Mon service militaire

Appelé au Service de Santé des Armées, j’avais demandé les « Commandos de Marine » en première position, les « parachutistes » en seconde place… je me retrouvais à faire mes classes comme « infirmier »… Va savoir !!!

A la sortie de ces deux premiers mois, plutôt caserné que libre – il y avait les consignes pour les piqûres (la diète, le lit, interdiction de sortir), j’intégrai une école de sous-officiers à Mourmelon (camp tristement célèbre depuis…) La vie était très rude ; rassemblés dans des baraquements en bois d’une étrange ressemblance avec les films que l’on pouvait voir sur les camps de concentration. J’y ai cependant vécu une vie agréable, dure mais chouette. Il y avait les manœuvres au milieu des études et la vie de baroudeur n’était pas faite pour me déplaire… on faisait la petite guerre… avec des grenades et des balles à blanc. On mangeait des rations.

Paumés dans la nature, nous n’avions comme distraction qu’un  bar-restaurant  où se retrouvaient tous les mirlitons des environs. On y passait tous nos samedis soirs, on y mangeait pas trop mal mais on y claquait toute notre solde de misère ( à cette époque, j’ai arrêté de fumer car le prix de cession de mes « troupes » arrondissait mon ordinaire… heureusement il y avait les PFAT, parquées dans un coin du camp (PFAT = Personnel Féminin de l’Armée de Terre), présence féminine agréable que l’on retrouvait le samedi soir… mais il y avait aussi la « PM » (Police Militaire) et, à tour de rôle, personne ne faisait de cadeaux à personne !!! alors de la tenue et de la discipline et pas touche en public!!!

Trois mois ainsi se passèrent, pendant lesquels, un beau matin, au lever des couleurs, on nous annonça l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Trois mois de baraquement par chambre de six, sans aucune intimité, douches communes. J’en garde pourtant un bon souvenir.

A ma sortie, ayant gagné mes galons d’élève-sergent officier, avec le droit du port du képi, je fus nommé à Bar-le-Duc et pris en charge une section de trente six jeunes appelés. Ce fut aussi très sympa… vraiment très sympa et très cool… en fait j’avais l’impression d’être toujours en vacances. A Bar-le-Duc, j’avais ma piaule et mon ordonnance (un jeune appelé qui me supplia de le garder car, en réalité et je n’y avais pas songé, c’était une bonne planque pour lui). Il faisait la chambre, le lit, me cirait mes chaussures, lavait les chemises, repassait mes uniformes et me servait de chauffeur lorsque nous allions en jeep sur le terrain. Les élèves-sergent officier étaient à la cool, très respectés même par les sous-officiers supérieurs malgré leur réputation de « cinglé » (c’était presque tous de vieux baroudeurs avec à leur palmarès l’Indochine et l’Algérie) car ils savaient très bien que sous peu, quelques six mois, ils risquaient de nous voir revenir comme jeune sous-lieutenant et donc de se retrouver sous nos ordres… Nous ne leur faisions pas de cadeaux pourtant, tant pour nous-même que pour tous ces jeunes appelés un peu paumés et qui leur servaient trop souvent de souffre-douleur.

Ce fut aussi dans cette caserne que je me pris, par mon chef de corps, six jours d’arrêt de rigueur pour je ne sais quel motif ! Les arrêts, c’était assez marrant… J’étais consigné dans ma chambre avec mon ordonnance ; devant la porte, il y avait un de mes appelés armé d’un pistolet mitrailleur (chargé, je t’assure… c’était encore une période douteuse comme à la fin de chaque guerre et il ne fallait pas plaisanter… pas plus d’ailleurs que durant les gardes où nous faisions le tour de nos sentinelles la nuit… il y avait un mot de passe qu’il n’aurait pas fallu oublier car les sentinelles avaient ordre de tirer après trois sommations et, comme elles étaient conditionnées pour être mortes de peur elles auraient bien tiré avant les sommations…)

Trois mois donc super sympa (et c’est vrai sans aucune exagération ; moi, j’ai, contrairement à beaucoup d’autres, un très bon souvenir de mon passage sous les drapeaux et … sous les balles – cela faisait partie de notre heure quotidienne de sport : faire du rase-mottes sous un tir à balles réelles à un mètre de hauteur)

Je me souviens aussi du pas de tir qui se trouvait juste dans le champ de tir de la cavalerie mécanisée (les chars). Bien sûr, nous ne risquions rien car les chars tiraient sur des cibles à longue distance mais c’était très impressionnant d’entendre ces obus qui passaient à une dizaine de mètres au-dessus de nos têtes ; on entendait le coup de canon, puis le long sifflement de l’obus et enfin l’explosion. Au début ça fait drôle mais on s’y habitue… la guerre c’est la guerre et, à ce moment, elle était encore trop récente dans l’esprit des militaires de carrière pour ne pas nous en faire respirer un peu les odeurs de la poudre. Sans prétention je ne tirais pas trop mal tant du fusil en position couchée que du pistolet mitrailleur en position debout ou que du revolver à la jetée et le tir était l’une de mes occupations préférées.

Puis ce fut l’intégration à l’école des officiers du Service de Santé des Armées, située alors à l’hôpital Villemancy de Lyon, juste au-dessus de l’entrée du tunnel. Là, changement de régime : étude, sport, étude, manœuvre, étude… Nous étions à nouveau  par chambrée mais juste deux par piaule et j’étais  relativement bien tombé.

Mais au fait, tu dois te demander ce que je pouvais bien foutre au Service de Santé des Armées, moi qui ne suis ni médecin, ni dentiste et encore moins vétérinaire… Je sais tout juste faire des piqûres et aussi, j’en suis fier, accouché une femme enceinte (mais avec les moyens du bord en cas de survie durant une campagne militaire !) Et bien imagine-toi un instant que dans un Service de Santé, même aux armées, il y a des hôpitaux et qui dit « hôpital » dit bien entendu « soins » mais aussi « administration »… et donc, s’il faut des médecins et du personnel de santé, il faut aussi des administratifs pour gérer tout ça… je dis bien « tout ça » car ce « tout ça » n’est pas évident lorsqu’il faut gérer un hôpital de campagne ou même (excuse-moi) un BMC (« Bordel Militaire de Campagne ») car ça aussi ça faisait partie de ce « tout ça » et je ne plaisante pas (c’est le moral des troupes et j’ai participé au moral des troupes !!!)… Alors voilà, pour ma part, j’étais dan la branche des officiers d’administration du Service de Santé car, autre chose qu’il faut savoir, le Service de Santé était commun aux trois armées : terre, mer, air…

Trois mois d’école assez sympa avec une ambiance très chaleureuse et amicale malgré l’esprit de compétition que l’on retrouve dans tout type d’école préparant un concours et où il faut se battre pour gagner des places.

Lors de ma sortie, j’ai demandé les « Territoires Outre-Mer » en première position, le « Sahara » en seconde … je me suis retrouvé à « l’Hôpital Maritime de Brest » au bureau des »entrées et sorties » à trente kilomètres de chez moi et comme le personnel était pratiquement composé de vieux civils qui savaient travailler tout seul et qui travaillaient dans leur poste depuis toujours, comme j’en avais marre aussi… je passais une partie de mes six mois en bordure de mer… et mon travail se résumait souvent à venir chaque soir signer les bons d’entrée et de sortie (je veux dire les actes de décès car on mourrait beaucoup dans les hôpitaux militaires… il faut dire à leur décharge que nous récupérions tous les incurables que l’hôpital civil nous renvoyait, faute de places bien sûr) !!!… puis direction le mess où nous faisions de vrais festins en agréable compagnie d’appelés un peu plus âgés car ayant tous terminé médecine et faisant là leurs premières armes avec toute leur nouvelle conscience professionnelle dans une ambiance super sympa d’étudiants en fin de parcours et plus stressés par des examens.

Le 28 décembre, je rendais mon paquetage et regagnais la demeure familiale pour quelques très rapides et très courts jours de repos avant de m’attaquer enfin sérieusement à ma vie d’adulte à part entière.

Ma vie professionnelle

Je n’ai eu qu’un patron au cours de toute ma carrière commencée le 5 janvier 1965 à Chantilly et terminée le 31 Décembre 2000 au même lieu, même si ce Patron a plusieurs fois changé d’appellation

  • Oeuvres Sociales de la Société d’Encouragement de Chantilly
  • Société d’Encouragement pour l’Amélioration de la Race Chevaline en France
  • Société d’Encouragement et des Steeples Chases
  • G. I. E. GALOP
  • France-Galop

et même si mes activités ont été plutôt diverses et variées

  • Education
  • Démoustication
  • Province
  • Personnel
  • Gestion – Administration

En parfois des lieux différents

  • Avenue de Joinville à Chantilly
  • Bureau des Aigles toujours à Chantilly
  • Siège Social à Boulogne

Avenue de Joinville à Chantilly

Mais tout d’abord comment en suis-je arrivé à rentrer dans cette Société ?

Vers la fin de mon service militaire il fallait bien que je songe à mon avenir. Je n’oubliais pas que mes études ne pouvaient pas m’apporter grand-chose d’autant que je n’avais même pas réussi à décrocher la totalité de mon baccalauréat.

Que faire donc sans diplôme ou presque rien ? Une voie cependant pouvait s’ouvrir à moi via la « Capacité en Droit » qui me permettrait, si j’arrivais à en prendre possession, à entrer en Université et à pouvoir ainsi m’attaquer à une branche qui ne m’aurait pas déplu à cette époque : être Juge d’Enfant.

Mais je ne voulais pas devenir une charge pour mes parents surtout parce qu’il leur restait encore de trop nombreux petits frères et sœurs à s’occuper. Il était donc important pour moi de trouver une situation qui puisse me permettre tout à la fois de vivre indépendamment et de poursuivre des études.

C’est mon papa qui, dans les petites annonces du journal « La Croix » me trouva sans doute la solution. Il y avait une certaine Société de Chevaux de Courses à Chantilly (la Société d’Encouragement pour l’Amélioration de la Race Chevaline en France) qui avait créé des Œuvres Sociales pour former ses apprentis « lads-jockeys » et qui cherchait des moniteurs « sans expérience » pour encadrer ces jeunes au sein d’un Centre d’Apprentissage.

L’emploi du temps nous semblait propice à la réalisation de mes projets : s’occuper des jeunes de l’heure du repas de midi jusqu’au coucher avec une interruption de deux heures entre 17 et 19 heures. Ainsi je me retrouvais avec toutes mes matinées de libre et vu la proximité de Paris pouvoir m’inscrire en Fac.

Rendez-vous fut donc pris avec le directeur de cette Société Monsieur Yann de Chevigny entre les fêtes de Noël et du premier de l’An en cette fin d’année 1964. Papa m’accompagna dans cette démarche et je fus présenté le jour même au Responsable du Centre des Apprentis : Serge Boireau. L’affaire fut immédiatement conclue et mon embauche fixée au 5 du mois suivant.

Je débarquais donc ce 5 Janvier 1965 avenue de Joinville à Chantilly et me vis confier immédiatement la charge de 18 apprentis répartis en

  • 1 dortoir de 14 (tous âgés de 14 ans) et
  • 1 chambre de 4.

Je me pris immédiatement au jeu et y consacrai rapidement la totalité de mon temps espérant trouver dans ce job une possibilité d’avenir.

Il me semblait en fait difficile de m’occuper de jeunes sans vivre quasiment à part entière en leur compagnie. Aussi allais-je souvent passer mes matinées dans les écuries et sur les terrains d’entraînement afin de les accompagner dans leur travail et leur prouver ainsi que je m’intéressais véritablement à eux.

Il est vrai que ces jeunes, de 12 à 16 ans mais parfois, de par leur taille (petite) et carrure (tout en muscle mais rien en graisse pour respecter le poids), en paraissant beaucoup moins, menaient une vie dure qu’il m’aurait semblé anormale de feindre d’ignorer.

Tout d’abord le lever était très matinal et souvent bien avant le lever du soleil. C’était un de mes collègues, Robert, qui avait la responsabilité chaque matin d’effectuer le réveil. Il passait d’un dortoir à l’autre avec sa baguette qu’il laissait traîner sur les barreaux des lits à étage et en fer en remontant et en redescendant le dortoir... cela, de si bonne heure, faisait un bruit infernal. Il fallait aussi qu’il contrôle qu’aucun de ces petits « garnements » ne restait au poteau car à cet âge il était parfois difficile de « tomber du lit » de si bonne heure. Ensuite, le petit déjeuner pris, il les conduisait en bus dans les différentes écuries.

Là, ces jeunes apprentis s’occupaient de leurs chevaux, il leur en était attribué en moyenne trois à chacun. Il leur fallait effectuer les soins : pansage, nourriture, nettoyage du box, etc. ... ensuite les chevaux sortaient à l’entraînement sur les terrains. Ils sortaient par lot, généralement trois lots dans la matinée. Ce moment était le moment privilégié pour tous ces jeunes qui se sentaient devenir quelqu’un du haut de ces animaux pas faciles à manier.

Il faut dire qu’il s’agissait de purs-sangs et, pour ma part, j’établissais souvent cette comparaison : une « formule un » comparée à une bonne « vieille 2 Cx ». Il en allait de même entre un « pur sang » et un « cheval de labours ». Aussi les accidents pouvaient-ils être relativement fréquents, j’ai vu trop de ces jeunes se tuer ainsi au cours de leur travail, en règle générale et en moyenne un par an durant mes trois années parmi eux.

Quel que soit le temps, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou qu’il fasse grand soleil, il fallait sortir et rien ne pouvait déroger à cette règle hormis parfois de très grands froids qui gelaient trop le sol et le rendaient du même coup trop dangereux pour ces pauvres... chevaux. Il faut voir la grosseur de leurs jambes pour mieux comprendre leur fragilité et savoir aussi qu’un cheval cassé est, neuf fois sur dix, un cheval mort... drame aussi pour ces jeunes de voir ainsi partir leur compagnon.

Car ils ne vivent plus que pour ces derniers et il nous est parfois même difficile de les faire partir en vacances ou même tout simplement en week-end dans leur famille tellement ils se sentent bien auprès de ces animaux tout à la fois attachants et respectables.

Il faut avouer que nous n’avions pas à faire à de petits enfants de chœur mais à des jeunes extrêmement durs pour certains d’entre eux tout du moins. Il ne nous était pas rare de se voir confronter parfois à une chaîne à vélo ou même à un « cran d’arrêt » mais nous avions chaque fois le dessus ne serait-ce que par le raisonnement et la discussion... alors tout rentrait dan l’ordre et plus on savait se montrer ferme avec eux, plus souvent ils nous respectaient et s’attachaient à nous. Pour ma part, je n’ai jamais eu de problèmes graves avec eux et m’en suis parfois faits de bons amis que je côtoie encore aujourd’hui, l’un d’entre eux est même le parrain de l’un de mes petits-enfants.

J’ai passé là de très agréables moments de ma vie. Je me sentais un peu comme en grandes vacances et mon travail ne me rebutait jamais en rien. Nous formions aussi avec les autres moniteurs une excellente équipe soudée autour de son directeur avec lequel nous vivions un peu comme en famille en tout cas en toute amitié. Il en était de même avec tout le personnel du Centre : femmes de ménage, femmes de salle, cuisiniers, plongeurs...

Le soir, après avoir couché tout notre petit monde, nous partions souvent entre moniteurs et en voiture pour une bonne partie de « rigolade » en forêt et nous terminions presque tous les soirs dans un « routiers » autour d’un steak frites... Nous rentrions fort tard mais décontractés et soulagés de tous nos soucis de la journée et avant de regagner nos chambres nous faisions un tour de nos dortoirs respectifs pour vérifier que tout le monde dormait et surtout était encore dans son lit.

Ces « gosses », durs souvent, étaient un peu nos propres « gosses » et nous faisions parfois n’importe quoi pour eux. Il faut dire que ce n’était pas des « enfants de choeur », je l’ai déjà dit et il nous arrivait, disons une fois la semaine, d’avoir une descente de la gendarmerie pour un ou deux mauvais coups qu’ils avaient pu faire en ville.

Je me souviens entre autre, un soir, d’avoir vu débarquer l’adjudant de gendarmerie, il s’agissait à l’époque de l’adjudant Duval et nous le connaissions très bien... il était d’ailleurs fort sympathique et compréhensif dans la plupart des cas mais il y avait parfois des limites à ne pas franchir et ce soir c’en était une qui avait été franchie : l’un de nos apprentis avait attaqué à main armée sa propre grand-mère qui tenait un café tabac... Il s’agissait de l’un des apprentis placés sous ma responsabilité. Bien sûr il n’était pas au Centre et personne ne savait où il avait pu disparaître. Aussitôt les gendarmes sortis, avec un de mes collègues nous partîmes à travers la ville et nous l’avons recherché toute la nuit, sans succès d’ailleurs mais bien décidé à le cacher, dans un premier temps et ce jusqu’à ce que l’affaire se tasse, si nous l’avions retrouvé car pour nous c’était la seule et unique solution pour le tirer de ce mauvais pas et le remettre un temps sur une meilleure voie. Je sais que, très longtemps, par la suite, il nous en sut reconnaissant.

Par la suite, je me suis occupé des moyens. Ceux-ci occupaient le dortoir des 22 et la chambre de 4 attenante... ils étaient aussi mille fois plus durs et pour régler mon problème de discipline à l’intérieur du dortoir j’avais nommé le plus dur d’entre eux, chef de dortoir... ainsi je m’en fis un ami et il se calma conscient de ses responsabilités.

J’étais logé dans un premier temps dans une petite chambre que je m’étais très bien aménagée... elle n’était pas bien grande mais servait aussi de lieu de détente avec mes autres collègues pour le café après le déjeuner. Par la suite, lorsque le Centre se fut agrandi je me suis octroyé deux chambres en vis-à-vis dans un des nouveaux bâtiments afin de me donner un peu plus de place de liberté... d’autant qu’à cette époque je recevais régulièrement le week-end mes cousins, Michel et Bernard, ainsi que leur sœur, Marie-Christine qui allait devenir mon épouse.

En plus de mon poste au Centre de Joinville, j’eus à assurer au cours des diverses vacances des remplacements soit au foyer de Lamorlaye, soit à la villa de Monsieur Boussac ou à celle de l’écurie Cunnington.

Malheureusement en ces temps là le métier était fort mal payé... tout en l’étant, dans la fougue de notre jeunesse et de notre insouciance, suffisamment : nous étions logés, nourris, blanchis et notre salaire nous servait d’argent de poche... alors que demander de plus !

Cependant cela ne pouvait suffire et songeant désormais à épouser ma cousine avec laquelle nous nous considérions comme fiancés il fallait que je cherche autre chose de plus sûr et de plus stable.

Ayant suivi des cours de programmeurs par correspondance... c’était l’époque des « grosses machines « et des cartes perforées et avec l’aide de mon frère Michel je pus alors rentrer en contact avec un certain nombre de Société Bull qui recherchait pour son agence « Paris-Nord » un directeur qu’il formerait par eux-mêmes et répondant à certains critères. Je correspondais, semble-t-il, au profil recherché et faillis ainsi être embauché, je passai des tests tous positifs et fus reçu plusieurs fois à leur siège où je passai plusieurs tests tous positifs.

Et pourtant cela ne se fit pas. Le responsable que j’avais alors rencontré à cette époque m’avait entre autre chose demandé de lui fournir un certain nombre de référence tant sur le plan scolaire que familial et professionnel. Tous les renseignements pris par eux furent favorables hormis un seul : celui de mon employeur qui ne répondit pas à leur enquête.

Lorsque je rencontrai Messieurs de Chevigny et Serge Boireau pour leur en demander des explications, ils se rejetèrent mutuellement la faute jusqu’au moment où Monsieur de Chevigny me proposa de quitter la branche des Œuvres Sociales et d’entrer dans les services des terrains de la Société d’Encouragement où un nouveau service avait été récemment créé et auquel il manquait un responsable à plein temps pour lui donner de l’ampleur, il s’agissait du Service de Démoustication. Ce que je ne pus qu’accepter.

Je quittai donc les Œuvres Sociales le 28 février 1968.

Service de démoustication de la Société d’Encouragement à Chantilly

Me voici donc à la Société d’Encouragement à la tête d’un tout nouveau service : « la démoustication ». Cela peut paraître curieux... pourquoi un tel service au sein d’une Société comme la nôtre ? Est-ce pour le seul bien-être des chevaux ? Non certes mais pour leur protection toutefois.

En 1964 il y eut une peste équine en Afrique du Nord. Des chevaux arrivaient en France par une voie frauduleuse via l’Espagne. Cette maladie pour les chevaux est très contagieuse et si elle parvenait à Chantilly, l’ensemble du cheptel pouvait être décimé en peu de temps. Le moustique étant l’agent vecteur de cette maladie il avait donc été décidé  de créer ce service.

Dans le même temps, c’était le vaste aménagement de la côte méditerranéenne française s’étendant des Pyrénées jusqu’à la Camargue en passant par Narbonne et Montpellier. Dans cette dernière ville se trouvait la Direction Générale et le Centre de recherche de l’Entente Interdépartementale de Démoustication du Littoral Méditerranéen dirigé par le Docteur Cousseran entouré d’une petite équipe de chercheurs.

C’est dans leurs services qu’en Mars 1968, au laboratoire de Montpellier, puis sur le terrain dans la région de Narbonne que je fis mes premières armes pour me former. J’y ai ensuite régulièrement fait un séjour annuel pour me remettre à la page des nouvelles méthodes employées, séjour au cours de l’un desquels Marie-Christine, devenue entre temps mon épouse, m’accompagna. Je garde un excellent souvenir de ces deux ou trois séjours que je passai là bas au sein d’une équipe formidable et des plus sympathiques.

A Chantilly j’avais une équipe de cinq hommes. Nous étions relativement bien outillés : jeep Cournil,  Unimog avec cuve et appareil de traitement, typha, et le personnel se déplaçait en vélo solex. Afin de protéger les écuries et l’ensemble des terrains d’entraînement nous traitions, sur arrêté préfectoral, l’ensemble des habitations et jardins des villes de Chantilly, Lamorlaye, Gouvieux et Coye-La-Forêt ainsi qu’un vaste territoire couvrant la forêt de Chantilly.

Chaque habitation était fichée et visitée chaque semaine. On y effectuait un traitement systématique de toutes les fosses d’aisance mais nous ne traitions les bassins ou points d’eau de quelque nature que ce soit qu’après analyse et présence de larves de moustiques.

Quant aux différents marécages ou autres points d’eau sauvages de la région nous en avions établis, sur cartes d’état-major, des relevés précis avec l’indication des pourtours selon les précipitations. Nous les surveillions régulièrement, y établissant des prélèvements de larves et des traitements uniquement si nécessaires.

En effet le moustique est un insecte très particulier et il ne faut pas croire que tous les moustiques sont néfastes à l’homme. Tout d’abord il n’y a que la femelle qui pique et ce dans un but très précis : celui de féconder par du sang les œufs qu’elle porte en elle. On distingue très aisément le mâle de la femelle, celle-ci porte un dard alors que le mâle porte des « moustaches « très abondantes.

Tous les moustiques ne piquent pas n’importent qui et encore moins n’importe quoi. Les uns ne piquent que les batraciens et les reptiles, d’autres que les oiseaux, les batraciens et les reptiles, d’autres encore les mammifères et tous ce que nous venons de voir, et il y a enfin il y a ceux qui préfèrent l’être humain. Il y  don une certaine hiérarchie dans cette espèce d’insecte qui va du plus bas vers le plus haut avec toujours une préférence pour le plus haut mais pouvant se contenter des « races » inférieures en cas de manque... Il n’est donc pas nécessaire de tuer tous les moustiques mais de ne s’attaquer en fait qu’à ceux qui nous intéressent dans un cas précis ; ici, les nuisibles aux mammifères, ajoutons-y uniquement pour notre confort personnel, ceux qui piquent l’être humain.

Si malgré tout nous nous y prenions trop tard pour traiter les larves nous opérions un traitement des moustiques adultes. Pour cela nous devions sortir la grosse batterie et inonder les terrains traités sous des fumées d’insecticides. Nous devions alors alerté gendarmerie et le service de sécurité des pompiers car il fallait barrer la Route Nationale lorsque l’on traitait ses abords sur le terrain des Aigles. Ces traitements par contre ne s’effectuaient que de nuit.

Ce travail passionnant car basé sur de la recherche : étude climatique, prélèvement, étude au microscope en laboratoire et traitement selon la nécessité uniquement m’a permis de connaître les principaux responsables de l’EID Montpellier qui étaient tous des hommes charmants. Comme j’avais aussi en charge l’hippodrome de Deauville j’en profitais souvent pour aller y travailler le vendredi ce qui me permettait ensuite d’y passer le week-end avec Christine.

Malgré ce travail qui me prenait beaucoup de mon temps, nous ne comptions pas nos heures à cette époque et la semaine des trente cinq heures était encore fort loin de nous. Il m’est même arrivé de travailler un jour de courses à Chantilly dès le matin 7 heures, puis à peine les courses terminées de sauter dans ma voiture car j’étais attendu sur l’hippodrome de Deauville pour un traitement nocturne. Je n’eus ensuite que fort peu de temps pour me reposer devant reprendre un poste de jour de courses sur l’hippodrome de Chantilly où j’étais à nouveau attendu à 8 heures du matin et cette nouvelle journée ne s’est achevée qu’à 19 heures. De retour alors à la maison, je me suis écroulé sur mon lit et me suis endormi sans même prendre le temps de dîner.

Je disais donc que malgré ce travail il m’arrivait, principalement durant les mois d’hiver où le travail se réduisait de partir sur divers gros chantiers extérieurs avec le principal responsable des travaux avec lequel je m’entendais très bien. C’est ainsi que j’ai participé par des métrages et des tracés sur le terrain aux travaux d’Avilly Saint Léonard, du Moulin à Vent (la nouvelle école des apprentis jockeys sur la commune de Gouvieux) ainsi qu’au relevé cadastral que j’ai même opéré tout seul de la plaine de Montgrésin que la Société souhaitait acheter alors.

Mais les menaces de peste équine s’étant éclipsées, le service perdit de sa vitalité et je fus remplacé dans mes fonctions par une nouvelle recrue qui lui-même fut rapidement remplacé par l’un de mes collaborateurs du moment.

Je passais donc à un autre style de formation celle de « touche un peu à tout », nous sommes alors début Juillet 1970.

Un petit tour par l’Hippodrome de Chantilly

Le cadre qui avait été responsable, avant mon arrivée, du service que je quittais maintenant avait pris alors la responsabilité de l’hippodrome de Chantilly. Etant tombé malade et par suite devant s’arrêter quelques mois je me vis confier la responsabilité de cet hippodrome au cours de tout l’été. Il faut avouer qu’à cette période de l’année cet hippodrome était légèrement en sommeil et que la responsabilité n’était pas fort énorme. : contrôle du personnel, surveillance des allers et venues de matériels principalement avec l’hippodrome de Deauville, arrosage des pistes.

Ensuite pour le dernier trimestre de l’année je regagnai les bureaux des Aigles où se situaient la direction et les services administratifs.

Bureaux des Aigles et bureaux de Chasseloup à Chantilly

Je commençais là par essayer de remettre de l’ordre dans toute la paperasserie : documentation, archives, plans, etc. ...

Dès le début de l’année 1971, je passai au service de la paye puis aux services plus général comptable où je me mis à seconder le Directeur Administratif sur le plan de la paye, du personnel, de la facturation aux entraîneurs des travaux effectués chez eux et pour eux, des budgets tout en poursuivant diverses autres activités techniques telles que le chronométrage le jour des courses ou les relevés et études pénétrométriques.

Malgré toutes les responsabilités que j’avais, je pense, remplies correctement je n’étais toujours pas au rang des cadres même pas à celui des « assimilés cadres » malgré tous les bons rapports et demandes de mes supérieurs hiérarchiques directs : Messieurs Leiris (Responsable de tous les gros chantiers de terrain) et Evain (Responsable administratif). Le Directeur de Chantilly, Monsieur de Chevigny, se faisant en permanence tirer l’oreille mais ne cédant pas je ne sais pour quelle raison.

  • Le 20 Janvier 1971, Monsieur Leiris conclut l’un de ses rapports ainsi : « ... En résumé, il apparaît que, quelque soit la tâche qui lui ait été confiée, Ph. Morize l’ait accomplie avec efficacité et sérieux. Les responsabilités accrues qu’il prend actuellement me font insister pour que vous envisagiez favorablement de le mettre aux Cadres et d’augmenter le salaire de Ph. Morize. »
  • A la même date, Monsieur Evain écrit de même : « ... Le sérieux et l’efficacité avec lequel il a rempli ces fonctions variées nous incitent à envisager favorablement son inscription aux Cadres et le réajustement de son salaire qui passerait de 1800 francs, payés par Chantilly, à 2200 francs payés par le Siège.

Tarabusté par ses deux collaborateurs directs, susnommés ci-dessus et qui, eux, me connaissent bien car nous travaillons souvent de pairs, Monsieur de Chevigny se décide enfin en février 1972 (courrier qu’il garde finalement sous le coude) puis en juillet de la même année (courrier qui finalement restera sans suite) à demander mon inscription aux Cadres et un réajustement de mon salaire de 1800 francs à 2000 francs.

Ce n’est finalement qu’au 1er Janvier 1973 que leurs demandes seront partiellement suivies d’effet et qu’enfin je serai inscrit à la Caisse des Cadres mais seulement au niveau de l’article 36 et avec un salaire de 2400 francs toujours payé par Chantilly c'est-à-dire sans aucun des avantages du personnel rémunéré directement par le Siège Social. Il faut savoir que mon salaire ayant subi les augmentations générales à tout le personnel était passé à 2310 francs et qu’au même moment Monsieur Evain en avait réclamé 2510 pour moi.

A partir de cette date, mes activités vont de nouveau être multiples et variées. En 1973 on me demande de remettre debout le service de démoustication, remise en route demandée par l’ensemble des entraîneurs... lorsque l’on donne un certain confort aux gens il est difficile ensuite de le leur enlever ! On me confie en plus de nombreuses études statistiques sur l’utilisation du personnel ; à cet effet je mets en place des feuilles manuscrites de pointage qui nous permettront tout à la fois d’avoir tous les éléments nécessaires au calcul de la paye mais aussi à l’activité individuelle de tous les salariés. Je prends aussi en main le suivi budgétaire et comptable de tous les chantiers de Province.

Mon emploi du temps sur les huit premiers mois de l’année s’établit ainsi :

 

Temps de présence

Dont démoustication

Janvier

205 h.

10 h.

Février

180 h.

20 h.

Mars

205 h.

90 h.

Avril

200 h.

80 h.

Mai

230 h.

100 h.

Juin

240 h.

130 h.

Juillet

190 h.

110 h.

Août

240 h.

130 h.

On est de plus en plus loin des 35 heures actuelles et inutile de préciser qu’étant passé Article 36, on me considère comme au forfait et je ne touche du coup le hiatus d’une heure supplémentaire.

Le 12 Avril, Monsieur Evain revient à la charge : « ... La nature, la variété et le niveau de responsabilité confiés à Morize, et qu’il assume avec compétence et régularité, nous invite tout naturellement à proposer son inscription au régime des cadres (Article 4) avec le titre d’attaché de Direction. Dans le même temps il propose que l’on me mette totalement avec lui comme coordinateur de l’ensemble des services administratifs avec sous ma tutelle le responsable de la paye, celui de la comptabilité et celle de la caisse ainsi que les trois secrétaires du service.

Ce ne sera qu’au 1er juillet 1974 que nous obtiendrons à demi satisfaction ; en effet, à partir de cette date je passe Article 4 mais mon appellation persiste sur ma fiche de paye en « Agent Technique », ce qui ne veut rien dire en soit vu le travail que j’effectue qui est plus administratif que technique mais... les vexations perdurent... Cela ne m’empêche pas de poursuivre mon travail (je sais que dans ce milieu, il faut en permanence se battre au risque de ne pas toujours plaire !) et à la demande de Monsieur Leiris je mets en place les rapports d’activité de l’utilisation détaillé du personnel... ceci devrait être un instrument extraordinaire de travail d’autant qu’il n’est qu’interne à Chantilly et que la masse salariale représente à l’époque près de 80% de notre budget d’exploitation.

En 1973 et en 1974 j’assurerai aussi, en collaboration avec Monsieur Leiris et en compagnie souvent de Henri-Luc Bouvet la mise en place et la surveillance d’un certains nombres de chantiers en Province. Je serai ainsi envoyé à Mont De Marsan, au Lion d’Angers, à la Roche Posay, Segré, Ploërmel et surtout à Nort sur Erdre.

A Nort sur Erdre il m’est proposé de monter une antenne de la Société et de prendre la direction administrative des terrains d’entraînement que nous venons totalement de rénover. A cet effet, je rencontre le Président de la Société des Courses du lieu et j’accepte ; je resterai sous l’égide de la Société d’Encouragement et simplement détaché en Province. Je ne prendrai cependant pas ce poste, ce Président, le Marquis de ... (j’ai oublié son nom pour l’instant mais il me reviendra sûrement car c’était un homme jeune d’une quarantaine d’années et surtout charmant) devait décéder brutalement d’une crise cardiaque.

Une petite anecdote au sujet de Nort sur Erdre. Ayant été un soir invité à dîner avec Monsieur Leiris au château de cette personne, je me suis permis en arrivant de l’appeler par son « rang » en le saluant d’un très courtois : « Bonjour Monsieur le Marquis ». Après le dîner sur le chemin du retour je me suis fait reprendre un peu vertement par Monsieur Leiris : « Morize, on n’appelle pas les gens par leur rang, ils sont fait comme nous, et vous devez lui dire « Monsieur » comme à tout le monde ». Question d’éducation...

A partir du 1er Janvier 75 et sous l’égide de Monsieur Evain mes responsabilités ne vont cesser d’augmenter tout au long de l’année, souvent d’ailleurs de ma propre initiative mais en plein accord avec Monsieur Evain, ce qui n’a sans doute pas lieu de plaire à tout le monde... Je prends l’entière responsabilité de la paye et des dossiers du personnel, entre autre la régularisation de tous les saisonniers (Algériens et Portugais) que nous employons 8 mois par an environ et qui nous arrivent bien trop souvent en illégalité... je leur obtiens carte de séjour et carte de travail. Je mets aussi en place un suivi budgétaire et l’établissement de résultats analytiques internes tant sur les Terrains que dans les Oeuvres Sociales en tenant compte de l’utilisation du personnel.

En 1976, toujours sous l’égide de Monsieur Evain, pas toujours très facile ni aimé par le personnel mais avec qui je m’entends très bien, je poursuis et me vois confier en plus une certaine responsabilité sur la comptabilité. Les services administratifs ont été transplantés en dehors des bureaux des Aigles et nous sommes installés au château de Chasseloup transformés en bureaux... nous avons donc une certaine indépendance dans notre travail et plus de facilité d’organisation.

C’est au cours de cette année qu’un « Audit » est demandé par notre Président Monsieur de Chaudenay sur l’ensemble de la Société. Le Groupe Bossard chargé de cette étude remarque à Chantilly l’agent technique » Morize et surtout les services mis en place sur Chantilly qui ressemblent fort à du « contrôle budgétaire ». Je suis du même coup nommé « contrôleur budgétaire » de Chantilly (ce n’est pas pour autant que mon appellation va changer !) et mis en hiérarchie parallèle sous la dépendance d’Olivier de Malherbe,  responsable du contrôle budgétaire de l’ensemble de la Société, lui-même sous la tutelle directe du Président de Chaudenay.

Je me trouve à partir de ce moment souvent en porte à faux car je dépends aussi de la hiérarchie de Chantilly sous la dépendance de Monsieur de Chevigny. Je dois dans le même temps rendre des rapports mensuels et à mon directeur (Mr de Chevigny) et à mon responsable budgétaire (Mr de Malherbe). Il m’arrive alors parfois des histoires cocasses mais toujours très agréables ; en effet le Président de Chaudenay est un industriel qui est habitué au Contrôle Budgétaire et gère beaucoup par lui... il va donc très vite dans ses études... beaucoup plus vite que d’autres n’ont pas pris le temps de lire mes rapports et s’étonnent de ne pouvoir répondre aux questions ou demandes d’explication qui leur sont faites par le haut... Ceci me vaudra d’ailleurs un jour d’être appelé « au rapport » et de m’entendre dire par mon directeur de l’époque : « Faites attention Morize, vous n’êtes pas marié avec la Société ! ». Cela ne m’empêche pas de poursuivre mon travail avec ténacité car je sens enfin qu’on me prend au sérieux.

En 1976, ma situation va encore changer. En effet les services administratifs (personnels et exploitation) sont enlevés à Monsieur Evain et confié à Monsieur Boireau qui me demande de continuer à travailler avec lui en compagnie de Claude Palmer, un de mes anciens collègues du temps de l’avenue de Joinville et qui est resté aussi pour moi un excellent ami (nos deux couples se fréquentent d’ailleurs régulièrement). Nous allons tous les deux nous partager le travail, Claude : les Œuvres Sociales au service desquelles il est resté depuis son entrée, moi : les Terrains que je connais désormais mieux. Cette situation ne va pas perdurer car, en réalité, il n’y a pas de travail sérieusement pour deux. Claude Palmer va prendre la Direction du Centre Chirurgico-médical des Jockeys et moi l’ensemble des services administratifs des Œuvres et des Terrains.

Le 16 novembre de cette même année je vais avoir une entrevue sérieuse avec Monsieur Boireau au cours de laquelle je vais lui proposer, vu l’importance que prennent les Œuvres Sociales et leur regroupement à l’échelle de la Métropole, de scinder les services administratifs des Œuvres et des Terrains. Cette idée lui plaît mais il n’ose pas encore se lancer.

En Février 1977, ENFIN, ma valeur semble reconnue et mon appellation prend une tournure plus conforme à la réalité, je deviens : « Attaché de Direction » et mon salaire augmente de 17%. Je dois tout de même avouer que depuis le 1er juillet 1974, date de mon passage « Article 4 » à ce jour ce même salaire a augmenté de 45% (en comptabilisant bien entendu les augmentations générales de la Société) mais qu’il reste encore bien inférieur aux autres cadres qui m’entourent... c’est bien vous dire combien, à l’époque » j’étais payé avec un « lance-pierre ».

Mon travail ensuite se répartira entre les Terrains où je contrôle le service du Personnel et la Comptabilité tout en conservant en mains propres le contrôle budgétaire. Pour m’aider dans ma tâche il y a 5 personnes pour les Œuvres Sociales et 2 pour les Terrains. C’est à cette même époque que je fais entrer mon frère dans les services des Œuvres Sociales et je dois à mon tout me battre pour faire admettre qu’il soit inscrit à la Caisse des Cadres.

Bureau de Chasseloup

Au service des Œuvres Sociales

Très rapidement cependant mon principe de séparation des services administratifs des Terrains et les Oeuvres sera retenu et Monsieur Evain récupèrera ses anciennes fonctions tandis que je me consacrerai totalement aux Œuvres qui, par décret ministériel, ont pris de nouvelles appellations et de nouveaux statuts : l’AFAJDHE (Association de formation des apprentis jockeys) et l’A.G.O.S.E.C. (Association de gestion des Œuvres Sociales), gardant pour seule activité auprès des Terrains le contrôle budgétaire toujours en hiérarchie parallèle.

Dès lors, avec l’aide de mon frère et celle d’un comptable qui a été embauché, nous allons mettre en place l’ensemble des services administratifs de ces deux Associations sur l’ensemble de la métropole et allons devoir tour à tour nous déplacer dans les différentes écoles d’apprentissage et foyers d’accueil des jeunes lads aux quatre coins de l’hexagone. Ainsi nous allons nous rendre à Cagnes sur Mer, à Marseille, à Toulouse, à Mont de  Marsan, à Graignes mais aussi plus proche en région parisienne : à Maisons Laffitte et à Grosbois. Nous y serons chaque fois superbement bien reçu et y abattrons un très bon travail.

Afin de mieux réussir ma mission je vais me lancer dans des stages de Comptabilité auprès d’un organisme le « PACEI ». Je poursuivrai ensuite par des stages d’informatique auprès du même organisme où je me ferai un excellent copain dans le fils du Directeur de l’époque, Dominique, ami que je perdrai le 21 avril 1988 dans un accident de voiture et dont je donnerai par la suite le nom à mon troisième enfant.

Malheureusement des problèmes personnels avec Monsieur Boireau influencé par sa secrétaire et n’ayant plus besoin de moi, ainsi qu’une cavale générale montée à Chantilly contre moi me font regagner, du jour au lendemain, les services des Terrains et quitter les Œuvres Sociales sans aucune reconnaissance de qui que ce soit. N’y suis-je pas habitué ? Ceci me rappelle une réflexion que mon papa m’avait faite lors de sa première venue à Chantilly et qu’il avait rencontré Serge Boireau : « Fais attention, cet homme sera un obstacle dans ta vie car il aura toujours l’impression que tu chercheras à prendre sa place ! Monsieur de Chevigny me paraît bien différent ». En fait je n’ai jamais rien eu à attendre ni de l’un ni de l’autre... et si Messieurs Evain et Leiris n’avaient été là jamais je n’aurais pu faire mon trou dans cette fichue Société...

Retour aux bureaux des Aigles

Une nouvelle fois il va me falloir refaire mes preuves... les services des terrains se sont structurés sans moi, il va me falloir à nouveau bousculé un peu les uns et les autres. Grâce à mon rôle de Contrôleur Budgétaire que je n’ai jamais abandonné mais toujours poursuivi avec ténacité je vais petit à petit me refaire une nouvelle place.

En effet, très vite Monsieur Evain me réclame auprès de lui et me re confie mes anciennes responsabilités tant auprès du Personnel que de la Comptabilité. Et puis au Siège après divers nouveaux « Audits » on a vu ce qui était fait sur le plan analytique à Chantilly et on aimerait bien instaurer des études identiques sur les deux autres hippodromes de la Société en ce qui concerne les fiches d’utilisation du personnel appelés « relevés hebdomadaires ». Pour plus de simplicité on commence même à parler « informatique ». A Chantilly j’ai déjà fait inscrire au budget un ordinateur, ce n’est qu’un IBM « 386 » mais il faut bien un début à tout.... on va suivre sur les autres centres et on va même me charger sous l’égide du nouveau directeur financier d’informatiser ces deux nouveaux hippodromes et d’y étendre les mêmes types d’analyse.

Avec mes collègues de Longchamp et de Deauville, occupant le même poste sur leur propre hippodrome que celui que je détiens maintenant sur Chantilly, nous formons une bonne équipe de travail et travaillons en étroite collaboration dans un esprit de camaraderie. Nous avons des réunions régulières au Siège soit avec les différents responsables budgétaires qui se succèdent soit avec les services de comptabilité générale.

Les années passent, les plans sociaux se succèdent, les directions passent et je me fais un véritable trou à Chantilly enfin reconnu par le successeur de Monsieur de Chevigny, Christian de Lagarde qui attachera ne grande importance aux analyses et études que je lui remets très régulièrement.

Le bouleversement dans le monde des courses

Début 1992, le monde des courses commence à bouger ; on en parlait déjà depuis un certain temps mais désormais les choses se concrétisent : les Sociétés Mères du Galop fusionnent entre elles puis viennent s’y adjoindre les trois Sociétés Filles. De Société d’Encouragement pour l’Amélioration des Races de Chevaux en France, nous devenons Société d’Encouragement et des Steeple Chases de France... au niveau même de Chantilly, cela ne change pas grand-chose... puis avec l’arrivée des trois « filles » nous devenons le « Groupement d’Intérêt Economique Galop ».

Le bouleversement le plus conséquent pour moi sera finalement la transformation du GIE Galop en Société de « France Galop ». Avec cette dernière transformation les hiérarchies changent du tout au tout et les structures elles-mêmes... Chantilly va être cassé et ses cadres dispersés... au soulagement d’ailleurs de son nouveau directeur, Yves de Chevigny, qui cadre aussi attendait cette place depuis longtemps et qui confiera à un des entraîneurs du Centre qui me le confiera à son tour quelques jours plus tard : « Je ne peux que me trouver soulagé du départ de Morize et de Riou de Chantilly »... notre avenir et nos nouvelles conditions de vie lui importaient peu pourvu qu’on ne puisse gêner sa carrière !

Siège Social à Boulogne

C’est ainsi que je vais me retrouver parachuté au Siège de Boulogne au 1er Septembre 1995... je n’ai pas de poste bien précis mais me retrouve au sein de la Direction d’exploitation des Sites... je remplace un « simple employé administratif » qui a été viré dans un autre service à cause de ses appartenances syndicales... bonjour l’ambiance à mon arrivée. Je dois être sous la hiérarchie du Responsable Administratif du Service qui est déjà tout étonné d’apprendre que je suis « cadre » alors que la place qu’il me destinait n’avait rien à voir avec celle d’un cadre. aussi pendant un temps je vais « glander » pour rien me tapant de plus deux bonnes heures de transport le matin et tout autant le soir alors que j’aurais tant de travail à Chantilly !!! mais nous ne sommes pas maître de nos destins et je le suis encore moins que quiconque du mien propre !

Mais là aussi je vais finir par m’en sortir. Par chance pour moi et par malchance pour lui, mon responsable direct est remercié et ses tâches réparties entre moi pour tout ce qui concerne l’analytique et un autre collègue du Siège pour tout ce qui a trait aux dépenses d’investissement, nouveau collègue faisant partie du même service mais au Siège bien avant moi.

Anecdote pour vous montrer toujours la bizarrerie du monde qui m’entoure : je suis au Siège de la Société à Boulogne mais je continue à dépendre des avantages du Comité d’établissement de Chantilly... autrement dit, je bénéficie de la cantine de Chantilly et n’ai pas le droit à celle du Siège. Cette anomalie durera tout de même un trimestre entier... j’ai du en maigrir mis ainsi au régime forcé... je ne pouvais déjeuner à la cantine de Chantilly et pour cause... mais n’en avais aucun dédommagement... Je passerai sous l’égide du Comité du Siège au 1er janvier 96...

Mon appellation du même coup a aussi changé : je suis devenu « Expert Site ». En fait, auprès du Directeur d’Exploitation des Sites je suis chargé de mettre en place toutes les infrastructures de suivis budgétaires y compris les fameux « relevés hebdomadaires de Chantilly » et d’en assurer la consolidation. Les sites, suite aux différentes fusions et regroupements ont augmenté ; nous comptons désormais les Centres d’Entraînement de Chantilly, de Deauville et de Maisons-Laffitte, ainsi que les Hippodromes d’Auteuil, de Chantilly, d’Enghien, de Deauville, de Maisons-Laffitte.

Je suis ainsi appelé à me déplacer très fréquemment sur ces différents sites et je râle souvent en mon fors intérieur de tout ce temps perdu entre Chantilly et Boulogne alors que de Chantilly, grâce à l’informatique je pourrai tout faire directement sans avoir à me déplacer au Siège où j’ai « bêtement » mon bureau. Mes relations avec tous et chacun, que ce soit au sein même du service, du Siège, des sites sont bonnes et très souvent fort amicales. Il m’arrive aussi bien sûr d’avoir quelques déboires par ci par là n’étant pas toujours facile de me faire accepter dans ma mission sans lettre de change... ainsi serai-je un temps « interdit d’Hippodrome de Longchamp » le directeur de l’époque n’ayant pas reçu de note lui dictant mes responsabilités... et ne pouvant en obtenir moi-même pour légaliser ma situation... il y a des maladies et des maux incurables !!!

Suite à un gros problème (professionnellement officiel) de santé qui me verra arrêter trois mois consécutifs après quinze jours d’hospitalisation brutale et inattendue ma direction prend finalement conscience que je peux travailler directement de Chantilly et accepte que la plupart de mon travail soit fait d’ici où je reprends un bureau aux Aigles. Aussi pour la bonne marche et la logique des choses, je vais être à Chantilly tout en continuant à bénéficier des avantages du Comité du Siège et donc toujours de ... sa cantine... Heureusement les choses sont différentes car au Siège nous avons le choix entre la cantine et des tickets restaurants, tickets que je serai donc contraint d’accepter mais qui ne me permettent pas de manger à la cantine de Chantilly... ils me serviront toutefois lorsque je sortirai au restaurant...

Re-bureaux des Aigles à Chantilly

Toute l’année 1997 se déroulera sous le même statut avec en plus la reprise en main des services administratifs de Chantilly. Pas d’incident notable à noter tout au long de cette année.

En 1998, une « prise de bec » en public avec Monsieur Weibel, Directeur des Sites, suite à une remarque totalement désobligeante pour une futilité, me fait ouvrir une section syndicale cadre à Chantilly du jour au lendemain à la grande stupéfaction des uns et des autres... d’autant qu’aux moments des élections je passe un protocole avec la section ouvrière de la CGT se trouvant sur place afin de ne présenter que des listes uniques...

Mes responsabilités vont de ce fait augmenter car viennent s’y rajouter celles de délégué syndical et je prends ce rôle très au sérieux en cette période de restructuration sociale à l’intérieur de ma Société. Ce double rôle ne me gêne en rien malgré la difficulté... et bien que je n’aie plus rien à attendre de cette Société et de ces directeurs qui n’ont pas cessé d’abuser de ma bonne volonté sans jamais m’en donner un seul retour je sais très bien faire la part des choses et ne rien mélanger de mes responsabilités.

Je vais donc désormais et, pour finir ma carrière, me lancer au maximum : Délégué Syndical, Représentant Syndical au Comité d’Etablissement, Elu au Comité d’Etablissement, Représentant élu au Comité Central d’Entreprise dont je deviens trésorier adjoint, Membre à ce niveau de diverses commissions dont celle du Personnel et celle des Logements, Membre représentant du Personnel au Comité d’Administration de La Société de France Galop. Je dois avouer ne plus avoir trop de temps devant moi en dehors des nombreuses réunions qui me réclament de ci, de là tant sur le plan « France-Galop » que sur le plan national des Sociétés de Courses.

C’est aussi une étape importante pour le personnel de la Société car c’est le moment de la concertation de la Nouvelle Convention Collective puis des Accords d’Etablissement au niveau desquels j’obtiens avec l’aide du délégué de la CGT la conservation de nombreux avantages pour Chantilly autant pour les plus anciens que pour les nouvelles recrues.

C’est aussi une bonne époque pour moi où je me sens utile à quelque chose et où malgré tout on me respecte malgré la méfiance que la direction a parfois vis-à-vis de moi... mais ma position me permet d’avoir d’excellents contacts et de bonnes relations tant avec notre nouveau Directeur des Ressources Humaines, Monsieur Servignat (Monsieur Weibel, mon ex-Directeur des Sites, a quitté ce poste après un échec cuisant de négociations à Chantilly sur les Accords d’Etablissement dû en partie à mon intervention), notre Directeur Général et notre Président, Monsieur Lagardère.

Le travail accompli, mon ami Amédéo, délégué syndical CGT, quitte la Société au 1er Juillet 2000. Je le suis six mois plus tard au 31 décembre 2000. Ne pouvant plus négocier nos départs, nous nous faisons licencier et, avec une bonne indemnité (mais rien toutefois de plus que la normale accordée par Convention Collective... « ne rien devoir à personne et partir la tête haute »), nous pointerons l’un comme l’autre au chômage ; pour ma part jusqu’au 30 Juin de l’an de grâce (ce fut véritablement une grâce) 2002.

J’en terminerai ici avec cette simple réflexion : je n’ai aucune honte à avoir été inscrit aux ASSEDICS, auxquelles je n’ai en fin de compte rien coûté car après avoir encaissé le montant de l’indemnité que ma Société a dû payer pour licenciement d’un salarié de 57 ans et m’avoir versé mes quatorze mois d’indemnités de chômage, il leur est resté une somme bien rondelette dans leur escarcelle pour payer un bon nombre d’autres chômeurs.

J’en terminerai avec cette trop longue histoire par cette lettre que m’a fait parvenir notre Directeur Général, missive datée du 2 janvier 2001 :

Cher Monsieur,

J’ai eu connaissance de votre message d’au revoir du 18 décembre dernier et je souhaitais, en ce début d’année, formuler des vœux pour vous-même et votre famille pour une heureuse nouvelle vie, loin de France GALOP.

Je souhaite également très sincèrement qu’avec le recul du temps, seuls les très bons moments passés parmi nous au cours des 35 années consacrées à notre Société d’Encouragement restent gravés dans votre mémoire.

En vous renouvelant mes remerciements pour votre fidélité à notre entreprise, je vous pris d’agréer, Cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Louis ROMANET

A elle seule cette lettre, pour moi, est une reconnaissance du travail accomplie et je n’en demande pas plus aujourd’hui.

Il ne me reste plus qu’à vous parler de la petite famille que j’ai fondée et de la vie que j’ai menée avec elle.

J’ai fait la connaissance de ma future femme dans la propriété de mes grands-parents, le Mesgouëz, propriété dont j’ai déjà parlé et où j’ai vécu, certes, les plus belles années de ma jeunesse en une époque il y a longtemps révolue et que malheureusement mes enfants et petits-enfants n’auront pu connaître qu’à travers ce court témoignage que j’ai désiré leur laisser.

Nous nous sommes connus au cours du mois d’août 1959 alors que, peu de temps après l’accident de santé de son papa, elle était venait passer ses vacances au Mesgouëz avec ses parents et ses deux frères.

Ma vie familiale et professionnelle

Il ne me reste plus qu’à vous parler de la petite famille que j’ai fondée et de la vie que j’ai menée avec elle.

J’ai fait la connaissance de ma future femme dans la propriété de mes grands-parents, le Mesgouëz, propriété dont j’ai déjà parlé et où j’ai vécu, certes, les plus belles années de ma jeunesse en une époque il y a longtemps révolue et que malheureusement mes enfants et petits-enfants n’auront pu connaître qu’à travers ce court témoignage que j’ai désiré leur laisser.

Nous nous sommes connus au cours du mois d’août 1959 alors que, peu de temps après l’accident de santé de son papa, elle était venait passer ses vacances au Mesgouëz avec ses parents et ses deux frères.

Août 1959, l’été de la première voiture d’Yves, une traction-avant, l’excursion avec Michel de Massol au château du Taureau, le grand-jeu « enlèvement d’un enfant d’une colonie de vacances »... des vacances en famille formidable...

Christine et moi étions cousins issus de germain car nos deux pères étaient de véritables cousins par ma grand’mère. Christine avait alors un peu moins de 14 ans et moi tout juste un peu plus de 17... mais depuis un an j’étais à l’école apostolique des Pères de Picpus située à Sarzeau.

A partir de ce moment cependant j’ai gardé avec elle un contact épistolaire (à sens unique) ou parfois même téléphonique (lorsque l’occasion m’était donnée au cours de promenade mais toujours « en cachette »). Nous nous sommes aussi revus l’année suivante, lors d’un séjour de vacances qu’elle a refait, toujours avec ses parents, dans la région de Pont l’Abbé. Je me souviens qu’à l’époque j’allais en bicyclette la voir et que je m’arrêtais sur la route pour faire une provision de crêpes bretonnes que je leur apportais après les avoir solidement attachées sur le porte bagages de mon vélo.

Avant mon entrée en classe de philosophie, nous nous sommes aussi revu « en amoureux » à La Baule où elle gardait des enfants chez l’un de ses cousins. J’y passais juste une journée mais je me souviens d’une grande ballade que nous fîmes alors, elle sur le porte-bagages de ma mobylette (ce qui nous valu de nous faire arrêter sur un pont de la Baule par la maréchaussée), et qui nous mena tout le long des côtes des presqu’îles de Guérande et du Croisic... Heureux moments de l’amour...

Nous nous sommes surtout revus au cours de mon service militaire à Vincennes pour mes classes puis chaque fois qu’une permission me permettait de passer par la capitale et enfin dès mon arrivée à Chantilly où elle venait pratiquement un week-end sur deux me voir avec son frère Michel et où nous passions des jours plus qu’heureux.

Nous partîmes en vacances ensemble au mois d’août 1967. Notre route nous conduisit tout d’abord au Mesgouëz où nous déposions ma grand’mère et tante Cricri. Nous ne fîmes qu’y passer rapidement et poursuivîmes sur Lascamps tout d’abord puis, tout en suivant la côte, sur Chef-Boutonne où nous attendaient ses deux frères : Michel et Bernard. Je me souviens entre autre, à Chef-Boutonne, de nous être dormis sous une petite tente au milieu d’un champ et de nous être réveillés le lendemain matin au beau milieu d’un... troupeau de vaches... Nous descendîmes ensuite, en deux voitures sur l’Espagne, passant la frontière à Irun et regagnant Lloret De Mar où nous allions rejoindre la famille Wabble, par des routes plus que désertiques partageant parfois des chambres d’hôtel ou dormant sous la tente et dans la voiture.

C’est à la fin de ce séjour, alors que j’étais seul sur la route du retour, ayant exceptionnellement laissé sur place Christine et ses deux frères - ils auraient en effet dû tous repartir le même jour que moi mais Michel ayant fortement insisté aux grandes récriminations de Christine les avait quelque peu contraint à rester un jour de plus en raison de la Saint Bernard, que ce dernier fut victime d’un accident de voiture... c’était un 18 août, jour où l’on enterrait en Bretagne et à mon insu ma propre grand’mère...

Dans ce contexte, début 1968, nous prîmes la décision de nous fiancer officiellement, à l’étonnement général (!!!) et malgré une certaine opposition de nos parents respectifs pour des raisons d’ordre éthique (n’oubliez pas que nous étions cousins !) et financier (ma situation à l’époque n’était guère brillante ni surtout rémunératrice !). Nous nous mariâmes en la basilique Sainte Clotilde de Paris le 25 mai 1968, en pleine « manifestations » et entre les barricades plantées de ci de là à travers tout Paris et principalement dans tout le quartier latin.

Malgré l’ambiance qui régnait sur toute la région parisienne et les conseils donnés par les uns et les autres, nous partîmes en voyage de noce vers les Alpes que Christine ne connaissait pas. Nous séjournâmes en ce lieu qui est pour moi privilégié : La Grave. Nous montâmes jusqu’au refuge Chancel alors que la neige était encore bien présente au sol. En ce temps là, faut-il le préciser... le téléphérique n’existait pas... Nous terminâmes ce voyage par Toulon où les Yves nous reçurent très gentiment dans leur jolie villa des « Magnolias » et où les enfants nous réveillèrent le lendemain de notre arrivée à grands coup de gants de toilette bien humidifiés.

Nous logeâmes tout d’abord dans une espèce de tout petit studio, rue du Connétable à Chantilly, au dessus d’un ancien boxe transformé en remise chez la famille les Lefébure. Par la suite, la Société mit à notre disposition (moyennant loyer, il va de soit) une petite maison de plein pied quai de la Canardière. C’était une ancienne laverie. Cette maison se composait de deux pièces séparées par un petit cabinet de toilette, l’une nous servait de cuisine - salle à manger, l’autre de séjour - chambre à coucher. Malgré le confort très relatif et l’humidité environnante, j’aimais bien cette petite maison avec son jardin que nous avions, avec beaucoup de mal, fort bien aménagée, sa source qui nous servait de frigidaire et surtout son grand lavoir, tout entouré de murs, que je nettoyais tous les quinze jours. Aujourd’hui cette maison n’existe plus, elle a été rasée et on y trouve maintenant de jolis petits HLM.

Nous partîmes ensuite pour Gouvieux dans une grande maison avec un gentil petit parc et bordant une écurie de courses. Nous la partageâmes avec deux autres familles de la Société : les Meurant et leurs quatre enfants, nos amis : les Houville... nous y formions tous comme une grande famille et l’ambiance amicale que l’on y avait créée (me rappelant un peu celle de Kérivoal à Quimper) était très sympathique. Deux petits studios étaient aussi occupés par des infirmières du Centre Médico Chirurgical des Jockeys.

Malgré l’étroitesse de cette maison, maman vint y faire un court séjour et nous recevions régulièrement des amis anciens moniteurs du Centre de Joinville ainsi que des amies de Christine.

C’est alors que nous habitions dans cette grande maison où, sur une petite centaine de mètres carrés, nous occupions un deux-pièces – cuisine – salle de bain, que naquit au Centre Médico Chirurgical des Jockeys, le 25 Juin 1971, notre premier enfant : Nicolas. Le jour du baptême de son petit-fils, papa accompagné de tante Cricri se joignit à nous et demeura quelques jours parmi nous.

Deux années plus tard, le 27 Juillet 1973, à la maternité de la clinique Saint Joseph de Senlis débarquait à son tour notre deuxième enfant : une petite fille que nous prénommerons Aude. Son baptême, quant à elle, se déroulera à Herblay en même temps que celui de sa cousine Lara, fille de mon frère Michel.

Plus tard nous acquîmes une maison dans une petite citée : « le Vert Village » à Verneuil en Halatte. Nous nous y fîmes de très bons amis et créâmes une Association amicale avec laquelle nous organisâmes de multiples activités : participation à la fête du village, soirée costumée, rallye voiture et que sais-je encore... nous nous retrouvions fréquemment chez l’un ou l’autre autour d’un verre ou d’un bon barbecue... Nous étions pratiquement qu’entre gens du même âge et les enfants y avaient aussi de bons copains... du moins je le suppose...

C’est au cours de cette période que nous acquîmes aussi notre quote-part Villard de Lans... aussi passions nous une bonne partie de nos vacances en montagne : une semaine durant les vacances de Pâques puis les quinze derniers jours du mois d’août ; au mois d’août, mes beaux-parents nous accompagnaient la plupart du temps ; à Pâques une année, évènement exceptionnel, papa et maman, tous les deux ensemble, nous y accompagnèrent.

Cet évènement m’en remémore un autre tout aussi exceptionnel pour moi. En effet, au cours de l’été 1966 je suis parti avec ma « 203 Peugeot » en compagnie de papa et maman pour une longue virée qui nous mena jusqu’à Toulon chez les Yves puis, après avoir remonté les Alpes jusqu’à Briançon via Sisteron où nous visitâmes quelques vieux amis des temps jadis, nous traversâmes le Massif Central, direction Saumur où nous attendait les Jean avant de regagner Lascamps. Je garde un excellent souvenir de ce périple seul avec eux deux malgré la route d’autant plus longue à l’aller que papa me fit quitter l’autoroute dès Fontainebleau car il appréhendait de rouler sur autoroute...

Revenons à nos moutons... nous fîmes aussi la découverte du camping avec nos amis les Houville qui, une année, nous entraînèrent sur un « **** » dans la région de Bayonne – Saint Jean de Luz. Moi qui m’étais juré de ne jamais camper, je me précipitais aussitôt de retour sur le parking de notre supermarché et j’achetai illico presto une grande tente avec tout le matériel nécessaire, y compris la remarque pour la transporter.

Il faut avouer que j’avais souvent l’habitude de prendre nos grandes décisions rapidement... ainsi pour cet achat, ainsi par la suite pour nos parts de Villard, achetées alors que la voiture était chargée et que nous allions quitter Villard où nous venions de séjourner invités par des amis, ainsi aussi plus tard pour l’achat de notre maison de Verneuil, visitée au hasard alors que nous dînions chez des amis et décision aussitôt prise. C’est peut-être ce qui a quelque peu marqué le cours de ma vie toute entière...

L’année suivante nous passions une partie de nos vacances d’été dans les Landes, au camping du « Vieux Boucau » où nous retournâmes l’année suivante. Nous allâmes aussi en Corse, une première année à Ajaccio où les beaux-parents de Bernard le frère de Christine, nous avait prêté leur appartement, rue Fesch. Ce fut un tellement bon séjour que nous y retournâmes mais cette fois-ci au camping, près de Propriano. Au cours de ce dernier séjour, nous connûmes sous la tente une « nuit bleue » et cela nous dégoûta un peu de cette île pourtant si belle.

Nous fîmes aussi plusieurs séjours en Bretagne, à Lascamps même ou parfois en location chez Madame Gélaeff ou même chez l’un ou l’autre de mes frères (une fois chez les Jean, une ou deux fois chez les Henri. Une année, nous avions même loué une petite barcasse à moteur et nous passions les trois quarts de notre temps en mer à la pêche.

A Chantilly, nous sortions très fréquemment en forêt, il faut avouer que nous sommes gâtés en ce sens avec cet immense massif des forêts de Chantilly, d’Ermenonville et d’Halatte et la proximité de nos habitations. Nous y faisons, dès les premières années, de nombreuses et bonnes petites randonnées avec ou sans les enfants, nous y suivons les chasses à courre (c’est là que mon frère Michel en attrapera sans doute le virus), nous y cueillons les fleurs, nous y découvrons les « grands animaux ».

Grâce à mon époque « démoustication », nous allons aussi régulièrement à Deauville... j’y ai pratiquement un assez grand pied à terre pour y recevoir aussi mes beaux-parents qui, du même coup nous y accompagnent régulièrement.

C’est aussi l’époque des amis, les Palmer, les Bonzon, les Houville, les Plasse, plus tard les Montagne, les Cauchy, des amis sincères, des amis fidèles avec lesquels nous partageons beaucoup de choses. C’est une époque heureuse, pas toujours très facile (ma situation ne nous permet pas de vivre financièrement comme nous le souhaiterions parfois) mais nous sommes heureux en famille avec nos enfants et entourés de nos amis... même si... et même si...

1987, 9 Juin... papa décède brutalement. Depuis déjà un certain nombre d’année déjà il avait des problèmes cardiaques et ces derniers s’étaient parfois compliqués d’œdème au poumon qui nécessitait de temps à autre son hospitalisation. La semaine précédente, chez Odile à Marly, papa et maman nous avaient tous réuni pour une grande fête de famille à l’occasion leurs noces d’or et rien ne pouvait nous laisser présager une fin si rapide. La veille vers midi je l’avais eu au téléphone et quoique fatigué il avait bon moral.

Ce départ perturbe la totalité de ma vie et vient créer mille problèmes dans ma famille : problème d’argent et de succession pour la plupart... faisant naître des brouilles et divisant frères et sœurs en deux, en trois... mettant ma maman en difficulté morale... Cet état de chose et mon attitude, prenant la défense des intérêts de ma maman, fait naître aussi un total esprit d’incompréhension dans mon propre couple et les affaires se dégradent très rapidement... je n’admets pas principalement que l’on critique celui qui vient de nous quitter et qui nous a tant aimé...

C’est le jour où nous célébrions leurs noces d’Or que j’apprends qu’une cousine de mon frère Henri vient de perdre tragiquement son fils aîné. Elle s’appelle Nicole et j’avais eu l’occasion de la rencontrer lors du mariage de ce dernier... il y a bien longtemps. A l’époque, j’avais 19 ans et étais à Sarzeau, elle n’en avait que 12 ans et rêvait de devenir religieuse ; nous avions alors correspondu toute une année ensemble mais nous ne nous étions jamais revus. Cette tragédie vécue par elle sera l’objet unique et sans aucune arrière-pensée de mon premier courrier... il s’en suivra d’autres tout aussi respectueux mais qui nous conduirons peu à peu au désir de nous rencontrer.

Le 3 décembre 1988, à la grande stupéfaction de tous, je pars avec elle. Nous nous installons dans le Lys où une amie m’a prêté un appartement puis à Fleurines où Nicole achète une fermette.

Contrairement à ce que tout le monde croit alors, notre départ dans cette nouvelle vie est loin d’être un véritable Paradis... l’un comme l’autre sommes en permanence pris de remord mais tout le monde nous tourne le dos : famille, amis... et leur attitude finit par avoir l’effet inverse à celui recherché : elle nous rapproche plus qu’elle nous sépare... Je suis mis au rencard par tous les miens : ma famille m’a totalement rejeté, ma maman a interdiction de nous voir, mes enfants eux-mêmes me fuient... Je ne juge personne, bien au contraire, mais cette attitude nous conforte l’un avec l’autre (pour moi, je n’ai plus que Nicole !) et nous allons finir par nous bâtir un petit bonheur ensemble et par renaître... et par revivre... mais l’un comme l’autre nous revenons de loin !!!

Mes amis vont désormais être ceux de Nicole... presque tous les autres ont disparu comme neige au soleil... deux seuls me restent fidèles : mon ami de stages, Dominique... il se tue dans un accident de voiture... Bob, avec lequel je chasse et fais les quatre cents coups... il meurt d’un cancer peu de temps après... à croire que, dès lors, je porte la poisse... en deux ans je n’ai plus personne...

Sidonie, la fille de Nicole, vient vivre avec nous tandis que son frère Youri reste avec son père à Metz. Des problèmes personnels amèneront aussi Aude à venir nous rejoindre contre son gré pour une année entière, celle de son baccalauréat.

C’est au cours de cette année avec nous que le 3 décembre 1990 mon troisième enfant, le petit Dominique, arrive au monde. Tout comme Aude il naît à la maternité de Senlis et, pour moi autant que pour sa maman, il est le bienvenu en ce monde... même si il vient aussi la perturber car il devient en même temps le point de « non-retour »... mais il n’y est pour rien, lui, pauvre petit être déjà rejeté par beaucoup mais tant aimé par ses parents dès son arrivée parmi nous.

Ma nouvelle vie est totalement transformée. Nicole se prend au jeu du monde des courses et nous assistons régulièrement aux grands prix de Chantilly, allant même voir l’Arc de Triomphe à Longchamp et « en queue de pie » mazette ! Nicole aime beaucoup recevoir et le château d’Helfedange, propriété de ses parents, est un énorme atout dans ce genre... aussi chaque fois que nous allons y passer quelques vacances y invitons-nous nombreux de ses amis. Pour fêter comme il se doit le passage de mes 50 ans, elle y recevra pour un week-end entier de fête une bonne cinquantaine d’amis, adultes et enfants réunis dans une ambiance saine et chaleureuse.

Malheureusement nos caractères ne sont pas forcément pour s’entendre à merveille et peu à peu les problèmes naissent entre nous... problèmes graves et sans retour... dû principalement à notre jalousie respective...

Le 4 septembre, elle m’apprend qu’elle vient de rencontrer un autre homme et me donne le choix : accepter ou partir... je ne peux faire autrement qu’accepter mais ma vie deviendra un enfer et je tombe malade mis en arrêt de travail dès le 9 du même mois. Nicole passe désormais une partie de ses nuits à l’extérieur, partant après le coucher de Dominique et revenant au petit matin, s’absentant les week-end, seule puis emmenant Domi avec elle. Le 3à Septembre elle me remet en main propre dans le jardin de sa maison une lettre me demandant d’avoir quitter les lieux le soir même... Le 2 octobre au matin, elle emmène Dominique je ne sais où et me préviens par téléphone le soir même : « tu ne reverras plus les enfants tant que tu n’auras pas déguerpis ! »

Le 4 octobre, à 2 heures du matin, je m’endors tranquillement... ma vie doit s’arrêter ici...

A 14 heures 14, je suis admis dans un coma profond, au service des urgences du nouveau Centre Hospitalier de Compiègne où j’ai été transporté par le SMUR. Je vais y passer deux semaines au total, cinq jours en service de réanimation dont trois dans un coma profond au cours desquels le médecin ne se prononcera pas auprès de mes enfants durant les trente premières heures... puis une semaine de repos et d’examens.

Pendant ce temps j’ai été remplacé au pied levé. Le 5 octobre à 11 heures du matin, malgré la présence de mon petit Dominique revenu comme par miracle à la maison, un autre homme s’installe chez Nicole. Le soir même tout le village pourra d’ailleurs les voir ensemble, en compagnie de Dominique qui ne doit rien y comprendre, au cours d’un dîner dansant organisé par la commune... on viendra très vite s’en étonner auprès de moi à l’hôpital...

Durant cette hospitalisation j’ai totalement retrouvé mes enfants qui ont été admirables avec moi, m’assistant, me remontant le moral, me prenant en charge, même mon gendre qui débarque un soir, seul et à l’improviste, avec un magnifique bouquet de fleurs. Mes frères Jean et Michel seront aussi là à mes côtés et la plupart des autres par téléphone. Ma maman aussi m’appellera plusieurs fois. Enfin mon petit Dominique, grâce à mon frère Michel qui est passé le prendre viendra me voir et restera tout un après-midi en ma compagnie.

Christine aussi sera là et ce dès le premier dimanche alors que, ayant été alerté par le médecin que j’étais, semblait-il sorti d’affaire, Nicolas l’a prévenue. Elle viendra me voir à plusieurs reprises et c’est elle qui me sortira de là le jeudi 17. Je m’installerai chez elle à Château-Thierry et nous essayerons de reprendre une vie ensemble mais, après les fêtes de fin d’année, alors que nous avons passé Noël ensemble avec les enfants, Dominique y compris, puis le Premier de l’An en compagnie de sa maman... elle me jette à son tour... juste retour des choses...

Entre temps et presque aussitôt ma sortie du Centre Hospitalier, Nicolas et Cemil s’étant chargés de transporter sur Château-Thierry le peu d’affaires que j’avais à Fleurines, je pars une semaine avec Aude pour un petit voyage de « changement d’air » à travers la France. Nous descendrons sur Villard en passant par les Vosges puis nous filerons jusqu’à Tulle chez une Amie à travers le Massif Central.

Après quatre mois au total d’arrêt maladie, je reprends mon travail à Chantilly d’où l’on m’a autorisé à exercer mes activités de la Direction des Sites. Ma vie sera austère d’autant plus que Nicole me met brutalement mille bâtons dans les roues par rapport à Dominique.

En effet, après m’avoir laissé le voir et le recevoir à Château-Thierry puis à Chantilly où la Société a mis gracieusement un appartement à ma disposition en centre ville, après m’avoir laissé partir en Bretagne avec lui pour une semaine en février...elle va m’interdire de le voir suite à une demande que j’ai faite auprès d’un juge pour officialiser la situation. Il va s’en suivre une période difficile de bagarres juridiques au cours de laquelle Dominique est totalement pris en otage, privé de vacances de Pâques avec moi et mes autres enfants en montagne, privé de vacances d’été à la montagne, été qu’il passe en partie dans un centre aéré de Senlis entre les quatre murs d’une école, lui qui a une sainte horreur de l’école...  et tout simplement privé totalement de me voir.

La Justice française sera déplorable et mon avocate tout autant, je ne suis pour elle qu’une source de revenus et plus les choses traîneront, mieux se sera... les intérêts de Dominique sont bien en arrière plan (chaque fois que je la rencontre il faut que je lui remémore toute l’affaire, c’est tout juste si elle se souvient de mon nom !). Malgré tous les témoignages en ma faveur tant de ma famille que de mes responsables hiérarchiques professionnels et un long temps Nicole obtiendra gain de cause devant une juge sans cœur ni foi, ni loi. Je finirai tout de même dans un premier temps par obtenir un simple droit de visite mais pas de droit d’hébergement comme si j’étais un père pervers, indigne et dangereux...

Alors que le dimanche 15 novembre je demande à Dominique ce qu’il souhaiterait comme cadeau pour Noël, il me fait cette simple réponse : « Mon plus beau cadeau serait que je couche chez toi ! ». Il nous faudra encore attendre jusqu’aux fêtes de fin d’année, la nuit du Premier de l’an 1998 que Nicole va passer dans l’Est pour qu’elle consente à lui laisser réaliser son rêve. A partir de ce début de nouvelle année notre vie va redevenir quasi-normale.

En Octobre 1998 j’achète la maison de Pont. Bien que désormais seul et n’envisageant en aucun cas pour le moment de refaire ma vie, j’ai choisi une grande maison dans l’espoir de pouvoir y recevoir mes enfants et petits-enfants. Elle deviendra surtout la maison de Dominique qui la prend en grande affection et aime y venir les week-ends et même y rester au cours de ses séjours en vacances. Quant aux deux autres, que ce soit Nicolas ou Aude, il semble qu’ils aient leur vie de leur côté et, mis à part la fête de Noël où je reçois tout mon petit monde, ils n’en profitent absolument pas me faisant parfois regretter d’avoir acheté si grand et surtout en ce lieu... peut-être aurai-je pu m’en aller soit sur la Bretagne où j’ai aussi tant de souvenirs ou sur le Vercors, montagne que j’affectionne tout particulièrement.

Mais je vis heureux m’étant sans problème adapté à ma solitude. Depuis le 15 décembre de l’an 2000 j’ai arrêté mon travail professionnel puis ai pu prendre ma retraite au 30 Juin 2002. Depuis ma vie est surtout faite de balades forestières dont je vous conterai peut-être parfois sur ce site quelques unes plus marquantes. Selon les saisons, je ramasse au printemps des fleurs : ayots, clochettes, muguet et à l’automne des champignons : coulemelles, cèpes, petits violets, chanterelles. Je cueille aussi en grande quantité mûres en forêt et framboises en montagne et fais donc grande provision de gelées qui me durent toute l’année. Je ramasse à travers la campagne noix et châtaignes, cerises et poires sauvages.

J’ai aussi créé une petite association avec quatre anciens de la Société d’Encouragement et ouverte aux personnels retraités d’une part mais aussi au personnel actif de France Galop ayant été salarié de la dite Société. Cette association qui ne marche pas très bien car les gens sont durs à remuer, me permet aussi de me retrouver une fois par mois avec certains anciens autour d’une table pour un simple repas amical.

Je ne serai pas entier dans ma réflexion si je ne vous parlais pas de ma descendance :

Marie-Christine tout d’abord m’a donné deux superbes enfants : Nicolas et Aude que j’aime de tout mon cœur, auxquels peut-être, auxquels sans nulle doute j’ai fait du mal, je leur en demande humblement pardon

Mais surtout je vis pour mon petit Dominique qui, lui, me le rend au centuple.

Le 4 octobre 1997 je suis mort à une vie mais je suis ressuscité à une autre totalement différente. Aujourd’hui je vis à « cent à l’heure » profitant au maximum de tous les bienfaits que cette nouvelle vie veut bien m’accorder. J’ai totalement changé dans ma mentalité, dans ma façon de penser, dans ma façon d’agir... je suis très certainement un autre homme. Je pense être ouvert à tous et à chacun, enfants, frères, sœurs, amis, passant sur mon chemin mais je ne prends plus le temps d’attendre, la vie est trop courte et passe trop vite pour que je puisse nous en gâcher le peu qu’il m’en reste... alors...

« QUI M’AIME ME SUIVE ! »