l’influence qu’elle aura sur les destinées des hommes.

Tant de sang répandu, tant de vies dépensées, tant de cœurs brisés, tant de ruines morales et matérielles accumulées, qui font un ensemble d’horreur comme on n’en a jamais vu au cours de nos six mille ans d’histoire, nous entraînent à penser que notre pauvre humanité, après être passée, comme le Christ, par les humiliations et les tortures de la Passion, sortira purifiée de l’épreuve, guérie, pour une nouvelle vie, des vices nombreux, dont la croissante malfaisance inquiétait les gens avisés.

Jusqu’ici, l’équilibre apparent des forces ennemies se maintient sur l’immense champ de bataille, où se décide le sort du monde. La vaillance de nos soldats et de ceux de nos alliés, les efforts immenses faits du côté de l’Entente pour réparer les dangereuses lacunes d’une imprévision du temps de paix, qui n’écoutait aucun avertissement, un accroissement de forces constant, en un mot tout ce qui est de nature à faire naître un légitime espoir, se trouve de notre côté. Mais il semble qu’une force mystérieuse tient les événements en suspens et que l’Ange de la Victoire, qui doit donner aux coups que nous portons à l’ennemi leur pleine efficacité, attend un signal qui ne vient pas.

Ce signal, nous savons d’où il doit venir et nous savons aussi qui, plus que personne aurait autorité chez nous pour le provoquer.

A ce sujet, un grand évêque anglais a fait entendre d’éloquentes paroles, en une patriotique cérémonie qui vient de se dérouler à Paray le Monial, dans le sanctuaire où a pris naissance le culte du Sacré-Cœur, la grande dévotion moderne.

On avait eu l’heureuse inspiration de réunir là, au pied des autels, des représentants de toutes les nations belligérantes de l’Entente pour offrir (……photocopie illisible ….)   que la doctrine de Jésus a renouvelé la face du monde, que l’idéal de justice pour lequel nous combattons, c’est lui qui l’a proposé à l’humanité.

« L’historien – écrivait quelqu’un qui n’est pas suspect : Hippolyte Taine – l’historien peut évaluer l’apport du christianisme dans nos sociétés modernes, ce qu’il y introduit de pudeur, de douceur et d’humanité, ce qu’il y maintient d’honnêteté, de bonne foi et de justice. Il est l’organe spirituel indispensable pour conduire l’homme, à travers la patience, la résignation et l’espérance, jusqu’à la sérénité ; pour l’emporter par delà la tempérance, la pureté et la bonté, jusqu’au dévouement et au sacrifice. Ni la raison philosophique, ni la culture artistique et littéraire, aucun code, aucun gouvernement ne suffit à le suppléer dans ce service. Le vieil Evangile est encore aujourd’hui le meilleur auxiliaire de l’instinct social ».

S’il en est ainsi, les esprits sincères, insurgés contre la barbarie moderne, ne doivent-ils point, même s’ils n’ont pas la foi, rendre avec à Jésus tout au moins un hommage d’admiration et de gratitude.

En attendant de leur loyauté cette reconnaissance de la simple vérité historique, nous venons, avec une pleine conscience, vers le fondateur de l’ordre moral du monde et, par une mystérieuse et heureuse correspondance de ce pèlerinage lui-même, nous venons vers le Roi, Sauveur des peuples, vu plus clairement encore de nous tous, depuis que la terrible pluie de sang a dissipé les fumées de nos vanités et de nos hontes et depuis que toutes les réalités véritables ont été mises à l’épreuve du feu.

Oui, nous sommes dans le creuset, d’où il semble que va sortir un monde nouveau, dont le cardinal Bourne a donné le pressentiment à ses auditeurs quand il leur a dit : «  Cette assemblée est le signe de ce qui se fait, à cette heure, dans les mains pétrisseuses de la Providence : un commencement de reconstitution de la chrétienté, provoqué par un réveil de la conscience du monde. Les épreuves terribles par lesquelles nous fait passer la Providence, elle les a permises pour des fins de réparation, d’expiation, d’achat de grâces, bien inscrutables encore, peut-être, mais d’une sagesse infinie que nous reconnaîtrons sûrement un jour. »

Le représentant autorisé de l’Angleterre a salué la France en ces nobles paroles, qu’il importe de retenir, car elles sont un témoignage des motifs de foi qu’un passé glorieux nous permet de conserver en la destinée de notre pays :

« Voici la première au rendez-vous, la bannière de France, la fille aînée de l’Eglise, la patrie de Saint Denis, de Saint Martin, de Clovis, de Saint Louis, de Jeanne d’Arc, de Saint Vincent de Paul – la bannière du pays qui porte, à lui seul, le poids de la moitié des missions du monde, et qui étonne en ce moment l’univers par un héroïsme tel que nous devons y voir une grâce spéciale du Tout-Puissant. »

De toutes les nations qui combattent pour le droit et la justice, la France est incontestablement celle qui a été le plus à la peine, celle aussi qui s’est imposé les plus lourds sacrifices, c’est elle enfin qui a remporté la victoire décisive de la Marne, et qui a tenu bon, seule, pendant six mois devant Verdun, à l’assaut de tout ce que la science militaire et la volonté humaine peuvent accumuler de forces contre un ennemi.

Il sera juste que notre bannière, après avoir été la plus engagée dans les combats, se trouve, à l’heure du triomphe, la première à l’honneur. »

A. de VICHET

(coupure de journal)

15 Décembre

- en France -

A Verdun, l’armée Nivelle a brillamment poursuivi son succès des derniers jours d’Octobre. Sur la rive droite de la Meuse nous avons progressé de 3 kilomètres en profondeur sur 10 km de front. 11400 prisonniers dont 280 officiers. Voilà une attaque modèle ou certainement nos pertes ont du être très inférieures à celles de l’ennemi.

Il faudrait pouvoir donner plus d’extension à de telles attaques et les répéter souvent sur des points variés du front.

- en Roumanie -                                   

L’armée russo-roumaine se retire en combattant sur la ligne du Sereth. Dans la Dobroudja, les Russes sont refoulés vers le Danube.

- en Grèce -

Nous continuons à envoyer périodiquement des notes à Constantin. Celui-ci ne cède qu’à la force ; sa haine contre l’Entente et par suite sa mauvaise foi sont évidentes. Si une attaque Machensen se dessine contre l’armée Sarrail, il est clair que Constantin fera tout son possible pour l’appuyer.

Notre diplomatie envers la Grèce semble depuis longtemps tout à fait dénuée de sens commun.

Politique en France

A la suite du comité secret de la Chambre, le ministère a été remanié ; Lyautey a été appelé au ministère de la guerre. Un comité de guerre de cinq membres a été constitué, Joffre y est adjoint en qualité de conseiller technique. Le général Nivelle lui succède dans le commandement des armées en France.

Briand a failli être renversé et nous avons failli avoir Clemenceau pour le remplacer. C’eut été une catastrophe car si Clemenceau est un destructeur éminent, il n’a jamais rien édifié dans sa trop longue carrière.

Dans des conditions de gouvernement presque impossibles, Briand a obtenu d’importants résultats, le renverser serait absurde en ce moment à moins d’avoir sous la main quelqu’un de très supérieur pour le remplacer, ce qui ne semble pas le cas.

Vidange

Ce qui serait urgent, c’est de fermer la Chambre aussi bien que la boîte aux crocodiles du Luxembourg. Il y a là une mesure de salubrité publique, on peut dire une mesure de vidange à prendre au plus tôt. J’espère que Lyautey y pourvoira.

- en Angleterre -

Le désastre roumain et la mobilisation civile allemande ont aussi prouvé aux anglais qu’une conduite plus vigoureuse de la guerre était nécessaire.

Asquith a été remplacé par Lloyd Georges et un comité de guerre de cinq membres a été créé. Asquith ne se faisait d’ailleurs aucune illusion sur l’intensité de l’effort nécessaire pour la victoire. Il y a quelques semaines il disait dans un discours : « Je ne vous cacherai pas un seul instant ma conviction que la lutte exigera la mise en œuvre de toutes nos ressources, de toute notre patience et de toute notre résolution. »

Ces changements apportés dans les gouvernements anglais et français n’ont d’autre but que d’intensifier la guerre, il faut donc les considérer comme des évènements très heureux. C’est une heureuse conséquence des fautes des Alliés en Roumanie.

La paix

Je colle à la page suivante le texte insolent de la note boche que Bethman Holweck a lue au Reichstag.  L’Allemagne se proclame victorieuse et invincible et après s’être ainsi admirée, elle veut nous tendre sa main sanglante souillée de tant de crimes ignobles. Mais cette paix est évidemment impossible, nous devons châtier l’Allemagne et la mettre hors d’état de nuire. Les Alliés n’ont qu’un mot à répondre, celui qu’illustra Cambronne.

LES PROPOSITIONS DE PAIX ALLEMANDES

CE QU’EN PENSE L’ENTENTE

(Le texte de la note allemande)

Le chancelier a donné lecture de la note suivante au Reichstag :

La guerre la plus formidable que l’histoire ait connue ravage depuis deux ans et demi une grande partie du monde.

Cette catastrophe, que les liens d’une civilisation commune plus que millénaire n’ont pu arrêter, frappe l’humanité dans son patrimoine le plus précieux. Elle menace d’ensevelir sous ses ruines le progrès moral et matériel dont l’Europe s’enorgueillissait à l’aube du 20ème siècle.

Dans cette lutte, l’Allemagne et ses alliés l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Turquie, ont fait preuve de leur force indestructible en remportant des succès considérables sur des adversaires supérieurs en matériel de guerre. Leurs lignes inébranlables résistent aux attaques incessantes des armées de leurs ennemis. La récente diversion dans les Balkans a été rapidement et victorieusement contrecarrée. Les derniers évènements ont démontré que la continuation de la guerre ne saurait briser leur force de résistance. La situation générale les autorise plutôt à espérer de nouveaux succès. C’est pour défendre leur existence et la liberté de leur développement national que les quatre puissances alliées ont été contraintes à prendre les armes.

Les exploits de leurs armées n’ont rien changé. Pas un seul instant, elles ne se sont départies de la conviction que le respect des droits des autres nations n’est nullement incompatible avec leurs propres droits et intérêts légitimes. Elles ne cherchent pas à écraser ou à anéantir leurs adversaires. Conscientes de leurs forces militaire et économique, et prêtes, s’il le faut, à continuer la lutte qui leur est imposée, mais animées en même temps du désir d’arrêter le flot de sang et de mettre fin aux horreurs de la guerre, les quatre puissances alliées proposent d’entrer dès maintenant en négociations de la paix.

Elles sont persuadées que les propositions qu’elles apporteraient et qui viseraient à assurer l’existence, l’honneur et le libre développement de leurs peuples seraient propres à servir de bases à l’établissement d’une paix durable.

Si, malgré cette offre de paix et de conciliation, la lutte devait continuer, les quatre puissances alliées sont déterminées à la conduire jusqu’à une fin victorieuse, en déclinant solennellement toutes responsabilités devant l’Humanité et l’Histoire.

                                                         Signé : de BETHMANN-HOLLWEG.

                                                                                             (coupure de journal)

Note américaine

Peu de jours après la note allemande, nous avons une note américaine. Dans ce document long et filandreux, Wilson s’adresse à tous les belligérants et leur demande d’exposer leurs buts de guerre ; il ose dire que des deux côtés on semble tendre vers les mêmes buts. Il ne fait aucune différence entre le brigand et sa victime assaillie au coin d’un bois. Demander à cette dernière pour quel but elle se bat c’est tout de même un peu fort.

Déportations en Belgique

Après avoir contraint les ouvriers belges au chômage en saisissant les machines et les matières premières ou en voulant les forcer à travailler pour la guerre, l’Allemagne, prétextant ce chômage, a décidé de déporter chez elle ces ouvriers. L’horrible mesure se poursuit. Elle permettra à l’Allemagne d’envoyer aux armées quelques centaines de milliers d’ouvriers allemands.

- en Pologne -

Un manifeste austro-boche a proclamé la reconstitution du royaume de Pologne. Si les Russes ne répondent pas par une promesse analogue, il est à craindre que les Boches arrivent à recruter une nombreuse armée polonaise.

- en Turquie -

Avec l’aide de l’Allemagne, la Turquie semble organiser chaque jour des divisions nouvelles. Il est certain que ses ressources en hommes sont considérables.

Joffre

Un des premiers actes de Lyautey a été de faire signer un décret nommant Joffre, maréchal de France. Cette récompense était bien due au vainqueur de la Marne