Lundi 1er Juillet
Calme sur le front français.
Italie
Les Autrichiens ont tenté une grande offensive contre l’Italie. La bataille a été acharnée et a durée dix-huit heures particulièrement violentes sur la basse Piave. Après avoir été refoulé légèrement, les Italiens ont remporté un grand succès forçant l’armée autrichienne à repasser la Piave et capturant 25000 prisonniers.
On a fêté le 4 le jour de l’Indépendance, fête nationale américaine. A cette occasion nous avons appris officiellement que nous avions plus d’un million d’Américains en France. De tous les côtés on entend vanter la valeur des troupes américaines. Je dois dire que j’en suis fort étonné ; mais quelques divisions ont déjà été engagées et se sont battues admirablement.
Mais je n’ose croire que le nombre des divisions américaines à combattre soit encore bien élevé. Une grande armée comporte tant d’organes complexes qui ne s’improvisent pas. Il est vrai que l’Amérique mène vraiment la guerre totale et fournit le plus magnifique effort. Les méthodes américaines sont en bien des points tellement impérieuses qu’on doit s’attendre à voir une grande armée américaine sur notre front avant la fin de 1918.
Quant aux réserves américaines elles sont illimitées.
Le problème qui semblait si inquiétant du transport de ces forces à travers l’Océan semble résolu. Le rendement des chantiers américains a été tel que le constructions neuves dépassent maintenant le chiffre des destructions.
Si l’avenir st pleinement rassurant, le présent l’est un peu moins. Le front allemand dessine un vaste quart de cercle à 70 kilomètres de Paris et il est évident que Ludendorff prépare en silence l’effort suprême. L’heure est certainement grave, il faut tenir. J’ai confiance que la leçon des terribles surprises du 21 Mars et du 27 Mai n’aura pas été perdue. Mais il y a une grave menace sur Boulogne, Calais, Amiens, Paris.
La population de Paris a diminué de moitié. Tous ceux qui l’ont pu ont été chercher les objets les plus précieux et les plus faciles à transporter. Le manque de wagons et la pénurie des transports rend impossible les déménagements de meubles.
Je ne crois pas à la prise de Paris par les Allemands, mais un bombardement intensif de la ville par l’artillerie est une chose probable.
18 Juillet
L’offensive allemande a été déclarée le 15 au matin sur un front de 80 kilomètres de Château-Thierry à Massiges. A l’est de Reims, l’armée Gouraud a bloqué toutes les attaques. A l’ouest de Reims, la situation est moins favorable. Les Allemands ont franchi la Marne sur 15 kilomètres et ont progressé d’une dizaine de kilomètres vers Epernay. Non seulement mais la forêt de la montagne est menacée d’enveloppement. Mais on peut attendre avec confiance, ce grand effort allemand s’annonce comme un échec.
20 Juillet
Nous avons attaqué entre Aisne et Marne, on annonce 17000 prisonniers, les gains de terrain ne sont pas précis. Les Boches n’ont avancé nulle part. Est-ce une véritable victoire française. Attendons mais cette fois nous ne subissons plus passivement l’initiative de l’ennemi.
Foch attaque et manœuvre.
C’est un duel Foch Ludendorff – combien émouvant.
23 Juillet
Mon Dieu quel bonheur !! C’est bien l’échec complet de l’offensive allemande. La grande contre attaque de flanc ordonnée par Foch entre Aisne et Marne a surpris complètement les Boches ; ils ont du repasser la Marne, nous avons repris Château-Thierry et sur un front de 30 kilomètres nous avons gagné en profondeur de 5 à 10 kilomètres.
La bataille continue. Il faut s’attendre à une violente et immédiate réaction allemande sinon quel coup porté au prestige allemand, à l’orgueil allemand.
2 Août
Les Boches continuent à céder pas à pas le terrain sous la pression de nos troupes. Nous avons la Fère et Ville en Tarençois.
Tsar
Nicolas I vient d’être fusillé ou plus exactement ignoblement assassiné sur ordre d’un des innombrables Soviets Russe.
Je suis convaincu que l’histoire rendra pleinement justice à ce malheureux empereur qui fut un grand honnête homme, fidèle à sa parole. Les évènements nous ont montré l’aptitude du peuple russe à se gouverner lui-même. N’y-t-il pas là de quoi confondre les détracteurs du tsar. On ne peut reprocher à Nicolas I que sa faiblesse. La France et l’Angleterre ont d’ailleurs leur lourde part de responsabilité dans les évènements russes car au début ils ont favorisé le mouvement révolutionnaire contre l’empereur. Oh, diplomatie imbécile de ces deux démocraties… !
Cinquième année de guerre
Sera-ce la dernière ? Peut-être mais une année ce sera bien juste assez pour que l’Amérique soit prête. Les armements sont toujours plus formidables ; l’art de tuer et de détruire se perfectionnent, les ruines s’amoncellent. Mais plus que jamais, il faut tenir et vaincre.
Quand tout souffre physiquement au front de nos armées, il est risible de parler d’aucune angoisse des civils. Cependant, il est bien permis à ceux qui n’ont pas pu se battre d’avouer que ces quatre années n’ont pas été non plus commodes à vivre ; car, pour eux, le dérivatif et le narcotique de la véritable activité a manqué. A chaque instant a retenti à leurs oreilles le grand mot inquiet de Pascal : « Voilà ce que je voie et ce qui me trouble… »
Et ce trouble, ce doute n’aura jamais cédé qu’à deux remèdes : regarder le drapeau qui engageait l’honneur, le passé, les acquisitions séculaires de la patrie, tous les biens idéaux ou matériels qu’il ne fallait pas aliéner ; et aussi regarder dans la rue un enfant, signe d’un avenir qui devait rester libre, que personne n’avait le droit d’aliéner, qu’il ne fallait pas exposer à un lot de périls et de misères supérieur à tout ce qui en a été supporté…
Ces enfants de France à sauver de quelque avenir à la Russe le drapeau national à conserver sur eux, ce sera la justification éternelle des hommes d’Etat qui tinrent le coup au 2 août et des patriotes de tout parti qui les approuvèrent.
(coupure de journal)
Foch est nommé Maréchal de France.
?? Août
Les Allemands se sont repliés entre la Vesle et l’Aisne et le front semble se stabiliser dans cette région.
?? Août
Victoire anglo française
L’armée anglo française a attaqué le 7 sur tout le front Albert Moreuil (30 kilomètres). Les Allemands ont été complètement surpris ; trois jours de combats nous ont donné 35000 prisonniers, 500 canons et un gain de territoire de 30 kilomètres en profondeur sur 50 de front. C’est sans contexte une grande victoire, l’Allemand ne peut cette fois parler de retraite voulue ou stratégique, il a été surpris, battu et il recule en désordre. Montdidier est à nous. L’armée anglo française s’avance vers l’Est sur un large front.
J’avoue que pour moi ce magnifique succès était inespéré pour 1918. Il faut attendre les évènements. Notre attaque a été précédée d’une très courte préparation d’artillerie mais de nombreux tanks ont donné. Jamais nous n’avions réussi de cette façon ; la doctrine de l’inviolabilité des fronts a complètement vécu, le front allemand s’est effondré comme s’était effondré le nôtre en Mars.
Pétain a lancé un bref ordre du jour se terminant ainsi : « Je vous disais hier : obstination, patience. Je vous dis aujourd’hui : ténacité, audace, et vous forcerez la victoire ».
1er Septembre
Nous assistons à un revirement complet de la situation militaire. Les Allemands continuent à céder du terrain. Noyon, Roye, Lassigny, Péronne sont à nous. Plus au Nord les Allemands ont évacué le ?? Kemmer et cèdent peu à peu le terrain conquis par eux en Avril dans cette région.
Comment expliquer ces brillants succès suivant de si près nos lourdes défaites du printemps. Ils semblent dus à trois facteurs : le commandement unique, l’abondance des tanks, la grande supériorité de l’aviation. Et s’ajoute la puissance et la rapidité inespéré du secours américain. Il faut attendre les évènements ; l’ennemi boche se retire vers la ligne Hindenburg, sa retraite s’effectue en assez bon ordre.
6 Septembre
Les Anglais viennent de remporter une brillante victoire, enlevant un large secteur de la ligne Hindenburg et faisant plus de 10000 prisonniers. Notre supériorité sur l’ennemi semble certaine. Avec quel bonheur j’écris enfin ce mot : « supériorité ».
Quelques chiffres
Dans un discours semi officiel, un ministre anglais a donné le chiffre de 90000 tués Britanniques.
Coût total de la guerre à ce jour : 5 à 6 milliards sans compter la propriété détruite.
Cette somme est supérieure à la valeur de toutes les valeurs certes sur les bourses du monde.
Toute la monnaie or et argent du monde représentait en 1918 une valeur de 52 milliards et demi.
Et la guerre n’est pas finie. Comment se liquidera la guerre ? Qui vivra, verra…
C’est l’anarchie la plus complète. Le peuple a tous les droits, il est absolument souverain. Les pieux gouvernent.
Le résultat est concluant. Terreux partout. Pillage systématique des banques, des usines, des musées… Tout ce qui représentait une valeur, un souvenir est détruit et le peuple qui a tous les droits meurt de faim.
Tel est après six mois l’état d’un pays où les socialistes ont pris en main le gouvernement.
?? Septembre
Les Allemands ont reculé partout jusqu’à la ligne Hindenburg. De leurs avances du printemps, ils ne conservent que la ligne de l’Aisne.
Les Américains ont remporté un brillant succès en détruisant la … que la ligne allemande faisait à St Mihiel ; dans cette … ils ont pris 15000 prisonniers.
Les Américains sont vraiment étonnants. On parlait autrefois sans cesse des bluffs et des canards américains ; tout ce qui était construit en Amérique était considéré comme inférieur. On parlait avec mépris de la construction américaine…
La vérité est heureusement tout autre. Nous aurions même beaucoup à apprendre d’eux.
26 Septembre
D’excellentes nouvelles arrivent de Syrie e de Macédoine. En Palestine, l’armée turque vient d’être défaite, virtuellement anéantie, les Anglais ont pris 55000 prisonniers, ils marchent sur Damas.
En Macédoine, sous les ordres de Franchet d’Esperey, l’armée alliée a enfoncé l’armée bulgare qui recule en désordre ; nous avons sur un large front progressé de cent kilomètres !
Ces deux grandes victoires sont pleines de promesses.
Offensive générale
(30 Septembre)
Est-ce que la fin de la guerre approcherait ! ?
Voici le bilan des 3 derniers jours.
1) Attaque anglo belge dans les Flandres – progression de 10 kilomètres – 9000 prisonniers.
2) Attaque anglaise de Cambrai à Saint Quentin – 22000 prisonniers.
3) Attaque anglo française dans la région de Sailly, chemin des Dames – progression qui va amener l’abandon de l’Aisne par les Boches.
4) Attaque de l’armée Gouraud de Suippes à l’Argonne – 9000 prisonniers – progression de 10 kilomètres.
5) Attaque américaine de l’Argonne à la Meuse – 11000 prisonniers – progression de 15 kilomètres
La bataille furieuse continue partout avec acharnement. Partout le Boche est accroché et recule malgré une résistance désespérée. Il doit faire face partout à la fois. Tiendra-t-il ? Demain nous le dira mais il encaisse durement et est ébranlé. Il faut attendre et on peut tout espérer.
En Orient, nouvelles excellentes.
En Palestine l’armée turque est détruite.
En Macédoine l’armée bulgare est en déroute. Nous marchons sur Sofia ; la Bulgarie demande la paix.